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Les sommaires de l'Echo de Savoie Découvrez la Ligue Savoisienne
Les News

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Echo de Savoie n°68 (décembre 2003)
 
A - Sommaire :
1 La une
    1-1 Les Savoisiens boycotteront l'élection régionale.
    1-2 Les nations sans État dans l'Union européenne. Par Miquel Mayol.
    1-3 Les choses changent... Allocution de Jean de Pingon, au Huitième Congrès de la Ligue savoisienne.
2 Actualités
    2-1 Catalogne: les indépendantistes sont maîtres du jeu politique.
    2-2 Corse: l'union des nationalistes est en vue.
    2-3 Le député Bouvard et d'autres élus bientôt en correctionnelle?
    2-4 Effet de serre: crises cardiaques et attaques cérébrales sont favorisées par la pollution, surtout lorsqu’il fait chaud.
3 L'Écho de Charbonnières.
    3-1 Palabres sur la Transalpine ferroviaire (volet fret).
    3-2 Prolongation pour cinq ans du réseau des grandes villes de Rhône-Alpes. Pour moi, c'est non!
    3-3 Subvention pour le francoprovençal: Rhône-Alpes donne l'exemple, la Savoie traîne les pieds!
4 Dioxines
    4-1 Air pollué et aliments empoisonnés: la sale affaire des dioxines.
    4-2 Du Vietnam à Gilly-sur-Isère.
    4-3 Qu'entend-on par le terme dioxines?
    4-4 D'où viennent les dioxines?
    4-5 Où vont les dioxines?
    4-6 La contamination de la population.
    4-7 Effets toxiques chez l'homme.
    4-8 Les mesures de protection de la santé publique en France.
    4-9 Le mauvais choix de l'incinération.
5 Le huitième congrès
    5-1 Congrès de Saint-Jean de Maurienne: solidarité et combativité!
    5-2 Une organisation souriante et impeccable.
    5-3 Les Comités élus au Huitième Congrès.
    5-4 Les autres élus du Congrès.
    5-5 Les nouveaux organes directeurs de la Ligue savoisienne.
    5-6 Merci Maurice!
    5-7 Choisir les mots justes.
6 Magazine
    6-1 Premier festival de la soupe de Savoie à Doussard: un succès!
    6-2 Qui était Clotilde de Savoie (1843-1911)?
    6-3La France qui tombe...
    6-4 Petite Histoire de Savoie... et de France.
    6-5 Réaction à "Putain d'usine".
7 écho de la Ligue
    7-1 Commémoration savoisienne du 11 novembre.
    7-2 Provocation à Gaillard
    7-3 Curieux pavoisement à Sciez (Chablais).
    7-4 L'Écho de Savoie était présent à la Foire aux tripes de Bons en Chablais le 15 novembre!
    7-5 La souscription pour L'Écho de Savoie continue!
    7-6 Décès.
    7-7 Petites annonces savoisiennes.
    7-8 Concours pour photographes amateurs:
    7-9 Fête de la Savoie le 19 février 2004: à Cluses.
    7-10 Faites la Foire de la Saint Ours avec la Ligue savoisienne!
8 Un dictionnaire de la langue savoyarde
    8-1 La parution attendue d'un dictionnaire de la langue savoyarde.
    8-2 Les résultats d'une démarche savoisienne.
    8-3 Une intense activité sur le terrain.
    8-4 Henriette Walter: "Dominique Stich donne tout pour cette langue savoyarde qui correspond à une eurorégion magnifique".
 
