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Echo de Savoie n°69 (janvier février 2004)

(Actuellement en vente chez votre marchand de journaux)

A - Sommaire :
1 Actualités
    1-1 Nuage toxique en Maurienne: que fait la sécurité civile?
    1-2 Le député Bouvard n'ira pas en correctionnelle.
    1-3 Décentralisation et défiscalisation: les électeurs de la Caraïbe votent deux fois oui!
    1-4 Comme au bon temps des colonies…
    1-5 Catalogne: les indépendantistes accèdent au gouvernement et obtiennent la présidence du Parlement.
    1-6 Loi sur l'internet: 10 millions de présumés coupables.
    1-7 Délinquance à Massongy (Chablais).
    1-8 Le francoprovençal enseigné dans une école valaisanne.
    1-9 Le football des Croix de Savoie fait le plein au stade d'Annecy.
2 Pub
    2-1 Francoprovençal: le dictionnaire Stich est paru: commandez-le!
    2-2 Le site de L'Écho de Savoie vous informe: inscrivez-le en page d'ouverture!
3 Dossier Marcieux environnement
    3-1 Marcieux: méfiance généralisée face au projet de stockage de déchets.
    3-2 La première réunion d'information.
    3-3 Le projet de Marcieux.
    3-4 Un débat confus.
    3-5 Le classement des centres de stockage.
    3-6 Le Conseil régional demande un moratoire.
    3-7 Interview de Marc Laurençon, vice-président de l'association "avenir avant-pays".
    3-8 Les points sensibles.
    3-9 Déchets: pour éviter les "poubelles à ciel ouvert", il faut changer les habitudes.
4 Avec Pierre FOURNIER
    4-1 Une autre Savoie est possible!
    4-2 Les débuts retardataires de l'écologie dans l'hexagone.
    4-3 Pierre Fournier, le Savoisien.
    4-4 Les années d’apprentissage.
    4-5 La prise de conscience.
    4-6 L'éveilleur de conscience.
    4-7 La mort au bout du combat.
5 Economie
    5-1 Délocalisations: inquiétude dans la vallée de l'Arve.
    5-2 Concentration du capital.
    5-3 Fatalité française?
6 Echos de la Ligue
    6-1 Rubrique nécrologique du patrimoine.
    6-2 Congrès du Partit Occitan.
    6-3 L'aménagement du territoire en Savoie, ou comment saccager le coeur de l'Europe. 
    6-4 Savoir langue garder.
    6-5 L'Écho de Savoie sauvé par ses lecteurs!
    6-6 Carnet savoisien.
    6-7 Petites annonces savoisiennes.
    6-8 Fête de la Savoie le 19 février 2004: à Cluses (Parvis des Esserts)
7 magazine
    7-1 Le meilleur miel? celui de Savoie!
    7-2 Le commissaire San-Antonio était savoisien!
    7-3 Dessins et Poésies.
 
 
B - Dossiers :
 
