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Echo de Savoie n°72 (juin 2004)
A - Sommaire :
1 Actualités
    1-1 La Compagnie des Alpes enfin privatisée.
    1-2 Un train pour Genève et sa banlieue.
    1-3 Inquiet, le pouvoir parisien frappe à l'aveuglette en Corse.
    1-4 La Cour européenne condamne la France pour avoir interdit un livre.
    1-5 Football: Les Croix de Savoie montent en 3e. division.
2 Joseph de Maistre, écrivain savoisien
3 Environnement
    3 Traitement des déchets: ce qui se fait ailleurs.
4 Echos de la Ligue
    4-1 Le succès populaire du Pain de Mai à Grésy sur Aix se confirme.
    4-2 Faucigny:
    4-3 Hommage à Marguerite Frichelet
    4-4 Petites annonces savoisiennes.
    4-5 Les rendez-vous savoisiens.
    4-6 Du 25 au 30 septembre: Voyage au Pays Basque.
5 magazine
    5-1 Mots croisés: le cruciverbiste ducal.
    5-2 Rubrique gourmande.
    5-3 Tribune. La France ethnique.
    5-4 Vient de paraître: La France éclatée? Régionalisme - autonomisme - indépendantisme.
    5-5 Mémoire au féminin: grands destins de femmes.
6 Charbonnières
B - Dossiers :
 
1-1 La Compagnie des Alpes enfin privatisée.
L'information a été particulièrement discrète, noyée dans les résultats semestriels de la fameuse CDA: la Caisse des Dépôts et Consignations, bras financier de l'État français, est devenue minoritaire dans le capital de la Compagnie des Alpes. En effet 12,7% des actions ont été discrètement vendues à trois banques: Crédit Agricole des (sic!) Savoie en a acheté 6,1%, la Caisse d'Épargne 4,3% et la Banque Populaire des Alpes 2,3%.
Elle est bien étrange cette discrétion autour d'une opération dont on parlait depuis au moins une année. Monsieur Sonois, président de la CDA, ne nous avait pas habitués à une telle timidité. Quand il veut communiquer, il sait très bien le faire. Mais dans ce cas précis, il voulait faire le moins de bruit possible.
D'abord pour ne pas attirer l'attention sur le fait que pendant 20 ans c'est avec l'argent de l'État qu'il a fait main basse sur les plus belles stations d'hiver de Savoie, puis s'est étendu en Val d'Aoste, en Suisse et dans les parcs à thèmes, et a même racheté le musée Grévin à Paris.
Ensuite pour bien cacher que la vente des actions, qui apporte un peu d'argent à l'État, s'est faite de gré à gré sans aucune mise sur le marché boursier: ainsi on n'a pas demandé aux Savoyards s'ils souhaitaient récupérer eux-mêmes un peu de la propriété des usines à ski installées sur leur sol.
On en reparlera sans doute bientôt: le gouffre financier de l'État français n'arrêtant pas de se creuser, les actions encore détenues par la Caisse des Dépôts ne devraient pas tarder à être vendues à leur tour...
1-2 Un train pour Genève et sa banlieue.
(article d'Alban Lavy paru sur le site internet associatif   http://www.nicefuture.com
De la ligne ferroviaire CEVA (Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse), on en parle depuis le lendemain de l'annexion de la Savoie à la France... c'est dire si le projet est ancré dans les mentalités.
Tout allait bien dans le meilleur des mondes et la voie devait être terminée dans quelques années, jusqu'au jour où le président de la Confédération Kaspar Villiger, qui avait signé un protocole d'accord en 2002 permettant d'injecter des fonds publics, revint sur sa promesse sous le couvert d'un "plan d'économie".
L'arc lémanique est depuis longtemps une communauté de vie et d'intérêts communs générant un nombre croissant d'échanges. Les élus savoisiens l'avaient d'ailleurs bien compris, eux qui en 1860 demandaient le rattachement des trois provinces du nord de la Savoie (Chablais, Faucigny et Genevois) à la Suisse en tant que nouveau canton. D'ailleurs le tracé de la ligne ferroviaire du Tonkin dont le tronçon originel Saint-Gingolph—Évian est pour le moment squatté par les herbes folles et menacé de destruction aurait bien dû boucler la boucle en se rattachant à Genève et non pas à Bellegarde.
Mais les aléas de l'histoire et le centralisme font souvent des pied de nez au bon sens. Le premier tronçon de la ligne CEVA est inauguré en 1888 et avec lui, la gare genevoise des Eaux-Vives. Les cent ans qui suivent seront parsemés d'embûches: guerres mondiales, économie vacillante et surtout l'importance croissante des transports individuels. Tout cela ne parviendra pas à enterrer un projet qui figure depuis trop longtemps sur les cartes et qui est relancé en 2000. Les bouchons dus au va-et-vient des frontaliers et des Genevois vers leur arrière-pays, ainsi que les prévisions d'une forte poussée démographique (1'100'000 habitants en 2020), inquiètent les élus de tous bords et la population.
La ligne CEVA (plan sur www.ge.ch/ceva) permettrait de relier Annemasse à Cornavin en 17 minutes en train grande ligne ou en 22 minutes en train régional. Genève serait ainsi un vrai nœud ferroviaire international au pied des Alpes. De plus, la notion de développement durable est placée au cœur du projet.
Le tracé entre Cornavin et La Praille ne nécessite que quelques aménagements, en partie réalisés. Le tracé entre les Eaux-Vives et la frontière serait réaménagé en tranchée couverte et le reste de l'ouvrage serait entièrement souterrain, à l'exception du passage de l'Arve, franchie par un pont bas. Par ailleurs, une étude des impacts sur les paysages, sur les risques de pollution des eaux souterraines ainsi que sur les nuisances sonores doit être présentée.
Tout le monde à Genève est convaincu par le caractère indispensable du raccordement. Reste à faire revenir Berne sur son "nein" officiellement "provisoire", et rapidement : la Savoie, plus portée sur le tout-routier que sur les transports en commun, pourrait bien décider de mettre son argent dans l'une de ses autoroutes (Saint-Julien—Annecy) plutôt que dans le rail transfrontalier... et le projet pourrait piquer du nez pour cent longues années encore.
1-3 Inquiet, le pouvoir parisien frappe à l'aveuglette en Corse.
Ce qui inquiète le pouvoir parisien et le rend nerveux, c'est le renouveau de l'engagement nationaliste dans une partie de la jeunesse de Corse, qui se politise à nouveau après quelques années de relative indifférence. Les jeunes sont à présent nombreux dans les manifestations. Le gouvernement (Raffarin III) a donc décidé de leur faire peur. De jeunes lycéens et étudiants ont été arrêtés chez eux, le dimanche 9 mai dernier, et conduits dans un camp militaire où sont stationnées les réserves des gardes mobiles. Là, ils ont été enchaînés toute la nuit à leurs lits! Ce n'est pourtant pas un camp de l'armée américaine: la presse parisienne n'en a pas parlé... Ce que l'on reproche à ces jeunes, pour la plupart mineurs: des "débordements" à la fin d'une manifestation qui s'est déroulée il y a un mois et demi, aucune casse de magasins ou d'habitations n'ayant été observée.
Les jeunes gardés à vue ont été présentés au juge d'instruction le mardi suivant. C'est alors que leurs parents, toujours sans nouvelles, sont allés au Palais de Justice de Bastia pour s'enquérir de leur santé. Ayant trouvé porte close et leurs demandes n'étant pas écoutées, ils ont forcé, avec l'aide de militants nationalistes venus en renfort, les grilles puis les portes du Palais. À l'intérieur les attendait un comité d'accueil formé de CRS équipés anti-émeutes, et sans sommation les coups de matraques se sont mis à pleuvoir, notamment sur la tête d'Edmond Siméoni, présent sur les lieux. Une maman a eu le nez cassé et a perdu connaissance, plusieurs autres ont été blessées, un journaliste a eu un malaise dû aux gaz lacrymogènes.