B - Dossiers
1-1 Les Savoisiens boycotteront l'élection régionale.
C'était déjà assez clair au Congrès de la Ligue savoisienne, fin octobre. Le Conseil des Provinces a précisé deux semaines plus tard cette orientation: les Savoisiens n'ont pas de meilleur choix que d'organiser le boycott de l'élection régionale, qui aura lieu les 21 et 28 mars 2004.
Ils ne seront pas les seuls à refuser cette mascarade: les électeurs vont être dégoûtés par un nouveau mode de scrutin profondément injuste et d'une telle complexité que même les spécialistes ont du mal à le comprendre, et encore plus à l'expliquer.
Qu'il suffise de relever cet exploit sans précédent: la loi électorale aura été changée deux fois entre deux élections, entre 1998 et 2004! La nouvelle règle, fixée par les socialistes puis modifiée par le gouvernement Raffarin et le Parlement, prévoit deux tours au lieu d'un; les listes seront régionales, en Rhône-Alpes elles comporteront 173 noms pour 157 sièges (faudra-t-il une loupe pour lire les bulletins de vote?); les candidats seront répartis en "sections départementales", mais il faudra voter une liste en bloc; la parité absolue (alternativement un homme et une femme) s'appliquera dans chaque section départementale; au premier tour seront éliminées les listes n'atteignant pas 10% des suffrages exprimés, toutefois celles qui auront obtenu entre 5 et 10% pourront fusionner pour le deuxième tour; un quart des sièges (40 pour Rhône-Alpes) sera attribué à la liste arrivée en tête du deuxième tour, les autres sièges étant répartis proportionnellement entre toutes les listes de ce tour, sauf celles qui auront moins de 5% des suffrages exprimés; les sièges de chaque liste seront répartis entre départements proportionnellement aux suffrages obtenus dans chacun d'eux par rapport au total des suffrages de la liste...
Après cette présentation simplifiée de la loi électorale (je vous épargne le calcul des "restes à répartir" à la plus forte moyenne...) vous comprenez que les préfectures et les états-majors des partis vont faire provision d'aspirine!
Que résulte-t-il de ces obscurités? Il y aura des majorités absolues dans les Conseils régionaux, qui seront aux mains de l'UMP (avec un bataillon UDF plus ou moins docile...) ou du PS; les petites formations sont écartées du scrutin ou condamnées à s'allier à un des deux grands partis; les extrêmes (FN et LCR-LO) vont progresser en voix mais perdre une grande partie de leurs élus; les petites listes départementales, qui étaient nombreuses en 1998, sont désormais impossibles; enfin la Ligue savoisienne, dont le projet ne concerne que la Savoie, est exclue. Avec une montée prévisible de l'abstention et de multiples frustrations de l'électorat, on peut prévoir que le système sera fortement secoué dès le lendemain de ces élections régionales.
C'est donc un bulletin aux couleurs de la Savoie que nous glisserons dans les urnes. Il exprimera notre protestation contre une loi électorale scélérate et irresponsable, un mauvais coup de plus porté à la Savoie par le régime colonial français. Le vote savoisien sera une pétition pour la démocratie, et contre le tripatouillage politicien. Le vote SAVOIE ira de pair avec le vote pour les candidats savoisiens aux cantonales, dans les cantons renouvelables.
Il s'agit de réaffirmer, en mars prochain, que notre idéal de liberté n'a pas d'avenir dans un système français qui s'enfonce dans le discrédit et la faillite. Il s'agit aussi de préparer d'autres mobilisations, dans d'autres occasions que l'accentuation du désordre des affaires publiques ne manquera pas de présenter. Et déjà de préparer l'engagement des Savoisiens dans l'élection européenne de juin 2004, dans le cadre de la circonscription sud-est, avec nos amis niçois, corses et occitans.
Patrice Abeille.
1-2 Les nations sans État dans l'Union européenne.
par Miquel Mayol.
Alors que la législature du Parlement européen s'achèvera dans six mois, notre ami le député Miquel Mayol (membre de ERC, Esquerra Republicana de Catalunya, et inscrit au groupe du PDPE-ALE) nous livre ses réflexions sur la difficulté de faire admettre le droit à l'autodétermination des peuples au sein de l'Union européenne, dominée par les États. Il fait le point sur l'alliance avec les Verts, sur l'Intergroupe et sur la Convention chargée de rédiger un projet de Constitution pour l'Union.
La présente législature du Parlement européen avait relativement bien commencé pour les Nations sans État de l'Union européenne. Elle finira plutôt mal.
Rappelons les faits. La plupart des partis représentant ces nations constituent une confédération: l'Alliance Libre Européenne. Cette confédération regroupe quarante partis et presque autant de nations sans État. Elle avait obtenu dix députés aux dernières élections, représentant les partis suivants: Scottish National Party (2), Plaid Cymru (2), Volksunie (2), PNV (1), E.A (0.5), Esquerra Republicana de Catalunya (0.5), Bloc nacionalista gallec (1), Partido andalusista (0.8)
Partido aragonesista (0.2). Cela ne suffisait pas pour constituer un groupe politique. Aussi, comme cela fut le cas précédemment, nous avons négocié avec les Verts européens. La base politique de cet accord fut, pour les Verts, la reconnaissance formelle du droit à l'autodétermination. Voici sur ce point ce que dit ce document: "construire une société respectueuse des droits fondamentaux et de la justice environnementale: le droit à l'auto-détermination, au logement, à la santé, à l'éducation, à la culture et à une qualité de vie élevée". Grâce à cette coalition nous étions ainsi le quatrième groupe du Parlement, devançant les communistes et ex-communistes de la Gauche unitaire européenne. Ce classement a une importance symbolique mais aussi un intérêt pratique. Il conditionne, en effet, l'importance des moyens oratoires, financiers, et matériels alloués au groupe.
Le droit à l'autodétermination est un droit auquel, à deux ou trois reprises, le Parlement européen a fait référence, mais toujours pour des nations lointaines, notamment pour la Tchéchénie. Pour ce qui est des quinze États membres, ce droit aujourd'hui n'est reconnu que dans la Constitution du Portugal et d'Allemagne. La constitution française actuelle le reconnaissait dans son Préambule, dans sa version initiale de 1958. Mais en 1992 la révision de cette Constitution préalable à la ratification du Traité de Maastricht compensait symboliquement les cessions nécessaires de souveraineté en supprimant la référence à ce droit et en ajoutant à l'article 2 la scandaleuse disposition linguistique: "La langue de la République est le français", condamnant ainsi au néant juridique la grande diversité linguistique de l'hexagone. Soit dit en passant, le Gouvernement français fait preuve d'un grand cynisme quand, dans les cénacles internationaux, il a le front de revendiquer à son profit l'exception culturelle. Pour en revenir à notre sujet on doit constater l'acharnement mis par l'Union européenne à empêcher la libération des nations balkaniques encore prisonnières de la Serbie (Albanais du Kosovo, Monténégrins). Les Kosovars demeurent depuis la fin de la guerre sous tutelle internationale alors que sous l'empire terrible des Serbes ils avaient réussi à créer une sorte d'État clandestin assurant les services fondamentaux. Les Monténégrins, quant à eux, se voient contraints de partager un État improbable au nom double, l'État de la Serbie et du Monténégro. Le seul conflit national en Europe où le droit à l'autodétermination pourrait être appelé à s'exercer est l'Irlande du Nord. En effet le Royaume-Uni et l'Eire (la République d'Irlande) ont convenu, semble-t-il, que c'est par ce moyen que le sort de ce pays serait décidé à terme.
Hormis cette exception on voit donc que la reconnaissance de ce droit n'entre pas dans les perspectives politiques européennes. C'est donc dire l'intérêt du document qui a permis la création du groupe politique "Verts-ALE" du P.E.
Une autre initiative importante au début de cette législature fut la création de l'intergroupe des Nations sans État. Comme son nom l'indique l'Intergroupe est une formation transversale sur un sujet déterminé, sans pouvoir normatifs, mais pouvant disposer de certains moyens du Parlement. Il y a actuellement une trentaine d'intergroupes sur les sujets les plus divers. Celui des Nations sans État rassemblait notamment les députés de l'ALE (groupe Verts-ALE), les deux députés catalans de Convergència Democràtica de Catalunya (groupe Libéral), la députée d'Unió Democràtica de Catalunya (groupe du Parti Populaire Européen), le député d'Euskal Herritarrok (groupe des non-inscrits), le député d'Union Valdotaine (groupe Libéral). Sur la proposition des députés catalans de Convergència i Unió l'Intergroupe élisait à sa présidence le galicien Camilo Nogueira. Toujours est-il que l'Intergroupe s'est efforcé d'éluder le principe clair du droit à l'autodétermination en mettant en avant celui "d'élargissement interne". Autrement dit de la même manière que la Communauté européenne a la possibilité d'accueillir de nouveaux États il se pourrait qu'à l'avenir la séparation d'une partie d'un État membre entraîne ipso facto son adhésion à l'Union. Mais le problème reste entier. Comment cette séparation interviendra-t-elle si ce n'est par l'exercice du droit à l'autodétermination? Ce nouvel État indépendant aura forcément la liberté de décider s'il adhérera ou non à l'Union et, si oui, dans quelle mesure et dans quelles conditions. Il faudra qu'il entre en négociation avec l'Union pour faire valoir ses prétentions. Le concept d'élargissement interne est donc un faux concept destiné seulement à éviter de formuler une revendication démocratique claire et inéluctable.
Nous avons perdu une bonne occasion de tester les Verts sur ce point...
Pour ce qui est de la Convention notre groupe devait élire un des seize représentants du Parlement européen. La bataille a été rude entre le Vert Johannes Voggenhuber et le "régionaliste" (c'est le nom que l'on nous donne ici) Neil McCormick. Mais finalement le Vert a été élu et le constitutionnaliste et député du SNP Neil McCormick est devenu son suppléant. Nous avions malgré tout une voix au sein de la Convention. Cette voix, si elle était mineure du point de vue statutaire, était majeure du fait du prestige de Neil en droit public et de son prestige personnel comme député. Dans sa contribution à la Convention, Neil s'est efforcé de faire une synthèse entre les points de vue contradictoires. En effet si dans l'introduction de son mémoire il évoque le droit à l'autodétermination, seule la revendication de la faculté d'élargissement interne figure dans l'énoncé des points concrets qu'il souhaite voir figurer dans la future constitution. Cette modération n'a pas été récompensée. Non seulement le droit "d'élargissement interne" n'est pas reconnu mais, sur proposition du PP espagnol, le projet de traité constitutionnel a remplacé le mot "peuples" par les mots "citoyennes et citoyens". Aucune place n'est faite aux "régions à compétence législative". L'égalité juridique des langues n'est pas assurée.
Par ailleurs l'article I 5(1) dispose notamment que: "l'Union respecte l'identité nationale des États membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionelles, y compris en ce qui concerne l'autonomie locale et régionale. Elle respecte les fonctions essentielles de l'État, notamment celles qui ont pour objet d'assurer son intégrité territoriale, de maintenir l'ordre public et de sauvegarder la sécurité intérieure".
Il convient toutefois de relativiser la question. Le droit à l'autodétermination est un principe supérieur du droit des gens. Il appartient à chaque nation, à chaque peuple, qu'il soit ou non reconnu constitutionnellement. L'intérêt de la reconnaissance serait d'ôter toute légitimité au recours à la violence politique dans la lutte de libération. Malheureusement, dans la Convention la question n'a pu être posée. Elle ne le sera pas davantage, bien entendu, dans la Conférence Intergouvernementale.
M.M.
1-3 Les choses changent...
(Allocution de Jean de Pingon, fondateur de la Ligue savoisienne, au Huitième Congrès)
Depuis cent quarante-trois années la France porte son ombre sur la Savoie. Depuis 143 années dans le chaos des guerres françaises le sang de la Savoie s'est écoulé.
Et puis ils sont venus dans ces montagnes qu'ils méprisaient parce qu'elles les horrifiaient. Ils ont découvert que ce n'était pas d'abruptes montagnes et des gouffres sans fonds mais des lacs baignés de lumière et de douces vallées où il faisait bon vivre avant qu'ils ne les bétonnent, les étouffent de dioxines, les embrument d'oxydes de carbone et n'étendent leurs miasmes jusqu'aux neiges éternelles.
Depuis 143 années l'ombre de la France n'a cessé de s'étendre sur nos montagnes, cette ombre a engendré des brumes qui ont obscurci l'esprit des Savoisiens, en 1914 encore tout le monde ici considérait la France comme un pays étranger.
Les choses changent. Et lorsque tout semblait perdu, lorsque le vieux pays savoisien de nos aïeux semblait à jamais oublié, lorsque la terre cessa de nourrir les hommes pour devenir objet de spéculation, lorsque la force des torrents et les pentes des montagnes furent éparpillées en actions boursières aux mains de maîtres invisibles, lorsque les enfants de la Savoie entonnèrent l'hymne barbare des Français comme s'il était le leur, oubliant que par une sombre nuit d'automne les soldats français entrèrent en Savoie et massacrèrent leurs aïeux par milliers au nom de la république française comme ils l'avaient déjà fait au nom du roi de France...
Lorsque tout semblait perdu, oublié, lorsque le mensonge était devenu vérité aux yeux de tous, alors mes amis, alors la Savoie s'est éveillée!
Elle était là, au cœur de quelques-uns qui la portaient en eux, elle n'avait trouvé d'autre sanctuaire que le cœur de ceux qui ne l'avaient pas oubliée. Elle leur a donné le courage de se lever, elle leur a donné la force de parler, elle leur a donné les mots pour témoigner.
Nous avons réussi, mes amis, même si nous ne sommes que quelques milliers, nous avons d'ores et déjà gagné.
La croix de neige sur fond de braise flotte à nouveau sur la Savoie, l'eau, le feu et le vent s'unissent ainsi dans notre ciel pour chasser l'ombre de la France et dissiper les brumes du mensonge tandis qu'aux confins de nos montagnes apparaît un oiseau de légende: c'est l'aigle rouge, il a pris son envol du rocher qui domine le vieux port de Nice, là où les Niçois ont souvent combattu, aux côtés de la Savoie, contre l'envahisseur français et son traditionnel allié arabo-musulman.
L'aigle rouge a rallié nos montagnes. Sur les marches de l'abbaye de Saint-Pons, vieille église niçoise placée sous la protection de Saint-François de Sales, nous avons renoué l'ancienne alliance, une alliance nouée il y a de cela plus de six siècles.
À présent, Niçois et Savoisiens vont sur le même chemin...
Oh, ce n'est pas un chemin facile! C'est un de ces maudits chemins de montagne qui n'en finit pas de monter, à chaque détour on espère enfin deviner le sommet, mais à chaque détour il n'y a que le chemin et la pente abrupte.
Alors nous devons continuer à marcher, d'un pas régulier, sans jamais s'arrêter, continuer à gravir lentement cette montagne, chaque pas compte, nous traçons le chemin, et si nous pouvions voir loin derrière nous alors notre peine serait légère car d'autres suivent, chaque jour d'autres s'engagent sur notre voie. S'ils ne nous ont pas encore rejoints c'est parce que nous avons déjà beaucoup marché mais ne désespérez pas de vos efforts; le sommet est proche et nous y parviendrons nombreux. Ne désespérez pas, toujours la nature reprend ses droits et le mensonge ne peut éternellement recouvrir la vérité.
Les choses changent.
La république française est en train de vivre les heures les plus sombres de son histoire, jamais aucun monarque français n'a eu autant de pouvoirs que l'actuel président, et pourtant jamais aucun président n'a eu aussi peu de légitimité que celui-là.
Aujourd'hui, en France, la faillite institutionnelle a rejoint la faillite économique. Lorsque le capitaine est ivre et que les machines sont en panne, le naufrage est imminent.
Nous ne nous réjouissons pas de ce naufrage car ce n'est pas la haine de la France qui nous guide, mais uniquement l'amour de la Savoie. Après ce naufrage la France se noiera dans l'Europe, se diluera dans l'Europe, et sans doute renaîtra différente comme peut l'être la Russie d'aujourd'hui de l'Union Soviétique. Mais cela ne sera plus notre affaire car alors la Savoie suivra enfin sa voie, celle de la liberté.
Avez-vous remarqué comme les mots SAVOIE et LIBRE vont bien ensemble?
Ce n'est pas un hasard: si deux mots s'accordent si bien c'est qu'ils sont faits l'un pour l'autre et nous devons tout faire pour les réunir de nouveau et pour que de nouveau VIVE LA SAVOIE LIBRE!
J.de P.
2-1 Catalogne: les indépendantistes sont maîtres du jeu politique.
Le renouvellement du Parlement de Catalogne (sud) a eu lieu le 16 novembre 2003. Malgré une intense campagne médiatique qui annonçait la victoire des socialistes, aucun parti ne parvient à conquérir la majorité des sièges du parlement de la Generalitat, qui siège à Barcelone. Le parti socialiste catalan, en recul de dix sièges, obtient 42 députés, au coude à coude avec la coalition de centre-droit Convergencia i Unio, 46 députés, elle aussi en recul de 10. Le parlement catalan se compose de 135 députés, la majorité est donc à 68. Le leader de CiU, Jordi Pujol, qui fut président de la Catalogne sans interruption depuis la restauration de la monarchie et de l'autonomie catalane après la mort du dictateur Francisco Franco, vient de prendre sa retraite politique. Son successeur désigné Artur Mas ne pourra accéder à la présidence que dans le cadre d'une coalition. Autre prétendant sérieux, Pasqual Maragall, ancien maire socialiste de Barcelone, devrait aussi s'entendre avec un ou deux partenaires politiques. Son parti, le PSC (Parti Socialiste Catalan) est associé au parti socialiste espagnol PSOE, mais se définit comme catalan. À présent, la quasi-totalité des députés à Barcelone est catalaniste, à l'exception des 15 élus du Partido Popular (PP, espagnoliste, soutien du premier ministre espagnol José-Maria Aznar).
Le grand gagnant des dernières élections est notre allié (membre du PDPE-ALE), le parti de centre-gauche ERC (Esquerra Republicana de Catalunya - Gauche Républicaine de Catalogne), dont le Secrétaire général Josep-Lluis Carod-Rovira est extrêmement populaire à Barcelone et dans les autres provinces. ERC vient de doubler son score par rapport à 1999: avec 16,47% des suffrages, ERC a fait élire 23 députés (contre 12 précédemment).
ERC, seul parti officiellement républicain sur le territoire du royaume d'Espagne, a pour objectif politique l'indépendance de la Catalogne en tant qu'État souverain dans le cadre de l'Union européenne. Une représentante de ce parti (Maria-Angel Prats i Mora) avait participé, fin octobre 2002, au septième Congrès de la Ligue savoisienne à Sciez (Chablais). Elle y avait rappelé la longue histoire de l'ERC: fondé en mars 1931 par la fusion de plusieurs groupes catalanistes de gauche, ce nouveau parti connut un succès fulgurant en remportant haut la main les élections municipales du 12 avril. Dès le 14 avril son leader Francesc Macia proclamait la République catalane, qui s'associa avec la nouvelle République espagnole dans un cadre fédératif. Macia, puis après sa mort en 1935 Lluis Companys, furent présidents du gouvernement catalan pendant le Front Populaire et la guerre civile, jusqu'à la défaite. Réfugié en France, Companys fut capturé par la Gestapo et livré à la police franquiste, traduit devant un Conseil de guerre, condamné à mort et fusillé le 15 octobre 1940. Ses successeurs ont maintenu un gouvernement catalan en exil et, à la faveur de la libéralisation qui suivit la mort du dictateur Francisco Franco, ERC obtint le retour à Barcelone de Josep Tarradellas, qui fut proclamé le 23 octobre 1977 président du gouvernement restauré de la Generalitat de Catalogne. ERC connaît ensuite une "traversée du désert" mais parvient à survivre. Son renouveau est remarquable depuis 1996, sous l'impulsion de Josep-Lluis Carod-Rovira, qui entend bien en faire à terme le premier parti de Catalogne.
Au moment où nous bouclons L'Écho de Savoie n°68, ERC est encore en négociation avec les socialistes et avec Convergencia i Unio. Dès le lendemain des élections, Josep-Lluis Carod-Rovira a appelé à la constitution d'un gouvernement d'union nationale catalane avec ERC, CiU, le PSC et peut-être ICV (communistes-verts, 9 députés) dont serait exclu seulement le Partido Popular. Le succès électoral d'ERC devrait avoir des conséquences dans toute l'Espagne, notamment au Pays Basque, où l'épreuve de force est engagée entre le pouvoir central madrilène et nos alliés du PNV.
illustration (photo jpg) Josep-Lluis Carod-Rovira
La Catalogne, au sens politique actuel, c'est la Generalitat de Catalunya, dont la capitale est Barcelone. Les autres pays catalans, au sens linguistique et historique, sont le Roussillon (Catalogne du nord, capitale Perpignan), le pays valencien (capitale Valence), les Baléares et l'Aragon.
Generalitat de Catalunya:
32000 km2 (trois fois la Savoie)
6,34 millions d'habitants (plus de six fois la Savoie)
Langue catalane comprise par 95% de la population, parlée par 75%.
20% de la population souhaite l'indépendance (comme en Savoie)
46% souhaite une autonomie accrue
28% souhaite le statu quo (large autonomie dans le cadre du royaume d'Espagne)
3% souhaite un retour en arrière
(sources "Arritti" 20/11/03 et "Le Monde" 15/11/03)
2-2 Corse: l'union des nationalistes est en vue.
Dans la nuit du 13 au 14 novembre, le FLNC Union des Combattants a tenu une conférence de presse à grand spectacle (avec armes et cagoules, et un dispositif électronique pour empêcher l'identification de la voix du porte-parole) et a diffusé un communiqué de trois pages, dans lequel il déclare "suspendre ses actions militaires sans conditions de temps ni de lieu" et affirme que "l'union stratégique du mouvement national (...) permettra (...) d'ouvrir définitivement les portes de la paix".
Peu après l'échec du référendum consultatif du 6 juillet, nos alliés du PNC (Parti de la Nation Corse, dont le premier dirigeant est Jean-Christophe Angelini) avaient demandé aux nationalistes de prendre position sur cinq points, comme préalable à toute union électorale. Le plus difficile de ces cinq points portait sur le renoncement à l'action militaire clandestine.
Désormais, avec le communiqué du FLNC et les réponses fournies par "Indipendenza", les difficultés sont aplanies. Le PNC a réuni à Ajaccio, le 16 novembre, une Assemblée Générale, qui a constaté que la voie est ouverte pour la constitution d'une liste nationaliste commune à l'élection de l'Assemblée de Corse, qui aura lieu les 21 et 28 mars. Une autre assemblée générale, convoquée pour le 14 décembre, fera le point sur les négociations entre nationalistes de différentes organisations et décidera d'engager ou non le PNC dans une union électorale et programmatique. Les nationalistes, malgré la lassitude de l'opinion publique corse, bénéficient d'un capital de sympathie pouvant atteindre 25 à 30% de l'électorat. Compte tenu des graves divisions internes de la droite et de la gauche insulaires, sur la question de la réforme des institutions, un groupe nombreux de nationalistes à l'Assemblée de Corse pourrait peser d'un poids décisif dans l'engagement d'un programme novateur. Mais il est encore trop tôt pour considérer cette stratégie comme assurée...
2-3 Le député Bouvard et d'autres élus bientôt en correctionnelle?
Pas de réponse du Procureur d'Albertville...
Patrice Abeille avait demandé au Procureur de la République d'Albertville, par lettre ouverte datée du 11 octobre 2003, quelles poursuites il avait engagées envers les élus (dont le député Michel Bouvard) qui avaient pris la tête d'une manifestation sur la voie ferrée en gare de Saint-Avre en Maurienne, le 27 septembre.
Le Procureur n'a pas répondu.
Michel Bouvard, Christian Rochette, Daniel Dufreney et les autres élus qui avaient retardé pendant une heure le passage d'un TGV ne seront évidemment jamais cités à comparaître devant un tribunal correctionnel. Pas plus que les élus qui avaient bloqué les voies de la gare de Bellegarde pour réclamer le désenclavement du Chablais. Patrice Abeille, lui, a été condamné, pour des faits semblables, à 6000 francs d'amende avec sursis et 7000 francs de dédommagement à la SNCF.
Pour bloquer les trains en toute sécurité, il faut d'abord adhérer à l'UMP ou être fonctionnaire, ou encore agriculteur membre de la FNSEA. Selon que vous serez puissant ou misérable...
2-4 Effet de serre: crises cardiaques et attaques cérébrales sont favorisées par la pollution, surtout lorsqu’il fait chaud.
Nous avons maintenant la confirmation d'une surmortalité causée par la pollution atmosphérique en période de canicule. Selon des études européennes présentées en novembre dernier en Floride, lors des sessions scientifiques annuelles de l'Association américaine de cardiologie, le nombre de personnes transportées aux urgences pour une crise cardiaque ou une attaque cérébrale, et celui des décès associés, seraient en effet directement liés à l'augmentation dans l'air du taux de particules fines attribuables au diesel. La conséquence des pics de pollution est bien sûr plus dramatique encore chez les fumeurs.
Quand la pollution a atteint son niveau le plus élevé, durant une période de dix-huit jours sur l'année dans la région dijonnaise étudiée, les risques de crise cardiaque se sont révélés 161% plus élevés dans la population générale et 250% plus élevés chez les fumeurs, explique le cardiologue de l’Université de Dijon Yves Cottin, confirmant les information de Jean-Yves Bernard, Président du Conseil national de l’Air (L'Écho de Savoie n° 67 p.7).
Avec plusieurs confrères, il a passé au crible des statistiques collectées entre janvier 2001 et décembre 2002, portant sur 322 patients hospitalisés pour une crise cardiaque dans la région, dont 42% étaient fumeurs, comparant le nombre quotidien de crises cardiaques à la concentration quotidienne de particules inférieures à 10 microns. Pour l'épidémiologiste athénien Demosthenes Panagiotakos, il est "essentiel que les autorités prennent des mesures supplémentaires pour réduire la mortalité cardio-vasculaire dans les zones urbaines du monde, particulièrement les jours de pic de pollution atmosphérique." Cette affirmation, vu les relevés effectués, est évidemment valable pour la Savoie.
P.G.
3 L'Écho de Charbonnières.
Le château de Charbonnières, près d’Aiguebelle en Maurienne, fut la capitale des Comtes de Savoie pendant les deux premiers siècles de leur règne, avant son transfert à Chambéry. Mais la chronique de Patrice Abeille, Conseiller régional, concerne la commune de Charbonnières-les-Bains, dans l’ouest lyonnais, où siège le conseil Régional de la région Rhône-Alpes...
3-1 Palabres sur la Transalpine ferroviaire (volet fret).
Le sujet principal de l'assemblée plénière des 20 et 21 novembre était l'adoption d'un avis sur le volet fret du Lyon-Turin, en réponse à la consultation organisée par RFF (Réseau Ferré de France, propriétaire des voies ferrées et chargé des études de la partie française du projet de réseau. L'appellation de Transalpine remplace progressivement celle de Lyon-Turin, pour bien faire comprendre qu'il ne s'agit pas de relier deux villes, mais de construire un maillon à grand débit de la transversale ferroviaire Lisbonne-Kiev, qui fait partie des priorités européennes en matière de transports.
Le volontarisme et l'optimisme en vigueur à Charbonnières font l'impasse sur la situation calamiteuse des finances publiques et du fret ferroviaire, dont voici quelques éléments dont j'ai fait état lors du débat général:
— aggravation de l'endettement cumulé de RFF et de la SNCF: 41 milliards d'euros en 2002.
— persistance du déficit de la branche fret à la SNCF: 405 millions d'euros en 2003 et probablement plus de 500 millions en 2003.
— l'effondrement de la part ferroviaire dans le transport des marchandises depuis 25 ans: 75 milliards de tonnes-kilomètres en 1974, 50 milliards aujourd'hui, pendant que le transport global du fret doublait.
— détérioration constante de la qualité de service, détournant la plupart des clients vers le transport routier.
— surendettement et gonflement du déficit de l'État français, ne lui laissant aucune marge de manoeuvre pour participer au financement d'un projet grandiose aux perspectives économiques aléatoires dans les conditions rappelées ci-dessus.
Cette crise ferroviaire est occultée par les élus de tout bord, et aucun analyste ne parvient à prévoir une amélioration. Les carences et dysfonctionnements chroniques exigent des mesures draconiennes de sauvetage, qui ne sont que timidement élaborées par crainte de mouvements sociaux. Et la libéralisation du fret ferroviaire, ouverte théoriquement depuis le printemps dernier dans l'Union européenne, n'a encore trouvé aucun début d'application en France, où le lobby des cheminots bloque les freins. Eurotunnel, presque 10 ans après sa mise en service, est encore sous-utilisé par les trains de marchandises: son président annonce que sa société se prépare à devenir elle-même opérateur ferroviaire, entre le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et l'Italie, pour tenter de parvenir à la rentabilité...
La consultation actuelle, nécessaire pour préparer une décision ministérielle fixant l'itinéraire fret entre Lyon, Ambérieu et Saint-Jean de Maurienne, n'aurait même pas pu être organisée par RFF, à court d'argent, si le Conseil Régional n'avait pas décider d'"avancer" (en fait, cette avance ne sera jamais remboursée...) 14,8 millions d'euros!
Dans son avis voté le 21 novembre à une large majorité (j'y ai joint ma voix), le Conseil régional réaffirme la nécessité de construire la Transalpine pour faire face, à long terme (2015?) à l'augmentation des transports sans menacer l'environnement des vallées et la sécurité sur les axes routiers.
Il approuve l'itinéraire "Bas-Dauphiné", présenté comme le plus favorable par RFF: ligne fret partiellement nouvelle et partiellement rénovée entre l'est lyonnais (ou elle sera connectée à la vallée du Rhône et à l'Alsace via Ambérieu, grâce à deux autres voies nouvelles), Saint-André le Gaz et Saint-Béron, puis tunnel de 20km sous la Chartreuse, traversée de l'Isère vers Chapareillan, tunnel sous Belledonne jusqu'à Saint-Rémy de Maurienne ou plus loin, et raccordement au tunnel de base franco-italien à Saint-Jean de Maurienne.
Il demande une nouvelle fois que ce tunnel international soit creusé dès le début à deux tubes, afin de disposer d'un ouvrage sûr et efficace et ne pas doubler la durée du chantier en Maurienne et dans le Val de Suse.
Pour la définition plus précise du tracé, le Conseil régional demande une concertation approfondie avec les populations, associations et collectivités locales, portant notamment sur l'installation de protections sonores et l'organisation des chantiers.
Les options retenues semblent être les moins pénalisantes pour les paysages de Savoie. Avec cette consultation, le dossier de la Transalpine s'est encore alourdi de quelques kilos de papier. Quant à savoir s'il s'est rapproché d'un début de commencement de réalisation, c'est une autre affaire!
3-2 Prolongation pour cinq ans du réseau des grandes villes de Rhône-Alpes. Pour moi, c'est non!
Depuis 1997, les 8 plus grandes villes et agglomérations de Rhône-Alpes se sont organisées en réseau: elles échangent leurs expériences et bénéficient de crédits spéciaux de la Région. Les huit villes sont Roanne, Saint-Étienne, Valence, Lyon, Grenoble, Bourg-en-Bresse, Chambéry et Annecy. Ce réseau, mis en place pour cinq ans, vient d'être reconduit jusqu'en 2007, avec un programme de 38,5 millions d'euros de crédits régionaux sur cette période. Le dossier a déclenché la colère de Robert Borrel, dont la ville d'Annemasse n'est pas considérée comme une grande ville et se trouve, selon lui, désavantagée. Il a donc voté contre, alors que son groupe (PS) votait pour, avec les groupes UDF et UMP.
Je me suis opposé pour d'autres raisons. Le programme du réseau des grandes villes comporte une politique culturelle et une politique de relations internationales pour le rayonnement de Rhône-Alpes. J'ai rappelé au Conseil que mon idée de la Savoie me fait penser que notre pays serait parfaitement capable de développer lui-même sa culture et de reprendre son rang au sein des nations européennes, sans passer par Rhône-Alpes, Lyon, Grenoble ou Saint-Étienne.
La prolongation du réseau des villes a été adoptée.
3-3 Subvention pour le francoprovençal: Rhône-Alpes donne l'exemple, la Savoie traîne les pieds!
Le 20 novembre, la Commission Permanente du Conseil régional a voté une subvention de 10 000 euros à l'association pour la création d'un institut de la langue savoyarde et francoprovençale, afin de soutenir cette initiative. Un tel institut est nécessaire si l'on veut vraiment constituer des archives multimedia, produire des matériels pédagogiques et former des enseignants.
En décembre 2000 j'avais réussi à faire voter par l'assemblée ce voeu: "Le Conseil régional s'associera en 2001 à la réflexion en vue de la création, en partenariat avec les associations et les collectivités locales intéressées, d'un Institut de la langue francoprovençale".
Je me réjouis donc du vote de ces 10 000€, même si un an de retard a été pris.
Toutefois, deux remarques:
1. La subvention est inscrite dans le budget régional de la culture, au chapitre des "médiations culturelles". Il s'agit du "soutien à des actions destinées à favoriser l'accès à la culture de publics qui en sont éloignés pour des raisons sociales, culturelles, géographiques ou psychologiques". Entrent dans ce cadre les actions culturelles en milieu rural, en milieu hospitalier ou auprès de personnes handicapées ou en "difficulté d'insertion". Les services du vice-président Michel Amoudry ont-ils considéré que la langue savoyarde s'adresse aux crétins des Alpes et aux goîtreux des montagnes?
2. Rhône-Alpes est la première collectivité à participer financièrement à la création de l'Institut: ni l'Assemblée (des Pays) de Savoie, désormais en sommeil comme les marmottes, ni les Conseils généraux des deux départements savoisiens n'ont encore envisagé un quelconque soutien! Alain Veyret, vice-président chargé de la Culture au Conseil général de la Haute-Savoie, trouverait le projet "pas assez sexy" à son goût, avis aux majorettes parlant patois!
4-1 Air pollué et aliments empoisonnés: la sale affaire des dioxines.
Exposé de Pierre Ottin-Pecchio (Porte-parole du Groupe de Réflexion Affaires Sociales et Santé) au Congrès de la Ligue Savoisienne, à Saint-Jean de Maurienne, le 25 octobre 2003.
photo (num.) Ottin-Pecchio en médaillon.
En 1960 un nouveau poison a fait son apparition sur terre. D’abord diffusé massivement pendant la guerre du Vietnam par les Américains, c’est la pollution d’origine industrielle qui le fit réapparaître en Europe quelques années plus tard.
Ce poison, ce sont les dioxines, qui depuis quarante ans ont été la cause d’intoxications et d’imprégnations insidieuses, parce que lentes et progressives, de la population française. Ce fut le cas à Gilly-sur-Isère, et aussi sur des dizaines d’autres sites en France.
Je vais commencer par un rappel de ces quarante années sous dioxines avant de dire ce que sont les dioxines, d’où elles proviennent, comment elles contaminent la population, quels dégâts elles font et quelles sont les mesures qui permettraient de s’en protéger.
4-2 Du Vietnam à Gilly-sur-Isère.
En 1960, au Vietnam comme ailleurs, il y avait des feuilles aux arbres. Les feuilles gênaient l’aviation américaine pour mitrailler ou bombarder les Vietnamiens rebelles. Les États-Unis décidèrent de supprimer les feuilles en aspergeant les forêts d’herbicides défoliants. Cela dura dix ans, consomma 83 millions de litres de défoliants, et n’empêcha pas l’armée américaine de perdre la guerre au Vietnam.
Détruire les arbres c’est un crime contre la nature. Ce n’est pas un crime contre l’Humanité? Peut-être... mais au Vietnam c’était les deux car les défoliants contenaient un poison, les dioxines. C’était des impuretés, des sous-produits de la fabrication des herbicides défoliants.
