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Les sommaires de l'Echo de Savoie Découvrez la Ligue Savoisienne
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Echo de Savoie n°67 (octobre 2003)
 
A - Sommaire :
 
1 La nouvelle alliance
    1-1 _ Nice et Savoie: la nouvelle alliance.
    1-2 _ Les 27 et 28 septembre 2003: Les Savoisiens à Nice (reportage).
    1-3 _ Charte
2 Les actualités
    2-1 _ Les Conseillers généraux attendent les ordres: l'Assemblée (des Pays) de Savoie mise en veilleuse.
    2-2 _ Langues régionales: le Parlement européen demande une loi.
    2-3 _ Pays de Galles: le parti Plaid Cymru opte pour l'indépendance.
    2-4 _ Les rats quittent le navire.
    2-5 _ Le préfet Carenco stoppe un bus à la frontière.
    2-6 _ Qui paiera les dégâts du G8?
    2-7 _ Le député Bouvard et d'autres élus bientôt en correctionnelle?
    2-8 _ CDA: une privatisation laborieuse?
    2-9 _ Un Annécien se place sur le marché de la biométrie.
    2-10 _ Flambée immobilière: en Bretagne aussi.
3 Environnement
    3-1 _Chronique sur l'effet de serre en Savoie (suite).
4 Magazine
    4-1 _ L'anti-helvétisme des Français: l'exemple jurassien.
    4-2 _ Réjouissances et surprises aux éditions Cabédita.
    4-3 _ Grande exposition sur les Allobroges à Chambéry puis à Annecy. Cruseilles les 30 et 31 août.
    4-5 _ Diaspora savoisienne.
    4-6 _ Putain d'usine.
    4-7 _ Autour du Mont Blanc.
    4-8 _ Jean-François Bernardini (I Muvrini) au festival interceltique 2003: "Additionnons nos singularités pour être reconnus!"
    4-9 _ Le festival interceltique en bref.
5 Histoire
    5-1 _ Un Réveil au Pays du Mont-Blanc. La Roche sur Foron, imprimerie du Mont-Blanc, 1933.
6 L'écho de la Ligue
    6-1 _ Vers des lendemains meilleurs.
    6-2 _ "Un combat pour la Corse" d'Edmond Siméoni.
    6-3 _ Carnet savoisien.
7-1 _ Souscription pour L'Écho de Savoie.
8-1 _ Courrier des lecteurs. Bravo L'Écho!
 

B - Dossiers

1-1 _ Nice et Savoie: la nouvelle alliance.

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(Allocution prononcée par Jean de Pingon à Nice, le 28 septembre 2003, lors de la signature de la nouvelle charte d'alliance entre Nice et la Savoie)
"Les temps changent, les peuples demeurent, ceux de Nice et de Savoie se retrouvent enfin. Ils furent annexés par la France il y a de cela 143 années, 143 années de massacres au front des grandes guerres, de spoliations, d'envahissement rampant, 143 années d'intoxication, d'empoisonnement, de pollution, 143 années pendant lesquelles la puissance annexante a tout fait pour que Niçois et Savoisiens oublient leur identité et se pensent français à force de mourir pour et par la France.
Mais les fossoyeurs de notre histoire ont échoué, ces 143 années de calvaire pour les peuples savoisien et niçois n'ont pas suffi à effacer leur mémoire. Elle demeurait, secrète, tel le cristal au creux de la roche, elle demeurait gravée telles ces images jaunies qui ornaient les murs de nos vieilles demeures et peuplent nos souvenirs d'enfance.
Sans même le savoir nous la portions en nous cette mémoire de nos deux peuples unis. Rien ni personne n'aurait pu effacer le souvenir de l'ancienne alliance car elle participait de la mémoire collective de deux peuples bafoués.
Et voilà que nous sommes là, Niçois et Savoisiens, six siècles et quinze années après le premier pacte, de nouveau réunis dans le même combat, pour signer une nouvelle charte d'alliance dans le même désir de paix, de prospérité, et de liberté.
Mais qu'on ne s'y trompe pas, nous ne sommes pas ici pour rabibocher les blessures de l'histoire ou pour ressasser les anciennes gloires, nous sommes mus par un projet politique, un projet novateur, nous voulons désannexer Nice et la Savoie, nous rejetons la sclérose française, un siècle et demi de francitude, c'est plus que suffisant!
Nous n'en voulons plus de cette vieille France caniculée qui se referme sur elle-même pour cacher sa misère, de cette vieille France qui crache sur l'Amérique et qui tousse sur l'Europe!
C'est pour s'ouvrir au monde et pour mieux vivre l'Europe que Savoie et Nice veulent retrouver leur souveraineté et se débarrasser à jamais des institutions françaises surannées.
Nous avons été dupés, trompés, exploités par la puissance annexante, mais c'en est fini de ce siècle et demi d'humiliation, nous savons aujourd'hui dans quelles ignobles conditions la France a annexé Nice et la Savoie, nous connaissons tous les détails du vote truqué et toute la duplicité des protagonistes de l'annexion et de leurs successeurs: les préfets, qui se sont succédés sur nos terres pour y établir l'hégémonie française. C'en est fini de tout cela, la forfaiture se retourne contre ceux qui l'ont ourdie.
Au vu du droit international Nice et Savoie demeurent des pays annexés où la république française n'a d'autre légitimité qu'un traité aujourd'hui caduc et abrogé. Ce traité, qui fut suspendu durant la dernière guerre mondiale, n'a pu être légalement rétabli, les dispositions du traité de paix du 10 février 1947 —qui visaient à ce rétablissement— n'ont pas été respectées, en sus d'être caduc le traité d'annexion est abrogé, définitivement abrogé!
Les peuples de Nice et de la Savoie sont à présent libres —selon le droit international et national— de reprendre le cours de leur histoire, de retrouver leur dignité et leur souveraineté. C'est pourquoi les représentants de ces deux peuples signent ce jour une nouvelle charte d'alliance.
L'acte de 1388 était une alliance d'armes, les troupes angevines, inféodées à la couronne de France, campaient devant Saint-Paul de Vence lorsque cet acte fut signé. Si cette alliance avec la Savoie ne s'était pas réalisée Nice aurait été ruinée par les serviteurs de la France.
Aujourd'hui encore les serviteurs de la France menacent de ruiner Nice en l'entraînant dans son inéluctable déchéance, tout comme ils ruinent la Savoie pour nourrir la faillite française.
Mais l'acte que nous signons au nom des peuples de Nice et de la Savoie n'est pas une alliance d'armes.
Aujourd'hui nul ne méconnaît le droit des peuples, et c'est donc un pacte de droit que nous ratifions en nous réclamant de la Charte des Nations-Unies et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, un pacte de droit afin que nos peuples retrouvent, de façon légale et pacifique, le chemin de la prospérité et de la dignité, un pacte de droit pour que vivent enfin, libres et souveraines, Nice et Savoie!
J.deP.
1-2 _ Les 27 et 28 septembre 2003: Les Savoisiens à Nice (reportage).
Il n'aura fallu que quelques semaines à Alain Roullier pour passer de la théorie à la pratique. L'Écho de Savoie avait rendu compte en avril-mai (n°63 page 10), avec grands éloges, de son livre intitulé "Nice, demain l'indépendance". Pendant que cet ouvrage, à la fois manuel d'histoire de Nice, brûlot contre les vilenies et autres impostures que cette ancienne cité-État a subies de la France, et programme politique indépendantiste, faisait un tabac en librairie malgré une censure étanche exercée par les grands médias, son auteur passait à la phase d'organisation: adhésion de lecteurs enthousiastes, mise sur pied d'un secrétariat, conférences, rencontres, et promotion du livre et du projet par la réalisation d'une brève plaquette donnant les réponses aux questions les plus fréquemment posées, tournant autour de la préoccupation "Nice indépendante, pourquoi c'est possible..."
Contrairement à ce qu'on pourrait croire en contemplant cette ville encombrée, surpeuplée, à la belle architecture (datant de sa splendeur) largement sinistrée, l'ancien esprit niçois y est encore bien vivace, toujours prêt à se rebeller contre l'ignorance et le mépris, les préjugés et les caricatures que Nice doit endurer de la part des faiseurs d'opinion parisiens et du pouvoir hexagonal, largement responsable d'y avoir implanté et couvert ses propres turpitudes.
Actuellement, les milliers de jeunes supporters de l'OGC Nice, très patriotiques dans l'expression de leur soutien à leurs footballeurs favoris, sont de plus en plus nombreux et enthousiastes à s'intéresser aux thèses brillamment exposées par Alain Roullier.
Dès le début de l'été, la toute nouvelle LRLN (Ligue pour la Restauration des Libertés Niçoises) proposait à la Ligue savoisienne de venir célébrer les 615 ans du premier pacte qui unissait les destins de Nice et de la Savoie: c'était le pacte de dédition (un mot rare, absent de la plupart des dictionnaires mais bien connu dans l'histoire du Pays de Nice. Ce pacte de dédition, signé le 28 septembre 1388 par les représentants élus du peuple niçois (contre l'avis de sa noblesse) leur permettait d'échapper à la menace imminente d'annexion par les troupes provençales mercenaires des Français, en se plaçant sous la protection du Comte Amédée VII le Rouge: celui-ci, en qualité de vicaire impérial, apportait la garantie diplomatique et militaire du Saint Empire Romain Germanique, dont la Savoie faisait partie. La dédition maintenait l'ensemble des libertés niçoises, notamment un régime de libre administration et la jouissance d'un port franc de taxes pour ses échanges. Ces conditions favorables furent respectées loyalement par les monarques de la dynastie de Savoie au fil des siècles, jusqu'aux funestes décennies qui conduisirent à la double trahison de 1860.
La dédition du 28 septembre 1388 fut confirmée en date du 5 octobre 1419 par un traité de cession de Nice au nouveau Duc de Savoie Amédée VIII: le négociateur de ce traité était Jean de Pingon, lointain ancêtre de cet autre Jean de Pingon qui apposa sa signature, le 28 septembre 2003, au bas de notre nouvelle charte d'alliance. Telle n'était pas la seule correspondance entre l'histoire lointaine et l'histoire contemporaine. Madame Anita Garibaldi, descendante du grand niçois Giuseppe Garibaldi, farouche adversaire de l'annexion de Nice et de la Savoie en 1860 et député de Nice en 1871 avec pour programme l'indépendance de son pays natal, avait envoyé d'Italie un message de soutien et une demande d'adhésion à la Ligue niçoise.
C'est précisément Place Garibaldi que s'est joué, samedi soir 27 septembre 2003, le premier acte de la rencontre entre les délégations niçoise et savoisienne: le dépôt d'une gerbe de fleurs devant la statue du héros cher au peuple niçois, qui paya de ses deniers la statue en imposant de débaptiser ce qui s'appelait alors la Place Napoléon. S'ensuivit une conférence de presse: un seul journal publia un reportage sur l'évènement et sa signification, Nice-Matin observant le silence le plus absolu malgré la présence d'une de ses journalistes stagiaires...
Le souper qui clôturait la journée permettait d'établir les premiers contacts personnels entre les 70 Savoisiens qui avaient fait le déplacement (utilisant au mieux leurs véhicules personnels par covoiturage) et leurs hôtes niçois.
Le lendemain 28 septembre, abritées d'une pluie battante sous le porche du parvis de l'église de Saint-Pons, duquel on apercevait toute la ville, les deux délégations ont procédé à la signature d'une charte qui renouvelle une alliance vieille de 615 années. On peut en lire ci-après le texte intégral. Il est clair qu'il ne s'agit pas d'une de ces commémorations fantaisistes, édulcorées ou carrément mensongères dont raffolent les offices de tourisme et les sociétés folkloriques ou honorifiques. Cette Charte affirme sans détour que, du fait de la caducité et de l'abrogation du traité du 24 mars 1860 et d'autres circonstances juridiques, les peuples niçois et savoisien sont à nouveau des peuples libres. Il leur reste à lutter pour retrouver dans les faits cette liberté que la France leur confisque abusivement. Les deux Ligues ont décidé d'unir leurs efforts et leur détermination pour réussir dans cette exaltante entreprise politique. Au bord du Léman comme de la Méditerranée, on n'a pas fini d'en reparler.

 

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à gauche : signature de la Charte. De g. à d. Jean-Luc Normant, Alain Roullier, Jean de Pingon, Patrice Abeille. Tous les participants ont signé à la suite comme témoins. Une messe s'ensuivit immédiatement dans l'église même.
à droite : Alain Roullier et Jean de Pingon.
 

 

 

Il est impossible de passer sous silence, en évoquant ces deux importantes journées de Nice, la parfaite gentillesse de monsieur Roullier et de son équipe. Ils n'ont ménagé aucune peine pour accueillir les Savoisiens dans leur ville, pour la leur expliquer et leur faire apprécier les excellents produits de sa cuisine traditionnelles. Qu'ils en soient encore vivement remerciés.
 
1-3 _ Charte
 
Titre Un: Préambule.
Le 28 septembre de l’an 1388, voilà 615 ans, le peuple de Nice, après en avoir délibéré en place publique, signa librement la Charte de Dédition du Pays de Nice à la Savoie.
 
Le Comte de Savoie Amédée VII, dit " Le Rouge ", entouré de ses gentilshommes et accompagné de 99 Lances, avait dressé son camp le 27 septembre 1388 devant l’Abbaye de Saint-Pons, sur les hauteurs de Nice. Il attendait la décision du Grand Conseil de Nice qui débattait sur l’opportunité de l’alliance que la Savoie avait proposé aux Niçois.
Le Peuple de Nice se voyait menacé par l’armée angevine placée sous le commandement du sénéchal de Marles; celle-ci campait déjà devant Saint-Paul de Vence, s’apprêtant à attaquer la Ville de Nice qui refusait résolument de se soumettre au Comte de Provence. Le Comte de Savoie, Vicaire Impérial du royaume d’Arles pour l’Empereur d’Allemagne, avait déployé la bannière impériale du Saint-Empire et s’était engagé, en cas d’accord avec les Niçois, à les protéger militairement contre les troupes angevines qui soutenaient le parti de Provence.
Après une après-midi de délibérations, " a tertia usque ad vesperas " (de trois heures jusqu’aux vêpres), le Peuple Niçois, contre l’avis de la noblesse, rejeta fermement l’inféodation à la Provence et décida de s’allier avec la Savoie. Le Grand Conseil de Nice délégua donc quatre représentants auprès du Comte de Savoie aux fins de signer la Charte d’alliance qui devait lier les Peuples Niçois et Savoisien durant 472 ans.
Cette Charte, signée pour trois années renouvelables, se déclinait en 34 articles. Elle accordait au Comte de Savoie pleine juridiction sur Nice en échange de la conservation par les Niçois de tous leurs privilèges anciens, juridiques et économiques; elle prévoyait que les Niçois obtiendraient en sus de nouveaux avantages spécifiques dans divers domaines. Le document stipulait formellement trois points essentiels: Nice ne pourrait jamais être cédée à un quelconque seigneur et en particulier au roi de France; en cas de violation de la Charte, les Niçois se réservaient le droit de se rebeller, sans pouvoir être taxés de félonie; dans tous les cas, le château de Nice et les fortifications ne pourraient être livrées à quiconque qu’avec l’assentiment formel des Niçois et de leurs chefs militaires.
Cet accord fut renouvelé définitivement trois années plus tard. Toujours respecté par les parties contractantes, il dura près de cinq siècles. Nice, durant les périodes troubles, les guerres et la révolution française, demeura toujours fidèle à la Savoie et mérita la devise " Nicea Fidelis " qui jadis orna son blason.
Cette alliance d’amitié et d’intérêts eût pu durer toujours si, le 24 mars 1860, la Maison de Savoie qui allait devenir la Maison d’Italie, n’avait pas trahi à la fois la Savoie et Nice en les livrant illégalement à la France par le Traité de Turin en échange d’importants avantages territoriaux dans la péninsule italienne.
En mémoire de cinq siècles d’Histoire et d’amitié, les représentants des Peuples Savoisien et Niçois, constatant qu’aujourd’hui comme hier, les deux Peuples ont toujours les mêmes affinités ainsi que des intérêts politiques et économiques communs, ont décidé de perpétuer cette ancienne alliance en signant une nouvelle Charte entre la Savoie et Nice.
La signature de cette nouvelle Charte intervient le 28 septembre 2003, date anniversaire du scellement de la Charte de 1388, devant l’Abbaye de Saint-Pons, sur les lieux mêmes où 615 ans auparavant, Nice unit librement son destin à la Savoie pour des siècles.
 