Cette violence d'intimidation était parfaitement gratuite et inutile, puisque quelques instants plus tard il a été permis aux parents d'entrer dans le Palais de Justice. Comble, le procureur a déclaré qu'il n'avait pas été mis au courant de leur volonté d'y entrer!
Depuis quelque temps la justice a la main très lourde en Corse, infligeant par exemple plusieurs mois de prison ferme pour de simples jets de pierres.
Il faut donc s'attendre à de nouvelles manifestations, plus puissantes. Jusqu'à présent, le FLNC Union des Combattants maintient la trêve des attentats.
Comme on le voit en Corse, il n'y a pas que sur le front des finances publiques que le gouvernement français est aux abois.
(avec Fabiana Giovannini à Bastia).
1-4 La Cour européenne condamne la France pour avoir interdit un livre.
Huit ans après les faits, la France vient d'être condamnée, le 18 mai 2004, par la Cour européenne des Droits de l'Homme. La Cour a jugé que la France n'avait pas le droit d'interdire la publication du livre du docteur Gubler, "Le grand secret".
Dans ce livre, le docteur Gubler, médecin personnel de François Mitterrand, expliquait que le président, qui publiait des bulletins de santé positifs alors qu'il se savait atteint d'un cancer depuis 1981, n'était plus à même d'exercer ses fonctions lors de la dernière année de son second mandat.
Le livre parut en janvier 1996 moins d'une semaine après les obsèques de l'ancien chef de l'État. Il se vendit immédiatement à 40 000 exemplaires et le texte fut aussi diffusé sur internet. Il fut interdit quelques jours après sa sortie par une décision de justice en référé. Cette décision est jugée légitime par la Cour européenne, qui considère que la révélation du mensonge de François Mitterrand pouvait "aviver le chagrin de ses proches".
En revanche la Cour estime contraire aux Droits de l'Homme le maintien de l'interdiction du livre par le tribunal de grande instance de Paris, statuant au fond le 23 octobre 1996. Une pénalité de 26 500 euros a donc été allouée aux éditions Plon. On ne sait pas encore si la France ou l'éditeur feront appel de la décision européenne.
Le docteur Gubler avait été condamné à quatre mois de prison avec sursis pour violation du secret médical en 1996, et à 340 000 francs de dommages et intérêts à la famille Mitterrand. Il fut radié de l'Ordre des médecins en 1997 (radiation confirmée en dernière instance par le Conseil d'État en décembre 2000), et dépouillé de la Légion d'Honneur et de l'ordre national du Mérite.
Visiblement la France et ses institutions (judiciaires et médicales) se placent résolument du côté du mensonge (habilement qualifié de secret médical alors que François Mitterrand avait décidé lui-même, en toute liberté, de publier ses bulletins de santé) pour étouffer la vérité. La Cour européenne, en revanche, a estimé dans son jugement que la publication du livre "s'inscrivait dans un débat d'intérêt général largement ouvert en France, relatif au droit des citoyens d'être informés des affections graves dont souffre de chef de l'État, et à l'aptitude d'une personne se sachant gravement malade à exercer de telles fonctions".
1-5 Football: Les Croix de Savoie montent en 3e. division.
C'est une belle récompense que viennent d'obtenir Pascal Dupraz et l'équipe dont il est entraîneur: le football club Croix de Savoie, issu de la fusion en 2003 des FC Gaillard et Ville-la-Grand, accède au championnat national en 3e. division (groupe de 20 clubs) et en même temps à la réserve en championnat honneur de la Ligue Rhône-Alpes (6e. division).
On se souvient du match très vaillamment joué à Annecy le 26 janvier dernier contre le Stade Rennais en 16e. de finale de Coupe de France: les joueurs savoisiens avaient donné quelque fil à retordre aux professionnels de Ligue 1 avant de s'incliner avec les honneurs par deux buts à zéro (Écho de Savoie n°69, janvier-février 2004).
Visiblement les Croix de Savoie continuent leur progression. Cela n'est pas pour déplaire à Pascal Dupraz, qui fut lui-même joueur dans l'équipe de Gaillard, et qui communique son enthousiasme aux footballeurs et à un public de plus en plus assidu.
Le FC Croix de Savoie, dont le budget dépasse maintenant le million d'euros, porte haut l'emblème de notre nation, la croix blanche dans laquelle chacun peut reconnaître un symbole de valeur.
2 Joseph de Maistre, écrivain savoisien.
La vie de Joseph de Maistre.
Pour faire suite à l'article de Gérard Vallet, "Joseph de Maistre, écrivain savoisien", paru dans le n°71 de L'Écho de Savoie (avril-mai 2004, pages 6 et 7), nous publions de larges extraits d'un ouvrage devenu introuvable: la biographie de Joseph de Maistre par François Vermale, parue en 1927 dans les Mémoires et Documents de la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie.
Livre 1er: Joseph de Maistre avant l'émigration (1753-1789)
Chapitre I: Un jeune magistrat (1753-1780).
Il y avait environ onze ans que J.-J. Rousseau avait quitté les Charmettes et Chambéry lorsque naquit, dans cette ville, Joseph de Maistre, le 1er avril 1753.
Son père, venu du comté de Nice à Chambéry pour y exercer, à 34 ans, les fonctions de sénateur, devint président de chambre au Sénat de Savoie. Il s'était marié dans sa nouvelle résidence avec la fille d'un magistrat savoisien. La famille fut nombreuse, 14 enfants: Joseph, l 'aîné, eut un frère, Xavier, de dix ans plus jeune, qui devait atteindre, comme lui, à la gloire littéraire.
Le président François-Xavier Maistre était tout entier adonné aux devoirs de ses fonctions et à sa nombreuse famille. Ennemi du monde, il vécut un peu en "sauvage". Sévère pour lui-même, il le fut pour les autres. Ne nous étonnons donc pas si J. de Maistre nous dit que "dès le berceau il fut abîmé dans les études sérieuses".
En contraste avec la sévérité de ce père "bourru", la mère de J. de Maistre était douceur et piété. Le malheur voulut qu'il la perdit brusquement d'une pneumonie alors qu'il avait quinze ans. Ce fut un grand deuil pour toute la famille.
***
À Chambéry, les Jésuites n'enseignaient plus au Collège Royal. Néanmoins, les Rois de Sardaigne avaient laissé subsister cet Ordre dans leurs États. J. de Maistre, dont la famille fut toujours amie des Jésuites, reçut des leçons des Pères qui vivaient à Chambéry comme professeurs libres. Ils ne devaient quitter la Savoie qu'en 1773, après leur suppression par l'autorité pontificale.
À 18 ans, J. de Maistre fut licencié en droit de l'Université de Turin et l'année suivante docteur (1772). Revenu à Chambéry, il fit le stage obligatoire de deux ans pour les futurs avocats ou magistrats, au bureau de l'Avocat des pauvres ou bureau de l'assistance judiciaire près le Sénat de Savoie. Le 6 décembre 1774, il entrait dans la magistrature, ayant été nommé Substitut surnuméraire de l'Avocat général fiscal, nous dirions aujourd'hui ayant été nommé attaché au Parquet général. Sous la royauté sarde, les magistrats étaient choisis par le Roi. Ils n'étaient pas propriétaires de leur charge. Ils recevaient des traitements. Dans sa lettre de remerciement au Roi en date du 10 décembre 1774, J. de Maistre proteste auprès du chancelier, et non sans orgueil, "qu'il ne s'apercevra jamais" qu'il est "le plus jeune des magistrats" de son Roi.
***
À partir de cette année commença pour J. de Maistre la vie de fonctionnaire où, de tout temps et sous toutes les latitudes, les congés ont représenté le suprême bonheur. Il aspirera donc chaque année aux vacances judiciaires afin de parcourir la Savoie dans de longues excursions, rendre visite aux amis, chasser, pêcher, nager. De taille moyenne ,de santé robuste, il aimait marcher à pied ou exécuter des randonnées à cheval. Aussi maugréait-il quand les nécessités du tour de rôle lui imposaient le service des vacations.