Ils en contenaient très peu, quelques milligrammes par litre, mais on sait maintenant que les dioxines sont extrêmement nocives, à la dose de quelques millionièmes de milligrammes.
Pour le dire autrement: un litre d’herbicide contenait plusieurs millions de fois la dose nocive pour l’homme. Combien de dioxines pour 83 millions de litres d’herbicides? Le résultat du calcul, qui a été fait par des scientifiques américains, est de 366 kg de dioxines répandues sur 3.181 villages, soit une population civile 2 à 4 millions de Vietnamiens. Mais pas seulement sur des Vietnamiens, car les soldats américains qui manipulaient les herbicides furent aussi contaminés, ce qui obligea l’armée américaine à rechercher et à identifier la cause des intoxications: c’était bien les dioxines!
Le Vietnam c’est loin, et les Français ne se sont pas fait beaucoup de souci pour les soldats américains, ni pour les Vietnamiens d’ailleurs...
En Europe c’était le boom industriel et les usines chimiques utilisaient de plus en plus de chlore pour faire des herbicides, des matières plastiques, du papier, des huiles de refroidissement... mais c’est à partir du chlore que se fabriquent les dioxines.
À partir de 1967 les premiers accidents graves se produisirent au Japon, en Chine et à Seveso en Italie. Après plusieurs milliers de victimes, les autorités durent prendre des mesures pour contrôler la fabrication des produits pouvant contenir des dioxines. Avec le progrès scientifique on découvrit que les dioxines pouvaient également se former dans la combustion de produits organiques en présence de chlore. On en trouva dans les fumées des centrales thermiques, des fours et des chaudières industriels, et d’autant plus qu’on y brûlait des déchets, comme dans les fumées des usines d’incinération des ordures ménagères (UIOM) qui se multiplièrent à partir de 1980.
Depuis plus de 20 ans ces UIOM sont les principales sources de dioxines et la France est le pays d’Europe qui a le plus grand parc d’incinérateurs. Depuis 1998 plus de cent unités ont été fermées dont, en 2001, celle de Gilly-sur Isère, après que des taux anormalement élevés de dioxines ont été trouvés dans l’environnement.
De l’utilisation militaire d’herbicides en 1960, jusqu’à maintenant avec l’incinération des ordures, on trouve les dioxines au premier rang des poisons répandus sur la population au Vietnam et en France. Mais qu’est-ce que c’est que ces dioxines?
4-3 Qu'entend-on par le terme dioxines?
C’est un mot qu’il faut toujours écrire au pluriel, car les dioxines ce sont plus de 200 molécules. Elles ont des formules chimiques voisines et des propriétés semblables. On les classe en deux familles, les PCDD, PCDF, et on y ajoute celle des PCB. Dans tous les cas, PC veut dire "poly-chloro", car les dioxines ont toutes plusieurs atomes de chlore, ce qui en fait des molécules très solides qui résistent à des températures très élevées, des produits très insolubles dans l’eau et très solubles dans les corps gras. Ce sont donc des polluants redoutables, indestructibles sauf par la lumière (très lentement) et impossibles à éliminer par lavage, qui vont se fixer dans les corps gras. Dans nos aliments, les dioxines vont s’accumuler dans la graisse de la viande, mais aussi des poissons, des œufs, du lait, du beurre et du fromage. Chez l’homme et la femme les dioxines, apportées par les matières grasses des aliments, vont aussi se fixer et s’accumuler dans les tissus gras, pendant des mois et des années, jusqu’à ce qu’elles causent des maladies.
4-4 D'où viennent les dioxines?
Les dioxines sont produites, dans certaines conditions, à partir d’un mélange de produits carbonés (qu’on trouve dans tous les végétaux et tous les animaux), de produits chlorés et d’oxygène. Cela peut se produire pendant la fabrication chimique de beaucoup de produits comme des herbicides, des pesticides, du PVC, etc., ou pendant des combustions naturelles ou industrielles. La production naturelle de dioxines, qu’on ne sait pas évaluer actuellement, devrait être faible ou très faible, si bien qu’on peut dire que la production des dioxines vient essentiellement de l’activité humaine. Selon le Ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement, l’émission de dioxines a été en 1999 de 200 g par an(1) pour les unités d’incinération d’ordures ménagères, de 120 g par an pour la sidérurgie-métallurgie, et de 1 g par an pour la chimie, la papeterie et les cimenteries.
4-5 Où vont les dioxines?
Tout l’environnement est concerné: l’air, le sol, les végétaux et les animaux.
Pour l’air, il n’y a pas beaucoup de chiffres publiés: aucun pour la France, jusqu’à 0,3 pg/m3 en Autriche et 0,8 pg/m3 en Allemagne.
Dans le sol, cela dépend de la distance de l’incinérateur, qui libère des dioxines sous forme de particules dans ses fumées. Les particules qui tombent sur le sol restent à la surface pendant plusieurs années, elles n’y pénètrent pas car elles sont insolubles dans l’eau. On a trouvé jusqu’à 34 pg/g de sol près de l’UIOM de Gilly-sur Isère.
Dans les végétaux, les doses sont très variables. Les particules tombent sur les feuilles et y pénètrent ensuite. Une étude de la DGCCRF(2) a mesuré 1,10 pg/g dans des salades cultivées près d’un incinérateur.
Dans les poissons, les crustacés, les huîtres, les moules et autres mollusques, les dioxines s’accumulent jusqu’à plusieurs centaines de pg/g.
Chez les animaux terrestres herbivores l’absorption se fait par voie digestive à partir de l’herbe et du foin contaminés. L’élimination se fait par le lait, mais la plus grande partie se fixe dans les matières grasses. En l’absence de pollution locale on trouve moins de 1 pg/g, mais à proximité d’un incinérateur on a trouvé jusqu’à 70 pg/g à Gilly-sur-Isère.
Chez l’homme, l’absorption se fait à 90% par l’alimentation et les teneurs sont 10 fois plus élevées en moyenne que chez les bovins. On a trouvé dans le lait des mères de Gilly jusqu’à 30 pg/g de matière grasse.
4-6 La contamination de la population.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a estimé que la quantité moyenne ingérée est comprise entre 1 et 4 pg par kilo de poids corporel et par jour (pg/kg/j). En France, l’Afssa(3)
estime la valeur médiane à 2 pg/kg/j.
Le dosage dans le sang et les tissus est bien au point mais complexe et coûteux et les prélèvements sont assez pénibles (il faut 100 ml de sang ou une biopsie). On ne dose en général que les 17 molécules congénères considérées comme toxiques.
Après une intoxication aiguë avec des doses 1000 fois plus fortes que celles des aliments contaminés les teneurs sanguines peuvent atteindre plusieurs centaines ou milliers de pg.
La contamination de la population en général a été peu étudiée. En France la teneur du lait maternel était en moyenne de 16 pg/g en 1998-1999. En 2001 le Conseil de l’Europe estimait(4) qu’une proportion importante de la Communauté absorbe une dose supérieure à la dose hebdomadaire tolérable soit 14 pg/kg de poids corporel et que dans certains pays des personnes encouraient un risque plus grand du fait de leurs habitudes alimentaires.
4-7 Effets toxiques chez l'homme.
Chaque molécule du groupe des dioxines ou des PCB peut avoir un degré différent de toxicité ce qui oblige, pour simplifier, à mesurer l’ensemble en "quantité équivalente en toxicité" ou TEQ (Toxic Equivalent Quantity en anglais) le plus souvent exprimée en picogrammes par gramme d’échantillon (pg/g). Dans les fumées les quantités seront en nanogrammes (ng) soit 1000 fois plus.
— Une absorption massive, comme au Vietnam ou à Seveso, produit une intoxication aiguë qui se traduit par une maladie de peau (chloracné), une atteinte du foie, du diabète, des maladies cardio-vasculaires et des cancers.
Les études épidémiologiques chez des habitants de Seveso et des ouvriers de la chimie montrent une augmentation de tous les cancers. Les risques sont plus élevés pour certains cancers (lymphomes, myélomes multiples, sarcomes des tissus mous, cancers du poumon, cancers du foie, cancer du sein). Vingt ans après la première exposition l’augmentation du risque est de 40%.
— Les effets d’une exposition prolongée à de faibles doses ne sont connus que depuis peu, quelques années au plus. On sait maintenant que dans ces conditions "les dioxines peuvent déclencher des cancers, dérégler le système hormonal de la reproduction et provoquer des atteintes neurologiques chez l’enfant en bas âge"(5).
Une étude (6) d’ "évaluation du risque sur la santé lié aux émissions atmosphériques des incinérateurs soumis aux nouvelles valeurs limites de l’Union Européenne" montre que si la modélisation informatique des retombées indique des risques faibles, l’application au cas de l’UIOM de Bourgoin-Jallieu (Isère), incinérateur censé répondre aux normes UE, révèle des émissions largement supérieures (valeur maximale 9 ng/m3) au seuil de 0,1 ng/m3 fixé par l’Union Européenne et conclut à un risque élevé de cancer.
C’est en juin 2003 que le Pr Jean-François Viel, de la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Besançon, a rendu publics les résultats d’une étude publiée depuis dans la revue américaine Epidemiology(7). Il a constaté que le risque d’avoir un cancer de type lymphome non hodgkinien était 2,3 fois plus élevé pour les individus qui résident dans la zone la plus exposée aux retombées de dioxines, par rapport à ceux de la zone la moins exposée.
Les malformations congénitales ont été l’objet d’une étude menée par l’INSERM (8) dans la région Rhône-Alpes de 1988 à 1999. Elle a montré une élévation du nombre de malformations chez les enfants de 196 communes proches de 70 incinérateurs de la Région. Il s’agit d’anomalies chromosomiques et d’autres malformations majeures. Un risque élevé et significatif existe pour les fentes orales (bec de lièvre), les dysplasies rénales, les mégacôlons et des anomalies urinaires.
4-8 Les mesures de protection de la santé publique en France.
La France disposant du plus grand parc d’incinérateurs d’ordures ménagères en Europe, la population française est particulièrement exposée aux risques résultant de l’émission de dioxines dans les fumées. Des mesures ont été prises pour fermer les UIOM les plus polluantes mais il en reste près d’une centaine en fonctionnement.
Face à cette situation préoccupante les autorités se sont contentées jusqu’à maintenant de faire appliquer un arrêté du 25 janvier 1991 sur le fonctionnement des "gros" incinérateurs d’une capacité supérieure à 6 tonnes d’ordures par heure. Cet arrêté ne fixe pas d’obligation de résultat, c’est à dire qu’il ne fixe pas de valeur limite pour les rejets de dioxines. Il indique seulement certaines conditions, comme la température à laquelle doivent être portés les gaz résultant de l’incinération. Les "petites" installations comme celle de Gilly n’étaient pas concernées jusqu’en décembre 2000. Elles n’étaient auparavant astreintes à aucune contrainte ni à aucun contrôle!
En décembre 1997, une circulaire ministérielle a, pour la première fois en France, fixé une limite de 0,1 ng/m3 à l’émission des dioxines, mais seulement pour les nouvelles installations d’incinérateurs! Il est prévu que cette obligation soit étendue à fin décembre 2005 à l’ensemble des incinérateurs.
Selon le Ministère de l’Environnement, la modernisation des incinérateurs a permis dès 1997 une baisse de 60% des rejets et d’ici à 2007 la quantité de dioxines rejetée dans l’atmosphère devrait être encore divisée par 20 (de 200g à 10g).
L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) a attendu le 1er juillet 2003 pour "apporter des réponses aux attentes des décideurs et de la population".
Elle a annoncé la sortie d’un guide pour améliorer la gestion du risque, fait des recommandations pour la mise en route d’une étude de l’exposition de la population aux dioxines autour des UIOM, et donné des conseils pour la mise en place d’études épidémiologiques sur les cancers et les malformations congénitales. Des recommandations et des conseils, c’est bien, mais des études c’est mieux!
Devant l’urgence à Gilly-sur–Isère, trois études ont commencé depuis le début 2003.
Une étude épidémiologique de la mortalité par cancer (9),une étude d’imprégnation par dosage des dioxines dans le lait maternel (qui vient à peine de démarrer), une étude sur les risques sanitaires liés aux émissions de l’usine d’incinération, qui procède par enquête auprès de la population, à des dosages dans les sols et divers produits et à la caractérisation des risques (10).
On aurait pu penser que les études préconisées par l’Afssa auraient été un préalable à toute extension du parc d’incinérateurs. Ce n’est pas le cas en Savoie, car le 15 octobre 2003 le Préfet a donné son feu vert au nouveau plan départemental de traitement des déchets, qui prévoit la construction d’un nouvel incinérateur de grande capacité, le triple de celle de Gilly-sur-Isère.
Ce nouveau plan, élaboré en collaboration entre l’administration et les élus locaux, fait donc courir des risques à la population de Savoie mais se montre plutôt timoré pour réduire les déchets à la source et favoriser leur recyclage, combinaison qui apporterait pourtant la seule solution rationnelle à la prolifération des déchets.
Il n’est pas inutile de rappeler, avant de conclure, que depuis novembre 2001 le Conseil de l’Europe a promulgué le règlement (CE) N° 2375/2001 "applicable à partir de juillet 2002 et obligatoire dans tous ses éléments et directement dans tout État Membre". D’après ce Règlement il est "impératif" de réduire les teneurs en dioxines tout au long de la chaîne alimentaire, depuis les matières premières des aliments pour animaux jusqu’aux aliments pour les humains. Il prescrit des "efforts incessants" afin de réduire à des taux les plus bas possibles les rejets de dioxines. Il fixe des "teneurs maximales" en dioxines dans plusieurs catégories d’aliments d’origine animale, par exemple 3 pg/g de matière grasse du lait de vache alors qu’à Gilly la teneur a été de 30 pg/g de matière grasse du lait maternel!
Peut-être faudra-t-il, encore une fois, que l’État français soit menacé de sanctions par l’Europe pour qu’il prenne en compte une réglementation européenne qui vise à protéger sa propre population? Peut-être que l’étude en cours, par un juge d’instruction du tribunal d’Albertville, des 180 plaintes déposées contre X permettra de savoir s’il y a des responsables et/ou des coupables?
Laissons conclure Jo Le Guen, président de "Keep it Blue": "… dans ce domaine comme dans d’autres, la France ou plutôt l’État jacobin, centralisateur, feint d’ignorer qu’il fait partie d’un ensemble dont il s’est engagé à respecter les règles, l’Union Européenne" (11).
Mais il parlait de la marée noire…
P.O.-P.
(1) Exprimés en TEQ (Toxic Equivalent Quantity) selon la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
(2) Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
(3) Agence française de la sécurité sanitaire des aliments.
(4) dans son Règlement (CE) n°2375/2001.
(5) Extrait d’un article de la revue "60 millions de consommateurs" n°361, mai 2002.
(6) Rapport final de l’Institut universitaire d’hygiène et de santé publique, 2003, disponible sur Internet.
(7) Epidemiology, 2003; 14(4): 392-8. "Dioxin emissions from a solid waste incinerator and risk of non-hodgkin lymphoma".
(8) Revue d’Epidémiologie et de Santé, vol. 50, supplément au n°4, octobre 2002.
(9) qui pour l’instant ne semble pas montrer de surmortalité.
(10) Voir Acalp Info n°7, bulletin trimestriel de l’Association Citoyenne de Lutte Active contre les Pollutions, Mairie, CD 5, 73200 Grignon, <www.acalp.org>.
(11) Extrait du livre "Les traversées de la colère", p. 160, Éditions Mango, Paris, 2002.
4-9 Le mauvais choix de l'incinération.
Prenant la parole à la suite de Pierre Ottin-Pecchio, le docteur Bernard Bluteau a présenté la problématique de l'incinération des ordures ménagères en France.
À partir de 1980, la fermeture progressive des décharges a ouvert un immense marché à trois groupes industriels qui proposaient des incinérateurs "clé en main": Compagnie Générale des Eaux (devenue Vivendi Environnement), Bouygues et Lyonnaise des Eaux (devenue Suez). La solution technique semblait excellente: brûler les ordures et récupérer l'énergie sous forme de chauffage collectif et de production d'eau chaude pour les logements, ou d'électricité produite par turbinage de vapeur. On comprend maintenant que l'incinération n'est pas une élimination mais une transformation: les incinérateurs dispersent les agents polluants dans l'atmosphère et produisent des résidus dont certains sont hautement toxiques.
En France fonctionnent environ 150 Unités d'Incinération, soit 60% du parc total européen! 8 d'entre elles se trouvent en Savoie (en incluant la grosse unité de Bellegarde). Les fumées contiennent un cocktail de dioxyde de soufre, d'oxydes d'azote, d'acide chlorhydrique, de métaux lourds, et bien sûr de dioxines. La norme européenne, qui limite l'émission de dioxines à 0,1ng/m3 de fumées, n'est pour le moment applicable en France qu'aux unités installées à partir de 1997. Et on peut avoir des doutes sur l'efficacité de la filtration des fumées, car on ne connaît pas tous les composés toxiques que ces fumées contiennent.
En conclusion, Bernard Bluteau indiquait que le choix de l'incinération n'est pas obligatoire: certains pays (le Suède, par exemple) n'ont pas d'usine d'incinération des ordures ménagères. Il existe une alternative: la valorisation des déchets par le tri sélectif et le compostage. Les collectivités de Savoie ont certes commencé à mettre en place un tel système, mais il faudra du temps pour vérifier le sérieux des techniques employées et pour éduquer toute la population à la nécessité de ne pas tout jeter indistinctement à la poubelle...
5-1 Congrès de Saint-Jean de Maurienne: solidarité et combativité!
Pour son Huitième Congrès, la Ligue savoisienne, qui doit faire face à une situation politique difficile sans débouché immédiat, pouvait redouter une ambiance morose. Tout au contraire, les deux journées de Saint-Jean de Maurienne, les 25 et 26 octobre 2003, ont vu converger les volontés vers l'objectif commun: la désannexion et l'émancipation de la Savoie! Malgré la difficulté de l'exercice, tentons un panorama de ces rencontres.
Peu après 9 heures le samedi matin, Albert Prallet, chancelier de la Ligue en Maurienne, accueillait les congressistes, en les différenciant de "ceux qui portent dans la tête le tchador français". "La France, disait-il, a transformé la Maurienne en dépotoir industriel. La Savoie, toujours objet de la convoitise française, est tombée sept fois, sept fois elle s'est relevée, nous la relèverons une huitième fois"...
Le ton était donné.
À propos de "dépotoir", la première conférence du samedi apportait sur les dioxines, ces agents très toxiques répandus notamment par les incinérateurs d'ordures ménagères, des informations pointues réunies par deux Savoisiens de formation scientifique: Pierre Ottin-Pecchio et Bernard Bluteau, dont on lira plus loin les exposés.
Sur la maîtrise foncière, le logement et l'aménagement du territoire, Patrice Abeille présentait ensuite au Congrès des réflexions encore inachevées. La Ligue travaille sur ces sujets, qui rejoignent les préoccupations de tous les mouvements régionaux de l'hexagone: partout les prix de l'immobilier montent, et les gens du pays, en particulier les jeunes, rencontrent les plus grandes difficultés à se maintenir sur leur territoire. La suppression de l'impôt sur les successions et donations, préconisée par la Ligue, faciliterait la transmission des patrimoines, mais il faut aller plus loin, car à partir d'un certain niveau de prix la vente devient trop attractive pour les propriétaires. Souhaitons que, dans l'année à venir, des propositions précises puissent être formulées.
En fin de matinée, l'érudit Guiu Sobiela-Caanitz, venu du canton des Grisons nous apporter son soutien, évoquait la conférence diplomatique qui réunit à Saint-Jean de Maurienne, en avril 1917, les représentants des grandes puissances: la proposition de paix négociée, émise par le nouvel empereur d'Autriche-Hongrie Charles, fut repoussée parce que les Alliés savaient que les États-Unis étaient sur le point d'entrer en guerre à leurs côtés. Le destin du monde se jouait alors en Maurienne...
Dominique de Villepin, ministre français des Affaires Étrangères, était annoncé au programme de l'après-midi, car il avait reçu une invitation d'Albert Prallet pour venir s'expliquer sur l'abrogation du traité d'annexion de la Savoie en 1947. En son absence, c'est Jean de Pingon qui est venu présenter au Congrès le statut juridique de l'annexion. En substance: le traité d'annexion de la Savoie par la France est caduc, il est abrogé, on peut entreprendre des démarches juridiques pour le faire constater, mais cela ne sert à rien! Il faut convaincre de cette thèse beaucoup de monde, car seul un peuple nombreux peut obtenir justice...
Beñat Oteiza venait ensuite nous exprimer le soutien du Parti Nationaliste Basque, et nous présenter la situation actuelle de l'abertzalisme (le patriotisme basque) au nord et au sud de la Bidassoa. Une présentation très complète et bien documentée, que nous n'avons pas la place de reproduire ici. Disons seulement qu'au sud, les Basques soutiennent ardemment le plan Ibarretxe (du nom du chef du gouvernement autonome) qui devrait être soumis à un référendum en 2005: il propose une souveraineté partagée avec l'Espagne; au nord les patriotes basques, malgré une bonne structuration associative dans les domaines de l'enseignement de leur langue, de l'agriculture, de l'économie, peinent à concrétiser au niveau électoral le capital de sympathie dont ils bénéficient dans la société. En conclusion, Beñat Oteiza souhaitait à la Savoie de ne jamais connaître la violence politique telle qu'elle sévit dans son pays. Son parti représente en effet un nationalisme responsable et constructif, de tendance démocrate-chrétienne, qui condamne les agissements de l'ETA.
Dans la deuxième partie de l'après-midi du samedi, Alain Roullier, accompagné de Jean-Charles Normant, s'est adressé au Congrès pour retracer l'histoire de Nice, que des liens très forts unissent à la Savoie depuis la dédition de 1388. Il a expliqué les arguments et les objectifs de la toute nouvelle Ligue pour la Restauration des Libertés Niçoises, qu'il a fondée pour porter le projet de la souveraineté de Nice, une cité-État qui pourrait être heureuse en se dégageant de la domination française. Ce fut un échange vivant, en complément de la visite des Savoisiens à Nice, que le n°67 de L'Écho a abondamment relatée. Les Savoisiens, par leur présence en nombre, ont "mis le feu" à Nice, disait Alain Roullier, et grâce à ce relais ils mettront d'autant mieux "le feu" de l'enthousiasme patriotique en Savoie. Roullier appelait au boycott des élections régionales, dont le mode de scrutin est verrouillé par une loi scélérate.
En début de soirée, Jean de Pingon déposait une gerbe rouge et blanche sous le porche de la cathédrale de Saint-Jean, au pied du tombeau d'Humbert 1er dit "Blanches-Mains", premier comte de Savoie.
Le souper était organisé au restaurant l'Atrium, où travaillent des personnes handicapées. La soirée était animée par le musicien et chanteur Patrice Combey, accordéoniste dont la jovialité est communicative. Evelyne Anthoine profita d'une pause pour rappeler aux convives que cela fait dix ans qu'en novembre 1993 Jean de Pingon publiait, dans "Le Faucigny" et "Présence Savoisienne" un long article par lequel il déclarait fonder la Ligue savoisienne. Un dixième anniversaire très applaudi!
Le programme du dimanche matin a été bouleversé: la présentation de l'association "La Région Savoie j'y crois" a suscité un débat animé qui s'est confondu avec la discussion des orientations stratégiques de la Ligue. Contrastant avec les propos très mesurés du président de l'association, Claude Barbier, son porte-parole Noël Communod a bizarrement jugé utile d'agresser le Congrès en prétendant que la Ligue savoisienne serait "détestée" par une majorité de Savoyards, et qu'elle n'aurait rien prévu pour l'avenir de la Savoie. Là-dessus, il invitait les ligueurs à renoncer à la désannexion de la Savoie et à s'unir à son association pour réclamer la Région Savoie. C'était pour le moins maladroit. L'assemblée, au fil de nombreuses interventions, a remis les choses en ordre. La Ligue savoisienne bénéficie d'une vraie sympathie, les sondages et les expériences de chacun en font foi, mais elle ne peut qu'être détestée par ceux qui profitent du système français et par les fanatiques du bleu-blanc-rouge. Elle approuve depuis plusieurs années l'objectif de la Région Savoie, comme étape intermédiaire dans un processus gradualiste vers la souveraineté, alors que certains régionalistes refusent l'idée même d'autodétermination, pourtant inscrite dans la Charte internationale des Droits de l'Homme. On ne peut pas s'unir si l'un des partenaires nie la légitimité de l'autre! Les régionalistes ont perdu leur temps avec les élus, de droite comme de gauche, et le boycott des élections régionales est la seule stratégie possible face à un mode de scrutin qui élimine les petites formations. La Ligue s'intéressera en priorité à l'élection du parlement européen,qui aura lieu en juin 2004. N'ayant rien à attendre des capacités de réforme de la France, les Savoisiens doivent avant tout compter sur leurs propres forces, et ils bénéficient de la solidarité de quarante mouvement partenaires dans différents pays d'Europe, réunis dans le PDPE-ALE (Parti Démocratique des Peuples d'Europe - Alliance Libre Européenne).
En fin de matinée, Pascal Garnier et Alain Favre présentaient un livre important dont la publication est imminente: le dictionnaire du francoprovençal, de Dominique Stich. Ils en profitaient pour faire le point sur cette langue régionale qui ne demande qu'à "rbioler" (voir le compte-rendu de Pascal Garnier dans les pages suivantes).
Le dimanche après-midi, l'assemblée statutaire permettait, comme chaque année, aux adhérents de faire le point sur les activités et les finances de l'année écoulée, et de remettre en place les différents responsables de la Ligue.
Saint-Jean de Maurienne a été un excellent Congrès!
5-2 Une organisation souriante et impeccable.
Grâce à l'aide des autres provinces, et principalement de la Savoie Ducale, les Mauriennais ont assuré un sans-faute pour le déroulement du Congrès. La salle de la Chaudanne était magnifiquement décorée, des pièces du grand drapeau de Savoie record du monde formant une séparation entre l'espace d'accueil et l'espace des conférences. Buvette, vestiaire, cuisine, restauration, stands de vote et de vente des provinces ont connu un vrai succès, une équipe spécialisée a préparé de délicieux matafans! Pendant les deux journées notre secrétaire Evelyne Anthoine et notre trésorière Sophie Matrat n'ont pas quitté leur comptoir à l'accueil, où elles ont enregistré 17 adhésions nouvelles et renseigné un grand nombre de visiteurs et de sympathisants, tout en réglant les innombrables questions pratiques ou plus complexes posées par les congressistes.
Décidément l'organisation de la Ligue, grâce à tous ses militants bénévoles, est bien rodée. Bravo!
5-3 Les Comités élus au Huitième Congrès.
Selon les statuts de la Ligue savoisienne, les adhérents de chaque province élisent, au moment du Congrès, un Comité provincial de 6 à 12 membres, dont trois (le chancelier, le vice-chancelier et le trésorier) siègent au Conseil des Provinces, où ils sont remplacés en cas d'absence par trois suppléants. Les réunions qui constituent les listes de candidats sont ouvertes à tous les adhérents. Les votants peuvent ensuite modifier les listes par panachage (en rayant et ajoutant des noms).
Cette année le scrutin, à l'accueil du Congrès, était ouvert pendant les deux journées, et fut clos le dimanche vers 15 heures. La stabilité a prévalu dans les provinces, comme dans les instances fédérales de la Ligue; cinq des six chanceliers ont été renouvelés dans leurs fonctions. Maurice Luquain, qui ne se représentait pas pour diriger la Savoie Ducale (voir encadré), a été remplacé par Marcelle Montagnon, deux provinces sur six ont donc choisi une femme pour chancelier (le terme "chancelière", qui désigne une sorte de fauteuil, pourrait à la rigueur vouloir dire "épouse d'un chancelier", comme la "générale" est l'épouse d'un général, la féminisation du vocabulaire est pleine d'embûches...). Voici donc la liste des nouveaux Comités.
Chablais.
Chancelier: Jean Jacquier Vice-chancelier: Pierre Ottin-Pecchio Trésorier: Dominique Bondaz
Suppléants:Magali Bouvarel (Secrétaire du Comité), Sylvie Caddoux, Danièle Iseli
Membres:Jean-Pierre Gaud, Jean-Claude Gros, Michel Bron, Edith Paoly, Philippe Deconche, Béatrice Cabuis
Faucigny.
Chancelier: Gilles Rosset Vice-chancelier: Alain Burtin Trésorier: Georges Basaldella
Suppléants:Anne-Marie Rosset, Raymond Lalliard, Gérald Calmus
Membres:Jo Dupraz, Thierry Bene, Pierre Borrel, Marie-Thérèse Bene, Edmond Sonneville, Philippe Bene
Genevois.
Chancelier: Evelyne Anthoine Vice-chancelier: Bernard Bouvier Trésorier: Pascal Capretti
Suppléants:Paul Girard, Michel Jazarguer, Sophie Matrat
Membres:Thierry Rivoire, Thierry Dupassieux, Thierry D'Anière de Veigy, Bernard Fauvelais,  Olga Vergain, Andrée Balthazard
Savoie Ducale.
Chancelier: Marcelle Montagnon Vice-chancelier: Claudette Muraz Trésorier: Gilbert Morand
Suppléants:Michel Vibert, Jacky Gurret, Claudette Abry
Membres:Jean-Pierre Viguet-Carrin, Marc Virot, Gilbert Chamonal, François Rennard, Alain Ract, Jacky Bosio
Tarentaise.
Chancelier: Georges Mondel Vice-chancelier: Gérald Wojtal-Aillaud Trésorier: Daniel Glatigny
Suppléants:Jocelyne Chatrian, Louis Lombard, Guy Martin
Membres:Julien Gaidet, Louis Béguin, Alphonse Abondance, Jean-Jacques Ruffier, Viviane Martin, Gilbert Cullet
Maurienne.
Chancelier: Albert Prallet Vice-chancelier: Jean Blanc Trésorier: Henriette Villeton
Suppléant:Germain Viallet
Membres:Jean-Noël Damevin, Eric Garadier, Eric Montagnon, Clément Montagnat
5-4 Les autres élus du Congrès.
Conformément aux statuts de la Ligue savoisienne, l'assemblée plénière du Congrès a élu ou réélu les personnes suivantes.
Commissaire vérificateur des comptes: Thierry Tissot-Dupont.
Commissaire adjoint: Michel Jazarguer.
Membres d'honneur du Conseil des Provinces:
Val d'Aoste: René Besenval.
Piémont: Giorgio Filograna.
Vaud: Eric Caboussat.
Le Secrétaire du conseil des Jeunes savoisiens ne se représentant pas, un nouveau conseil est en train de se constituer et se choisira un porte-parole. Le jeune mauriennais Clément Montagnat est monté à la tribune pour se présenter et saluer les congressistes au nom de ses camarades.
5-5 Les nouveaux organes directeurs de la Ligue savoisienne.
Le 9 novembre se réunissait le Conseil des Provinces élu par le Congrès.
Le Conseil a procédé au renouvellement de la direction de la Ligue savoisienne.
Albert Prallet a été élu Chancelier de Savoie.
Sophie Matrat a été réélue Trésorière, et Pascal Capretti Trésorier suppléant.
Conseil consultatif:
Jean de Pingon, président sortant, a désigné Alain Dupuis et Georges Billard.
Le Conseil des Provinces a élu Jean-Paul Cavalié et Pierre Mudry.
Le Bureau exécutif a désigné Jean de Pingon.
La composition du Conseil consultatif est donc inchangée.
Bureau exécutif:
La même composition a été reconduite: Patrice Abeille (Secrétaire général), Jean-Claude Buffin (Secrétaire général adjoint), Jean-Marc Jacquier et Christian Montagnon (Délégués aux Provinces).
5-6 Merci Maurice!
C'est Maurice Luquain, chancelier de Savoie Ducale, qui a annoncé à la tribune du Congrès les résultats des élections des Comités provinciaux. Lui-même ne se représentait pas. Maurice a assumé pendant trois ans, depuis le Congrès du premier octobre 2000, la délicate fonction de chancelier de la province de Savoie Ducale: il prenait alors la relève de René Arpin, qui entrait au Bureau exécutif. Cette province est la plus étendue, puisqu'elle comprend l'Avant-Pays savoyard, Chambéry, Aix, la Chautagne, une partie de l'Albanais, la Combe de Savoie, Albertville, une grande partie des Bauges, le Val d'Arly et le Beaufortain (il est question de rééquilibrer le territoire en faveur de la Tarentaise, qui historiquement s'étendait bien au-delà de Tours en Savoie...). Ainsi les kilomètres se sont additionnés bien vite au compteur de la voiture du chancelier, qui était présent à toutes les réunions et manifestations de sa province.
Maurice Luquain a été omniprésent dans la préparation et l'organisation matérielle du Huitième Congrès: on a pu le voir alternativement tenir le bureau de sa province, servir des consommations à la buvette, doser le sucre sur les matafans, sans compter d'innombrables petites tâches imprévues et bien sûr son passage à la tribune. La coopération des provinces de Savoie Ducale et de Maurienne a été totale, d'un bout à l'autre du travail, qui avait commencé il y a plusieurs mois.
Le facétieux Maurice, qui ne manque jamais de se présenter comme "l'ancien", à présent déchargé de la tâche de numéro un de sa province, va pouvoir à nouveau mieux profiter des loisirs de sa vie de retraité, notamment la cuisine (gastronomique!), la pêche à la ligne (à Aiguebelette) et les mots croisés. Le "cruciverbiste ducal" qui vous propose ses énigmatiques problèmes dans chaque édition de L'Écho de Savoie, c'est lui! Et il est bien décidé à continuer, de même qu'il reste un militant convaincu de la Ligue savoisienne, notamment dans sa ville de Chambéry. Merci Maurice, et à bientôt!
photo2 (sans légende)
5-7 Choisir les mots justes.
par Alain Belloz.
Une congressiste a pris la parole, dans la matinée du dimanche, pour déplorer que le Savoyard de base ne comprend rien aux différents projets concernant la Savoie, et aux questions institutionnelles en général. On peut lui trouver quelques excuses, et même un Savoisien averti aurait pu se sentir un peu désemparé en entendant dire successivement que nous partageons le combat des "nationalistes" basques, puis que l'État et la Nation sont dépassés par le fédéralisme, enfin qu'il faut promouvoir le francoprovençal: or qu'est-ce qu'une langue sinon l'un des attributs de la nation? Ajoutons à cela que les régionalistes de "la Région Savoie j'y crois" avaient déclaré un peu plus tôt se démarquer de la Ligue parce que celle-ci veut l'indépendance, alors que ce mot avait été écarté la veille au profit de celui de souveraineté...
Il faudrait dans ces conditions fournir un petit glossaire aux auditeurs, mais les notions concernées sont souvent très complexes, d'autant que la construction européenne vient brouiller les cartes en introduisant de nouvelles notions encore très floues, comme celle de la supranationalité. Les choses seraient à la limite plus simples si la Savoie se trouvait en Afrique ou en Asie!
L'autre solution est de se contraindre à utiliser un vocabulaire moins riche mais accessible à tous, même s'il rend insuffisamment compte de la complexité de la situation.
Au fond, ce que veut la Ligue savoisienne, c'est bien la création d'un ÉTAT sur le territoire d'une NATION, à savoir le peuple de Savoie. Donc ni l'État, ni la Nation, ni même l'État-Nation ne sont remis en cause par le combat de la Ligue, mais très précisément les GRANDS États-Nations tels qu'ils ont été conçus et imposés au 19e. siècle en Allemagne, Espagne, Italie et au Royaume-Uni, et tels que les conçoit et impose encore aujourd'hui la France (et peut-être même trop souvent l'Union européenne). Ces grands États forgés par la contrainte, nous devons les appeler ÉTATS MULTINATIONAUX. Cela heurtera les Français, dont la République se prétend "une et indivisible", mais sera cohérent avec notre solidarité à l'égard des objectifs de nos amis corses, basques, bretons, etc.
L'Europe à construire est bien celle des PETITS États-Nations, et non celle des régions, encore moins celle des GRANDS ÉTATS MULTINATIONAUX à la française. Dans cette perspective, l'étiquette de "micronationalisme" appliquée aux volontés des peuples ci-dessus évoqués n'est pas si impropre que cela, y compris pour désigner l'action des Savoisiens.
L'examen attentif de ces notions peut être rébarbatif, mais je suis persuadé qu'il faut faire très attention, si nous voulons être compris, au langage que nous utilisons. La maîtrise des discours est devenue aujourd'hui un enjeu fondamental, tant en pédagogie qu'en politique: on ne peut plus se permettre d'être approximatif, encore moins contradictoire. Il faut un réel effort pour clarifier le langage et se faire comprendre. Encore faut-il préalablement être au clair dans sa propre tête.
A.B.
 