Titre Deux: Les Parties Signataires.
Les Peuples Libres de la Savoie et du Pays de Nice ont été annexés frauduleusement en 1860 et provisoirement inféodés à la France par le Traité de Turin. Cependant, juridiquement, ils demeurent, malgré les circonstances et les apparences, des Peuples Libres et Indépendants titulaires d’une souveraineté de Droit.
Leurs droits à la liberté, à l’indépendance et à la souveraineté découlent :
Titre trois: représentation.
Les Peuples Niçois et Savoisien, annexés illégalement depuis 1860, ont vu leurs droits confisqués et ne sont pas actuellement en mesure d’exercer la pleine souveraineté qui leur a été confisquée.
La Ligue Savoisienne et la Ligue pour la Restauration des Libertés Niçoises, qui regroupent des membres de ces deux Peuples, dénoncent le déni de Justice qu’ont subi les deux Pays et se sont fixé pour but de leur rendre leur souveraineté.
À ce titre, la Ligue Savoisienne et la Ligue pour la Restauration des Libertés Niçoises représentent présentement, et à elles seules, les Peuples libres de Savoie et de Nice; elles détiennent de ce fait la souveraineté morale sur ces deux Pays; la puissance annexante ne disposant que d’une souveraineté de fait sans portée juridique et morale, puisque illégalement acquise et conservée par la force.
Quand les conditions permettront que les Peuples de Savoie et de Nice, illégalement annexés, recouvrent leur souveraineté, la Ligue Savoisienne et la Ligue pour la Restauration des Libertés Niçoises, détentrices provisoires de la souveraineté de ces deux Pays, remettront les pouvoirs à elles conférés par les circonstances, aux Peuples Savoisien et Niçois qui, enfin libres, pourront s’exprimer démocratiquement sur les destinées futures de leurs Pays respectifs, hors du système politique vicié et corrompu imposé par la puissance annexante.
Pour toutes ces raisons et circonstances, les Peuples Savoisien et Niçois étant empêchés et politiquement bâillonnés par la puissance annexante, la Ligue Savoisienne et la Ligue pour la Restauration des Libertés Niçoises, qui elles seules contestent véhémentement l’infamie et le déni de Droit qu’ont subis les Peuples Savoisien et Niçois en 1860, en 1870 et en 1947, ont moralement et légalement le droit de signer les présentes et d’engager par là les populations encore conscientes et libres de ces deux Peuples.
La Ligue Savoisienne et la Ligue pour la Restauration des Libertés Niçoises rappellent que l’un des quatre buts que se sont fixés les Nations-Unies est ainsi formulé dans la Charte de 1945: " Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droit des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde ".
Elles rappellent également que la Charte internationale des droits de l’homme établit, à l’article premier de ses deux pactes internationaux relatifs, l’un aux droits civils et politiques, l’autre aux droits économiques, sociaux et culturels (1966): " Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel. ".
Elles rappellent enfin que la Convention de Vienne sur le droit des traités (du 23 mai 1969) énonce en son préambule que les États signataires " sont conscients des principes de droit international incorporés dans la Charte des Nations-Unies, tels que les principes concernant l’égalité des droits des peuples et leur droit de disposer d’eux-mêmes ".
 
Titre Quatre: l'engagement commun.
Pour préparer un meilleur avenir à la Savoie et au Pays de Nice, la Ligue Savoisienne et la Ligue pour la Restauration des Libertés Niçoises (L.R.L.N.) constatant leur parfaite identité de vues sur les plans politique, social, économique et culturel, prennent ensemble les engagements suivants:
Article Un:
La Ligue Savoisienne et la Ligue pour la Restauration des Libertés Niçoises se reconnaissent mutuellement comme seules représentantes de la souveraineté des Peuples Savoisien et Niçois.
Article Deux:
La Ligue Savoisienne et la Ligue pour la Restauration des Libertés Niçoises affirment que le Peuple Savoisien et le Peuple Niçois sont des Peuples souverains, et que leur annexion par la France effectuée en 1860 est illégitime à plusieurs titres.
Article Trois:
Les deux mouvements s’engagent à œuvrer pacifiquement, mais résolument, pour que Nice et la Savoie recouvrent leur souveraineté, dont elles ont été dépossédées de manière inique.
Article Quatre:
Les deux mouvements se consulteront régulièrement de manière à unir efficacement leurs efforts, entreprises et actions de portée juridique et politique, et à manifester concrètement une solidarité dynamique entre les deux peuples.
Article Cinq:
Chacun des deux mouvements aménagera ses statuts, si nécessaire, de manière à réserver, dans ses instances dirigeantes, une place permanente à des représentants du mouvement allié.
Article Six:
Les deux mouvements prépareront les conditions d’une alliance entre la Savoie et Nice souveraines.
Article Sept:
Les deux mouvements rechercheront le soutien d’autres peuples aspirant à recouvrer ou acquérir une légitime souveraineté, et pourront passer ensemble avec les représentants de ces Peuples des accords et alliances s’inscrivant dans le cadre du combat commun.
 
Titre Cinq: Ratification.
Le texte de la présente charte sera soumis pour ratification, dans les six mois suivants, aux assemblées statutaires des membres de la Ligue Savoisienne et de la Ligue pour la Restauration des Libertés Niçoises.
En foi de quoi, les représentants de la Ligue Savoisienne et de la Ligue pour la Restauration des Libertés Niçoises ont signé les présentes, rédigées en six exemplaires, le 28 septembre de l’an 2003, sur le parvis de l’église de Saint-Pons, à Nice.
 
Pour la Ligue savoisienne,
Jean de Pingon
fondateur et président du Conseil consultatif.
Patrice Abeille
secrétaire général.
Pour la Ligue pour la Restauration des Libertés Niçoises,
Alain Roullier
président fondateur de la L.R.L.N.
Jean-Charles Normant
Trésorier et membre fondateur de la L.R.L.N.
Ont signé comme témoins tous les membres présents des peuples savoisien et niçois libres.

 

2-1 _ Les Conseillers généraux attendent les ordres:
L'Assemblée (des Pays) de Savoie mise en veilleuse.
 
À Chambéry personne ne s'en est vanté ou même n'y a fait la moindre allusion, mais à Annecy le président Nycollin l'a dit tout platement, vers la mi-septembre, à un journaliste du "Dauphiné Libéré": l'Assemblée (des Pays) de Savoie sera "un peu en stand-by, jusqu'à ce qu'on connaisse mieux la deuxième vague de la décentralisation" (D.L. du 15-09). C'est même tout connu d'avance, selon le président du Conseil Général: il "pense qu'on ne fera pas au sein de l'APS ce qu'on comptait y faire, parce que certaines compétences iront à la Région". La Région Rhône-Alpes évidemment.
Pourtant, il y a moins d'un an, les Conseillers généraux des deux départements savoisiens avaient, lors d'une réunion commune le 5 décembre 2002, presque tous voté contre le statu quo, la plupart exprimant leur préférence pour une Région Savoie, éventuellement élargie à l'Isère, ou au minimum pour une délégation de pouvoirs importante à l'Assemblée (des Pays) de Savoie. Quelques jours plus tard, le député (et vice-président du Conseil général de Savoie du sud) Michel Bouvard, n'en pouvant plus du silence d'Ernest Nycollin au cours des "assises des libertés locales" à Lyon, se fit publiquement l'avocat de la création d'une Région Savoie, face au ministre Devedjian qui resta buté dans son refus d'envisager une telle solution.
On imagine qu'en haut lieu l'initiative de l'Assemblée (des Pays) de Savoie et les propos de Michel Bouvard ont fortement déplu, et que la mise au pas des velléités régionalistes des élus a été soigneusement organisée.
Aujourd'hui tout est clair. À quelques mois des élections cantonales et régionales, ceux qui persisteraient à regimber seront exclus du jeu des investitures et des listes. Au nord, les candidats à la candidature devront consulter le terrible docteur Accoyer munis de leur carte Vitale et surtout de leur carte de l'UMP. Au sud, Hervé Gaymard, ministre de l'Agriculture, présidera le comice: gare à l'abattoir!
Le nouveau mode de scrutin retenu pour les régionales (nous y reviendrons) réserve la course à trois écuries: UMP, PS et FN. Les Verts et l'extrême-gauche n'y joueront que des rôles d'appoint. C'est ainsi que le système se débarrasse des "petites listes" (chasseurs, élus locaux, dissidents, etc.) et interdit le vote savoisien. L'Assemblée (des Pays) de Savoie avait été mise en place, en 2001, pour prendre en compte l'influence de la Ligue savoisienne et tenter de la réduire. Les centralistes parisiens et lyonnais se croient à présent à l'abri derrière leurs machines politiciennes et imposent le silence dans les rangs. Ils se trompent, car les machines, ça se grippe, ça tombe en panne et parfois ça explose.
 
2-2 _ Langues régionales:
Le Parlement européen demande une loi.
 
La France, très isolée en Europe, s'obstine à ignorer ses langues régionales, dont l'avenir demeure très menacé. Elle a refusé de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l'Europe, qui est entrée en vigueur le 1er mars 1998. Dans ce refus elle n'est accompagnée que par la Turquie: les 43 autres membres du Conseil de l'Europe ont ratifié la Charte. Ainsi donc, depuis cinq siècles l'alliance franco-turque persécute la liberté des peuples! De son côté l'Union européenne n'a pas encore adopté de législation sur ce sujet, mais depuis le vote du 4 septembre 2003 du Parlement européen le processus est lancé. La France va être mise devant ses responsabilités, et peut-être accusée de linguicide.
Le 4 septembre, le Parlement européen a voté une résolution sans précédent. Il a examiné le rapport présenté par Michel Ebner, un eurodéputé originaire du Sudtirol. Après avoir régulièrement souligné, depuis vingt ans, l'importance des langues régionales et la nécessité de leur sauvegarde, les parlementaires de l'Union viennent d'enclencher la vitesse supérieure: ils invitent la Commission européenne à leur présenter une proposition législative avant le 31 mars 2004.
Le Parlement européen rappelle, dans sa résolution, la définition des langues régionales: ce sont des "langues traditionnellement utilisées par une partie de la population d'un État et qui ne sont ni des dialectes de la ou des langue(s) officielle(s) de cet État, ni des langues de populations migrantes, ni des langues créées artificiellement". Selon cette définition, le francoprovençal (ou savoyard) est une langue régionale, mais pas l'espéranto ni l'arabe.
Il rappelle également que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne énonce (article 22): "L'Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique".
Le Parlement estime que l'Union européenne doit non seulement se doter d'une loi pour la sauvegarde des langues régionales, mais encore y consacrer des financements, au moins dans le cadre des programmes liés aux langues et à l'industrie de la communication. Il réclame la création d'un budget spécifique.
Nos lecteurs auront remarqué que ce vote très important du Parlement européen a été ignoré par les médias français. Voilà qui ne les étonnera pas. Pourtant, comme l'écrit Kristian Guyonvarc'h, secrétaire général de Région et Peuples Solidaires: "La tartufferie ayant trouvé ses limites, l'État français va donc devoir changer radicalement sa politique sous peine de se retrouver au ban de l'Europe démocratique".
 
2-3 _ Pays de Galles:
Le parti Plaid Cymru opte pour l'indépendance.
 
Réunis en Congrès à Cardiff le 20 septembre, les délégués du Plaid Cymru ont voté à l'unanimité une motion qui définit l'objectif de leur parti à long terme: l'indépendance du Pays de Galles à l'intérieur de l'Union européenne.
Connu depuis des décennies comme le champion de l'émancipation galloise, le Plaid Cymru (dont le nom en gaélique signifie simplement "parti gallois") évitait jusqu'alors de prononcer le mot "indépendance" de peur de choquer les électeurs, lui préférant des expressions telles que "statut national plein et entier" ou "autogouvernement" ou encore "autodétermination". À présent il affiche clairement la couleur indépendantiste, souhaitant qu'au bout du processus le Pays de Galles, comme tout État souverain, devienne membre des Nations-Unies.
Les autorités britanniques ont accordé il y a quatre ans une assemblée aux Gallois, une sorte de super conseil régional. Pour le Plaid Cymru, la prochaine étape sera la transformation de cette assemblée en Parlement, tel que celui dont bénéficie l'Écosse.
Représenté au Parlement européen par deux députés (Eurig Wyn et Jill Evans), le Plaid Cymru est, comme la Ligue savoisienne, membre du PDPE-ALE.
 
2-4 _ Les rats quittent le navire.
 
"C'est une lame de fond, depuis quelques mois", constate le quotidien "La Liberté" de Fribourg. Les entreprises françaises accourent en masse pour s'expatrier en Suisse. Ce n'est plus seulement à Genève que les patrons français installent leurs activités, mais dans toute la Suisse romande, notamment à Neuchâtel, en Valais, dans le Jura ou le canton de Vaud. Les citoyens français, entrepreneurs, salariés ou retraités, sont maintenant plus nombreux en Suisse (environ 150 000) que dans toute l'Afrique francophone...
L'Écho de Savoie avait déjà informé ses lecteurs sur les implantations de la Compagnie des Alpes et du groupe de presse Hersant. Carrefour a récemment repris une chaîne d'hypermarchés en Suisse, et le groupe André (magasins de chaussures) a fait l'acquisition de plusieurs hôtels de luxe dans la région lémanique. Cartier a recruté 240 horlogers dans une nouvelle unité de fabrication à Fribourg.
À présent les grands groupes ne sont plus les seuls à s'implanter chez les Helvètes. L'agence "Développement Économique Western Switzerland" (DEWS) a récemment réuni à Lyon pas moins de 600 personnes intéressées par l'expatriation. Les PME et même les entreprises individuelles étudient de près les avantages d'un établissement en Suisse. Dans ce pays, réputé très cher, le coût global de la main-d'œuvre n'est aujourd'hui pas plus élevé qu'en France, compte tenu du nombre de jours travaillés et de la qualification des professionnels. En plus la paix du travail écarte presque totalement le risque des grèves paralysantes dont la France s'est fait une spécialité. Enfin la plupart des cantons suisses ont supprimé l'impôt successoral, ce qui ne manque pas d'attirer les entreprises familiales.
Un tel exode des entreprises et des personnes nous renseigne sur la situation réelle de la France: le naufrage est proche. Dommage que trop de Savoyards ne s'en rendent pas encore compte!
 