"J'ai passé d'assez tristes vacances, écrira-t-il à un de ses cousins en 1777, si j'en excepte 5 à 6 jours passés à Sonnaz fort agréablement et un tout petit voyage à Thônes où je croyais m'ennuyer dans une gargote et où j'ai trouvé au contraire pendant 6 jours la plus aimable compagnie. La renommée vous a appris que je suis allé dans ce pays avec M. Deville pour une sotte dispute entre un prêtre et des moines. Tout le reste de mon temps a été dépecé en petites parcelles de 5 à 6 jours. Tantôt par une circonstance, tantôt par l'autre, je n'ai de séjour ni de plaisir suivi nulle part, en sorte que je touche à la fin des vacances sans savoir ce que j'en ai fait".
Tenu par ses fonctions et par les conseils de son père a un certain isolement et méfiance du monde, J. de Maistre, jeune magistrat, se consolait de la vie un peu claustrée qu'il était obligé de mener à Chambéry par la vie de famille et la fréquentation de quelques amis. La maison paternelle est redevenue gaie. Ses frères, ses sœurs aiment à rire, sont pétulants d'esprit et d'intelligence. Les enfants Maistre, 5 garçons et 5 filles, forment une "petite république familiale" qui admit toujours volontiers sa présidence. À un de ses parents que le sort avait moins bien partagé de ce côté-là, il écrivait: "Je suis aimé de tout ce qui m'environne et tu penses bien que je ne suis pas un ingrat". Plus tard, en Russie, il se rappellera ce temps heureux: "Une seule chose n'a jamais varié, c'est l'esprit de famille et le souvenir de nos jeunes années; mon cœur sur ce point est d'une fraîcheur qui demande ton approbation".
***
En dehors de sa famille, J. de Maistre se bornait à cultiver l'amitié de quelques amis de choix. De l'amitié n'a-t-il pas écrit: "Amitié! trésor du sage! charme de la vie! jouissance délicieuse et presque céleste puisqu'elle n'appartient qu'à l'âme et ne peut être goûtée que par la vertu! Que serait l'univers s'il n'était plus embelli par l'amitié?" Il eut à Chambéry deux amis : le comte Salteur de la Serraz et le comte Henri Costa de Beauregard.
Le premier était le fils du Premier Président au Sénat de Savoie. Il fut le collègue de J. de Maistre dans une carrière où ils étaient entrés presque en même temps. Quoiqu'il n'égalât Henri Costa ni "en élévation de tête ni en chaleur d'entrailles", J. de Maistre l'aimait parce que "excellent garçon". Il fut son fidèle Achate et fut de sa suite dans ses diverses pérégrinations maçonniques.
Le deuxième était l'héritier d'une grande famille de Savoie. Lui aussi était à peu près du même âge que J. de Maistre. Longtemps il avait pensé se livrer à ses goûts pour les beaux-arts. Il était allé prendre des leçons de peinture à Paris. Son influence, quand il eut donné sa démission d'officier, semble avoir été considérable sur l'évolution intellectuelle de J. de Maistre. Ce dernier, dans une lettre de Russie, l'appellera: "le compagnon, le consolateur de ma jeunesse, l'animateur de mes efforts et l'objet constant de ma tendresse".
Le chevalier Roze, qui fut aussi un jeune collègue très sympathique à J. de Maistre, ayant eu à prononcer le discours de rentrée du Sénat en 1777, soumit à la censure de Salteur et de J. de Maistre sa harangue. Le cahier des remarques, que les deux amis rédigèrent, démontre qu'à cette époque J. de Maistre n'avait point "d'orgueil parlementaire". Roze ayant en effet affirmé au cours de son discours que "seuls les magistrats savaient dire la vérité aux rois", J. de Maistre demanda à son collègue de supprimer ce passage. "Ce privilège exclusif de dire la vérité aux rois ne nous appartient ni dans le droit ni dans le fait". On peut juger par cette remarque que J. de Maistre n'avait pas la mentalité ordinaire aux membres des Parlements de France qui, eux, entendaient former dans l'État monarchique le premier ordre de la nation, conseiller et au besoin commander le roi.
***
Le 14 février 1780, J. de Maistre, qui depuis novembre 1777 avait un traitement de 600 livres, devint Substitut de l'avocat général fiscal près le Sénat de Savoie. Son avancement était peu rapide pour un fils de président! Ce fut bien pis pour arriver sénateur. Il attendit dans ce poste de substitut huit ans avant d'être nommé sénateur. Comment expliquer ce retard dans l'avancement? Nous serions disposés à croire que, dès cette époque, J. de Maistre fut victime de son "dossier secret", dossier dont il ne soupçonna l'existence que par les révélations ultérieures de son protecteur, le baron Vignet des Etoles. À Turin, on lui reprochait son esprit railleur, son manque de souplesse. Il était compté parmi les partisans des réformes dangereuses pour la conservation de l'état monarchique, et des idées d'égalité. C'était bien mal le connaître. Mais J. de Maistre s'était fait à Chambéry des ennemis d'un ordre particulier qui le desservirent fortement dans les bureaux des ministères. Ce point vaut qu'on s'y arrête.
Chapitre II: Le "Mémoire" sur la Franc-Maçonnerie de 1782.
Au cours de ses années d'études à Turin, J. de Maistre avait été reçu franc-maçon. La date exacte de son initiation nous ne la connaissons pas, mais nous savons que, le 13 octobre 1774, J. de Maistre était Grand Orateur de la maîtresse loge des Trois Mortiers à Chambéry. Cette loge de rite anglais avait été fondée par Eugène de Bellegarde, marquis des Marches, général au service de la Hollande.
La loge des Trois Mortiers, dont J. de Maistre fut un temps Grand Orateur, était une loge aristocratique. Elle comprenait en moyenne de 100 à 120 membres. Parmi eux il y avait des nobles de Savoie, des sénateurs, des fonctionnaires d'administrations diverses, beaucoup d'officiers nobles servant dans des régiments de cavalerie ou à l'étranger, des médecins, des avocats, quelques bourgeois.
En 1778, une scission se produisit dans la loge des Trois Mortiers. Seize adhérents de cette loge, dont Joseph de Maistre et son ami Salteur, quittèrent le rite anglais pour ouvrir la loge la Sincérité, laquelle pratiqua un rite maçonnique nouveau, dit rite écossais ou de la réforme. Ces francs-maçons écossais accusaient le rite anglais de n'être plus qu'un prétexte à banquets et à beuveries scandaleuses. Les réformateurs entendaient rappeler leurs adhérents à plus de décence dans les tenues, les inciter à aborder des spéculations d'un ordre élevé, exiger d'eux des devoirs de charité plus actifs. Ensuite J. de Maistre et ses amis adhérèrent à la franc-maçonnerie des Illuminés martinistes dont un centre très actif était à Lyon.
La grande maîtresse loge des Trois Mortiers ne vit pas d'un bon oeil ce schisme qui diminuait sa puissance. En 1780, elle fit défense à ses adhérents de fréquenter les francs-maçons écossais, d'assister directement ou indirectement à leurs travaux. C'était la rupture, la mise à l'index de la Sincérité et de ses adhérents. Il y eut lutte, rivalité d'influence. Il est vraisemblable d'admettre que J. de Maistre, un des auteurs du schisme, fut desservi à Turin. D'autant plus facilement que nobles et magistrats savoisiens, en général, se plaignaient d'être l'objet d'un mouchardage constant de la part des Piémontais qui étaient nommés en plus grand nombre, d'année en année, dans les administrations de Savoie. Or la loge la Sincérité ne comprenait que des frères savoyards. Motif de plus pour qu'elle parût suspecte.
Pour ceux qui ne croient pas au secret maçonnique et qui admettent que, sous tous les régimes, les gouvernants furent plus ou moins renseignés sur ce qui se passait à l'intérieur des loges, il faut que nous signalions une série d'imprudences que J. de Maistre commit au cours de son activité maçonnique en tant que sujet et fonctionnaire royal.