illustrations numériques:
"repas dimanche": On se restaure à l'Atrium (dimanche à midi) sous la supervision de Sophie...
"direction Faucigny": Les élus du Faucigny: Gilles Rosset, Alain Burtin, Georges Basaldella.
"direction Tarentaise": Les élus de Tarentaise: Georges Mondel, Gérald Wojtal-Aillaud, Daniel Glatigny.
"direction Maurienne": Les élus de Maurienne: Albert Prallet, Jean Blanc, Henriette Villeton.
illustrations papier:
photo3: Beñat Oteiza (PNV) et Patrice Abeille.
photo4: Jean de Pingon dépose une gerbe au tombeau d'Humbert aux Blanches-Mains.
photo5: Fin du Congrès: les Savoisiens chantent les Allobroges.
 
6-1 Premier festival de la soupe de Savoie à Doussard: un succès!
Inspiré du Festival de la Soupe de Florac (Lozère), qui voit concourir une vingtaine de soupes, le festival-concours des Soupes de Savoie, organisé par l'amicale Marguerite Frichelet dans notre province du Genevois, a pris d'emblée un bon essor. Fortuitement le samedi 11 octobre était aussi l'ouverture de la semaine du goût. Huit associations ont répondu à l'invitation de Jean-Claude Buffin et de son équipe. Deux ou trois adhérents de chacune de ces associations ont mitonné leur préparation, certains avec les conseils et la participation d'amis restaurateurs, d'autres selon des recettes de "grand-mères" savoisiennes...
Une batterie de marmites et de faitouts de taille imposante, placés sur 5 chaudières à bois et sur 3 réchauds à gaz, a fumé pendant tout le samedi sur le terre-plein de la salle polyvalente de Doussard. De nombreux parapentes qui volent de la Forclaz à Doussard ont eu la primeur des fumets appétissants s'échappant des couvercles...
À partir de 20 heures, plus de 200 personnes sont allées se servir successivement à chacune des marmites, et revenaient à table pour goûter et pour exercer leur talent de Juré en attribuant des notes et en donnant un classement de préférence personnelle.
Lou Philosophes, de Saint-Jean de Sixt, chauffaient l'ambiance de cette manifestation culinaire originale. Une urne recueillait les bulletins de vote; et le résultat de cette votation fit monter sur le podium les "chefs-soupiers" lauréats, départagés l'un de l'autre par quelques points:
— Sur la plus haute marche, l'association Humbert aux Blanches-Mains avec une succulente soupe à la crème de potimarron;
— Sur la deuxième marche, la soupe bûcheronne de l'Amicale des Savoisiens du Val d'Arly, longuement mitonnée depuis 10h du matin;
— Sur la troisième marche enfin, la soupe aux châtaignes du Val d'Aoste, préparée par un restaurateur d'Arnad et agrémentée par la dégustation de mignardises typiquement valdôtaines.
Les autres équipes étaient classées dans un mouchoir de poche.
Les organisateurs de ce festival des soupes de Savoie ont en outre remarqué le brio de l'organisation de toutes ces valeureuses associations, à travers le matériel dont elles disposent (grandes chaudières, marmites en inox, réchauds à gaz, etc.) ou par le savoir-faire culinaire des soupiers, dont certains restaurateurs comme M. R. Caillet de l'Écluse à Chanaz (Savoie Ducale), et comme Cl. Dubouloz de l'Auberge d'Anthy à Anthy (Chablais)...
L'expérience réussie de ce festival-concours 2003 a donné beaucoup d'idées à l'amicale Marguerite Frichelet pour mettre dans sa marmite 2004 de nombreuses innovations festives et d'animations.
Prenez date pour l'année prochaine à même époque, pour "mzï la spa ave no!"
6-2 Qui était Clotilde de Savoie (1843-1911)?
La presse "people" et même les médias d'informations générales ont "tartiné", récemment, sur le mariage à grand spectacle, le 25 septembre à Rome, de l'héritier de la Maison de Savoie, le prince Emmanuel-Philibert. Cet élégant jeune homme (31 ans), qui aime être honoré du titre imaginaire de Prince de Venise, a décidé d'unir sa destinée à celle d'une actrice parisienne déjà enceinte de ses oeuvres, Clotilde Courau. La nouvelle princesse par alliance se présente, si l'on en croit le "Journal du Dimanche", ainsi: "Il y avait Sissi, maintenant il y aura CC. La princesse casse-couilles".
Tandis que chacun souhaite bien du plaisir au futur Duc de Savoie Emmanuel-Philibert, certains se souviennent d'une autre princesse Clotilde de Savoie: c'était une fille du roi Victor-Emmanuel II, et sa destinée difficile fut marquée par l'annexion de la Savoie à la France. Nathalie Rosset évoque pour nos lecteurs la vie singulière de cette femme de sang royal.
Née le 2 mars 1843 à Turin, Clotilde est une princesse de la famille royale de Savoie: son père est Victor-Emmanuel, roi de Piémont-Sardaigne, et sa mère Marie-Adélaïde, archiduchesse d'Autriche et reine de Piémont-Sardaigne. À l'âge de 12 ans, Clotilde perd sa mère. Elle s'occupera avec tendresse et attention de ses trois frères et de sa petite soeur.
À 15 ans à peine, la voici prise au piège d'une combinaison politique qui se noue, lors de l'entrevue secrète de Plombières (Vosges, 21 juillet 1858), entre Cavour, premier ministre de Victor-Emmanuel, et Napoléon III, empereur des Français: Nice et la Savoie seront données à la France, et Clotilde sera "vendue"(1) au prince Jérôme-Napoléon, dit Plon-Plon, cousin germain de l'empereur Napoléon III, en guise d'alliance entre le Piémont-Sardaigne et la France! Tel est le prix exigé par l'empereur pour aider Victor-Emmanuel, par l'envoi d'une armée de 200 000 hommes, à chasser les Autrichiens d'Italie du nord.
Ce fut pour Clotilde le début d'une descente aux enfers... Le prince Jérôme-Napoléon, âgé de 36 ans et bedonnant, voltairien, anticlérical et coureur de jupons, n'avait rien pour lui plaire, et son antipathie intuitive se confirma lors de la première rencontre, quelques jours seulement avant la cérémonie. La princesse résista courageusement, mais dut céder à la raison d'État.
Le mariage forcé fut célébré le 30 janvier 1859 à Turin, quelques mois avant la guerre contre l'Autriche et un an et demi avant l'annexion de la Savoie et de Nice. Les jeunes époux furent reçus le 3 février à Paris, au palais des Tuileries, par Napoléon III et son épouse l'impératrice Eugénie.
Installée au Palais-Royal l'hiver et au château de Meudon l'été, Clotilde ne sort pas d'un entourage restreint au sein duquel elle mène une vie très renfermée. La princesse, dont la piété n'a cessé de s'affirmer, se consacre à la religion et à l'éducation de ses enfants: Victor, né en 1862, Louis, né en 1864, et Marie-Laetitia, née en 1866. Détestant les toilettes et la représentation, elle assiste néanmoins, pour ne pas contrarier son mari, aux cérémonies officielles, aux fêtes et aux réceptions de la Cour, dont la frivolité lui déplaît.
Après la chute de l'empire napoléonien en 1870, elle se retire d'abord à Prangins avec son époux et leurs enfants, sur la rive vaudoise du lac Léman. La vie conjugale se détériore régulièrement. Clotilde commence le 14 mai 1872 une profession dans le tiers dominicain(2). Avec l'accord de son mari, l'éducation de ses enfants étant terminée, elle se retire en 1884 à Moncalieri, près de Turin, et n'en partira plus. Elle s'appliquera à suivre le règlement du monastère.
Ses compatriotes, qu'elle édifiait par sa piété et sa charité, l'appelaient "la Santa". Elle mourut de l'influenza (la grippe), en odeur de sainteté, le 25 juin 1911, et fut inhumée dans la basilique royale de Superga à côté de son époux, malgré ses requêtes pour ne pas reposer près de lui.
Une instance de béatification est toujours en cours à Rome.
Nathalie Rosset.
(1) L'historien Paul Guichonnet emploie le mot "vendue" dans un de ses livres.
(2) Tiers dominicain: ordre religieux créé en 1215.
photo sans légende: clotilde.jpg
6-3La France qui tombe...
C'est le titre du dernier livre de Nicolas Baverez, publié aux éditions Perrin. Nicolas Baverez, historien et économiste, éditorialiste au Point et au Monde, prédit un avenir peu réjouissant pour la France, et n'hésite pas à envisager le pire pour les Gaulois:
"Puisque la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour des élections présidentielles, puisqu'un score de 82% des voix pour le président élu, puisqu'une majorité de 399 députés sur 577, une domination totale du Sénat, une maîtrise de la quasi-totalité des collectivités territoriales, ne permettent pas d'engager les réformes que chacun sait indispensables, alors s'ouvre l'alternative de la révolution."
Reprenons quelques chiffres cités dans le bouquin.
Sur le plan économique, le décrochage est en passe de se muer en déclassement hors du groupe de tête des pays développés. Croissance zéro, recul de l'emploi, remontée du chômage à 10% de la population active, autant de travail précaire, chute de l'investissement productif de l3%, déficits et dettes publics dérivant vers 4,1% et 62% du P.I.B.
Dans les années 70 le P.I.B. de la France était supérieur de 25% à celui de la Grande-Bretagne, il est désormais inférieur de 9%. La France se classe en 2001 au lOème rang de l'Union, au 19ème rang de 1'O.C.D.E. pour le P.I.B. par habitant (24000 euros contre 48100 euros pour le Luxembourg, en tête du classement),au 17ème rang du P.N.U.D. pour le développement humain alors qu'elle occupait la deuxième place au début des années 1990.
D'après l'auteur, à l'exception de la reprise en main de la sécurité intérieure, d'un activisme diplomatique brouillon,d'une mini-réforme des retraites qui ne répond qu'à hauteur de 35% aux besoins de financement du système de répartition à l'horizon 2020 mais qui a néanmoins déclenché une crise sociale majeure, le gouvernement ne dirige pas la politique de la nation, mais fonctionne comme une cellule de soutien psychologique, aussi prompte à entrer en empathie avec les victimes de son incurie que réticente à envisager tout remède à leur situation.
Le président de la république se cantonne à la scène internationale et se spécialise dans le parrainage des grandes causes nationales, de la sécurité routière à la lutte contre l'illettrisme, en passant par la recherche contre le cancer. Le vide de sens ainsi ouvert au centre des institutions de la 5ème République crée un puissant appel d'air dans lequel s'engouffrent la démagogie et les extrémistes de droite et de gauche.
Nicolas Baverez dresse un bilan sévère mais justifié de l'état de la France mais ne propose pas de solutions radicales pour sortir son pays du néant. Peut-être est-il déjà trop tard, et il est fort à parier que la révolution qu'il prédit saura abattre la République et instaurer en France un régime de type fédéral. C'est en tout cas ce que nous voulons, nous les Savoisiens.
Michel Vibert.
6-4 Petite Histoire de Savoie... et de France.
par Guy Martin.
L'Histoire de Savoie ne fut jamais apprise aux Savoisiens. Même l'Histoire de France, apprise officiellement, nous cache nombre de péripéties susceptibles de donner une image dévalorisante et pourtant réelle des grands hommes de l'histoire française.
Dans chaque coin de chacune des six provinces de Savoie se sont passés des faits, souvent notés dans nos archives, qui donnent un éclairage différent de l'Histoire officiellement apprise. On appelle cela la "petite histoire".
Du Syndic de Farette au lieutenant Albouy, ou 3 siècles et demi d'ignorance de la hiérarchie.
Lors de la dernière guerre, en juin 1940 après la signature du cessez-le-feu, les troupes italiennes, contenues jusque là, en profitèrent pour s'avancer en Tarentaise. Descendant des cols frontaliers, les troupes de Mussolini investirent Séez et Sainte-Foy.
Leur progression fut stoppée par un lieutenant savoyard du nom d'Albouy. Celui-ci, monté sur le tansad d'une moto pilotée par un de ses hommes, intima aux Italiens l'ordre de rester là où ils se trouvaient, les menaçant de troupes françaises embusquées de chaque côté de la route. Seul un bluff énorme pouvait réussir; ce fut le cas. Les soldats français, ayant reçu la veille l'ordre de déposer les armes, étaient loin!
Un colonel italien à l'impressionnant uniforme —comme ils les aiment de l'autre côté des Alpes— demanda au lieutenant français de lui amener son officier supérieur. "Je ne discute qu'à grade égal", dit-il. "Entre un lieutenant de Savoie et un colonel italien nous avons encore l'avantage",répondit l'effronté lieutenant.
C'est ainsi que pendant l'occupation italienne, jusqu'en 1943, une barrière avec contrôle des papiers coupait la route nationale entre Tignes (zone libre) et Sainte Foy (zone occupée), à l'endroit où le lieutenant Albouy avait, avec un culot phénoménal, arrêté la colonne italienne.
Ce brave lieutenant avait un précurseur... Trois siècles et demi plus tôt un autre Savoyard de Tarentaise s'était montré tout aussi effronté devant un personnage autrement plus important: Le roi Henri IV... Qu'on en juge:
L'an 1600... Charles-Emmanuel est en froid avec Henri IV; La France envahit pour la deuxième fois la Savoie. Montmélian assiégée résistera longtemps. Cependant, les opérations se poursuivent en Maurienne, Tarentaise et Beaufortain. Le roi, à la tête de ses troupes, prend d'assaut le château de Miolans et arrive au pied de Conflans.
Le gros des troupes de Charles-Emmanuel se replie sur les cols alpins. La défense de la citadelle assure, par la même occasion, la retraite du duc; elle est confiée à une centaine de Tarins, auxquels s'était joint un petit nombre de leurs amis de toujours: des Valdôtains.
Pour mater la courageuse résistance, Henri IV fit traîner deux canons au dessus de Conflans. Pour ce faire il fit appel à des chevaux et à de nombreux hommes de troupe qui, contournant la cité à l'abri des tirs des assiégés, empruntèrent les champs et les vignes du coteau, qui furent saccagés.
Les vignerons étaient furieux; l'un d'eux, originaire du hameau de Farette au dessus de Conflans, fila tout droit vers un artilleur de l'armée française se plaindre des dégâts et demander réparation. L'artilleur le prit de haut et d'un air goguenard lui conseilla de s'adresser à l'officier qui portait un "panache blanc". Le paysan y alla sans se douter qu'il s'agissait d'Henri IV.
— "Sais-tu à qui tu t'adresses? Sais-tu que je suis le roi de France?" — "Alors ça tombe bien! Nous allons pouvoir nous entendre, puisque nous sommes entre notables. Moi je suis le syndic du hameau de Farette!", répondit sans se démonter le paysan tarin.
L'histoire ne dit pas comment se termina l'entrevue. Par la suite, Henri IV investit le Beaufortain pour prendre à revers l'armée du Duc de Savoie, dans la haute vallée de l'Isère. La neige en cet automne était précoce et abondante, les troupes pataugeaient et le roi arrivé au Cormet d'Arèche fit demi-tour. Le curé de Beaufort, parlant de ce séjour princier, a relaté dans un registre d'état-civil: "(...) Le douzième jour, le roi est parti conduisant 8000 personnes, ayant fait force des siennes et grandissimes folies ".
Selon la tradition et si l'on se réfère à la réputation du roi, ces "grandissimes folies" consistèrent à quelques anecdotes galantes!
Une autre tradition orale voudrait que le roi Henri IV ait contracté une maladie vénérienne à Bourg Saint-Maurice! On cite même le lieu exact de la rencontre fatale, une grande ferme qui appartient toujours à la même famille depuis des siècles. Pour ne pas avoir d'histoire avec les héritiers nous ne préciserons pas davantage!
Cependant, cette dernière anecdote est difficile à vérifier; l'histoire est muette sur un passage éventuel du roi à Bourg.
Les " roitelets" français d'aujourd'hui ne seront donc pas surpris d'être traités d'égal à égal par les Tarins, qu'ils soient moniteurs de ski, bergers, ou retraités de la mécanique. Les hauts gradés de Lyon ou de Paris, d'Italie, de France ou de Navarre, ne nous impressionnent pas!
L'histoire (la petite) en est le témoignage!
G.M.
6-5 Réaction à "Putain d'usine".
La lecture de l'article de Pascal Garnier au sujet d'un livre intitulé "Putain d'usine" (Écho de Savoie n°67 page 11) m'amène à faire quelques remarques et à poser quelques questions.
1. Ce livre a été présenté dans le cadre du festival du premier roman à Chambéry: est-il bien un roman?
2. Comment Pascal Garnier peut-il se faire une opinion objective et surtout définitive en ayant travaillé en usine quelques mois seulement pendant ses études et il y a de cela, je suppose, environ 20 ans?
3. Si j'ai bien compris l'arithmétique de l'article, "des dizaines voire des centaines de milliers" d'ouvriers d'usine travaillant dans des conditions inhumaines en Savoie, ce serait donc la totalité de ces ouvriers! Soyons sérieux...
À n'en pas douter, Pascal Garnier n'a plus remis les pieds dans ces "putains d'usines" depuis le temps déjà lointain de ses études. Aussi, je l'invite à mettre à jour ses connaissances sur les conditions de travail en venant se rendre compte sur place de la réalité des choses, par exemple en visitant plusieurs usines de la vallée de l'Arve.
Sur ce sujet, un discours si erroné est très inquiétant pour notre jeunesse, et pour notre pays, la Savoie. Il participe d'une idéologie à contre-courant et d'une vision passéiste du secteur industriel, moteur de notre économie savoisienne. Dans le management d'entreprises et, en particulier, dans les usines de production, l'amélioration des conditions de travail est une priorité, avec comme corollaire une recherche constante de qualité et de résultats.
Jo Dupraz (Faucigny)
Membre du Gouvernement provisoire de la Savoie, chargé de l'Économie.
 