2-5 _ Le préfet Carenco stoppe un bus à la frontière.
 
C'était une innovation intéressante de la "2C2A" (la Communauté de Communes de l'Agglomération Annemassienne): deux lignes urbaines de bus partant d'Annemasse seraient prolongées de manière à rejoindre, sur territoire suisse, des pôles d'échanges desservis par les transports en commun genevois. L'inauguration était prête, avec tout le protocole d'usage et les congratulations rédigées d'avance, pour le 19 septembre.
Les braves élus locaux avaient simplement oublié qu'en France, tout le pouvoir réel est dans les mains d'un préfet nommé à Paris. Ledit préfet, Jean-François Carenco, qui réside à Annecy, a interdit au dernier moment le franchissement de la frontière par les autobus de la ligne n°1, qui devait emprunter le passage de Fossard, lequel n'est pas gardé en permanence. L'inauguration a été annulée en catastrophe.
Au vu des traités internationaux en vigueur, les Douanes françaises avaient pourtant donné, en 1991, un accord écrit pour l'exploitation d'une telle ligne, qui était déjà envisagée. D'autres formules de transport en commun existent déjà, dont les passagers ne sont pas soumis à des contrôles systématiques:
— Genève - Archamps par le poste-frontière de la Croix de Rozon.
— Genève - Pougny-Chancy - Bellegarde.
— Genève - Bellegarde par TER.
Robert Borrel, le président de la Communauté 2C2A, avait pris soin de demander l'autorisation de l'État pour faire passer la frontière franco-suisse à ses bus. Et il l'avait obtenue! (propos recueillis par L'Écho de Savoie) Le préfet Tomasini, qui règne sur le département de l'Ain et co-préside la Commission des Transports du CRFG (Comité Régional Franco-Genevois!) avait délivré cette autorisation, qui avait été contresignée par le préfet de Haute-Savoie Jean-François Carenco. Ce dernier, très occupé par l'organisation du G8 à Évian, n'avait apparemment pas lu ce document, et en apprenant l'inauguration prochaine d'une ligne de bus franchissant la frontière, il a sorti son sifflet pour arrêter préfectoralement le désordre.
C'est ainsi que les Helvètes ont été empêchés d'envahir le territoire tricolore, et que la France a été sauvée!
"Le plus simple quand on ne sait pas quoi faire, c'est d'appliquer la loi!"
C'est par cette formule péremptoire que M. Carenco, interrogé par la presse, a justifié son coup d'éclat. On avait déjà vu, à l'occasion du G8, qu'en revanche l'homme du pouvoir, quand il "sait quoi faire", n'hésite pas à ignorer la loi en imposant des contraintes à la liberté individuelle sans s'embarrasser de précautions juridiques.
Heureusement que nous avons un préfet, sans lequel notre territoire serait mis à sac! "Plutôt l'énarchie que l'anarchie" devrait être son slogan, sa formule magique.
On ne mettra jamais assez en garde les Savoisiens contre le danger que représente le voisinage avec l'Helvétie!
Aux dernières nouvelles, un arrangement pourrait être trouvé, pour permettre aux habitants de la zone d'emprunter les transports en communs. Mais Carenco veillera nuit et jour, s'il le faut, pour protéger les Français: telle est sa mission!
 
2-6 _ Qui paiera les dégâts du G8?
Au mois de juin, des groupes de casseurs agissant en marge des manifestations anti-G8 avaient saccagé des centaines de magasins et d'immeubles à Genève et Lausanne. Les cantons de Genève et de Vaud ont commencé à indemniser les propriétaires, mais ils ont demandé l'aide de la Confédération, car c'est bien la Suisse qui a imposé aux cantons d'accepter la réunion internationale à leurs portes.
Or le Conseil fédéral refuse à présent de payer les pots cassés, parce qu'une indemnisation fédérale n'est pas dans les habitudes et créerait un précédent. La Suisse demande donc à ses cantons de lui envoyer les factures précises, et se retournera contre les autorités françaises.
Il est un peu étonnant de constater que M. Pascal Couchepin, Conseiller fédéral et président de la Confédération en 2003, s'est empressé de satisfaire à toutes les demandes de la France et reste maintenant muet et inactif sur la réparation des dommages subis.
 
2-7 _ Le député Bouvard et d'autres élus bientôt en correctionnelle?
 
Encore une manifestation en Maurienne à propos des transports: le 27 septembre, le secteur de Saint-Rémy à Saint-Jean disait son inquiétude et demandait un tracé "tout en tunnel" pour la future ligne ferroviaire Lyon-Turin, au moment où s'engage une nouvelle consultation des élus et associations désignées.
Il y a quelques années, presque tous les Mauriennais voulaient l'autoroute. Ils l'ont eue. Ils ont même eu, pendant la fermeture du tunnel du Mont-Blanc, un avant-goût de ce que sera le trafic des poids-lourds dans moins de vingt ans si le transport ferroviaire n'augmente pas. À présent ils redoutent une voie ferrée nouvelle d'une quinzaine de kilomètres entre deux tunnels. On aimerait comprendre... Mais il n'y a pas urgence: par les temps qui courent, les financements pour le Lyon-Turin sont aussi rares que les averses dans nos campagnes l'été dernier.
Pour en revenir à la manifestation de Saint-Avre, elle avait la même forme que celle des Savoisiens en janvier 2001 du côté du lac du Bourget: un rassemblement sur la voie ferrée, avec des élus, et donc une interruption du passage des trains. Différence importante: les élus de Maurienne étaient ceints d'écharpes tricolores. L'élu savoisien Patrice Abeille demande à la Justice si la loi pénale leur sera appliquée avec la même rigueur qu'elle le fut à lui-même:
 
Annecy le Vieux, le 11 octobre 2003.
Lettre ouverte à M. le Procureur de la République d'Albertville.
Monsieur le Procureur de la République,
Le 27 septembre dernier, en gare de Saint-Avre (Maurienne) une manifestation a interrompu la circulation ferroviaire. Elle était conduite, comme la presse l'a relaté, par des élus, parmi lesquels le député Michel Bouvard, le conseiller régional Christian Rochette et le conseiller général Daniel Dufreney.
 
Pour des faits identiques, accomplis à Voglans et au Viviers-du-Lac le 24 janvier 2001, j'ai moi-même été immédiatement poursuivi par le parquet de Chambéry, puis condamné, le 12 octobre 2001, à une peine de 6000 francs d'amende avec sursis, ainsi qu'à payer à la SNCF une somme totale de 7000 francs.
 
Ayant encore quelques doutes, et je le regrette, sur l'égalité de la Justice en France, j'aimerais que vous me rassuriez en m'indiquant quelles poursuites vous avez engagées envers les élus qui ont pris la tête de la manifestation de Saint-Avre.
Veuillez agréer, Monsieur le Procureur, l'expression de mes salutations distinguées.
Réponse dans notre prochain numéro...
 
2-8 _ CDA: une privatisation laborieuse?
 
Annoncée dès le 17 mars par le ministère des finances, la vente du capital détenu par l'État dans la Compagnie des Alpes se fait toujours attendre sept mois plus tard. Ce n'est pas, comme pour d'autres sociétés, à cause d'une absence d'acheteurs potentiels: la CDA est attractive par la hausse régulière de son chiffre d'affaires et de son bénéfice. Alors pourquoi? MM. Gaymard et Bouvard, qui aimeraient bien présenter cette opération comme un recentrage sur la Savoie ou du moins les Alpes, semblent rencontrer quelques difficultés. Lesquelles?
En août dernier, le magazine économique "Challenges" affirmait qu'ils "vont de surprises en surprises". La famille Halley, principal actionnaire de Carrefour, contrôlerait déjà 13,4% de la CDA via le holding Alpark, et détiendrait un droit de préemption sur les parts détenues par la Caisse des Dépôts. "Mieux encore, continue "Challenges", les managers de la Compagnie des Alpes sont partie prenante au capital d'Alpark. Un conflit d'intérêts qui intéressera la commission des transferts des participations de l'État".
Si ces indiscrétions sont exactes, nous avons eu tort de considérer le Président Jean-Pierre Sonois comme un haut fonctionnaire: il travaillerait en fait pour les propriétaires de Carrefour. Et la Tarentaise, déjà devenue parc de loisirs de montagne, pourrait évoluer bientôt en supermarché de la neige...
 
2-9 _ Un Annécien se place sur le marché de la biométrie.
 
Le mot de biométrie (quelque chose comme "mesure du vivant", selon ses racines grecques), inconnu du grand public il y a encore quelques mois, est de plus en plus à la mode du fait de l'intensification de la lutte contre le terrorisme et à la généralisation des techniques de sécurisation. En Europe comme en Amérique, les entreprises et les chercheurs rivalisent de créativité pour proposer les systèmes les plus fiables aux États, aux polices et à toutes les institutions et compagnies qui craignent la délinquance en tout genre. Trois groupes de techniques d'identification entrent en concurrence: reconnaissance des traits du visage, de l'iris de l'oeil ou des empreintes digitales.
Sur ce dernier procédé, un éditeur informatique européen nommé SETIUS offre déjà des solutions techniques toutes prêtes. Sa branche française est représentée à Annecy-le-Vieux par M. Jean-Pierre Francotte. Le produit consiste en un capteur électronique d'empreinte digitale: il suffit de poser le bout de l'index sur un petit boîtier pour que la configuration de l'empreinte soit transformée instantanément en information numérique, qui peut ensuite être exploitée automatiquement.
Si la biométrie est en train de se faire connaître dans un contexte souvent effrayant, en fait les usages de la reconnaissance d'empreinte pourraient se banaliser dans la vie quotidienne la plus inoffensive, comme depuis quelques années la carte à puce. On peut imaginer que bientôt il suffira de poser son index sur un boîtier pour ouvrir une porte, payer un achat, accéder à son hôtel ou faire démarrer son véhicule, ou encore emprunter un livre à la bibliothèque ou consommer à la cantine.
Comme toute technique, la biométrie trouvera immanquablement, par le fait de l'inventivité humaine, les meilleurs comme les pires usages... Il reste à SETIUS, pour convaincre absolument tous ses clients potentiels, à prévoir une adaptation pour les manchots!
 
2-10 _ Flambée immobilière: en Bretagne aussi.
 
Selon "Bretagne hebdo" n°71 du 3 au 9 septembre 2003, les Anglais rachètent énormément de maisons en Bretagne en ce moment, faisant ainsi monter artificiellement les prix; les gens du pays ne peuvent pas suivre et ont du mal à se loger. Non seulement ils rachètent, mais il semble bien qu'ils s'arrangent pour faire réaliser les travaux par des artisans de chez eux! Certains se sont même installés en Bretagne et se sont spécialisés dans la rénovation pour les maisons de leurs compatriotes.
La fédération Régions & Peuples Solidaires (dont sont membres le MRS et la Ligue savoisienne), a mis l'accent, lors de sa 8e. université d'été et son 9e. assemblée générale qui ont eu lieu à Baiona/Bayonne du 23 au 25 août, sur un problème largement répandu:
"l'inflation galopante des prix du foncier et de l'immobilier dans les régions maritimes et de montagne qui sont soumises à la pression croissante du tourisme de masse, des "turbo-cadres" parisiens grands consommateurs de TGV, et des retraités aisés en quête d'une place au soleil. Cette inflation incontrôlée a pour résultat d'exclure les populations locales, en particulier les jeunes, de leur propre pays, de causer des dommages irréparables à l'environnement et de rompre l'équilibre socio-culturel construit au fil du temps dans ces territoires. Il serait idiot de placer ce vrai problème de société sous l'angle de l'intolérance car il est d'ordre social et culturel. D'ailleurs beaucoup parmi les retraités qui contribuent à l'inflation des prix du foncier et de l'immobilier sont originaires de ces territoires et aspirent assez légitimement à y finir leurs jours après une carrière professionnelle qui les avait conduits dans une grande métropole. Face à une situation d'injustice qui est source de tensions de plus en plus vives, la question est clairement posée d'un code foncier qui soit adapté aux réalités spécifiques des différents territoires."
Cette question est inscrite au programme du huitième Congrès de la Ligue savoisienne, à Saint-Jean de Maurienne les 25 et 26 octobre 2003.

3-1 _Chronique sur l'effet de serre en Savoie (suite).