D'abord, en adhérant à la réforme écossaise, il quittait le Grand Orient de Chambéry et de Turin pour se mêler à des loges dont le centre principal était en Allemagne et se relier à la province d'Auvergne dont la capitale était Lyon. Par là même, tout gouvernement digne de ce nom devait être mis en garde. La Stricte Observance avait bien un but charitable et un but religieux, mais elle avait aussi un but politique national et international comme un but particulier de protection occulte de ses membres vis-à-vis des administrations de l'État. Cela constituait des empiètements très nets sur les prérogatives royales. La monarchie absolue de Sardaigne, de nature jalouse et soupçonneuse, ne pouvait admettre le conseil des loges, alors qu'elle n'admettait pas ou supportait mal le conseil des ordres de l'État, comme noblesse, clergé, tiers état. D'où il faut conclure que J. de Maistre n'était pas un fonctionnaire royal d'une orthodoxie parfaite. Il sentait le fagot. Aussi fut-il marqué à l'encre rouge et, plus tard, quand le mot devint à la mode, ses ennemis de Turin disaient de lui qu'il était un "jacobin".
***
Le 15 juin 1782, J. de Maistre, en sa qualité de grand dignitaire de la réforme écossaise, achevait d'écrire, à Chambéry, un Mémoire sur la Franc-Maçonnerie qu'il adressait, à titre personnel, au duc Ferdinand de Brunswick-Lunebourg, grand-maître de la Stricte Observance allemande.
Ce Mémoire, dont M. Georges Goyau a parlé le premier et que vient de publier, avec introduction et des notes, M. Dermenghem, comprenait 64 pages d'un cahier "d'une écriture très fine et très serrée". Lorsque J. de Maistre le composa, il avait 29 ans, l'âge "où les sentiments sont vifs et impérieux".
Cet ouvrage nous révèle un J. de Maistre pourvu de vastes connaissances historiques, philosophiques, théologiques ou scientifiques, familier des auteurs grecs et latins; très au courant du mouvement des idées philosophiques en Angleterre ou en France et considérant Descartes comme "le grand restaurateur de la philosophie".
Le Mémoire nous révèle encore un J. de Maistre écrivain philosophique de premier ordre. Dans une matière où les auteurs se complaisaient aux obscurités, son style est net, vivant, tranchant. On dirait déjà la langue des Soirées de Saint-Pétersbourg. C'est le même verbe, le même besoin de boxer son adversaire afin de le convaincre. Il emploie déjà les procédés du style elliptique que nous aimons aujourd'hui et dont il use avec affectation dans les Soirées, quand il veut donner à sa pensée toute sa force, tout son relief. Exemple: parlant de Voltaire, J. de Maistre termine son portrait,dans les Soirées, par cette phrase célèbre, "Suspendu entre l'admiration et l'horreur, quelquefois je voudrais lui faire élever une statue... par la main du bourreau". Dans le Mémoire, il écrira des philosophes français du XVIIIe siècle: "Ils ont guéri nos préjugés, disent-ils. —Oui, comme la gangrène guérit les douleurs".
Le Mémoire au duc de Brunswick constitue, pour ceux qui étudient J. de Maistre, la révélation d'un J. de Maistre mystique, ayant réfléchi longuement, par et à l'occasion de la Franc-Maçonnerie, à une foule de problèmes. Pour avoir atteint de tels résultats, il avait fallu que le jeune substitut se livrât à un travail extraordinaire de recherches et de lectures fort variées. Cette puissance d'attention que Sainte-Beuve admirera et comparera à celle des humanistes du XVIe siècle, J. de Maistre n'avait pas attendu l'émigration à Lausanne, ni le long hiver russe pour l'appliquer aux études les plus diverses. À 29 ans, J. de Maistre était une sorte d'encyclopédie vivante.
(Nous laissons ici de côté un exposé érudit de François Vermale sur le "gallicanisme" de Joseph de Maistre au moment de sa jeunesse)
Chapitre III: J. de Maistre sénateur (1788).
En 1784, J. de Maistre, doyen des substituts de l'avocat général fiscal près le Sénat de Savoie, vint passer ses vacances au château de Beauregard, propriété de son ami le comte Henri Costa. C'est là qu'il composa son discours pour la rentrée du Sénat: "Sur le caractère extérieur du magistrat ou le moyen d'obtenir la confiance publique". En 1818, il écrira sur ses vacances ce rappel plein de douceur: "Quel nerf vous avez pincé dans mon cœur, cher et digne ami, avec ce mot de Beauregard! Vous m'avez fait rebrousser de 30 ans vers l'âge des jouissances et des enchantements. C'est là que j'ai passé quelques jours de ma vie, si pleins, si heureux: c'est là que je composais, en 1784, le discours sénatorial dont je possède encore une copie écrite de la main de l'infortuné Lavini et suivi de vos animadversions, très soigneusement reliées à la fin de l'ouvrage".
Si l'on compare ce discours à celui sur la Vertu prononcé lors de la rentrée de 1776, on constate qu'autant ce discours est amphigourique, plein d'obscurités, de prosopopées, de sensibleries, autant le discours de 1784 s'efforce d'être simple et direct. Son ami Costa lui faisait juste compliment sur la "nerveuse gravité du style". Lui-même, en excellent professeur, le poussait à sacrifier "les épithètes superflues, les tournures recherchées, qui sont "comme des mouches placées par mégarde sur le visage de cette aimable prude qui vient de faire ses Pâques". Il lui conseillait encore "de ne pas altérer la force et la clarté du texte écrit par des obscurités". Il concluait justement: "Le style surtout est, selon moi, bien supérieur à tout ce que j'avais lu de vous", et il lui recommandait de se remettre à l'ouvrage pour donner encore "plus de concision et de force" à certains passages. Concision et force, ce sont deux qualités du style militaire. Il est heureux que J. de Maistre, écrivain, ait eu cet officier pour ami.
***
Malgré les qualités que ce discours révélait de façon indéniable chez son auteur, J. de Maistre ne reçut pas d'avancement. Découragé, il songea un instant à quitter la magistrature. Le 24 juillet 1785, il en faisait confidence à M. le marquis de Barol. Il était tenté par la carrière des lettres: "Dans mon état, ce qu'on fait est un minimum comparé à ce qu'on voudrait faire; tous les jours je me lève avec mille projets, la scribomanie me possède, je me sens la tête et quelquefois le cœur gonflés, mais je ne puis rien achever, et, pour ainsi dire, rien entreprendre. Je trouve le soir que le devoir a pris tout mon temps! Il faut s'endormir comme la veille sans avoir pu suivre aucune de mes vues. Sans doute vous vous formez une idée bien claire de ce tourment. Le besoin de produire sans aucune explosion possible! Il y a de quoi crever. Jugez de la fermentation? C'est tout juste la machine à Papin. Quelquefois, pour me tranquilliser, je pense (sincèrement, sur mon honneur) que ces espèces d'inspirations qui m'agitent comme une Pythonisse ne sont que des illusions, des sottes bouffées du pauvre orgueil humain, et que si j'avais toute ma liberté il n'en résulterait, à ma honte, qu'un "ridiculus mus".D'autres fois, j'ai beau m'exhorter aussi bien que je puis à la raison, à la modestie, à la tranquillité: une certaine force, un certain gaz indéfinissable m'enlève malgré moi comme un ballon. Je me perds dans les nues avec Monsieur de l'Empyrée, je voudrais faire: je voudrais, je ne sais, ma foi, pas trop ce que je voudrais. Peut-être cependant que les circonstances me feront vouloir, à la fin, une seule chose. Tiraillé d'un côté par la philosophie de l'autre par les lois, je crois que je m'échapperai par la diagonale". La "diagonale" fut le mariage. J. de Maistre ne s'établit pas philosophe. Il resta magistrat.