7-1 Commémoration savoisienne du 11 novembre.
La grisaille entretenue par le brouillard lémanique, ce 11 novembre 2003 à Évian, donnait une tonalité grave au rappel d'une des pages les plus sombres de l'histoire de la Savoie. Vers 16 heures, plus de cinquante Savoisiens se trouvaient rassemblés devant le monument aux morts de la ville thermale, arborant les drapeaux de la Savoie et du Chablais.
Patrice Abeille, au cours de son allocution, fit la lecture de deux documents historiques publiés par L'Écho de Savoie en 2002 et 2003 (numéros 60 et 67).
Le premier texte est extrait des mémoires de Théophile Vallet, de Passy (Faucigny) qui fut mobilisé dès le 2 août 1914 et affecté à une caserne de Grenoble:
"Je m'aperçois que nous sommes cinq étant arrivés le premier jour, parce que nous étions de la Savoie du Nord, neutralisée, pouvant aux termes du traité de 1815 être occupée par l'armée suisse, et que l'État-Major avait tenu à nous avoir sous la main, car si l'armée suisse avait occupé nos arrondissements zoniens beaucoup de mobilisés seraient certainement restés dans leurs foyers pour en assurer la défense, suivant les droits qu'ils tenaient dudit traité."
Le deuxième texte provient d'une brochure anonyme publiée en 1933 à La Roche sur Foron, intitulée "Un réveil au pays du Mont-Blanc". On peut y lire ceci:
"... les Savoyards zoniens avaient fait patriotiquement leur devoir pendant la guerre, bien qu'en réalité rien, ni personne, n'eût pu les y obliger, étant citoyens d'un pays neutre."
Faire patriotiquement leur devoir, cela consistait le plus souvent, pour les mobilisés, à avancer sous la menace du pistolet que les gendarmes leur pointaient dans le dos. Les récalcitrants étaient immédiatement déférés devant un Conseil de Guerre ou une Cour martiale, et promptement exécutés: presque un siècle plus tard, les livres et les films sur ce sujet continuent d'exhumer des documents terribles enfouis dans les archives militaires.
Patrice Abeille a rappelé que les historiens ont réduit à néant la légende d'un départ des mobilisés "la fleur au fusil": les seules manifestations joyeuses observées en 1914 étaient l'effet des généreuses distributions de vin et d'eau-de-vie assurées par l'armée dans les convois ferroviaires...
En conclusion, le Secrétaire général invitait les Savoisiens à se souvenir des victimes de la pire violation des termes du pacte de 1860: le non-respect par les autorités militaires françaises du statut de neutralité helvétique de la Savoie, établi internationalement par les traités du Congrès de Vienne en 1815 et confirmé par le traité d'annexion en son article 2. Ce viol de notre neutralité a tué plus de 20 000 jeunes Savoisiens, en a blessé et rendu invalides des milliers d'autres. C'est la cause principale de la caducité du traité d'annexion du 24 mars 1860, qui nous libère de tous liens avec la République française.
Une gerbe de fleurs aux couleurs de la Savoie fut déposée devant le monument aux morts.
Jean-Pierre Rambicur, le maire savoisien de Margencel, participait à cette cérémonie, qui se prolongea par un pot amical, lieu d'échanges informels entre tous les Savoisiens présents.
 