par Pascal Garnier.
Oût:
Au début du mois, nous avons eu des incendies de forêts: en Tarentaise, à Champagny en Vanoise où 200 hectares ont brûlé, au cirque de Saint-Même en Chartreuse (10 hectares), incendies dans les Bauges aussi... Cette chaleur qui assèche tout sur son passage! Puis des coulées de boue au-dessus de Peisey-Nancroix, à la suite d'un violent orage. En montagne, on a relevé des températures très élevées qui ont entraîné une fragilisation des glaciers de haute altitude. À la mi-août, le lac du glacier de Rochemelon (3230 m), au-dessus de Bessans dans le parc de la Vanoise, à la frontière Savoie-Piémont, risquait de déborder sur le versant savoisien.
Des séracs géants qui s'effondrent à la tombée de la nuit, des torrents monstrueux qui sortent du cœur des glaciers, des masses de glace suspendues qui cèdent sous les rayons brûlants du soleil comme dans la face nord de l'Aiguille du Midi. Les plus petits glaciers vont normalement disparaître. Le glacier des Bossons, près de Chamonix, a perdu 1,2 km en 150 ans. Un peu partout de petits lacs se forment et peuvent constituer des dangers en cas de rupture du barrage naturel qui les contient, comme cela avait été le cas au pied du Mont Rose au Val d 'Aoste.
Dans les forêts, tous ces arbres qui ont crevé et ne reverdiront plus, surtout les feuillus, alors que les résineux ont été sauvés par l'altitude. Mais il faudra attendre le printemps pour savoir si certaines espèces repartiront ou disparaîtront.
Fin du mois: une tempête déferle à 150 km/heure sur Chambéry et l'avant-pays savoyard. Du vent à décorner les tarines et arracher les toits. Apparemment la sécheresse va s'arrêter là pour cette année...
Septembro:
Retour de chaleurs inhabituelles pour la saison. Mais on voit aussi des marronniers et pommiers en fleurs à Avressieux, des cerisiers qui reverdissent et même fleurissent! Et à Chambéry, le seuil tolérable d'ozone est régulièrement dépassé (plus de 160 microgrammes par mètre cube d'air).
Après la période des constats, arrive celle de l'analyse. La multiplication des situations extrêmes inquiète les climatologues. En effet, depuis quelques années certains phénomènes météorologiques —tempêtes, cyclones tropicaux, inondations, sécheresse et canicule— déploient une violence et une énergie que n'ont pas connues les générations qui nous ont précédés. Cependant, par manque de séries statistiques suffisantes, les scientifiques ne peuvent encore relier avec certitude ces événements extrêmes au réchauffement climatique que les experts du Groupe Intergouvernemental sur l'Évolution Climatique (GIEC, en anglais IPCC) ont pronostiqué dès la fin des années 1990. Mais la menace est réelle.
Que s 'est-il passé cet été?
Les météorologues parlent d'un "blocage météorologique" et d'une "anomalie climatique majeure", caractérisés par des températures extrêmes, un déficit d'eau et une pollution importante. "Les trois derniers mois ont été marqués par une absence de mouvement de l'air bien établi. La chaleur emmagasinée dans les sols entretient le phénomène caniculaire".
Les pics de pollution à l'ozone se sont également poursuivis depuis début juin sur les agglomérations savoyardes. On peut d'ailleurs se demander la raison pour laquelle les tableaux de pollution publiés tous les jours à la suite des mesures effectuées par l'association "Air des deux Savoie" ont disparu pendant quelques semaines des colonnes du Dauphiné Libéré...
Alors que le nombre de 15 000 morts dues à la canicule était confirmé, un nouveau débat commençait sur l'impact de la pollution de l'air. Les fortes chaleurs des mois de juillet et d'août ont en effet provoqué une hausse de la pollution, notamment à l'ozone, sur une large part du pays. Les associations qui mesurent la qualité de l'air s'accordent à classer l'été 2003 comme particulièrement médiocre. L'ensoleillement et l'absence de vent ont provoqué des concentrations exceptionnelles d'ozone, mais également de dioxyde d'azote, de particules et de soufre.
Jean-Félix Bernard, président du Conseil National de l'Air, un organisme dépendant du ministère de l'environnement, estime que "plusieurs centaines à plusieurs milliers de morts" ont été précipitées par la mauvaise qualité de l'air en France dans la première quinzaine d'août. Le responsable a fondé son estimation sur un mode de calcul développé par l'Institut National de Veille Sanitaire (INVS). Plusieurs études épidémiologiques récentes ont démontré les conséquences pathologiques de la pollution atmosphérique. Ainsi, aujourd'hui, l'existence d'un lien entre pollution et mortalité ou morbidité n'est-elle plus contestée. Pour autant, les débats restent ouverts quant aux seuils à partir desquels les polluants atmosphériques peuvent entraîner des conséquences pathologiques. Les jours de forte pollution par le dioxyde d'azote sont associés à une augmentation des taux de décès par complication d'affections respiratoires. "On sait aussi, souligne Martine Ledrans, responsable du département santé-environnement de l'INVS, qu'une pollution atmosphérique de niveau moyen —comme celle constatée en Savoie— mais chronique a des effets négatifs sur la santé."
Dans le département du Rhône l'été dernier, la mortalité a grimpé de 250% dans la ville de Lyon, de 100% à Villefranche sur Saône mais "seulement" de 50% dans le canton rural de Monsols, par des températures très voisines.
La canicule qui a sévi a démontré que le problème, un temps masqué, persiste.
Un drame révélateur de l'état de la société.
On a bien vu les effets de l'atomisation sociale dans le drame des 15 000 victimes de la canicule. Fin juillet j'avais été alerté par un ami travaillant à la BNF (Bibliothèque Nationale de France) à Paris. Un magasinier de 57 ans, souffrant de problèmes cardiaques, prend un malaise dans les toilettes et meurt. Savez-vous au bout de combien de temps on s'est aperçu de son décès? Six jours! et uniquement à cause de l'odeur pestilentielle qui s'en dégageait!!! Personne dans son travail ou son entourage n'avait rien remarqué. Et puis bien sûr il y a ces corps dont personne ne veut, ces cercueils qu'on ne veut pas payer, faits qui se passent de tout commentaire. Je reste persuadé que l'indifférence à la qualité de l'environnement va de pair avec le manque de repères dont souffrent actuellement les populations du monde occidental. La Savoie semble encore très relativement préservée par ces phénomènes d'anonymat de masse générés par la vie dans les mégalopoles. Grâce aux réseaux d'aide à domicile apparemment assez peu de personnes sont mortes de la canicule. La surmortalité n'a pas dépassé 25% (contre 60% pour l'ensemble de l'hexagone), le département de la Savoie figurant parmi les 17 les moins meurtriers.
De leur côté, les services funéraires musulmans n'ont enregistré, dans toute la France, aucune hausse notable de la mortalité: peut-être parce que les musulmans âgés viennent de pays chauds, mais probablement surtout parce que leurs enfants les ont aidés pendant la canicule.
La crise de l'État providence.
Votée en 2001 par la gauche et mise en place au 1er janvier 2002, l'Allocation Personnalisée d'Autonomie (APA) a très vite été dépassée par son succès. Début 2003, il manquait 1,2 milliard d'euros pour boucler son financement. Aussi le gouvernement a-t-il, en mars 2003, abaissé de 949€ à 623€ par mois le seuil de ressources donnant droit à une prise en charge à 100%. Ainsi des personnes âgées dépendantes ont été moins suivies à domicile. Au plus mauvais moment, Jean-François Mattei avait, par ailleurs, gelé en début d'année 100 millions d'euros sur les 183 qui avaient été débloqués en 2001 pour aider les maisons de retraite à se moderniser.
La question du centralisme de l'État français.
Selon le rapport de l'INVS, l'alerte sur la canicule aurait pu être lancée dès le 5 août sur la base des signalements des pompiers. Ce signal n'a pas été répercuté par le ministère de l'Intérieur. Au cours de son université d'été, la fédération R&PS (Régions et Peuples Solidaires, dont la Ligue savoisienne est membre observateur) a souligné ce dysfonctionnement de l'État, posant ainsi clairement le problème de l'organisation des pouvoirs politique et administratif en France: (elle constate) "les conséquences sanitaires catastrophiques de la canicule qui font de la France un cas d'espèce en Europe. On ne peut accepter que le Gouvernement justifie un défaut de prévention et de réaction aux événements par l'absence de réception de messages d'alerte au niveau de l'administration centrale de la santé. Le centralisme et l'immobilisme qu'il génère viennent de démontrer qu'ils pouvaient aussi tuer."
En effet, dans deux pays où la canicule a aussi été forte, en Suisse et en Allemagne, deux États fédéraux, il y a eu 3 ou 4 fois moins de morts et les spécialistes estiment que la France a entre 15 et 20 ans de retard dans les hôpitaux, tant en matériel qu'en moyens humains.
L'indifférence du gouvernement sur les questions environnementales.
Il n'est peut-être non plus pas totalement anodin que cette crise survienne peu après le moment où le nouveau gouvernement mettait en place une équipe dont, le moins que l'on puisse dire, les préoccupations environnementales ne semblent pas majeures. Comme le remarquait l'ancien présentateur vedette de la première chaîne de télévision Roger Gicquel dans "Le Peuple Breton" d'août 2003: "Une ministre de l'environnement potiche à la traîne d'un ministre de l'Agro-business laisse disparaître peu à peu ce qui s'était péniblement mis en place pour tenter, d'une part d'éviter la disparition totale des exploitations familiales de qualité au profit des concentrations d'élevage notamment hors-sol, d'autre part pour donner des moyens d'action et d'éducation au mouvement associatif de protection de la nature et de défense des consommateurs, l'un et l'autre en phase avec un modèle durable d'agriculture. […]
"L'État étrangle la nature" est le slogan commun de l'ensemble des organisations de sauvegarde face à la situation catastrophique dans laquelle sont placés ses acteurs […].
Le développement durable, soutenable, repose sur l'intelligence et non sur l'accumulation mécanique des surfaces exploitées et des cheptels; le salut n'est pas dans le conservatisme néolibéral, il est dans l'invention d'un nouveau patrimoine humaniste à laisser en héritage. Ceux qui aspirent, sur tous les continents, à ce nouveau monde, on l'a vu, sont légions."
Une catastrophe environnementale parmi d'autres.
Dans un livre publié en 1988, "Le bluff technologique", Jacques Ellul avait pronostiqué que nous irions vers des catastrophes de ce genre qui seraient même amenées à se multiplier (1). Comme un malheur ne vient jamais seul, ils ont plutôt tendance à s'enchaîner. Ainsi à la mi-septembre, on apprenait que le trou de la couche d'ozone s'agrandit au-dessus du continent antarctique et atteint des proportions record (28 millions de km2) soit une superficie supérieure à celle de l'Amérique du nord pour pareille période, selon la communication d'un scientifique de l'organisation Bristish Antarctic Survey. La couche d'ozone protège la terre du rayonnement solaire, en particulier des ultraviolets B pouvant entraîner des cancers de la peau et qui sont nocifs pour la vie sous-marine.
Le "trou d'ozone" est la conséquence des rejets industriels, notamment les gaz CFC (Chlorofluorocarbones). Depuis la signature du protocole de Montréal en 1987, la production de CFC et d'autres gaz aux effets similaires a chuté fortement. Mais la concentration de ces gaz à haute altitude continue d'augmenter, d'autant que les États-Unis ont refusé de ratifier le protocole de Kyoto au prétexte que "le niveau de vie des Américains ne se négocie pas" (dixit G. Bush).
Mais il faut bien se persuader qu'on ne viole jamais les lois de la nature impunément. On peut donc s'attendre à de nouveaux épisodes caniculaires d'autant que le gouvernement s'apprête, dans le projet de budget pour 2004, à supprimer d'un trait de plume l'essentiel des soutiens de l'État au développement des transports en commun. À l'heure des ultimes arbitrages, deux lignes budgétaires du ministère des transports, les subventions pour les transports en commun en site propre (TCSP) et les aides aux plans de déplacements urbains (PDU), seraient supprimées. Les TCSP concernent notamment les projets de tramway, VAL ou métro. Les PDU, créés par la loi sur l'air de 1996, visent, dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, à réorganiser, sur le long terme, la distribution des différents modes de transport. Les subventions des PDU servent également à financer, à hauteur de 35 %, les réseaux cyclables.
"Ces deux mesures symbolisent le désengagement de l'État dans la politique des transports collectifs", considère Chantal Duchène, directrice du Groupement des Autorités Responsables des Transports (GART).
Michel Petit, un des négociateurs du Groupe Intergouvernemental sur l'Évolution Climatique (GIEC) et président de la Société Météorologique de France, estime : "Le réchauffement moyen que nous connaissons aujourd'hui, et qui s'accélère depuis la fin des années 1970 —et qui n'avait été que de +0,6°C au cours du XXe siècle— est inférieur à celui auquel on peut s'attendre d'ici vingt à trente ans, si rien n'est fait pour limiter d'une manière drastique les émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. La canicule que nous venons de vivre est donc peu de chose par rapport à ce qui nous attend. Pour l'avenir, il faut se préparer au fait que de tels événements puissent devenir plus fréquents."
La canicule de cet été n'a été qu'une crise parmi celles que génèrent et généreront la technologie et l'utilisation qu'on en fait, touchant la santé et l'environnement: trou d'ozone, déchets nucléaires, pesticides, OGM, sang contaminé, site Seveso, usine rejetant de la dioxine, téléphones portables et antennes relais, lignes à haute tension, SRAS, vaccin de l'hépatite B, etc. Et bien entendu encore et toujours le "tout camion" et le "tout automobile" qui rejettent une grande part du gaz carbonique responsable de l'effet de serre. Et chacun se gargarisera d'avoir sa "clim." qui rejette 3 kg de gaz carbonique tous les 100 kms, aggravant encore l'effet de serre...
Que peut-on faire?
La solution est-elle du côté de la "décroissance soutenable", un concept qui vise, par une baisse de la production et de la consommation, à préserver les ressources naturelles de la planète et à assurer la survie de l'espèce humaine? Réunis durant deux jours à Lyon fin septembre pour un colloque consacré à ce concept, les adeptes de la décroissance semblent en être persuadés(2). Selon ces théoriciens, l'économie dans laquelle nous vivons, dont les rouages tournent grâce aux énergies fossiles, se grippera forcément une fois que les ressources en pétrole commenceront à décroître.
Pour Serge Latouche, économiste, spécialiste des rapports Nord-Sud: "La canicule de l'été fera bien plus pour la décroissance que tous les colloques et les livres réunis. Car je crois beaucoup à la "pédagogie des catastrophes". La décroissance n'est pas un idéal, c'est juste une nécessité absolue. Notre mode de consommation actuel, à nous Européens, nécessiterait deux à trois planètes si on continuait sur le même rythme. Celui des Américains équivaudrait à près de huit planètes! Et tout cela ne tient que parce que les pays du Sud se contentent d'un dixième de la planète! On est donc au bout du rouleau. Dans notre société de croissance, le moindre ralentissement est une catastrophe: le chômage augmente, il n'y a plus d'argent pour la culture ou l'environnement. (...) La croissance entraîne d'énormes coûts indirects: accroissement des transports, de la pollution, du stress et donc de la consommation médicale... La décroissance passe donc par la remise en cause de l'ensemble des croyances sur lesquelles repose le système: le progrès, la science, l'économie. Il faut par ailleurs instaurer au plus vite la relocalisation, produire là où l'on consomme. Prenez l'exemple du yaourt à la fraise. Il parcourt 8 000 km entre son usine et votre frigo, et le coût de son transport est scandaleusement bon marché. Le vrai prix devrait intégrer le coût de l'impact sur l'environnement."
Malheureusement ceux qu'on nomme "les décideurs" ne semblent pas près de comprendre. Présents dans la salle, des stratèges d'une grande entreprise du secteur de l'énergie ont d'ailleurs reconnu leur impuissance à faire entendre ce discours auprès de leur direction. "Il est incroyable de voir des gens intellectuellement développés adopter des comportements irrationnels dès lors qu'on touche à l'idéologie de la croissance", s'insurgent-ils. Et l'on doit se montrer d'autant moins optimiste lorsque l'on a vu l'essentiel de la polémique politicienne porter essentiellement sur les mesures pour lutter contre la déshydratation, mais si peu sur les causes de cette canicule.
Toutes ces données prouvent que, à l'échelle de la planète toute entière, les valeurs essentielles portées en Europe par l'ALE, dans l'hexagone par R&PS et chez nous par la Ligue savoisienne, mettant l'accent sur l'identité, la dignité des peuples et leur attachement au territoire, sont une alternative à ce système mortifère.
P.G.
 