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L'hiver 1785-86 vit un J. de Maistre mondain. Il fréquenta le théâtre, soupa avec des actrices de passage, comme avec Mlle Saint-Val, de la Comédie-Française, qui donna à Chambéry une série de représentations tragiques. Il fut pour 100 louis un des vingt souscripteurs de la Journée anglaise qui se donna chez le marquis d'Yenne. Soixante-cinq personnes y prirent part. Il y eut thé, dîner à 5 heures, puis bal. On oublie trop, quand on parle de J. de Maistre, qu'il aimait dans la Savoie les parties où la vigne pousse et qu'il avait une propriété à Talissieu, c'est-à-dire au pays de Brillat-Savarin! Toutes ces "libertés" se terminèrent par son mariage au cours des vacances judiciaires de l'année 1786. Il épousa, à 33 ans, demoiselle Françoise-Marguerite de Morand, âgée de 27 ans . À son ami Henri Costa qui le félicitait, il répondit par une lettre qui nous montre dans ces circonstances son état d'esprit: "Mille et mille remerciements, mon très cher ami, sur toutes vos bénédictions. Oh! pour celles-là, elles sont d'un bon aloi, et j'y crois comme au symbole. Oui, mon cher Costa, j'ai lieu de croire que ce mariage sera heureux, et il est très vrai que le préliminaire dont vous parlez est un avantage inestimable: un homme sur un million d'autres n'a pas le bonheur de connaître intimement et de fréquenter sans gêne, pendant sept ans, la femme qu'il doit épouser. M. de Morand m'a donné une grande marque d'estime en n'opposant jamais le moindre obstacle à ma liaison avec sa fille: je puis enfin lui témoigner ma reconnaissance en travaillant au bonheur de mon amie... Mon plan, dans ma nouvelle carrière, est court et simple: c'est de me servir des avantages que le sort m'a donnés. Je suis la première et l'unique inclination de la femme que j'épouse: c'est un grand bien qu'il ne faut pas laisser échapper; mon occupation de tous les instants sera d'imaginer tous les moyens possibles de me rendre agréable et nécessaire à ma compagne, afin d'avoir tous les jours devant mes yeux un être heureux par moi. Si quelque chose ressemble à ce qu'on peut imaginer du ciel, c'est cela"
La famille de la jeune Mme Maistre était d'ailleurs en bonne situation morale et matérielle en Savoie. Les jeunes mariés vinrent s'installer dans l'immeuble que le président Maistre venait d'acquérir place Saint-Léger. Il donnait au midi, sur un jardin, près des remparts et les arbres de la Porte-Reine. Ce pouvait être la maison du bonheur...
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Marié, J. de Maistre subit l'influence heureuse de sa jeune femme. Autant il se gênait "fort peu pour dire sa pensée", autant Mme Maistre, que Mme Hubert appellera Madame Prudence, n'affirmait "jamais avant midi que le soleil fût levé, de peur de se compromettre". Elle ne cessait de lui répéter avec douceur: "Mais, mon cher ami, tu ne fais attention à rien, tu crois que personne ne pense à mal. Moi je sais, on m'a dit, j'ai deviné, je prévois, je t'avertis, etc." J. de Maistre céda devant les observations de Madame Prudence, il inclina vers plus d'habileté.
Pourvu de cette collaboratrice zélée, J. de Maistre reprit la question de son avancement peu après son mariage. Cette fois, au lieu de se cabrer, de s'irriter, de s'emporter, il s'avisa de tourner 1'obstacle, ne pouvant le franchir de front. Par une lettre d'un aspirant magistrat, nous savons qu'en avril 1788, J. de Maistre était à Turin depuis quelque temps et qu'à Chambéry on ne doutait plus de sa nomination prochaine comme sénateur surnuméraire. Il s'était rendu à Turin pour faire sa cour aux puissants, rendre des visites utiles à ses protecteurs. Dans l'attente du résultat de ses démarches, J. de Maistre, par une habitude qui lui devint de plus en plus chère, afin de vaincre la fièvre de l'incertitude, se livra à un travail intense de recherches et de rédaction. C'est ainsi qu'il composa, en les datant de Turin, deux Mémoires, l'un sur la Vénalité des Charges, et l'autre sur les Parlements en France. À la cour, J. de Maistre eut à vaincre les préjuges des conseillers séniles qui gouvernaient au nom de Victor-Amédée III. Ce roi très âgé ne consentait pas à renouveler le personnel des ministres. Quoique vieillis, incapables, il les conservait simplement parce qu'ils avaient été ses collaborateurs. Où étaient les temps où Victor-Amédee II, "le premier des hommes dans le premier des arts, celui de connaître et d'employer les hommes", avait nommé procureur général son grand-oncle, le comte Maistre de Castelgramme, âgé seulement de 23 ans!!! Cette gérontocratie exaspérait J. de Maistre. Il ne pouvait pas le dire. Alors, dans un de ses Mémoires, il écrivit une tirade contre la vieillesse: "La chose publique ne peut absolument pas se passer de l'activité de la jeunesse. La vieillesse ne commence rien: je vois des hommes que la fortune a porté à de grandes charges sur le déclin de l'âge, mais je les vois tous dévoués au mépris public. Je cherche des exceptions, je n'en trouve point. Combien d'exemples au contraire en faveur de la jeunesse dans tous les siècles, dans tous les pays et dans tous les genres d'illustrations: Alexandre, Scipion, César, Pompée, Turenne, Frédéric II, d'Aguesseau, Chatham, Pitt... Popinien, le plus grand des jurisconsultes romains, a été assassiné à 32 ans... La vieillesse n'apprend rien, ne corrige rien, et n'établit rien. "Vieillir n'est pas assagir", disait Charron".
Enfin, le 13 juin 1788, J. de Maistre fut nommé sénateur. Il revint à Chambéry.
(à suivre)
3 Traitement des déchets: ce qui se fait ailleurs.
À plusieurs reprises, L'Écho de Savoie a mené l'enquête sur les graves problèmes que pose le traitement des déchets (ménagers et industriels) en France, et en particulier en Savoie. On a pu lire les reportages de Jean-Paul Charpin à Gilly sur Isère, après la fermeture de l'incinérateur (février 2002, n°55) et l'année suivante sur les mêmes lieux (août 2003, n°65). Ce deuxième reportage était inclus dans un dossier environnement de six pages, réalisé par Jean-Paul Charpin, Pascal Garnier et Bertrand Lefebvre.
Garnier et Lefebvre se remettaient au travail début 2004 (janvier-février, n°69) au sujet de l'implantation dans l'Avant-Pays savoyard, à Marcieux, d'un centre de stockage de résidus d'incinération.
Il existe au sein de la Ligue savoisienne un groupe de travail qui étudie depuis deux ans le traitement des déchets: c'est le GRASS (Groupe de Réflexion et d'Action sur les questions Sanitaires et Sociales), il est animé par Pierre Ottin. Lors de la première journée du huitième Congrès de la Ligue savoisienne, le 25 octobre 2003 à Saint-Jean de Maurienne, Pierre Ottin et Bernard Bluteau (le premier est pharmacien, le deuxième médecin) donnaient une conférence expliquant ce que sont les dioxines, comment elles apparaissent au cours de l'incinération, et en quoi ces substances sont hautement dangereuses pour notre santé. Ils signalaient que la France a fait le choix, profitable pour trois gros industriels, de l'incinération massive et systématique, et qu'elle a sur son sol le plus grand nombre d'incinérateurs au monde par rapport à sa population. Bernard Bluteau montrait qu'il y a urgence à changer de politique, en s'inspirant de pays qui renoncent à l'incinération et favorisent le recyclage et le compostage.
Quelques exemples concrets permettent de constater comment, hors de l'Hexagone, on arrive à valoriser les déchets autrement qu'en les brûlant, et à réduire les émissions de gaz nocifs et l'accumulation de mâchefers dont la composition demeure suspecte.
Les députés français ont étudié pendant deux jours (les 13 et 14 mai) des solutions mises en oeuvre dans d'autres pays. Un article de Laure Noualhat et Denis Delbecq ("Libération" du 13 mai 2004) nous en donne un aperçu.
C'est d'abord Toronto, cinquième ville d'Amérique du Nord: fin 2003, la capitale de l'Ontario recyclait déjà 32% de ses déchets urbains, avec la ferme intention d'arriver à 100% en 2010. Un tri rigoureux permet d'obtenir de nouvelles matières premières comme l'aluminium, le plastique, etc. La ville collecte aussi, une fois par semaine, les déchets organiques, qui sont compostés et produisent du méthane et un terreau fertilisant.