7-2 Provocation à Gaillard.
Dans la commune de Gaillard (Faucigny), à la frontière genevoise, le monument aux morts se trouve au cimetière. C'est là que se rassemble le Conseil municipal pour la cérémonie officielle, à laquelle participent les représentants des organisations d'anciens combattants. Cette cérémonie tricolore a été troublée par la présence d'une dizaine de personnes, arborant des drapeaux de Savoie et distribuant des tracts. Madame Magnin, maire de Gaillard et Conseillère régionale, a appelé dès le lendemain Patrice Abeille, pensant que la Ligue savoisienne était l'organisatrice de cette présence. Il n'en était rien, et voici la réponse:
Patrice Abeille, Conseiller régional. à
Madame Renée MAGNIN
Maire de Gaillard
Hôtel de Ville
74240 GAILLARD
Annecy le Vieux, le 17 novembre 2003.
Objet: Perturbation de la cérémonie du 11 novembre.
Madame le Maire et chère collègue,
Je vous remercie de m'avoir téléphoné le 12 novembre au matin: j'ai ainsi pu vous donner immédiatement mon explication des incidents de la veille. Comme promis je vous résume ci-dessous cette explication, en vous demandant de bien vouloir communiquer ma lettre aux membres du Conseil municipal ainsi qu'à toutes les personnes concernées.
Vous m'avez faxé le tract qui a été distribué au cimetière de Gaillard à la fin de la cérémonie. Les arguments qu'il expose sont tirés de différentes publications de la Ligue savoisienne, et bien entendu, en tant que Secrétaire général, je les assume complètement. Mais ce tract n'a pas été rédigé ni confectionné par la Ligue savoisienne: contrairement à tous nos documents, il n'est pas signé et ne comporte pas l'adresse de la Ligue.
La Ligue savoisienne estime qu'une cérémonie officielle de la République française n'est pas une occasion appropriée pour débattre sur ses arguments: c'est comme si on tentait d'ouvrir une controverse philosophique ou religieuse pendant une messe! C'est pourquoi la Ligue organise ses propres commémorations du 11 novembre l'après-midi, comme ce fut le cas la semaine dernière à Évian.
Il se trouve que nous avons exclu, en septembre 2001, un adhérent d'Annemasse qui tentait d'entraîner notre mouvement vers des méthodes que nous désapprouvons et que nous nous interdisons. À la suite de cette exclusion, un groupe s'est constitué pour le soutenir. Le 7 juillet 2002, 40 adhérents membres de ce groupe (domiciliés principalement dans l'agglomération d'Annemasse et la vallée de l'Arve) ont été exclus, tandis que 12 avaient démissionné.
Avec ces exclusions, la Ligue savoisienne a mis un terme à une tentative grave de déstabilisation par la provocation. Cependant le groupe des exclus (ou un autre?) n'a pas totalement renoncé à nuire, soit anonymement comme ce 11 novembre à Gaillard, soit sous l'appellation de "Confédération savoisienne", groupuscule auquel l'hebdomadaire Le Faucigny a donné une certaine publicité. La technique de la provocation peut toujours avoir un certain succès, comme on le voit dans cette affaire.
Je vous laisse apprécier, madame le Maire, les motifs de l'action de ce groupe totalement étranger à la Ligue savoisienne, et vous assure de mes sentiments savoisiens les plus cordiaux.
Patrice Abeille.
7-3 Curieux pavoisement à Sciez (Chablais).
Samedi 4 octobre 2003, jour de marché ordinaire à Sciez, en Chablais? On aurait pu le penser, sauf que pendant la nuit précédente, des inconnus avaient peint, de chaque côté de la porte d'entrée de la Mairie, sur des panneaux en contreplaqué, deux superbes Croix de Savoie! La nouvelle décoration n'est pas passée inaperçue, d'autant que l'après-midi allait avoir lieu l'inauguration officielle de la superbe place de la Mairie, en présence de MM. le préfet, le sous-préfet, le député, les sénateurs, etc.
Un vent de panique a soudain soufflé sur cette paisible commune touristique des bords du Léman. Un drapeau français a été fixé à la hâte et maladroitement par-dessus chacune des deux Croix de Savoie bien de chez nous: on aurait dit deux drapeaux des Pays-Bas accrochés à l'envers!
Ouf! L'honneur était sauf! Au fait, qui cela indispose-t-il de voir la bannière rouge et blanche de Savoie sur un bâtiment municipal de Savoie?
illustrations: "avant" et "après" (2 photos apportées à Allinges par Jean Jacquier).
 