(1) Jean-Luc Porquet. "Jacques Ellul, l'homme qui avait presque tout prévu". éditeur Le Cherche-Midi. 2003. 285 p. 18 €.
(2) www.decroissance.org

4-1 _ L'anti-helvétisme des Français: l'exemple jurassien.
par Rémi Mogenet,
de l'Académie Florimontane (1).
La Révolution française se réclamait, entre autres, de Guillaume Tell: face à la tyrannie des rois, le peuple aspirait à la liberté. Or, nulle part mieux qu'en Suisse elle n'était représentée. Joseph de Maistre lui-même l'admet. S'il était hostile à la Révolution, c'est parce que, disait-il, le caractère français ne permet pas de vivre sous le régime démocratique: cela n'est bon que pour les Suisses; les Français, eux, ont trop l'habitude de la servitude.
Les faits lui ont donné raison. Profondément dépités, sans doute, d'avoir à demi échoué dans leurs tentatives d'émancipation, les Français se sont retournés contre leur ancien modèle. Le dieu qu'on avait adoré était faux! Maintenant, donc, on le calomniait: il fallait le brûler. Et on lui cherchait des tares. Mais n'avait-on pas surtout manqué de foi?
Toutefois, des raisons objectives ont pu dresser la France rétrograde contre la Suisse. On n'a pas pu argumenter sans bases. Or, elles sont de trois ordres: économique, politique, culturel. Si, pour en traiter, je prendrai principalement pour exemple le haut Jura, c'est parce qu'il s'agit là d'une des grandes régions frontalières de la Suisse, et que le caractère français y est plus marqué que chez nous, en Savoie.
I. Le Concept d'économie nationale.
D'abord, à la fin du XlXe siècle, il s'est développé, dans les pays européens, une tendance au protectionnisme. On réagissait à la mondialisation qui faisait suite à la Révolution industrielle. Or, pendant qu'en Savoie, par exemple, la Grande Zône Franche mettait l'économie dans une relation de dépendance vis à vis de Genève, dans le haut Jura et le pays de Montbéliard, on s'efforçait de fermer la, frontière.
La principale industrie du temps, dans nos régions, c'était l'horlogerie. Cluses, de ce point de vue, était de plus en plus dans une situation de sous-traitance vis-à-vis de Genève. Mais en Franche-Comté, la fierté d'une tradition séculaire dressait le peuple contre la Suisse en général. Pour protéger le marché français, on faisait regarder les fils des Helvètes comme un ramassis d'horribles canailles, et les Genevois, en particulier, comme des usuriers qui ne pensaient qu'à sucer la moelle du peuple.
Le plus virulent, à ce titre, fut le sénateur jurassien Victor Bérard, l'éditeur et commentateur bien connu d'Homère, professeur à la Sorbonne. Même Paul Guichonnet a admis l'excès de sa partialité à l'égard de la cité de Calvin. Il faut l'avouer: il la traitait à peu près comme Hitler, dans ses discours, traitait les Juifs. À ses yeux, elle ne rêvait que d'une chose: vampiriser l'humanité.
Le spectre du péril suisse est resté. Mais la Révolution industrielle n'était pas d'une portée limitée: il est net que l'histoire allait désavouer cette position passéiste. L'orgueil ne doit pas aveugler sur les réalités: aujourd'hui, sous l'égide de Genève, l'industrie de la Savoie du nord est florissante, et celle de la Franche-Comté s'effondre. Car l'horlogerie comtoise, d'un côté orientée vers un marché populaire, de l'autre figée dans ses traditions, a été pulvérisée par l'Asie du sud-est et l'invention de la montre à quartz, que les Suisses, pourtant, en ce qui les concerne, ont réussi à acclimater à leur profit avec la Swatch. Victor Bérard n'était pas prophète.
II. Le Rêve gaulois.
La situation contraint les industriels comtois à se retourner vers la classe politique et à demander un rapprochement avec les Suisses. Mais les dirigeants locaux n'ont obtenu leur poste que grâce à la haine qu'ils vouaient à ceux-ci. Le tissu secret qui y tire réellement les fils ne place pas ses pions sans y être attentif. Il faut être dans l'esprit et la lignée du sénateur Bérard, si l'on veut avoir la moindre chance de réussir.
Il existe, par exemple, dans le haut Jura, un parc naturel régional. Or, la politique continuelle de cette institution a été à peu près celle-ci: couper les voies de transport ferroviaire entre la France et la Suisse, sous prétexte de freiner la fuite des compétences, et placer une épaisse bande forestière le long de la frontière, afin, dit-on, d'exploiter le bois. Si la frontière naturelle n'existe pas, il faut l'inventer.
Le directeur actuel du parc m'est connu: lyonnais d'origine, il ne cache pas son attachement à la tradition catholique, ni son antipathie pour les Suisses en général et le Calvinisme en particulier. Le nationalisme, à ses yeux, est une vertu publique. Nous conservons ainsi pur l'esprit de la race gauloise, qui fait l'unité de la France. Mais cela correspond à des ressorts d'ordre religieux.
III. L'Esprit du Clocher.
La défense de la vraie foi, comme qui dirait, a ancré des idées dans les esprits; il sera difficile de les en déloger. La position générale de l'Église catholique est la pratique nécessaire du culte paroissial: les sectes ne viendraient pas par hasard du pays de Calvin et de Zwingli, le Luther bernois, et il serait salutaire de s'en détourner.
Évidemment, la sourde assimilation de la Suisse au mal reste secrète. Dieu ne permet pas qu'on se jette dans les bras du Malin, ni qu'on fréquente ses suppôts, mais de cela, on ne doit pas parler: les allusions bien senties et clairement entendues des initiés suffisent. On peut prendre l'image d'une réunion de crypte, dût cela provoquer un nouveau scandale. Cependant, l'inconscient travaille dans ce sens. À ce niveau, il en est bien ainsi.
Le vrai problème, donc, c'est qu'on ne fait rien pour détruire les préjugés liés à cette superstition, au sens propre. On ne s'explore pas assez au moyen de la raison. elle-ci est, d'ailleurs, ouvertement réprouvée! Si elle ne l'est pas, c'est qu'elle n'apparaît que comme la somme de ses certitudes: un dogme. Son action reste inutile. Voire nuisible. (2)
La Suisse, en vérité, est un beau pays. Les paysages y sont bien gérés, faisant une part équilibrée entre les pâtures et les forêts, et les villes et les campagnes sont équitablement peuplées. Le système politique laisse une grande place à l'initiative locale. Et la culture, qui l'ignore? y est singulièrement active, malgré la relative petitesse des villes. Genève est la seconde capitale du monde francophone. Elle est la mouche du coche; elle incarne le mouvement, sans lequel Paris même serait pétrifié par sa propre lourdeur.
C'est ce qu'à propos de Guillaume Tell, l'âme de la Suisse bernoise, la Révolution française a instinctivement senti. Et la référence à Rousseau, qui rêvait d'une société d'hommes libres sur le modèle des républiques alpines, qu'il chérissait, renvoyait plus précisément à Genève.
D'être le voisin de cette contrée connue de toute l'Europe pour ses qualités est donc, pour la Savoie, une chance!
R.M.
(1) Auteur du recueil poétique "La Nef de la première étoile" et co-éditeur du "Siège de Briançon", de Jacques Replat.
(2) Dans un sermon à Saint-Claude, l'actuel évêque du diocèse a officiellement condamné toute démarche intellectuelle dans le cadre religieux. Saint François de Sales, l'évêque catholique de Genève, a pourtant dit que, bien conduite, elle aidait grandement à la dévotion: cf. "Traité de l'amour de Dieu", livre Vl, chapitre IV. Calvin, lui, l'estimait indispensable. L'œcuménisme affiché radicalise les positions en cachette.
 
4-2 _ Réjouissances et surprises aux éditions Cabédita.
L'éditeur vaudois, mais aussi savoisien et jurassien, enrichit chaque saison son catalogue d'une manière impressionnante.
Pour séduire et enchanter son public à l'approche des frimas, Éric Caboussat met en avant un pays de rêve: Les Grands Hôtels Palaces, tel est le titre d'un livre d'histoire richement illustré de Pascal Hoffer. En feuilletant le catalogue vous passerez du pays des Barques du Léman (par Pierre Duchoud) à la Cuisine des Sens (Michel Vidoudez), de Troubadours en Héraldique, d'Architecture en Généalogie, de Biographie en Métiers d'Art, d'Histoire en Légendes, et sur bien d'autres territoires encore. Plus de 120 livres publiés avec un grand professionnalisme, tant par la beauté des couvertures que par la rigueur de l'édition du texte et des illustrations.
Un riche programme, fourmillant de découvertes, que vous trouverez sur <www.cabedita.ch> ou à "Cabédita. BP 16, 74500 SAINT-GINGOLPH".
 
4-3 _ Grande exposition sur les Allobroges à Chambéry puis à Annecy.
Nombreux sont les Savoisiens qui cherchent à relier les premiers occupants du pays à ceux qui l’habitent encore. Pour répondre à cette curiosité, nous vous signalons une excellente initiative.
Le Musée Savoisien de Chambéry accueille du 17 octobre 2003 au 1er mars 2004 une exposition intitulée simplement: Les Allobroges.
Allobroges signifie: "Gens venus d’ailleurs". Ces Gaulois des Alpes, issus de tribus Celtes, forment une population voyageuse et belliqueuse. Lors de leur pérégrination depuis les bords du Danube, jusqu’en Galatie (aujourd'hui Turquie), puis vers les Alpes et la vallée du Rhône, ils pillèrent les cités grecques et romaines. Ils en ramenèrent une certaine culture et, après s’être fixés entre Genève, Vienne et les basses vallées des Alpes, en quelques siècles ils connurent une remarquable prospérité économique.
Annibal, en 218 avant J.C., accepta leurs guides pour accompagner sa formidable armée jusqu’aux portes de la Ceutronie. Là, les Ceutrons firent particulièrement souffrir les Carthaginois (nous en reparlerons peut-être un jour).
Les Allobroges étaient le peuple le plus puissant de la Gaule du sud. Tite-Live écrit dans son livre XXXI: "Près de là habitent les Allobroges qui ne le cèdent, en ressources et en considération, à aucun peuple de la Gaule."
Tout au long de cette remarquable exposition sont présentés: des outils, bijoux, fibules, colliers, bracelets et armes en fer ou en bronze; de nombreuses poteries et faïences; des plans de ville comme celui de Vienne; la représentation de paysages, comme celui d’Annecy à l’époque romaine dans son environnement; des mosaïques; des statuettes; etc. etc.
Vous pourrez connaître leurs dieux nombreux, et leur curieux métissage religieux avec ceux des occupants romains.
L’espace d’une heure si vous êtes pressés, d’une demi-journée si vous êtes curieux, vous serez transportés dans le temps et aurez l’impression de vivre avec Vercingétorix, chef gaulois Arverne. Vous ferez la connaissance de Catugnatos (littéralement "né pour le combat"), chef Allobroge; avec entre autres Abducillos et ses fils Ecos et Roussilos.
Au fil des siècles, tous ces noms ont-ils changé leur "s" final pour un "z"? Possible, puisque les noms se terminant en AZ ou OZ sont typiquement savoyards!
Enfin cerise sur le gâteau, apothéose finale, l’exposition se termine par le fameux hymne national "Les Allobroges" composé par Joseph Dessaix en 1856. Il s’agit d’une version chantée avec un texte que beaucoup ignorent. Pour avoir vu cette exposition à Grenoble, j’ai été frappé de l’émerveillement respectueux des visiteurs étrangers écoutant notre hymne. Pour vous, comme souvent, vous en aurez la chair de poule!
L’exposition sera également présentée au Musée-Château d’Annecy, d’avril à septembre 2004, puis au musée d’Art et d’Histoire de Genève d’octobre 2004 à mars 2005.
Guy Martin.
 
4-4 _ Succès de la fête du francoprovençal à Cruseilles les 30 et 31 août.
Toutes les années se déroule la fête du francoprovençal dans un des quatre pays où notre langue populaire est parlée (Suisse, Val d'Aoste, Savoie et Piémont). Cette fête a eu lieu cette année à Cruseilles.
Le public a pu assister à de nombreux concerts et expositions. Lors du défilé qui a rassemblé plus de 1000 personnes, il y avait de nombreux jeunes. Le Président de la fédération de langue savoyarde, Marc Bron, rappelle ce que tous les sondages démontrent :"On constate un véritable engouement pour la langue savoyarde". Au niveau des réalisations scolaires, malgré l'absence quasi-totale de moyens, l'innovation, l'humour et la subtilité sont au rendez-vous, comme ce sketch en savoyard mettant en scène le héros de bande dessinée Titeuf allant à la rencontre en alpage du héros de la BD savoyarde Fanfoué. Là c'est en plein dans le mille...
Disons-le sans ambages: ce milieu avait un aspect assez poussiéreux jusqu'à maintenant mais il semble nettement que les bonnes orientations soient en train d'être prises, surtout si l'on tient compte de la présence de la remarquable exposition Savoie-Argentine, retraçant l'émigration des Savoyards en Argentine au 19e. siècle et la vie de cette diaspora.
Reste maintenant à faire avancer le dossier de la reconnaissance au niveau des élus. Dans un premier temps, on aurait tendance à se dire qu'on ne peut maintenant même plus parler de manque de volonté politique; comme l'analysait lucidement une participante, "Ce n'est pas un manque de volonté, là c'est carrément un frein, voire une hostilité". Et ce tant au niveau des Conseils généraux que du Conseil régional, qui suivent une ligne qui n'a rien à envier à l'actuel ministère de l'Éducation nationale. Pas de reconnaissance au niveau du Ministère et enterrement de première classe de la création de l'Office de la langue. Dans un second temps, nous avons vu le second jour le Conseiller général Joël Baud-Grasset (UMP) et le sénateur Jean-Paul Amoudry (UMP) faire de beaux discours montrant une maîtrise parfaite de la langue savoyarde. Et le vice-président du conseil régional Michel Amoudry (UDF) réitérer sa promesse de financer la création de l'office de la langue. Maintenant s'il vous plaît, messieurs, enfin des actes!
Un débat sur l'avenir du francoprovençal s'est donc tenu, dont le sujet central portait sur la graphie, dans le but de rapprocher les systèmes graphiques phonétiques existant dans l'aire francoprovençale et ainsi de parvenir à une écriture plus uniforme. Nous ne reviendrons pas sur ce débat puisque depuis plusieurs années nous avons expliqué comment il fallait s'y prendre pour réussir.
Pascal Garnier.
 