En Nouvelle-Zélande, plus de la moitié des communes ont mis en oeuvre une politique "zéro déchet" depuis 1998.
Un autre exemple n'est pas évoqué dans l'article de "Libération": il nous vient des USA. Dans l'État du Massachusetts (côte Est, capitale Boston) les rejets directs de déchets dans l'environnement ont chuté de plus de 90% depuis 1990! Un scientifique a mis au point un programme de prévention des déchets aux résultats spectaculaires: le professeur Kenneth Geiser n'aime pas les incinérateurs; selon lui, on peut s'en passer en réduisant les déchets à la source.
Le Massachusetts a adopté une loi en 1989: un institut, dirigé par le professeur Geiser, a été mis en place par l'université du Massachusetts pour guider les efforts des industriels, lesquels sont soumis à des pénalités selon l'évolution de leur consommation de substances toxiques.
Selon Geiser, le succès de l'opération doit beaucoup au dialogue constant et aux formations continues des entrepreneurs. Une petite vingtaine d'usines seulement ont dû payer une amende pour non-respect de la loi. Le plus motivant, c'est qu'elles économisent de l'argent. Se débarrasser de ses déchets a en effet un coût non négligeable. Entre 1990 et 1997, le programme a permis aux entreprises d'économiser plus de 14 millions de dollars. Et Geiser ne compte pas s'arrêter là: s'il ne sera jamais possible d'atteindre le niveau zéro d'utilisation de substances toxiques, le professeur s'est fixé l'objectif de les réduire de 65% à 75%.
Agir sur la production industrielle, c'est réduire les déchets (en tout cas les déchets toxiques) à la source, et mettre en place recyclage et compostage, c'est éviter les rejets néfastes pour la santé et l'environnement. Ces deux démarches sont complémentaires. Ces exemples sont à étudier de plus près et à méditer. Ici en Savoie, on attend le procès de la dioxine à Gilly, on regarde les beaux panaches de fumée qui sortent des incinérateurs et les camions qui emportent nos ordures vers le sud...
 
4-1 Le succès populaire du Pain de Mai à Grésy sur Aix se confirme.
C'est une équipe encore plus étoffée que les années précédentes, et toujours aussi dynamique, qui a réussi, le dimanche 9 mai, une fête qui fait maintenant partie des traditions locales: la fête du Pain de Mai, organisée par l'amicale Amédée III avec le concours des Chevaliers du Bon Pain.
Le hameau des Filliards a été fort animé dès le petit matin et jusque dans l'après-midi. Le four à bois a livré, servies par des bras vaillants et habiles, pas moins de 10 fournées de 56 pains, tandis qu'à côté cuisaient 70 kilos de diots et 60 kilos de tartifles (les poids diffèrent de 10 kilos, celui du sac de tartifles que Claude a retrouvé le soir derrière un siège de son auto...
Il y avait bien sûr abondance de bonnes tommes, largement de quoi se désaltérer au goût du pays, et de nombreux refrains à reprendre en chœur. Le cœur de Grésy et du pays environnant a recommencé à battre pour la Savoie, et il n'est pas près de s'arrêter...
4-2 Faucigny:
Les réunions mensuelles du Comité provincial de la Ligue savoisienne, auxquelles participent les délégués locaux, sont ouvertes aux adhérents et sympathisants.
C'est le deuxième mardi de chaque mois à 20 heures à "l'entre-pots, la réunion des Amis", RN203 à Toisinges, commune de Saint-Pierre en Faucigny. C'est la meilleure occasion pour poser vos questions, vous informer et débattre sur l'actualité de la Ligue et des affaires savoisiennes.
Venez nombreux!
Gilles Rosset, chancelier.
4-3 Hommage à Marguerite Frichelet
(Allocution prononcée le jeudi 20 mai 2004 sur le Pâquier à Annecy, par Evelyne Anthoine, chancelier du Genevois)
Bien des couchers de soleil ont embrasé les montagnes des Aravis et tellement d’eau a coulé sous le Pont des Amours, depuis ce mois de mai 1793 où une femme de chez nous, "une de là-haut" comme l’on dit, une à l’âme pure comme l’air de la montagne, prit sa vaillance à bras le corps, son franc parler, et leva une armée de 5000 hommes.
Comment s’y prit-elle? Mystère! Simplement, comme dit Molière dans l’acte II des Femmes Savantes, "quand on se fait entendre, on parle toujours bien".
Marguerite Frichelet a été entendue. Elle n’était pas une femme savante, elle était une femme instruite, nature et franche, très indépendante. Comme le feu elle apportait lumière et chaleur. Et le courage? Imaginez la dose de courage qu’il faut à cette époque, pour parlementer dans l’urgence, pour expliquer l’amour pour le pays, la nécessité de la rébellion, du combat, d’installer la défense afin de préserver le pays de l’envahisseur et du mal-être.
Revenons en arrière en ces temps troublés: les révolutionnaires français sont arrivés. Mais de quelle façon? Quelle intrusion! Le peuple souverain de Savoie si pacifique regarde d’un œil hagard ces intrus venus les libérer d’une façon tellement sauvage! Les libérer? De quoi? Ils appartiennent à la terre où ils sont nés! La Savoie ce n’est pas la France et ce ne le sera jamais!
Ah! Ils peuvent regarder d’un œil effaré! Les prisons se remplissent, la terreur règne et avec elle le despotisme. Les geôles regorgent de suspects et le soir à l’heure de l’angélus, plus une seule note argentine ne se s’égrène dans l’air. Les églises sont interdites, les montagnards ne peuvent que constater que sur la vallée de Thônes règne un silence de mort…
Alors Marguerite entre en action, de marché en marché, de village en village, de maison en maison, la parole de Marguerite fait son chemin. Et elle fait si bien chemin la parole de Marguerite, que la résistance s’organise, avec les armes du paysan. Marguerite Frichelet devient l’âme de l’insurrection.
Imaginez la situation: pour un homme c’est déjà remarquable d’être un meneur et d’être suivi; pour une femme à cette époque! C’est véritablement inimaginable et c’est du sacrifice! Et elle le sait!
Qu’importe! Son pays, la Savoie, en vaut la peine!
5000 hommes et une femme ont tenu bon et il en a fallu des renforts du côté des Français pour mettre fin à cette insurrection. Comme vous le savez Marguerite fut arrêtée! C’est tellement facile de s’en prendre à une femme! De lui faire baisser la tête! De l’accuser de tous les maux. Le sacrifice a été consommé, Marguerite fusillée sur le Pâquier, à cet endroit même certainement. Je la ressens avec nous en ce moment. Nous avons capté son audace, son courage, son enthousiasme. Je n’ai pas peur, nous n’avons pas peur, tous les grands mouvements de l’histoire sont des triomphes de l’enthousiasme.
Aujourd’hui l’arrogance française est toujours de mise, la Savoie reste son dernier pays annexé, mais jusqu’à quand? La veille de la chute du mur de Berlin, qui pouvait prétendre apercevoir ce changement radical?
Rien n’est immuable, tout est en mouvement et pour la Savoie tous les espoirs nous sont permis. La Savoie, ce vieux pays plus que millénaire, à déjà vécu huit annexions et par conséquent sept désannexions. Nous préparons la huitième.
Les Savoisiens sont un Peuple et ils le proclament et tous les Peuples ont droit à l’autodétermination, ce droit est garanti par la Charte internationale des Droits de l’homme: c’est le droit des Peuples à disposer d’eux-mêmes qui s’exerce dans le cadre des Nations-Unies. N’oublions pas que cette charte a été ratifiée le 25 mai 1984 par la France. Ce que nous voulons est simple. Nous voulons déterminer nous-mêmes notre gouvernement, nos lois, notre justice, aucune laisse ne nous attache, nous sommes des femmes et des hommes libres qui œuvrent pour un pays libre.