7-4 L'Écho de Savoie était présent à la Foire aux tripes de Bons en Chablais le 15 novembre!
Cette année encore la foire de Bons en Chablais, qui vient après celles de Saint-Jean d’Aulps, de Boëge et d’Abondance, a occupé la première place des foires d’automne du Chablais. Ce qui est particulier à Bons, c’est qu’il n’y a pas de Place, ni de Champ, ni de Pré de foire: tout se passe sur la route de Thonon à Annemasse, dont la circulation était déviée, cette année, par une "gendarmette" aimable et souriante, une fois n’est pas coutume! La foire de Bons est donc la première foire du Chablais. Par sa longueur d’abord, puisqu’elle s’étire sur un bon kilomètre, mais aussi par l’affluence des milliers de personnes qui défilent en rangs serrés entre deux rangées continues d’étals les plus divers. On trouve de tout à la foire de Bons, des tripes, puisque c’est la spécialité qu’on y déguste, des "pattes" (c’est le moment de s’habiller chaudement pour l’hiver) et mille autres choses dont quelques curiosités: des chanteurs péruviens costumés en Peaux-rouges, des touaregs avec le chèche bleu des hommes du désert... et même un stand de l’Écho de Savoie, seul organe de presse présent!
Si votre journal est toujours bien reçu à Bons, c’est que Roland Chevallet s’occupe de tout, avec l’aide efficace de l’ami Trincat. Il faut dire que Roland c’est "quelqu’un" à Bons: ancien commerçant, il est maintenant Président des Propriétaires forestiers, il a ses entrées à la Mairie et quand le Conseiller général du canton lui envoie ses vœux il les envoie aussi "à tous les forestiers et à tous les ‘Savoisiens’"! Alors, le stand de la Ligue —pardon, de l’Écho de Savoie— a toute la place et tout le matériel (communal) nécessaire, il dispose d’un excellent emplacement et voit passer beaucoup de monde.
Malgré la saison l’ambiance est plutôt chaleureuse à Bons! Les élus locaux de passage s’arrêtent au stand pour serrer des mains et faire la causette, les adhérents disent bonjour en passant, beaucoup de chalands s’arrêtent pour acheter des produits exposés et engager la conversation avec les militants savoisiens présents. Ce n’est pas, bien sûr, la majorité, mais tous jettent un œil en passant, un œil torve ou amical, ça dépend, mais pas souvent indifférent.
Parmi les discussions que j’ai eues, voici deux exemples extrêmes.
D’abord un sexagénaire, petit, râblé, à l’air coriace, me dit: "C’est honteux ce que vous écrivez dans votre journal! On devrait les fusiller, les gens comme vous qui sifflent la Marseillaise!". Renseignement pris, l’article incriminé faisait la Une du numéro de mars de l’Écho et ce Monsieur était un chaud (très chaud) partisan de la répression du délit d’outrage adopté par l’Assemblée tricolore(1)! Je me suis contenté de répondre à cette provocation en disant que je ne siffle pas la Marseillaise mais que je ne la chante pas non plus, et que je préfère les Allobroges.
J’ai soutenu une autre discussion, beaucoup plus sympathique, avec quelqu’un qui, d’ascendance à la fois bretonne et savoisienne, était un chaud partisan du régionalisme mais ne comprenait pas pourquoi la Ligue s’opposait au gouvernement français qui, d’après lui, aurait toujours sa place à tenir en Europe. Après avoir longuement argumenté, je me suis rendu compte que mon interlocuteur avait un problème personnel! Se sentant à la fois Breton et Savoisien, il ne pouvait choisir son appartenance et seule la France lui permettait de les concilier. Après l’avoir assuré qu’on pouvait très bien revendiquer une double nationalité je lui ai conseillé de mieux comprendre l’esprit anti-xénophobe des Savoisiens en lisant Renaissance savoisienne...
Malheureusement la plupart de nos interlocuteurs n’étaient pas disposés à lire! Bien plus que par les journaux gratuits(2) ils étaient intéressés par les blasons autocollants! Un groupe de jeunes, très "baggy"(3) mais aussi très fauchés, a assiégé le stand pendant un bon quart d’heure avant de repartir chacun avec un écusson du Chablais! Avaient-ils ainsi trouvé leurs racines? On peut leur souhaiter d’être moins paumés s’ils savent d’où ils sont...
Voilà, c’est ça la foire de Bons! Un peu de tout, beaucoup de petits riens, mais surtout l’occasion pour nous de vérifier au contact du public que la Ligue, à Bons en Chablais comme ailleurs sans doute, n’a pas l’image calamiteuse qu’on voudrait lui coller!
Pierre Ottin-Pecchio, vice-chancelier de la Ligue en Chablais.
(1) En réaction aux sifflets du Stade de France pour la finale de la coupe de France en mai 2002.
(2) Des invendus de l’Écho.
(3) Nouveau costume folklorique dont le pantalon se porte au bas des fesses avec l’entrejambe aux genoux.
photo 1: Une vue du magnifique stand tenu par une sympathique équipe féminine.
 
7-5 La souscription pour L'Écho de Savoie continue!
Les lecteurs de L'Écho de Savoie ont répondu nombreux et avec enthousiasme à la souscription lancée dans notre numéro 66. En deux mois, déjà près de 9000€ ont été reçus, et placés sur un compte spécial qui a déjà permis de régler deux factures d'avoués pour un montant de 1818,47€.
Ces dons et les messages d'encouragement qui les accompagnent témoignent de l'attachement des Savoisiens à leur journal. L'Écho de Savoie sait qu'il peut compter sur le soutien de ses lecteurs en cas de coup dur. Plusieurs amicales savoisiennes ont fait acte de solidarité: Amédée III (Aix-Grésy) 1500€, Savoisiens du Val d'Arly 150€, Savoie Ducale 100€...
Les comptes de la souscription sont communiqués régulièrement au Conseil des Provinces de la Ligue savoisienne, et ils seront publiés (sans les noms, car de nombreux donateurs sont modestes et ne veulent pas apparaître) quand l'opération sera soldée.
Envoyez vos dons à la Ligue savoisienne, 2 avenue de la Mavéria, 74940 Annecy le Vieux en précisant "souscription Écho de Savoie". Encore un grand merci!
7-6 Décès.
Nous venons d’apprendre le décès de notre adhérent Monsieur Georges Morel–Chevillet, ancien directeur des Cuisines Morel et ancien adjoint à la mairie de Lullin, qui s’est éteint dans sa 72e. année. George Morel-Chevillet œuvrait aussi de façon efficace au sein de l’association Savoie–Argentine.
À sa famille, à ses proches, l’Écho de Savoie présente ses condoléances attristées.
7-7 Petites annonces savoisiennes.
(insertion gratuite pour nos abonnés)
— Urgent: couple en attente d'un petit Savoisien cherche LOGEMENT en petite zone, type 2 ou 3, loyer modeste, même avec travaux. tel 0450 375 317 ou 0675 203 162.
— À vendre 2 FLIPPERS électro-mécaniques de marques William et Gotlieb, à réparer, état moyen. À prendre sur place en Chablais. Le produit de la vente sera reversé intégralement à la Ligue savoisienne dans le cadre du sauvetage de L'Écho de Savoie. Faire offre au 0450 35 48 97.
—Carte historique de la Savoie en 1856, éditée sur papier glacé 70X50cm. 3 euros la copie. tel 0450 43 33 95.
— À vendre machine à laver neuve et un petit meuble de télévision style ancien en forme de pétrin. Prix à débattre. tel. 0450 25 71 36.
—RECHERCHE films argentiques (pas video) tous formats (principalement 16 mm) tournés en Savoie ou dans la région lémanique (Chablais, Genève, Valais, Vaud). Catégorie indifférente (voyage, famille, sport, films à scénario, fiction, etc.). Courts ou longs métrages, sonores ou muets, noir et blanc ou couleurs, toutes époques. Faire offre au 0450 35 48 97.
 
7-8 Concours pour photographes amateurs:
Dans le cadre de la journée internationale des femmes (le 8 mars 2004), un concours photo est organisé dont le thème est:
FEMMES EN ACTION
Chaque participant peut envoyer 4 photos (maximum). La date limite de réception est fixée au 7 février 2004.
Ce concours sera suivi d’une exposition itinérante dans le bassin chambérien pendant deux mois.
Pour obtenir le règlement, contacter le 04 79 63 62 53, ou le secrétariat de L'Écho de Savoie (0450 09 87 13).
Le concours est proposé par le Collectif "Journée Internationale des Femmes" de Savoie, et la Maison des Jeunes et de la Culture de Chambéry en assure l'organisation. Ce concours est ouvert à tous les clubs, collectifs, et photographes amateurs.
 