4-5 _ Diaspora savoisienne.
Ils viennent de Bellevaux, Chambéry, Évian, la Chapelle d'Abondance, La Forclaz, Le Biot, Marin, Publier, Saint-Étienne de Cuines, Saint-Michel de Maurienne, Thonon, et de bien d'autres villages encore. Ils s'appellent Bel, Berthet, Blanc, Crépy, Chatelain, Ducret, Favre, Garnier, Jacquard, Magnin, Meynet, Morel, Mudry, Vulliez et leurs prénoms aujourd'hui sont Florencia, Carmela, Luis, Alberto, Alfredo, Camila, Joanna, Emiliano, Ester, Sofia, puisque ce sont des citoyens argentins.
Au milieu du 19e. siècle, la Savoie voyait sa population augmenter rapidement du fait d'une natalité excessive. Elle était essentiellement agricole et les propriétés de plus en plus morcelées ne permettaient plus de vivre. C'est dans ce contexte que de nombreux Savoyards furent contraints à l'exil et peuplèrent notamment l'Argentine. Ce fut un véritable déchirement: ils réglèrent leur héritage car ils savaient alors qu'ils ne reviendraient jamais. Entassés jusqu'à 600 sur des bateaux à voile, ils mettront entre 50 et 70 jours pour arriver à Buenos Aires. Ils vont ensuite s'installer en compagnie de Valaisans et de Piémontais au nord de la ville de Conception del Uruguay dans l'Entre Rios pour coloniser un endroit qui deviendra la ville de San José. Ils s'installent sur leur terre et se mettent au travail même si, bien sûr, le mal du pays est toujours présent. En 1871, un peu plus de 10 ans après sa création, la ville de San José comptera déjà 1869 habitants pour 317 familles possédant 3700 bovins, 870 chevaux, 660 porcs et 13700 poules, et des arbres fruitiers. D'autres cités vont voir le jour comme Colon ou Villa Elisa. Les hommes vont être rappelés en 1914 pour aller faire la guerre. Ceux qui répondront à la convocation arriveront naturellement en retard et, considérés comme déserteurs, ils seront envoyés à la boucherie en première ligne.
Les trois colonies (savoyarde, valaisane et piémontaise) vont connaître un remarquable essor; comptant aujourd'hui près de 40 000 personnes, elles participent d'une façon dynamique à la vie de la province d'Entre Rios. Pour le centième anniversaire de la fondation de Villa Elisa en novembre 1990, 236 Savoyards ont fait le voyage chez "les cousins" et ont été accueillis par 3000 personnes.
C'est cette histoire en 6 thèmes et 32 tableaux que retrace l'exposition "L'émigration savoyarde en Argentine" organisée par l'association Savoie-Argentine.
Le français a été assez vite abandonné en Argentine au profit du castillan. Mais nombre d'émigrés savoyards parlaient avant tout le francoprovençal. Détail touchant pour notre langue: il y a encore trois ans, une vieille dame de San José, décédée depuis, originaire du Viviers du Lac, écrivait encore à sa famille en francoprovençal! Au-delà de la langue, c'est surtout au niveau culinaire que la Savoie s'est imposée en Argentine puisqu'on y retrouve sous une forme ou une autre presque toutes les recettes savoyardes!
Cette exposition, au-delà même du lien qui unit Savoie et Argentine, rappellera à tout un chacun que ce n'est jamais de gaieté de cœur que l'on s'exile, et que si aujourd'hui la Savoie est devenue prospère, d'autres sont contraints de quitter leurs pays pour venir chez nous. L'écrivain John Berger, se mettant dans la peau du narrateur, émigré en Argentine et revenu au pays finir sa vie, a écrit dans son best-seller "La Cocadrille" une phrase qui résume la question: "L' émigration ne m'avait offert aucune promesse nouvelle. Je ne considérais la promesse de la Place de l'Étoile et celle de l'avenue Corientes à Buenos Aires que comme des résurgences de ce que j'avais imaginé au village. Au village, je n'avais pas pu me représenter vraiment ces lieux, mais j'avais bien imaginé les plaisirs qu'ils promettaient et qui, finalement, m'ont échappé."(1)
Cette exposition sera à la bibliothèque municipale de Ville-la-Grand du 28 novembre au 21 décembre.
Pascal Garnier.
  1. John Berger. La cocadrille. Point Seuil n° 289. 1996.
4-6 Putain d'usine.
Présenté dans le cadre du festival du premier roman à Chambéry au printemps 2003, "Putain d'usine" a été écrit par un ouvrier qui travaille dans une usine fabriquant des produits chimiques (comme l'usine AZF qui a sauté à Toulouse en septembre 2001).
Il décrit avec un réalisme saisissant toutes les sensations le plus souvent douloureuses qu'il éprouve au travail, réalisme vraiment étonnant puisque j'ai ressenti les mêmes troubles lorsque durant mes études je travaillais l'été en usine. "C'est dans les statistiques, constate l'auteur, les ouvriers vivent moins longtemps que les cadres. Qu'on n'incrimine pas seulement le tabac et l'alcool, le rythme et les conditions de travail y sont pour beaucoup. Il y a la pénibilité et les poussières, le stress, les multiples changements d'horaire de travail. Pour les uns c'est l'estomac qui se détraque, pour d'autres le cœur, le dos qui devient fragile, les artères qui se bouchent, le sommeil qui n'est plus qu'un vague souvenir..."
Il y a en France des millions de travailleurs qui vivent cette dure condition ouvrière, quelques dizaines voire centaines de milliers en Savoie parce qu'à un moment donné de leur vie, bien souvent, ils n'ont pas eu le choix. Les partis politiques traditionnels, du PC à l'UMP en passant par les socialistes, ont perdu leurs suffrages au profit des extrêmes et de l'abstention: lisez ce livre, il vous apprendra à comprendre pourquoi.
P.G.
Jean-Pierre Levaray. "Putain d'usine". L'insomniaque. 2002. 94 p. 7€
 
4-7 _ Autour du Mont Blanc.
Trad Mag, n° 91 de septembre-octobre 2003, le grand magazine des musiques traditionnelles, consacre tout un dossier intitulé "Autour du Mont Blanc" à la situation culturelle en Savoie, dans le Valais et le Val d'Aoste. Un grand encadré est consacré à la Ligue savoisienne, au MRS, à "la région Savoie j'y crois" et à l'Écho de Savoie. C'est la cassette vidéo "Les Alpes en musique", dont nous avions rendu compte dans notre numéro d'avril-mai 2003, qui a donné envie à Claude Ribouillault de réaliser ce dossier (cette vidéo peut toujours être obtenue au secrétariat de la Ligue contre un chèque de 20 €). Ce dossier est absolument remarquable. Relevons toutefois une erreur majeure sur la langue savoyarde lorsqu'il énonce: "Comme tout patois, il n'avait pas de forme écrite, variant de village en village et de vallée en vallée. Avec l'alphabétisation on commence au 19e. siècle à étudier le patois." Le patois savoyard a toujours été écrit, sa littérature est même très riche comme le démontre si bien Gaston Tuaillon dans son dernier livre justement intitulé "La littérature en francoprovençal avant 1700", éditions Ellug. Alain Favre, dans notre numéro de juillet 2002, commentait: "Mais ce qui surprend le plus est la qualité des textes, pleins de vivacité et souvent d’humour, même quand ils décrivent les situations dramatiques dans lesquelles le peuple se débat: misères et famines, presque toujours causées par la guerre. La politique et la religion y sont très présentes, souvent sous forme de moquerie ou de satire. Car la littérature francoprovençale est d’abord populaire, exprimant des préoccupations souvent bien différentes de celles de l’élite francisée."
Cette revue peut être obtenue en envoyant un chèque de 8€ (port compris) en écrivant à Trad magazine. BP 27. 62350 Saint-Venant.
Pascal Garnier.

 

4-8 _ Jean-François Bernardini (I Muvrini) au festival interceltique 2003: "Additionnons nos singularités pour être reconnus!"
Le groupe a été accueilli par une ovation incroyable, réservée généralement aux grands de la celtitude. Alors Jean-François Bernardini a dit: "Elle est belle la celtitude sur vos visages, merci de nous ouvrir les bras dans votre belle cathédrale". Ce vendredi soir, il a fallu refuser du monde à l'entrée (dont le sous-préfet de Lorient, curieux de prendre un bain identitaire avec ces drôles de Français qui chantent toujours leurs différences...). Il ne sait pas ce qu'il a raté car ce soir là I Muvrini ont fait chavirer le vaisseau interceltique. Il faut dire que Jean-François Bernardini sait trouver les mots justes qui touchent le cœur sur l'amour de la terre, la vie qui s'écoule, les souvenirs de générations condamnées à l'exil, des bateaux qui partent...
En fin de concert tout le public a chanté, en harmonie avec le bagad de Lorient, le tube du dernier album du groupe "Erein eta joan", "Je sème mais je m'en vais", une chanson avec un titre basque, des couplets en français, corse, occitan et breton.
Jamais un groupe venu des musiques traditionnelles, du moins en France, ne sera allé aussi loin dans la reconnaissance et le succès.
Ce qui frappe le plus, lorsque l'on rencontre celui qui est devenu presque malgré lui une star, c'est sa simplicité, son accessibilité, sa disponibilité auprès de tout un chacun, des plus humbles aux plus reconnus. Malgré la canicule accablante et une tournée harassante de plus de 200 concerts, une discussion avec Jean-François Bernardini est d'un enrichissement intense parce qu'il prend le temps d'écouter et de répondre sans jamais se défiler. Savoisiens, "…les frères vous viennent tôt ou tard, on ne marche jamais en vain…" Oh, Corsica!
Un militant politique : ne pas s'exploser sur le mur de l'impossible.
La Ligue savoisienne et le Mouvement Région Savoie sont membres du PDPE-ALE (Alliance Libre Européenne) et de R&PS, tout comme le PNC (Parti de la Nation Corse): est-ce important pour les Corses et les autres nations d'Europe pour pouvoir s'affirmer dans le cadre européen?
— Je pense au mot alliance, le mot alliance est en soit tout un programme, toute une philosophie, je pense qu'il est important que les peuples se donnent la main et que nous sommes plus forts en additionnant les singularités parce que nos combats ne sont pas une succession de petits combats particuliers mais s'inscrivent véritablement dans une vision mondiale, vision extrêmement moderne, celle des identités, des singularités qui veulent accéder à une reconnaissance, non pas une reconnaissance contre, non pas une reconnaissance en opposition, mais une rencontre qui est celle de l'addition, de la juxtaposition des hommes, des peuples, des cultures. En ce sens-là, c'est un combat qui continue mais c'est un très beau combat parce qu'il me semble s'inscrire dans un enjeu qui n'est pas d'ordre corse ou autre mais un combat dont l'enjeu est universel et profondément humain.
 
Il s'inscrit donc bien contre la mondialisation libérale et les combats environnemental et culturel s'inscrivent un peu dans la même perspective?
— Tout à fait. Je pense que les gens qui sont ici, dans ce creuset de celtitude, comme ceux qui sont en Savoie, en Corse ou ailleurs, à des degrés différents mènent ces combats-là qu'ils ont entamés il y a plusieurs années; ils étaient déjà là dans ce refus conscient ou inconscient d'une grande vague qui emporte tout sur son passage au nom d'une seule règle qui est celle du profit, de l'argent et de l'homme déraciné de tout y compris de lui-même. Et ce système-là, il a ses effets pervers, il a ses dangers et donc toutes ces résistances positives sont autant de façons à la fois de ne pas céder à cette déferlante et d'ériger des barricades qui sont positives et une vision salutaire du monde de demain.
 
Vous avez démarré en 1979 et dans ton livre "Lumière dans la tempête Corse" (éd. Mango 1999) tu expliques que jusqu'en septembre 1984 vous avez eu des concerts qui ont été interdits par arrêté municipal en Corse. Est-ce qu'il y a eu une évolution depuis, êtes-vous perçus de manière différente, faut-il rester prudent?
— Je pense que la Corse fait partie de ces lieux où les phénomènes d'acculturation, de minorisation, ont connu leur apogée, avec un peuple que l'on dresse contre sa propre culture, et c'était moins le peuple d'ailleurs que les institutions. Et il se trouvait encore des communes avec des maires suffisamment rétrogrades pour interdire les concerts pour trouble à l'ordre public! Il y avait aussi heureusement des centaines et des milliers de femmes et d'hommes pour ne pas accepter ce genre de diktat. Depuis il n'y a plus d'interdit puisque la preuve est faite que notre démarche a une légitimité, la plus belle de toute, qui est la légitimité populaire. Mais de là à dire qu'on est passé à une véritable politique de développement, d'accompagnement et d'émancipation de la culture vivante, des spectacles vivant, de ce qui honore au quotidien dans l'acte, dans le geste, dans la culture et la langue de ce pays, ce serait aller trop loin. On est aujourd'hui accepté bien sûr, pas forcément accompagné. On est un petit peu en marge d'un système institutionnel, à l'égard duquel on est extrêmement méfiant d'abord parce qu'il fonctionne sur des règles clientélistes qui ne sont pas forcément de notre religion ou de notre paroisse. Et puis en même temps, j'ai le sentiment que la vision patrimonialiste qui est souvent la plus accréditée n'est pas toujours celle qui prévaut justement à la défense, à la sauvegarde et à l'émancipation d'une culture qui a besoin de conquérir au quotidien des territoires qu'elle a perdus et sur lesquels un travail énorme reste à faire même si nous avançons.
 
Là il y a effectivement une petite différence au niveau de la culture entre Jean-Jacques Aillagon, qui est le ministre des monuments, et Jack Lang avec qui —c'est peut-être naïf— il y avait quand même une réelle ouverture et peut-être une reconnaissance de la culture bretonne en particulier...
— Oui, il subsiste dans l'air encore une vision néofolkloriste de ces cultures: bien sûr on ne s'arc-boute plus contre elles, il n'est plus question de les interdire, on les laisse aller s'exploser sur le mur de l'impossible quant on sait qu'une chanson qui naît en langue corse, bretonne ou autre, n'a pas de véritable existence médiatique si ce n'est par la force de celles et ceux qui y croient profondément et qui la défendent. Donc en soi le paysage est très convenu et assez réfractaire, même si tous les jours nous gagnons du terrain.
Après la répression, une reconnaissance triomphale.
À ce propos, on parlait de la ratification de la charte des langues minorisées et aujourd'hui ce n'est plus du tout d'actualité avec le nouveau pouvoir…
— Je crois davantage à une reconnaissance que l'on obtient par un travail et sur un autre terrain, qui vaut peut-être plus qu'un statut de papier. L'acte artistique, la création, génèrent une reconnaissance réelle, effective, par des milliers d'hommes et de femmes aujourd'hui. Je suis profondément réconforté de voir que ceux qui défendent la langue corse ou bretonne sont hors de la corsophonie et sont des citoyens de tous ordres et de toutes origines qui se disent que cela doit être préservé parce qu'il est aussi aberrant de détruire un bouddha en Afghanistan que de détruire une langue en Corse, en Bretagne, au Pays Basque ou ailleurs.
 
Cela s'inscrit donc dans un combat complètement universel, comme l'indique le titre de votre dernier album, "Umani". Cette universalité s'est affirmée au fil des albums parce que cela vous a permis d'avoir plus de contacts, je suppose?
— Pas forcément à travers les contacts. D'abord, je pense que le prétexte de base qui prétendait que ces musiques n'étaient pas dans l'universel est particulièrement insolent et présomptueux; à l'envers, il serait tout à fait prétentieux de porter le discours de l'universalité. Non, on "est" tout simplement et à partir du moment où il y a un germe de vie, d'existence, de différence, on est dans l'universel et cela me semble être une évidence et on ne va pas s'évertuer à répondre à un discours qui est complètement archaïque, qui est complètement dépassé, l'Universel est partout où il y a un pied humain, une parole humaine donc forcément en Corse ou ailleurs.
 
En Bretagne, les choses se passent très naturellement mais comment êtes-vous perçus par tous les pontes parisiens par lesquels vous êtes reçus?
— Je crois qu'on a gagné du terrain parce qu'il y a un travail, une reconnaissance. Ceux qui pensent que des groupes comme le nôtre ne pourraient pas exister à ce niveau-là en sont pour leurs frais et on fait une tournée qui est extrêmement éloquente à travers toutes les villes de France, Europe, Allemagne, Belgique, Suisse, je crois qu'on finit par forcer le respect avec le travail, avec l'obstination et ça aussi ça fait partie des petites victoires que nous devons continuer à remporter.
 
Et comment réagissez-vous aux railleries de journaux comme Charlie-Hebdo ou de gens comme Thierry Ardisson, qui dans son émission "Tout le monde en parle" passe un morceau d'I Muvrini en suggérant lourdement qu'il est ennuyeux?
— Les Corses ont de l'humour et de l'humour sur eux-mêmes. Thierry Ardisson est parti à la chasse au mouflon mais il n'a pas tué le mouflon!
 
Propos recueillis par Pascal Garnier à Lorient le vendredi 8 août 2003.
 
4-9 _ Le festival interceltique en bref.
La figure emblématique du FIL (Festival Interceltique de Lorient), Jean-Pierre Pichard, nous présente le concept du festival de Lorient de cette année: "le 33e. festival interceltique a été placé cette année sous le signe des Asturies puisque chaque année le Festival Interceltique met un pays en valeur. Ces opérations permettent aux pays celtiques de profiter tour à tour de cette immense caisse de résonance lorientaise qui s'anime au mois d'août. La mise en place de ces années à thème permet aussi au festival interceltique de resserrer les liens entre les gouvernements des pays ou régions invitées qui sont toutes devenues indépendantes ou autonomes. Des collaborations peuvent ainsi s'établir tout au long de l'année sur le plan culturel mais aussi sur le plan économique entre les pays de la façade atlantique."
Depuis ses débuts, le FIL s'est voulu innovant et créatif. De nouveaux concepts de spectacle sont apparus comme les nuits magiques ou même 8 créations cette année alliant l'Orchestre symphonique de Lorient, le jazz, le rock, le traditionnel évolutif.
Chaque année s'affirment des individualités fortes appelées à être très médiatisées comme cette année Denez Prigent qui a inventé un nouveau genre alliant la gwerz (chant traditionnel breton a cappella) et le techno ou la belle gaitera (joueuse de cornemuse) la Galicienne Susana Sevane, qui plait autant aux garçons que Carlos Nunez aux filles!!!
Le public a suivi cette évolution puisque cette année avec plus de 600 000 visiteurs le festival interceltique a vu sa fréquentation augmenter de 8%. Non seulement les retombées économiques directes et indirectes pour Lorient et la Bretagne sont énormes, mais le festival exporte de plus en plus ses musiciens et son savoir-faire par les nuits celtiques du stade de France et l'an prochain au stade de la Beaugeoire à Nantes, dans les festivals de Cardiff, de Glasgow et en Amérique.
P.G.
 