Aujourd’hui, j’éprouve un sentiment de fierté, même dans un contexte économique et politique difficile. Les Savoisiens montrent l’exemple, leurs idées se concrétisent et déjà sont reprises par d’autres, elles font leur chemin, les mentalités commencent à changer. Écoutez les conversations, la notion d’identité savoisienne renaît en force, regardez autour de vous, les produits de Savoie fleurissent, qui dit Savoie dit qualité, la Savoie est à la mode, toutefois nous ne sommes pas arrivés au bout du chemin. Ce chemin il est comme celui qui monte à la Tournette, au Parmelan, ou à la Pointe-Percée, âpre et rude, malaisé, difficile, fatiguant et pourtant nous le grimpons main dans la main, avec une force tranquille, une amitié forte, ineffaçable, une cohésion totale et un élan de solidarité qui nous poussent en avant. Et le sommet n’est pas loin, notre ciel est un peu obscurci par des nuages et nous ressentons déjà les rayons encore timides d’un soleil qui promet d’être resplendissant. Continuons! Notre pays en vaut la peine.
4-4 Petites annonces savoisiennes.
(insertion gratuite pour nos abonnés)
— Achète fournitures d'horlogerie anciennes, outils, montres anciennes, fraises à tailler Carpano, montres à verge ainsi que pièces détachées. Jehan-Louÿs Baud tel 02 37 38 17 14 (le soir).
— Carte historique de la Savoie en 1856, éditée sur papier glacé 70X50cm. 3 euros la copie. tel 0450 43 33 95.
— RECHERCHE films argentiques (pas video) tous formats (principalement 16 mm) tournés en Savoie ou dans la région lémanique (Chablais, Genève, Valais, Vaud). Catégorie indifférente (voyage, famille, sport, films à scénario, fiction, etc.). Courts ou longs métrages, sonores ou muets, noir et blanc ou couleurs, toutes époques. Faire offre au 0450 35 48 97.
— RECHERCHE pour création d'un site internet, tous documents, renseignements concernant les drapeaux et la vexillologie des communes de Savoie. Nicolas Deprez, Chemin de Boissonnet 37, CH-1010 LAUSANNE. tel. 0041 21 652 00 88
4-5 Les rendez-vous savoisiens.
27 juin: Fête de l'été à la Féclaz.
À partir de 10 heures du matin, vous trouverez à la Féclaz de nombreux stands de produits du pays, des jeux pour les enfants et une buvette servant aussi des repas. Une messe est prévue à 11 heures.
La Féclaz est dans le massif des Bauges: accès par Aix, Chambéry ou Lescheraines.
9 juillet vers 21 heures:
concert gratuit au Parc d'Annemasse
au programme: La Kinkerne (Savoie) et Ariondassa (Piémont).
14 juillet: fuyez le bleu-blanc-rouge et les fêtes coloniales...
...et réfugiez-vous en Suisse pour une journée!
Une sortie en car sur la côte vaudoise, avec la visite du magnifique château de Chillon, construit par le comte Louis II de Savoie. Jean de Pingon sera sur place et vous fera profiter de son érudition.
Prix par personne comprenant voyage, visite guidée du château et pique-nique: 55€ (de 10 à 16 ans 45€, jusqu'à 10 ans 35€).
14 août: Fête du terroir à Héry sur Ugine.
Grande fête du patrimoine à partir de 10 heures: jeux, métiers anciens, produits du pays... promettent une excellente journée.
14 et 15 août: carte blanche à la Kinkerne.
Le célèbre groupe musical savoisien La Kinkerne fêtera son 30e. anniversaire dans le cadre du Feufliazhe, fête de la langue et de la culture de Savoie, à Plaine-Joux d'Onnion (entre Onnion et Bogève, en limite du Faucigny et du Chablais).
Musique à volonté le 14 après-midi et soir, et encore le 15 août...
22 août: Fête des bergers au col du Petit Saint-Bernard.
La Tarentaise et le Val d'Aoste se rencontrent au cœur de l'été sur un point de passage connu et fréquenté depuis l'Antiquité. Les combats de Reines donnent au rassemblement son caractère incomparable. Le marché est animé de chants et danses de la montagne. La Ligue savoisienne y aura son stand, organisé par le comité de Tarentaise.
4-6 Du 25 au 30 septembre: Voyage au Pays Basque.
Voyage en autocar Frossard avec visite de nombreux sites en dehors des circuits touristiques: une occasion exceptionnelle de découvrir et comprendre un pays de montagne très attachant, dont les media ne livrent que des caricatures. Prix: 555€ par personne en demi-pension.
Le voyage vous emmène dans tout le Pays Basque, nord et sud: attention à la date de validité de votre passeport ou carte d'identité...
Demandez le programme détaillé au secrétariat de la Ligue 04 50 09 87 13.
Fin des inscriptions le 30 juin 2004!
 
5-1 Mots croisés: le cruciverbiste ducal.
(voir l'Echo N°72) 
5-2 Rubrique gourmande.
Voyageant de Chambéry à Annecy, ou dans l'autre sens, si vous prenez la sage décision de ne pas emprunter l'autoroute A41, cela vous met généralement dans l'obligation de circuler sur la RN201. À peu près à mi-parcours, entre Aix et Albens, vous voici à La Biolle, charmant village renommé autant pour sa descente que pour la montée. Au sommet de la fameuse côte, votre fantaisie ou votre curiosité vous feront prendre la direction de la Chambotte. Après l'église de La Biolle, toujours en direction de ce site incroyable de beauté qu'est la Chambotte, vous remarquerez sur votre droite l'Auberge du Nant.
Arrêtez-vous!
C'est là qu'officie Jean-Michel de Cesco: après avoir affiné durant 17 années sa formation culinaire dans la province du Québec, et l'avoir pratiquée 10 autres années sur le plateau champenois, le voici maintenant en notre Savoie, où il a remplacé monsieur Roulet, bien connu des Savoisiens du secteur.
Jean-Michel de Cesco tient simplement table ouverte dans cette Auberge du Nant. Poissons, viandes, volailles, qu'il accommode avec harmonie à d'autres mets, vous enchanteront les papilles. Bientôt, vers le mois de juin (1), demandez-lui son homard à la façon du Maine (État du nord-est des USA).
L'aubergiste est à la disposition des Savoisiens. En lui téléphonant quelques jours auparavant (04 79 54 70 90), provoquez-le culinairement pour votre grand plaisir...
Maurice Luquain.
(1) C'est à cette période de l'année que le homard est le plus goûteux.
— Auberge du Nant. 73410 LA BIOLLE. 0479 54 70 90.
5-3 Tribune. La France ethnique.
par Rémi Mogenet.
de l'Académie Florimontane.
Il y a l'idée, au sein de l'article dernièrement consacré au nationalisme basque par Martine Silber dans "Le Monde", que défendre des droits culturels liés à une ethnie mène nécessairement au racisme. Or, on peut défendre une culture sans penser qu'elle est par essence supérieure aux autres. Évidemment, quand on se sent personnellement victime d'une injustice, parce qu'on a appris de ses parents une langue qui n'est pas officiellement reconnue, par exemple, on réagit plus vivement que dans un autre cas. Et comme l'égoïsme est très répandu, on a spontanément envie de prendre sa revanche en prétendant que la langue apprise des parents est supérieure à celle qu'on a apprise à l'école. Bien sûr, rien ne le prouve: le sentiment d'hérédité n'est pas forcément conforme à la réalité. Mais l'injustice n'en demeure pas moins; il n'est pas difficile de voir, en effet, qu'en règle générale, au sein de la classe dirigeante, on apprend de ses parents la même langue qu'à 1'école. Balayer cette injustice authentique en discréditant radicalement ceux qui s'en plaignent ne peut pas aider, à terme, la France, ou l'Espagne, à surmonter ses dissensions intérieures. Il s'agit de distinguer soigneusement les choses.