7-9 Fête de la Savoie le 19 février 2004: à Cluses.
L’anniversaire du couronnement d’Amédée VIII.
C’est par lettres patentes données à Montluel en Bresse, et promulguées à Chambéry le 19 février 1416, que Sigismond de Luxembourg conféra à Amédée VIII et à ses successeurs, à perpétuité, le titre de Duc de Savoie qui remplaça pour eux celui de Comte. Amédée VIII devenait ainsi Prince du Saint-Empire et la Savoie, pleinement souveraine, un État européen à part entière.
Cette année la Fête de la Savoie tombe un jeudi et nous vous attendons très nombreux au Parvis des Esserts à Cluses en Faucigny, pour festoyer, rencontrer tous les dirigeants de la Ligue, chanter et danser en hommage à la Savoie.
Pensez d’ores et déjà à retenir votre journée et à acheter votre carte d’entrée au prix préférentiel de 20euros jusqu’au 15 janvier. (23euros ensuite jusqu’au 14 février dernier délai)
Cartes en vente auprès de vos responsables de Province ou au Secrétariat de la Ligue savoisienne, 2 Avenue de la Mavéria-74940 Annecy le Vieux. 04 50 09 87 13.
 
7-10 Faites la Foire de la Saint Ours avec la Ligue savoisienne!
Depuis plus d'un millénaire, la Région Autonome du Val d'Aoste perpétue la tradition de la foire de la Saint Ours: dans les rues d'Aoste se côtoient les artisans valdôtains (les sculpteurs sur bois sont les plus fameux), les marchands et un public nombreux qui trouve partout à se restaurer et à trinquer. Une expérience extraordinairement chaleureuse de la culture des Alpes. Les liens entre la Savoie et le Val d’Aoste ont toujours été très étroits depuis toujours.
Pour maintenir la fraternité bien établie entre nos pays, la Ligue savoisienne organise un voyage en car (de 54 places).
Aller (samedi 31 janvier 2004):
départ d'Annecy (parking Impérial Palace) à 7 heures précises.
deuxième départ de Domancy (Intermarché) à 8 heures précises.
Retour (dimanche 1er février 2004):
départ de l’hôtel vers 10h30, arrêts identiques.
Prix: 72euros par personne (le prix comprend le voyage, une nuit d’hôtel et le petit déjeuner).
Seules les 54 premières demandes seront prises en compte.
Réservez sans tarder votre voyage au Secrétariat de la Ligue savoisienne. tél: 04 50 09 87 13.
Un bulletin d’inscription et d’informations plus précis vous sera envoyé par retour.
8-1 La parution attendue d'un dictionnaire de la langue savoyarde.
Notre congrès nous a permis d'aborder sans faux-semblant la question de l'enseignement du savoyard, encore embryonnaire chez nous, avec Alain Favre, impliqué au premier rang sur cette question. Ce débat faisait écho au colloque organisé par le ministère de la culture le 4 octobre 2003.
Un néant assourdissant du côté du gouvernement.
Dans l'appareil d'État, on ne connaît que la langue de bois. Le ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon (celui de l'Éducation n'avait même pas pris la peine de se déplacer…) fit l'aveu qu'aucune révision de l'article 2 de la Constitution, ni la ratification par la France de la Charte européenne des langues minorisées, n'étaient prévues. Le ministre chargé de la Décentralisation et des libertés locales (sic, son titre, ça doit être de l'humour…), Patrick Devedjian, précisait même qu’il n’y aurait pas de statut des langues de France et encore moins de énième projet de loi. Les participants habituels à ce genre de réunion ne pouvaient espérer de grands changements lors de ces assises. Ils espéraient cependant un minimum de propositions de la part de la "Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France" (DGLFLF); ce fut le minimum du minimum, c'est-à-dire rien. Cette "gifle politique" pour les défenseurs des langues régionales est d'autant plus forte, après celle infligée aux écoles Diwan, que les décideurs ont fait comme d’habitude ce qu'il faut pour endormir les gens naïfs: ils ont largement argumenté sur la nécessaire sauvegarde des langues régionales, en reprenant le joli refrain bien lénifiant: "patrimoine inestimable de l'humanité tout entière". Or comme le soulignait un responsable du Partit occitan, Gérard Tautil: "On ne peut d’un côté prétendre à l’universalité des droits et d’un autre côté faillir par sa pratique et refuser toute évolution institutionnelle." Mais comme toujours, l'État a renvoyé la balle vers "l'initiative des régions et autres collectivités locales" qui en général, malgré une forte sensibilisation, n'ont pas voulu réellement prendre en compte une telle démarche de défense et de promotion des langues régionales. C'est maintenant très simple: pour tout projet de financement, l'État renvoie à "l'initiative régionale", n'ignorant pas les différences politiques, les engagements "prioritaires" de chaque Conseil régional, les égoïsmes localistes hérités du centralisme. Comme on est partout à l'heure des restrictions budgétaires, l'État, dans sa version centrale ou déconcentrée, joue à tout va la division et, finalement, il n'y a plus le moindre euro pour ce dossier. La question linguistique demeure en France l'enjeu de prises de pouvoir politique qui bloquent toute avancée, au nom de l'intérêt général. Comme le souligne Tautil, "Ces assises auront eu le mérite de montrer que les blocages centralistes restent entiers. Bien naïfs sont ceux qui pourraient encore s’imaginer que la question des langues de France se règlera in fine par une pseudo concertation de ce type."
Jean-Jacques Aillagon, lorsque j’ai pu le rencontrer à Lorient en août 2002, m’a tout de suite donné l’impression de n'être, ni plus ni moins, que le simple ministre des monuments historiques, et que pas un sou ne serait accordé aux cultures vivantes. La situation actuelle n’a fait que confirmer mes impressions: ses budgets en baisse, son conflit avec les intermittents. Dès lors inutile d’épiloguer.
Comme partout ailleurs, sans parti autonomiste fort, aucune évolution n'est envisageable. Les militants culturels qui œuvrent pour une reconnaissance institutionnelle et démocratique des langues et cultures minorisées doivent désormais comprendre qu'une autre mobilisation, plus dérangeante, plus visible, en un mot plus politique, politiquement savoisienne pour ce qui nous concerne, doit impérativement se mettre en place pour éviter de subir de nouvelles humiliations.
8-2 Les résultats d'une démarche savoisienne.
Il manquait un instrument fiable pour permettre une nouvelle transmission de la langue savoyarde. Nous l'aurons dans quelques jours: le Dictionnaire francoprovençal/français et français/francoprovençal, de Dominique Stich, est sur le point de paraître. Alain Favre, qui a participé à l'élaboration de cet ouvrage ainsi que Xavier Gouvert, est venu le présenter à la tribune du Huitième Congrès de la Ligue savoisienne.
Il s'agit d'un ouvrage scientifique mais aussi de vaste vulgarisation, instrument idéal pour tous ceux qui veulent découvrir cette langue d’une façon simple et agréable grâce à sa graphie adaptée. Le francoprovençal de Savoie y aura toute sa place. Mais les ouvertures sont nombreuses vers les autres provinces de l’"Arpitanie", Val d’Aoste, Valais mais aussi Piémont, Dauphiné, Lyonnais, Bresse...
Avec ce dictionnaire, le docteur Stich perfectionne sa graphie supra-dialectale et moderne. C'est un progrès décisif, que nous avons toujours soutenu ici, à L'Écho de Savoie, car il accomplit pour notre langue régionale l'unification qui fut réalisée ailleurs à différentes époques dans d'autres langues romanes: catalan dans les années 1930, occitan (grâce à l’IEO, Institut d'Études Occitanes) dans les années 1970, rhéto-romanche des Grisons dans les années 1980-1990...
Il est évident que tous les parlers ont leurs lettres de noblesse, qu’il est tout à fait légitime de défendre. Mais il faut que l’orthographe employée soit identique, même si la prononciation est légèrement différente. Le vrai problème se situe et se situera toujours au niveau de leur reconnaissance. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que là où le francoprovençal sera reconnu, sa diversité le sera aussi. Le tout est d’aboutir à sa reconnaissance par le Ministère de l'Éducation Nationale. C’est le cas par exemple pour l’occitan en général: les textes officiels parlent de l’auvergnat, du gascon, du languedocien, du limousin, du nissart, du provençal, du vivaro-alpin. La graphie du Docteur Stich permet tout à fait de respecter la diversité de la langue tout en soulignant une certaine unité, chose que fait par exemple un romancier valdôtain comme Florent Corradin (un de ses romans a reçu un prix littéraire en Italie).
Pour l’occitan, les textes conseillent d’adopter des attitudes ouvertes parce que de toute façon cela amènera les élèves à une pratique parlée et écrite de la langue sans sa diversité locale. Reinat Toscano, professeur de langue d’Oc, docteur en Études occitanes de l’Université de Nice, médaillé des traditions niçoises et écrivain, l'explique: "l’exploration de la littérature offrira à l’enseignant de nombreuses occasions d'introduire dans son enseignement des éléments d'information sur les autres systèmes d'orthographe, passés et actuels. Les œuvres et les documents seront en effet présentés et étudiés en respectant strictement la graphie d'origine." Il devra en aller de même pour le francoprovençal.
Ce qu'il faut absolument éviter, pour défendre efficacement le savoyard en particulier et le francoprovençal en général, c’est le sectarisme qui conduirait à une balkanisation stérile. Il apparaît de plus en plus clairement que ceux qui veulent garder des patois de village ne veulent pas pérenniser notre langue mais se résignent à la voir s'éteindre dans une version purement folklorique. Nos gouvernants hostiles aux langues régionales ont tout à gagner à un morcellement extrême du francoprovençal pour l’affaiblir plus encore. C’est bien ce qu’ont compris les auteurs de ce dictionnaire en proposant ce travail cohérent, unitaire, pédagogique et littéraire, totalement en phase avec un humanisme moderne.
8-3 Une intense activité sur le terrain.
Parallèlement à ce travail de fond, Alain Favre soulignait que les militants de la langue ont considérablement évolué et participent activement aux réunions avec les représentants des autres langues minorisées; ils ont organisé en octobre l’an dernier (à Sevrier près d'Annecy) le congrès de la FLAREP (Fédération pour les Langues Régionales dans l'Enseignement Public). Ils ont également modernisé leurs pièces de théâtre, dont le succès ne cesse de grandir, organisé un second festival de musique alpine, la fête du francoprovençal à Cruseilles (voir L'Écho de Savoie n° 67), et des colloques de qualité. Dans les écoles, l'enseignement du savoyard s'exprime chaque année par le biais du concours Constantin et Désormaux auquel participent environ 500 élèves. Le thème en sera cette année: "Les fêtes calendaires: le changement" (renseignements: Association des Enseignants de Savoyard /Francoprovençal -Doucy - 74 420 Habère-Poche tél: 04/50/39/56/72 e-mail : a.e.savoyard@wanadoo.fr).
Et puis au moment où je m'apprêtais à écrire un article intitulé "Du savoyard dans ma télé", j'apprends que la TV8 Mont-Blanc diffuse enfin une émission de 6 minutes chaque semaine en savoyard. Bref, un investissement et un dynamisme jamais vus jusqu'à présent. Est-ce le chant du cygne, l'été indien du francoprovençal, ou au contraire son renouveau, son printemps, va-t-il "rbioler"?
Nous pouvons conclure qu'il en va du francoprovençal comme de l'occitan, et en paraphrasant Reinat Toscano: "ici on peut vraiment parler de tolérance et d'ouverture d'esprit car défendre le francoprovençal, ce n'est pas s'enfermer dans un particularisme mais au contraire s'ouvrir aux autres: le francoprovençal est l'outil idéal pour s'ouvrir aux langues et cultures voisines, ne le laissons pas en pâture à je ne sais quels sombres et lamentables intérêts localistes." (1)
Pascal Garnier.
(1) Lo Bulletin del Sindicat Occitan de l'Educacion, n°112 de novembre 2003. Reinat Toscano. Letra dubètrta à-n-aquelu qu'aimon vertadierament la noastra belà lenga d'oc. p. 10-11
Sul web : www.occitanie.com/soe/
 
Pour réserver le dictionnaire francoprovençal de Dominique Stich à un tarif préférentiel (avant parution prévue pour le 18 décembre 2003), contacter par courriel Alain Favre <afavre1@hotmail.com> ou téléphoner au 0450 94 02 08.
8-4 Henriette Walter: "Dominique Stich donne tout pour cette langue savoyarde qui correspond à une eurorégion magnifique".
Depuis toujours, elle défend la diversité linguistique. Cette personnalité respectée, attachante et passionnée du monde universitaire a été la directrice de thèse de Dominique Stich. Elle a été professeur de linguistique à l'Université de Haute-Bretagne, dirige actuellement le laboratoire de phonologie à l'École Pratique des Hautes Études et présentait cet été chaque matin sur France-Inter une chronique sur l'histoire des mots. Elle a préfacé le dictionnaire qui va sortir.
 
Résumez-nous en quelques mots le travail de D. Stich.
— Dominique Stich propose son écriture supradialectale plus que jamais d'actualité, permettant d'écrire et de faire connaître à ceux qui ne la connaissent pas cette littérature francoprovençale qui est très riche. C'est à l'ordre du jour puisque cela va dans le sens de la reconnaissance des langues régionales.
 
En Savoie les gens insistaient souvent sur leur patois de pays mais ce que l'on a pu constater à de multiples reprises, c'est qu'entre différentes régions de Savoie et même au-delà avec le Val d'Aoste et certaines régions du Valais, l'intercompréhension était dans l'ensemble bonne. Pour moi le mérite essentiel de D. Stich est de permettre de transmettre cette langue maintenant…
— Le seul problème qu'a eu au départ D. Stich, c'était qu'il n'habitait pas en Savoie pour participer à ces querelles de clocher, mais aujourd'hui il arrive de mieux en mieux à se faire entendre. Il a démontré qu'il était sérieux, qu'il a apporté quelque chose, ses références, qu'il était d'une honnêteté exemplaire, qu'il donne tout en fait. Et puis des gens de qualité comme Alain Favre ou Xavier Gouvert l'ont rejoint dans son travail.
 
Mais à coté de chez nous le rhéto-romanche est reconnu aujourd'hui par la constitution suisse, l'unification a été faite par un zurichois: le professeur H. Schmitt, en venant de l'extérieur, a mis tout le monde d'accord…
— Mais je crois justement que D. Stich sera l'étranger qui vient donner et qui n'a pas d'intérêts ni pour les uns, ni pour les autres, et qui met toutes les chances de son côté pour que sa méthode s'impose, en plus dans un contexte favorable, avec une ratification de la Charte qui ne va certes pas se faire avec ce gouvernement, mais qui se fera plus tard. Et puis à l'heure de l'Europe des Régions, c'est magnifique, cette chance d'avoir une langue transfrontalière. Oui au centre de l'Europe, avec la Savoie, l'Italie et la Suisse, ça fait une eurorégion formidable et magnifique, que les gens ne connaissent pas encore malheureusement! C'est vrai que c'est une langue qui n'a pas eu de chance avec son nom, mais ça sera du valdôtain au Val d'Aoste et du savoyard ou savoisien en Savoie. La dynamique existe essentiellement en Savoie qui a une espèce d'auréole, mais n'oublions tout de même pas les autres!
(Propos recueillis par Pascal Garnier au salon du livre du Festival Interceltique de Lorient le vendredi 10 août 2001.)
Pour découvrir l'œuvre immense de Henriette Walter: "L'aventure des langues en occident: leur origine, leur histoire, leur géographie" Robert Laffont. 1994. 498p. (149F)
 
photo numérique "Garnier et Favre": Pascal Garnier (à g.) et Alain Favre.