 
5-1 _ Un Réveil au Pays du Mont-Blanc.
La Roche sur Foron, imprimerie du Mont-Blanc, 1933.
L'Écho de Savoie reproduit ci-après de longs extraits d'une brochure parue sans nom d'auteur en 1933 à La Roche sur Foron. C'était un an après la condamnation de la France par la Cour Permanente de Justice Internationale de La Haye, dans l'affaire des zones franches. La France et la Suisse s'étaient entendues pour ne soumettre à la Cour de La Haye que le cas des zones de 1815 (Gex et la Petite Zone, dite Zone sarde). Le cas de la Grande Zone, celle qui englobait le Chablais, le Faucigny et la partie du Genevois située au nord de la rivière des Usses, n'entrait pas dans le cadre du procès: condition expresse de l'annexion de 1860, son existence fut sanctionnée par le vote "OUI et ZONE" de tous les habitants de Savoie du Nord. Elle fut pourtant supprimée en 1923.
Cette petite brochure (10,5 X 13 cm) a été trouvée par notre lecteur Rémi Mogenet (Membre de l'Académie Florimontane d'Annecy) dans la bibliothèque de son grand-père. Le courageux anonyme du Pays Rochois voulait lancer une association pour reconquérir les droits zoniens des agriculteurs et importateurs de Savoie du Nord. La brochure ne comportait ni nom ni adresse, il n'est donc pas étonnant que cette entreprise n'ait laissé aucune trace dans l'histoire...
Ce qui est remarquable dans cet opuscule, c'est que le raisonnement développé par la Ligue savoisienne sur les conséquences du pacte synallagmatiques de 1860 y est déjà présent, point par point:
— les Savoyards ne devaient pas participer à la 1e. guerre mondiale, puisqu'ils étaient protégés par leur statut de neutralité datant de 1815 et confirmé en 1860, faisant d'eux les égaux de citoyens d'un pays neutre.
— la création de la Zone franche de 1860, dite Grande Zone, était une condition du pacte: en supprimant cette Zone, la France donne aux Savoyards le droit de ne plus être français. Le traité de 1860 est caduc!
— si la Savoie était un État indépendant, "nous ne serions pas plus malheureux"...
Cela signifie que l'argument de la prescription ne tient pas: le fait ne prime pas sur le droit quand il a été rendu public qu'il était contre le droit au moment où le fait a eu lieu. Car alors, il est patent que la force seule a imposé le fait. Puisque le raisonnement sur la caducité du traité de 1860 a été publié en 1933, depuis cette date on peut continuer à soutenir valablement que la France est hors-la-loi en Savoie!
Il est nécessaire de préciser ici que Jean de Pingon n'avait pas connaissance de la brochure de l'anonyme de La Roche sur Foron lorsqu'il publia ses thèses sur la caducité du traité d'annexion, dans la presse entre 1993 et 1995, puis dans son livre "Savoie française, histoire d'un pays annexé" (éd. Cabédita), en novembre 1996.
 
 
Que diriez-vous d'un père de famille qui, ayant reçu en héritage une belle maison où rien ne manque, lèguerait à son tour à ses enfants cette maison, mais à laquelle il manquerait une partie du toit enlevé par des cambrioleurs, ceux-ci n'ayant pu forcer les portes solidement fermées?
Vous diriez que son premier devoir était de refaire la toiture, afin de protéger la maison contre les intempéries. Et vous auriez raison.
Cette parabole se rapporte exactement à une affaire pourtant d'actualité, quoi qu'en disent ses détracteurs intéressés. Il s'agit de:
La Zone de 1860
(ou Zone d'Annexion)
—————
 
Son origine.
Pour être court, disons simplement que lorsque le roi de Sardaigne, qui devint roi d'Italie, céda la Savoie à la France, il le fit à la condition que celle-ci:
1° l'acceptait avec les réserves concernant la neutralité instituée au Congrès de Vienne, et par le Traité de Paris, en novembre 1815, neutralité qui englobait toute la Savoie au nord d'Ugine, neutralité garantie au même titre que celle de la Suisse, neutralité qui, soit dit en passant, ne gênait en rien le labeur tenace de ses habitants;
2° que cette annexion serait faite sans contrainte, avec le consentement, et par un vote de ses habitants, citoyens de ce pays.
Or, qu'arriva-t-il?
Les citoyens de la Savoie du Nord, que les relations constantes commerciales poussaient vers Genève, cette capitale économique du bassin du Léman —et de la vallée de l'Arve, notamment— demandaient non pas de rester Sardes, puisqu'il n'en était plus question, le roi de Sardaigne s'en désintéressant pour toujours, mais voulaient être citoyens de ce pays, et rattachés à Genève, comme la Nature l'indique par ses montagnes et ses cours d'eau. L'empereur des Français, soucieux de ne pas laisser démembrer la Savoie de cette façon, dut promettre et accorder une ZONE FRANCHE économique aux citoyens des arrondissements de Bonneville, Thonon, Saint-Julien, la ligne douanière française passant en dehors de cette région qu'on appelle la Zone de 1860.
Celle-ci avait pour but, en particulier, de faciliter les échanges commerciaux de tous les produits agricoles et autres de cette partie de la Savoie avec Genève et la Suisse.
C'est d'après ces promesses faites publiquement que, par 47000 citoyens votant: "OUI et ZONE", la Savoie devint française et ne fut pas démembrée, ce qui serait arrivé sans ces promesses, pour notre bonheur. Mais si notre pays a compté depuis de chaleureux défenseurs de nos droits, il n'en a pas toujours été ainsi, et les profiteurs, fraudeurs de tout acabit ne devaient pas tarder à abuser de nos franchises douanières et de nos droits pour en faire leurs profits au grand détriment des honnêtes travailleurs de notre pays.
Ainsi on eut des fraudes d'importation de blé qui était revendu à l'intérieur comme provenant de la Zone de 1860; du bétail acheté ailleurs que dans le pays, et puis tant d'autres cas, de sorte que la Douane française, si souvent abusée, devait devenir exigeante pour le contrôle des produits sortant de la Zone pour être introduits en France.
C'est pourquoi un projet de loi fut présenté par M. Raoul Perret et voté par la Chambre française le 31 mars 1914, qui devait mettre fin à ces abus, tout en respectant nos droits tant à l'importation en franchise que pour l'exportation des produits zoniens, soit les produits agricoles sans exception, les produits forestiers, ceux provenant de l'industrie établie sur Zone, usinés là avec des matières premières zoniennes françaises ou nationalisées par le payement de droits de douane, avec la seule exigence que ces envois de produits en France seraient accompagnés d'un certificat d'origine, dont le coût était de 0fr.25 centimes pour le timbre, et d'une petite taxe rendue nécessaire pour le contrôle.
Malheureusement, quelques mois plus tard, c'était la guerre, et le projet resta dans les cartons du Sénat. Survint le traité de Versailles, qui devait modifier les frontières des États européens avec mission de laisser aux peuples le choix de leurs destinées; ainsi plusieurs États vécurent une vie indépendante de la précédente.
Les négociateurs de ce traité firent un article, le fameux 435, sous prétexte d'une atteinte portée à la souveraineté de la France, dans la constitution d'une zone neutralisée, instituée en 1815. Le dit article 435 avait pour but de supprimer la neutralité qui, a-t-on prétendu, laissait une porte ouverte à une invasion possible, qu'avaient imposée en 1815 les alliés d'alors: Russie, Prusse, Autriche, Grande-Bretagne, alors vainqueurs de la France, et dont ils devaient ainsi se désintéresser à l'avenir.
Jusque là, il n'y a rien à dire, puisque c'était un droit de la France. Il restait à obtenir une entente avec la Suisse, ce que fit volontiers celle-ci, n'ayant rien à craindre de la France, mais avec les réserves concernant les zones de Gex et Zone sarde.
Mais ce qui devint illicite, c'est le fait que des personnes n'habitant pas notre pays, bien entendu aidées de complicités intéressées et abusant aussi de leurs positions sociales, jetèrent de la poudre aux yeux à la plupart de nos concitoyens pour les persuader que cet article 435 du traité de Versailles avait supprimé la Zone économique, instituée en 1860, comme étant la condition de notre acceptation de devenir citoyens français.
Or cette Zone a fait ses preuves, en ce sens qu'elle répond parfaitement à une nécessité économique, résultant d'une situation topographique et géographique indéniable pour toute personne impartiale.
Il est compréhensible qu'une suppression de cette Zone n'était pas à sa place dans un traité de paix. D'autant plus que les Savoyards zoniens avaient fait patriotiquement leur devoir pendant la guerre, bien qu'en réalité rien, ni personne, n'eût pu les y obliger, étant citoyens d'un pays neutre.
C'est sans doute pour les récompenser de leur dévouement qu'on voulut leur supprimer les avantages reconnus par le pacte de 1860. Pour cela, on se servit de délibérations de conseils municipaux, dont les initiatives prétendues de bonne foi, mais inspirées seulement par certains désirs jaloux ou par la soif d'exploiter, à leurs profits, ce pays qui faisait l'admiration de tous par sa prospérité, ayant sa source dans le régime zonien, et par la culture intensive qu'il favorisait...
Lorsqu'en 1923 on chercha le prétexte d'une situation financière mauvaise pour reporter à la frontière politique la douane française, c'est que l'on savait parfaitement les CENTAINES de MILLIONS DE FRANCS que l'État français allait y gagner; c'est pourquoi on se garda bien de consulter les citoyens, comme nous avons le droit de l'exiger ENCORE AUJOURD'HUI, puisque nos DROITS ont été reconnus par plébiscite.
C'est PAR UN VOTE qu'on devait demander leur suppression, bien que la Constitution française ne l'eût pas prévu.
Le vote par le Parlement français de cette iniquité, que l'on peut qualifier d'abus de confiance ou escroquerie, en même temps que la rupture d'un pacte qui liait la Savoie du Nord à la France, crée un problème qui aura sa solution lorsque citoyens et citoyennes de l'ex-Zone de 1860 en auront pris conscience et voudront à nouveau affirmer leurs désirs de faire reconnaître leurs droits bafoués autant par ignorance que par lâcheté; car si nos représentant d'alors avaient donné leur démission après ce vote, le plébiscite aurait été fait sur leur réélection assurée, et le Gouvernement d'alors aurait dû s'incliner devant votre volonté.
S'ils ont préféré se laisser amadouer par l'offre d'une indemnité forfaitaire de 40 francs par habitant, c'est qu'ils n'avaient pas prévu toute la conséquence de cet abandon de nos DROITS, conséquence dont les agriculteurs principalement font les frais actuellement.
Le report de la douane française à la frontière politique eut pour résultat immédiat la ruine de notre industrie horlogère, car de nombreux artisans travaillaient pour des industriels suisses.
Puis, n'ayant plus la liberté d'importer en franchise les marchandises achetées à Genève, cela nuisait déjà beaucoup aux relations commerciales établies de longue date, la baisse de la valeur du franc français aidant, Genève devint une ville où chacun venait vendre ses produits, mais où aucun n'achetait en échange.
(...)
Nos ancêtres ont ACCEPTÉ de devenir CITOYENS FRANÇAIS mais avec la CONDITION EXPRESSE d'être ZONIENS. Si la France supprime la ZONE et nos Droits de Franchises douanières, SANS notre consentement, comme c'est le cas, puisque vous n'avez pas voté cela, eh bien! nous sommes SAVOYARDS, avant d'être Français, ayant tout perdu de nos avantages.
Sans être prophètes, nous pouvons dire qu'en demeurant Savoyards, CITOYENS d'un petit ÉTAT LIBRE, neutre, indépendant, nous ne serions pas plus malheureux, car nous ne reconnaissons aucune dette contractée en dehors de celles qui ont été employées à faire des travaux dans notre pays.
 
 
illustration: bulletin "oui et zone"
légende: Ce bulletin de vote de 1860 était reproduit en dernière page de l'ouvrage de l'anonyme de La Roche sur Foron.
illustration: couverture de la brochure;
Légende:
Format réel de l'opuscule: cette petite taille explique sans doute l'absence de cet ouvrage aux Archives Départementales...
 
 
6-1 _ Vers des lendemains meilleurs.
Devenir un petit État européen, modeste dans sa surface, mais important par ses ressources humaines ou matérielles, ne pensez-vous pas que ce soit un privilège?
Les gens se connaissent de famille en famille: ils savent à qui faire confiance et peuvent ainsi élever au Gouvernement des hommes capables et dont ils connaissent la personnalité. Les représentants du peuple sont naturellement peu nombreux, et leurs rémunérations raisonnables. Ils ne cherchent pas à faire carrière, mais à être d'honnêtes représentants de leurs concitoyens. Élus au suffrage universel, ils rendent compte à toutes les classes sociales. Ils n'ont nul besoin de groupements syndicaux qui sèment le désaccord entre les diverses catégories de travailleurs qui, avec un peu de raison et de bonne volonté, pourraient fort bien se comprendre.
D'ailleurs, si une contestation s'élève au Gouvernement, ou si une décision importante doit être prise collectivement, la meilleure solution est d'avoir recours à un referendum. N'est-ce pas la façon la plus équitable de résoudre un problème commun?
Un tel Pays, petit par la taille, mais normalement peuplé d'habitants travailleurs, pleins de ressources matérielles ou intellectuelles, aura son mot à dire en Europe!
Si l'Europe naissante devient bien ce que l'on attend d'elle, un tel Pays y est respecté; oserait-on attenter à sa neutralité, comme on l'a vu récemment quand la nation voisine, célébrant quelque fête aérienne, a, pendant une journée entière, fait retentir notre ciel de ronflements infernaux, violents, dans notre souvenir, comme ceux de la dernière guerre! Reconnue sa neutralité, notre ciel n'aurait pas subi un tel orage!
Pays de superficie modeste, mais puissant de son impétueux relief, notre Patrie, forte depuis plus de 1000 ans des mêmes races solitaires mais courageuses, cette Région d'Europe connaîtrait une véritable fraternité. On y serait tous égaux, quelle que soit la fonction exercée dans l'État, quelles que soient les ressources naturelles, matérielles ou intellectuelles dont on ait l'avantage de bénéficier.
Nul n'est supérieur à l'autre s'il ne consacre toutes ses forces au bien-être de la Nation! Ce bien-être, nous l'acquerrons aisément par nos industries, nos corps de métiers, nos esprits ingénieux! Dans notre Patrie, pas de luttes idéologiques. Elles sont d'un autre temps! Notre histoire nous en fait souvenir, et aussi des souffrances inutiles qu'elles engendraient.
Plus sages aujourd'hui, plus de vaines chamailleries politiques, et encore moins de controverses religieuses. Les uns, parmi les humains ont un esprit spiritualiste, les autres sont naturellement des matérialistes athées. Qu'y faire? Le mieux n'est-il pas de se taire? Vive la tolérance qui nourrit la Paix.
Il y a parmi nous des Savoisiens forts, dont la jeunesse se nourrit d'intelligence et d'habileté. Avec eux, nous sommes aptes à défendre les droits de notre patrie millénaire, spoliée par un médiocre tyran à qui cela n'a rien apporté de bien.
Germaine Rosaz.
 