Prenons mon cas, si cela est permis. Quoique je sois né à Paris, ma famille est restée attachée à la culture savoyarde; or, cela m'a tout naturellement conduit à m'y intéresser. En Haute-Savoie, où j'habite à présent pour des raisons qui appartiennent également à ma famille, plus personne ne l'ignore, car j'ai publiquement évoqué la littérature locale. Mais il se trouve que je suis professeur de lettres dans la fonction publique, et que cette occupation annexe a fait naître le même raisonnement que celui que "Le Monde" a fait paraître. Je passe, dans l'Éducation nationale, pour une espèce de Savoyard réactionnaire et raciste, non pas parce que j'aurais dit quoi que ce soit dans ce sens, mais parce que c'est inhérent à mon activité parallèle. En d'autres termes, je suis raciste sans le savoir, j'ai en moi cette potentialité agissante, parce que je consacre du temps à la culture de cette petite contrée que j'habite. Toute défense est inutile: elle serait nécessairement mensongère, et destinée seulement à donner le change, y compris à moi-même. Car le crime est déjà de ne pas rester dans les lignes tracées d'avance par la République.
La France et l'Espagne ont encore en leur sein des ethnies, qu'on le veuille ou non. Or, toute ethnie a des droits, et une république juste est celle qui trouve un bon équilibre entre les lois générales et les coutumes locales. Si on refuse cet équilibre, on tombe soit, depuis le haut, dans le colonialisme, soit, depuis le bas, dans le communautarisme; or, ce sont deux perversions. Mais en France, où l'on a le culte de l'autorité, on pâtit davantage, en vérité, du colonialisme. Il est donc étrange que l'on se plaigne surtout du communautarisme. Du moins, cela serait étrange si ceux qui s'en plaignent ne regrettaient pas également, comme on le leur voit faire, le bon vieux temps où tout le monde pouvait dire: "Nos ancêtres les Gaulois"! Quel moment béni de la République, que celui où tout le monde se sentait issu de la même race!... On comprend que les Basques, en se pensant issus d'une autre, font preuve de beaucoup d'inconvenance. Mais ce point de vue fait de la France elle-même, prise dans son entier, une ethnie. Il est douteux que la taille soit réellement significative: personne n'ignore qu'il y a des ethnies puissantes et d'autres qui le sont moins. Qu'est-ce que cela prouve, cependant, sur le plan du droit?
R.M.
5-4 Vient de paraître: La France éclatée?
Régionalisme - autonomisme - indépendantisme.
Ce livre est une enquête, aussi complète que possible, sur les territoires de France métropolitaine où se manifeste un refus de l'uniformité républicaine. Les deux auteurs, Erwan Chartier et Ronan Larvor, sont journalistes en Bretagne. En 2002 ils ont publié une étude remarquablement fouillée du mouvement breton dans toute sa diversité: "La question bretonne", éditions An Here. Leur travail fournissait de très nombreux éclaircissements sur une vie politique bretonne mal connue du grand public, la consommation des informations médiatiques ne permettant pas de s'y retrouver dans les différentes idéologies, stratégies et organisations en présence.
En 2004, Erwan Chartier et Ronan Larvor élargissent leur champ d'étude avec cette nouvelle publication. On y trouvera une foule de renseignements sur les forces politiques "centrifuges" des territoires suivants:
Corse
Pays Basque
Bretagne (de manière plus succincte que dans leur premier livre bien sûr)
Catalogne nord (Roussillon)
Savoie
Alsace
Normandie
Occitanie
Nice
Flandre du sud.
Un chapitre particulier est consacré aux langues régionales, un autre à un sujet sensible à tous les amalgames malintentionnés: "Régions et extrême droite". Un lexique précise le sens de certains mots-clés (autonomisme, indépendantisme, souverainisme, décentralisation, etc.). Les textes sont agrémentés de malicieux dessins de l'humoristique Malo Louarn.
Le sujet choisi par les deux journalistes est d'autant plus difficile qu'il évolue sans cesse: de nouveaux mouvements apparaissent, d'autres décident de fusionner, d'autres encore connaissent des scissions ou de brusques changements de stratégie ou de dirigeants. Ainsi, certaines pages de "La France éclatée?" sont déjà obsolètes, à peine deux mois après la parution du livre. Sur la Savoie, les deux journalistes, pourtant très bien documentés, semblent avoir singulièrement manqué de flair. Mais là n'est pas l'essentiel, car la plupart des éléments présentés demeurent constants.
C'est le cas bien sûr des rappels historiques sur chacun des peuples étudiés, c'est le cas aussi des grandes tendances politiques et des grands projets, entre lesquels bien des points communs se dégagent. Mais la politique, c'est aussi des hommes (et quelques femmes), et plusieurs d'entre eux tracent leur sillon depuis des dizaines d'années, comme Robert Lafont ou Gustave Alirol en Occitanie, Narcis Duran, Jordi Vera ou Jaume Roure en Catalogne, Jakes Abeberry, Jean-Noël Etcheverry ou Manex Pagola au Pays Basque, Martin Hell en Alsace, ou encore Didier Patte en Normandie.
C'est avec tous ces personnages, et bien d'autres que nous n'avons pas la place de citer, que "La France éclatée?" nous emmène découvrir des peuples et des territoires qui, après des siècles d'ethnocide à la française, bougent encore et osent vouloir déterminer librement leur avenir. C'est un précieux document pour connaître la réalité multinationale d'une république qui impose partout le baîllon du prétendu "État-nation".
"La France éclatée?" par Erwan Chartier et Ronan Larvor, édition Coop Breizh, 2004, 25 euros (ISBN 2-84346-203-7).
5-5 Mémoire au féminin: grands destins de femmes.
Chez l'éditeur vaudois Cabédita, la collection "Mémoire au féminin" s'étoffe. C’est une série de recueils, de nouvelles, de romans, de récits mettant en valeur principalement des femmes.
Qu’elles soient princesses, duchesses, ou femmes du peuple, qu’elles se nomment Anne de Chypre, Bonne de Bourbon, Loyse de Savoie, ou plus simplement Adeline ou Léontine, l’histoire est remplie de ces femmes étonnantes qui ont fait bouger la société de leur époque, des femmes qui sont allées au bout de leurs désirs, de leurs amours, de leurs convictions, des femmes qui ont su vivre pleinement leur vie, émotion par émotion.
Toutes avaient compris le rôle qui leur était dévolu.
Vous les retrouverez au fil de vos lectures.
Voici les titres des livres en vente au Secrétariat de la Ligue savoisienne:
-Yolande de France Duchesse de Savoie (22€)
-Bonne de Bourbon Comtesse de Savoie (24€)
-Yolande de France, Duchesse de Savoie (22€)
-Loyse de Savoie, Dame de Nozeroy (21€)
-Charlotte des carrières (22€)
-Léontine Vivert (20€)
-Ces Dames des Allues (17€)
-Moi, Adeline accoucheuse (21€)
-Requiem pour une sorcière (16€)
-Raconte, Grand-mère (22,50€)
-Histoires et visages de femmes (24€)
-Les travaux et les jours d’Elisabeth (18€)
En offre d’été , 5% de remise et un livre gratuit en cadeau pour toute commande passée par l’intermédiaire du Secrétariat de la Ligue savoisienne jusqu’au 31 août.
Liste complète sur demande.
Les dessins qui paraissent dans L'Écho de Savoie sont (sauf signature différente) de la plume de Gérald Wojtal-Aillaud, vice-chancelier de la Ligue savoisienne en Tarentaise.
 
Patrice Abeille
Rapport sur l'affectation des indemnités de Conseiller régional.
Période du 11 janvier au 16 mai 2004.
SOLDE à reporter du 11 janvier: 4 136,71
RECETTES:
Indemnités brutes perçues (janvier, février, mars): 8 741,85
Retenues (impôts, retraite, CSG, CRDS): 2 727,97
Indemnités nettes perçues: 6 013,88
DÉPENSES:
Mise à disposition du local (janvier, février, mars) 3 X 460 1380,00
Téléphone Ligue (27/01 et 29/03) 527,54
Frais de déplacements 463,34 €
Factures payées pour Écho de Savoie (imprimerie) 2 297,54 €
Factures payées pour Ligue (livres, affiches) 1 864,16 €
Total dépenses: 6 532,58
Solde:
4 136,71+ 6 013,88 - 6 532,58 = 3 618,01
à disposition de la Ligue savoisienne.
Le mandat de Patrice Abeille ayant pris fin, le reliquat de ses indemnités sera consacré aux frais des bureaux de la Ligue savoisienne et au règlement des factures de téléphone.