 
6-2 _ "Un combat pour la Corse" d'Edmond Siméoni.
Edmond Siméoni, la figure emblématique du nationalisme Corse, a connu une jeunesse nationaliste française. Son père était de droite, maire de son village, et clanique. Son fils grandira dans cette idéologie et la partagera jusqu'à ce que les premiers combats environnementaux en fassent le leader naturel du mouvement nationaliste corse.
Écologie et patriotisme: même combat!
En effet le nationalisme corse moderne est étroitement lié aux grands combats écologiques de notre temps qui, avec Edmond Siméoni, vont faire changer d'avis sur la puissance annexante un grand nombre d'insulaires. Sans lutte, la Corse serait devenue la poubelle de la France!
Jugez plutôt. Tout débute en 1960: Michel Debré veut installer dans l'île un centre d'expérimentation nucléaire, à l'Argentella; un groupe de Corses résolus gagne le combat contre cette entreprise; en 1967 une partie de ces militants fondera l'ARC (Action Régionaliste Corse). Quelques années plus tard, en 1971, Paris veut imposer à la Corse un schéma de développement basé sur le tourisme lourd, le productivisme agricole et l'implantation massive de populations venues de l'extérieur; l'ARC fait échouer ce plan. À la même époque, la grave affaire de pollution des "boues rouges", déversées par des navires affrétés par la société Montedison le long des côtes corses, débouche sur la première véritable grande manifestation écologiste. L'ARC se transforme alors en véritable mouvement autonomiste, l'UPC (Union du Peuple Corse), l'ancêtre du tout nouveau PNC (Parti de la Nation Corse), membre de R&PS et du PDPE-ALE. Il y aura aussi la lutte contre la recherche pétrolière au large de Biguglia, contre l'implantation d'une centrale au fioul au Vaziu, et le collectif de lutte contre les incendies créé en 1996 à l'initiative de Jean-François Bernardini, le porte-parole du célèbre groupe musical "I Muvrini" ("les mouflons"). Le mouvement nationaliste a participé à toutes les actions pour protéger l'environnement, il a lancé lui-même plusieurs mobilisations et il a soutenu toutes les impulsions positives venues de la société civile. Aujourd'hui les nationalistes continuent à protester contre le passage des pétroliers dans le dangereux détroit de Bonifaziu (entre la Corse et la Sardaigne) et contre les tentatives d'urbanisation du littoral. Le combat pour la terre est indissociable du combat pour l'identité.
La lutte des Corses peut être mise en parallèle avec celle des Savoisiens, au niveau symbolique par exemple par la confection dès les années soixante de cartes d'identité corses, par l'utilisation du slogan "Corse libre" ou bien encore par la mise en place d'un "shadow cabinet", un gouvernement provisoire.
Parallèle aussi frappant: l'État français enverra bien entendu des provocateurs pour semer la zizanie dans l'espoir d'empêcher l'émergence de cette force qui conteste le pouvoir parisien. Les premiers attentats "barbouzards" ont lieu dès les années soixante; puis le réseau FRANCIA lié au SAC (Service d'action civique) de sinistre mémoire, service d'ordre et police parallèle du parti gaulliste, commettra des attentats, y compris une soixantaine contre les militants nationalistes à partir de 1977.
Le mouvement hésitera également pendant longtemps entre la lutte catégorielle (avec des combats contre la vignette et la fiscalité en général, qui le feront taxer de "poujadisme" par ses adversaires) et le véritable combat politique. Mais —nous explique Siméoni— la mobilisation des gens au départ ne pouvait se faire que sur des questions très concrètes, sujets sur lesquels ce que l'on nomme généralement les milieux socio-professionnels sont très sensibles. L'engagement politique connu sous le nom de "LLN" (Lutte de Libération Nationale) ne s'imposera véritablement qu'après les événements d'Aléria (les 21 et 22 août 1975) qui vaudront à Edmond Siméoni de passer 3 ans derrière les barreaux pour avoir dénoncé le scandale de la chaptalisation du vin. La mouvance nationaliste s'imposera avec une représentativité d'environ 25% aux élections d'août 1984, confirmée en mars 1992 lorsque Edmond Siméoni triomphe à la tête d'une liste de rassemblement "Corsica nazione" réunissant l'ANC, l'UPC, A Cuncolta, I Verdi Corsi et Per u Paese: les nationalistes sont restés depuis lors une force politique importante dans l'île, bien que leur influence soit mise à mal par des divisions incessantes et des stratégies pas toujours claires ni justes.
Décoloniser dans le cadre de l'Europe.
À cause de graves problèmes cardiaques, Edmond Siméoni, tout en restant un acteur incontournable du mouvement corse, devra mettre un frein à ses activités. Mais comme il dispose de plus de temps cela lui permet de prendre du recul par rapport à l'action et de livrer aujourd'hui une réflexion riche, notamment sur le processus de Matignon qu'il a approuvé avec des réserves puis désavoué avec Sarkozy. En effet fidèle à ses engagements, il persiste à penser que le problème Corse n'est pas une question de régionalisation ou de décentralisation mais de décolonisation. Selon lui, le gouvernement Raffarin n'envisage la question corse que sous la seule dimension économique et administrative. Comme nous, il veut faire aboutir pour la Corse une solution politique qui garantisse à la nation corse, dans le cadre de l'Union européenne, son droit à la vie, à la démocratie, au développement et à la justice, le reste n'étant d'après lui qu'illusion et manœuvres. Il regrette bien entendu que ce processus n'ait pu être mené à son terme, saboté dès la fin 2000 par Jacques Chirac, qui mettait son veto à d'éventuels transferts de compétences législatives et réglementaires, à l'enseignement obligatoire de la langue corse, puis par les sévères critiques du Conseil d'État émises le 8 février 2001. Ce projet était pourtant bien en-deçà de ce qui tend à devenir le droit commun dans l'Union européenne parmi les quelque 80 régions qui s'y sont affirmées, quasiment toujours positivement et pacifiquement, à l'exception des Pays basques et de l'Irlande du Nord.
Edmond Siméoni constate enfin que les formes de la lutte évoluent en fonction des changements sociaux: par exemple, il envisage l'émergence du STC (Syndicat des Travailleurs Corses), aujourd'hui première force syndicale dans l'île, comme une vraie bouffée d'espoir "capable de s'attaquer à l'emprise des syndicats français et de porter la lutte de libération nationale sur le terrain social". Dans l'ensemble, écrit-il, "la nature du militantisme a changé, la population préfère des engagements moins contraignants" et "la Corse de notre enfance, devenue par transposition celle de nos rêves et de nos espoirs, a disparu depuis longtemps, emportée par l'évolution du monde moderne qui a choisi d'autres valeurs: hédonisme, argent, oubli de la solidarité au profit des égoïsmes et des corporatismes, la revendication —légitime— des droits et l'oubli —commode— des devoirs."
Un livre à méditer, à rapprocher de l'ouvrage de Jean-Guy Talamoni "Ce que nous sommes" (1) et plus généralement des difficultés globales que connaît le monde contemporain.
Pascal Garnier
 
Edmond Siméoni. "Un combat pour la Corse", Entretiens avec Pierre Dottelonde. éditeur Le cherche midi. 2003. 266 p. 18€.
(1) Pascal Garnier. "Ce que veulent les Corses". L'Écho de Savoie, n° 55, février 2002, pp. 16-17
 
6-3 _ Carnet savoisien.
— Disparition d'Hubert Mudry.
Nous avions annoncé la disparition sur le lac Léman, le premier septembre, de l'un des frères de Pierre Mudry, Hubert, 49 ans, lors d'un alevinage de la pisciculture de Thonon, où il travaillait.
Des recherches opiniâtres ont fini par retrouver le corps le 12 septembre. La sépulture d'Hubert Mudry a été célébrée le 16 septembre à l'église de Cervens. Nos condoléances à son épouse Paulette.
— Hommage au R.P. Paul Curtet.
Un enfant de Savoie nous a quittés. Le Révérend Père Paul Curtet a servi son ministère à Marseille depuis 1959, en tant que prêtre ouvrier à La Capelette, puis de 1965 à 1984 il enseignait au lycée Marcel Pagnol à Saint Loup. Jugé trop "vieux" pour ce poste, il a été ensuite envoyé à l'hôpital de la Conception pour y être aumônier. Là il visitait les patients, il côtoyait la maladie, la souffrance et la mort des gens avec courage. En même temps il s'occupait du Pèlerinage National de Lourdes, les dernières années, en section "petitous": il portait alors une sucette, une tétine autour du cou, il leur racontait des histoires dans les vastes prairies du sanctuaire. Les enfants écoutaient, et retenaient. Paul avait peut-être semé dans leurs esprits et dans leurs cœurs le début de la Foi.
Puis vint l'âge de la retraite. Mais quelle retraite? Transat, apéro, parasol? Que nenni! Paul prend le service d'aumônier à la maison de retraite de La Salette Montval. Un petit mot gentil aux papys et aux mamies de l'établissement, la messe dite tous les jours à la chapelle, et pour celles et ceux qui ne pouvaient pas se déplacer et qui le désiraient il faisait sa "tournée" de communion à domicile entre 7h30 et 8h00. Paul parlait toujours des difficultés de la vie avec humour, il disait: "Tant qu'on peut rire de soi, on tient." Quel homme remarquable, bon, généreux, serviable, ne refusant jamais de remplacer un collègue pour une messe ou deux supplémentaires dans le secteur: il enfourchait sa mobylette et c'était parti...
Paul disait à qui voulait l'entendre: "Je ne suis pas français, je suis savoyard. En famille, lorsque nous allions en Isère, nous allions en France! Je suis un travailleur immigré en France depuis 44 ans. Sur la porte de ma maison il y a toujours un écusson de la Savoie Libre, et je parle toujours en patois, donc en francoprovençal, avec mes parents et mes amis de chez moi. Ce sont mes origines, je suis fils de paysans, je gardais les vaches à la ferme."
Voilà d'où lui venait cette force, cette simplicité, cette humilité, ce grand cœur.
Paul était attachant, captivant, il avait toujours une anecdote, une histoire, un fait divers ou politique à raconter, ce qui lui valait un auditoire concentré et assidu. En fait, nous nous transformions en "éponges", nous buvions ses paroles, car en toute modestie Paul était un puits de science (bac + 8 ça ne se dit pas, chut!). Il avait des coups de gueule de temps en temps. Il disait: "Il ne faut jamais rien demander pour pouvoir gueuler si nécessaire."
Le Père Paul Curtet nous a quittés le 10 août 2003. Il est enterré chez lui à Saint-Franc dans son village natal. Paul, tu nous manques terriblement. C'est toujours trop tôt lorsque l'on perd un frère, un ami, un Père à 73 ans. Tu as assez "travaillé" pour mériter le Repos Éternel.
B.Y., Marseille.
(Le Père Curtet était membre de la Ligue savoisienne depuis 1996)
7-1 _ Souscription pour L'Écho de Savoie.
La Compagnie des Alpes, principal exploitant de remontées mécaniques en Savoie, est dirigée par des technocrates de la Caisse des Dépôts et Consignations. Ils voudraient faire taire L'Écho de Savoie, que vous appréciez car vous y trouvez chaque mois (ou presque!) des informations et des analyses qui sont interdites dans le reste de la presse. Votre journal n'a que des ressources limitées: les publicités de ses rares annonceurs, les ventes au numéro, les abonnements, et les paiements de la Ligue savoisienne pour l'abonnement offert à ses adhérents. À l'issue du procès que lui a fait la Compagnie des Alpes (voir le dossier dans notre précédente édition, n°66), les sommes mises par la Cour d'appel de Chambéry à la charge de l'Écho de Savoie, de Jean-Paul Cavalié, de Patrice Abeille et de Jean de Pingon, condamnés "in solidum", mettent en péril les finances de votre journal. C'est le moment de venir à son aide. Votre don, même modeste, sera une contribution précieuse pour la continuation de L'Écho de Savoie.
Les lecteurs n'ont pas tardé à manifester leur soutien, en nombre et avec générosité, dès le lancement de cet appel le mois dernier. Plusieurs souscripteurs ne souhaitant pas que leur geste de solidarité soit rendu public, nous les remercions collectivement.
Grâce à eux, deux factures d'Avoués ont déjà pu être honorées, pour un montant de 1818,47 euros. Les autres factures seront réglées au fur et à mesure de l'arrivée de vos dons. La Compagnie des Alpes ne fera pas taire L'Écho de Savoie!

Envoyez vos dons à la Ligue savoisienne (2 avenue de la Mavéria, 74940 Annecy le Vieux) en précisant au dos de votre chèque "souscription Écho de Savoie".

 

8-1 _ De Jérôme Biasi, à Barberaz (Savoie Ducale): Bravo L'Écho!
Je ne veux pas "passer de la pommade" ou "cirer les pompes" à qui que ce soit, car ce n'est pas dans mes habitudes! Mais il faut savoir se féliciter et féliciter les autres, comme on encourage un enfant pour qu'il progresse. Quand un travail est bien fait, quand on y met du cœur, son temps, toutes ses convictions, ses espérances, tout cela bénévolement, et qu'au final le résultat est plus qu'honorable, alors je dis bravo!
Bravo car tous les mois, on trouve chez les distributeurs de journaux L'Écho de Savoie, un mensuel d'une grande qualité, autant dans la mise en page, dans la diversité des articles proposés, que dans la facilité de lecture, peu onéreux, ouvert à tous intervenants, et d'une objectivité rare (peut-être parce qu'il n'y a pas de journaleux de profession dans sa rédaction?).
Alors bravo pour les reportages de Pascal, de Joël, d'Éric... Bravo pour les pensées de Germaine, bravo aux anonymes et autres rédacteurs occasionnels, bravo au cruciverbiste, à l'imprimeur. Bravo encore une fois pour l'efficacité de Patrice, bravo à tous les annonceurs qui aident à faire vivre L'Écho de Savoie et bravo surtout à tous ces Savoisiens que j'oublie!
Bien sûr on peut toujours s'améliorer, et notre jeune journal a peut-être besoin de plus nous instruire d'histoire de Savoie, des mœurs de nos ancêtres, de leur politique, de leurs lois? On pourrait aussi insérer plus de francoprovençal pour sauver notre langue, et si on trouvait un dessinateur humoristique ce serait la cerise sur le gâteau, ou plutôt le bout de tome dans la soupe...
Mais L'Écho de Savoie, c'est le mensuel des Savoisiens, et à travers lui, tout au long de l'année ceux-ci racontent l'histoire, réalisent certains progrès, en élaborent de nouveaux, proposent, votent et mettent en place, doucement mais sûrement, les bases d'une société nouvelle. Certainement plus conviviale que celle qu'on connaît actuellement, aspirant à plus de bonheur, plus d'harmonie sur notre ancestrale et divine terre, et désirant plus que jamais... la liberté!
Chaque mois notre Écho de Savoie reflète nos pensées et nous relie dans les mêmes espérances. Alors encore une fois, bravo L'Écho!
J.B.

 

Dans notre prochain numéro: les échos du Huitième Congrès de la Ligue savoisienne
samedi 25 et dimanche 26 octobre
à Saint-Jean de Maurienne.