1-1 Nuage toxique en Maurienne: que fait la sécurité civile?
Lundi 12 janvier, une usine de La Chambre (Maurienne) qui fabrique des produits à base de chlore pour l'entretien des piscines a connu un accident de fabrication: c'est la troisième fois en peu d'années. La nouvelle a été rapidement diffusée à la radio, mais sur place les mesures de précaution ont laissé à désirer.
Ce jour-là, une Savoisienne est descendue d'un train vers 9 heures du matin en gare de Saint-Avre La Chambre. Chargée de sa valise, elle a remonté la rue principale pour regagner son domicile. Aucune annonce ne lui a été faite en gare. Le long de son parcours, elle a vu passer de nombreux véhicules, dont ceux des gendarmes et des pompiers: aucun ne s'est arrêté pour la prévenir. Ce n'est qu'à la boulangerie qu'elle a été mise au courant de ce qui se passait.
Cette personne a souffert d'une intoxication aux formes multiples: sinus bouchés, mal de ventre et vomissements. Ces symptômes douloureux ont duré plusieurs jours, et deux semaines plus tard elle avait encore le goût du chlore sur la langue.
La chaîne de télé France3 s'est déplacée, mais les témoignages des habitants mécontents n'ont pas été diffusés. Il semble bien que cette affaire ait été étouffée. Sur ordre de qui?
On se demande à quoi sert la Sécurité civile, auprès du préfet du département de la Savoie. La moindre des choses serait pourtant d'informer rapidement les habitants des risques qu'ils encourent et des précautions à prendre...
1-2 Le député Bouvard n'ira pas en correctionnelle.
Début décembre, Patrice Abeille s'est rendu, sur convocation, à la Gendarmerie d'Annecy. C'était pour s'entendre lire la réponse du Procureur d'Albertville à son courrier du 11 octobre, par lequel il l'interrogeait publiquement sur les poursuites engagées contre les élus qui avaient, le député Bouvard en tête, bloqué un TGV en gare de Saint-Avre le 27 septembre.
Eh bien, ô surprise, il n'y aura pas de poursuites! Parce que le chef de file de la manifestation est un député UMP? Vous n'y êtes pas: tout simplement, la manifestation était autorisée par le sous-préfet de Saint-Jean de Maurienne, et la SNCF n'a pas porté plainte.
Les Savoisiens le sauront à partir de maintenant: il est permis de bloquer des voies ferrées (ou des autoroutes, ce que des élus mauriennais ont déjà fait) mais à condition d'y être autorisé par le représentant de l'État. Nul doute qu'il ne donne volontiers son autorisation à quiconque en fait la demande...
Pourtant, en avril 1999, c'est par surprise et sans déclaration aucune (ni a fortiori aucune demande d'autorisation) que des élus de Haute-Savoie avaient bloqué de 7 heures à 14 heures la gare de Bellegarde. Aucun n'avait été inquiété ni poursuivi. Mais Bellegarde, c'est dans le département de l'Ain, et la loi républicaine y est peut-être différente...
Cette loi équitable (la même pour tous, sans aucune discrimination) a en revanche été appliquée sans faiblesse à Patrice Abeille lui-même, coupable d'avoir participé à une manifestation sur la voie ferrée de Voglans au Viviers-du-Lac le 24 janvier 2001: 6000 francs d'amende avec sursis (ne pas recommencer!) et 7000 francs à payer à la SNCF.
Beaucoup de Français ont perdu confiance en la justice de leur pays. Quant aux Savoisiens, ce n'est pas demain la veille qu'ils pourront se fier aux tribunaux de leurs encombrants et annexants voisins.
1-3 Décentralisation et défiscalisation: les électeurs de la Caraïbe votent deux fois oui!
Les référendums du 7 décembre 2003 dans les Antilles françaises, malgré l'activisme de dernière minute de François Bayrou en faveur du non, n'ont guère retenu l'attention de ce côté-ci de l'Atlantique. On a juste noté en passant qu'après l'échec de la réforme proposée en Corse le 6 juillet, la victoire du non en Martinique (à 50,5%) et en Guadeloupe (à 73%) compromet lourdement l'application des quelques grands principes gravés dans le marbre de la Constitution à l'initiative de M. Raffarin.
Mais ce qui est passé totalement inaperçu, c'est l'adhésion enthousiaste de deux autres îles au nouveau statut qui leur était offert. 75% des électeurs de Saint-Martin l'ont accepté (taux de participation 44%) et 95,5% de ceux de Saint-Barthélemy ont fait de même, avec un taux de participation record de 79%!
De quelle réforme s'agissait-il? D'une double innovation. Sur le plan institutionnel, les deux petites îles, paradis des navigateurs de plaisance, vont cesser de dépendre de la Guadeloupe: elles deviennent deux "collectivités à statut spécial" et éliront deux assemblées pour s'administrer de façon autonome. Sur le plan fiscal, les exonérations très nombreuses dont bénéficiaient depuis toujours leurs résidents auront une base légale certaine.
Déjà à la fin de l'année 1996 un certain Pierre Mazeaud (qui fut un certain temps député de la Haute-Savoie et siège aujourd'hui au Conseil Constitutionnel) avait tenté de faire passer discrètement deux amendements établissant sans ambiguïté le statut de zone franche de Saint-Barth et Saint-Martin. Étant président de la Commission des Lois de l'Assemblée nationale, il y était parvenu devant quelques députés en séance de nuit, mais les sénateurs avaient repoussé un procédé qu'ils jugeait par trop cavalier (voir le dossier complet dans L'Écho de Savoie n°5 du 23 avril 1997).
Le plus intéressant pour les Savoisiens, c'est que le "grand juriste républicain" Pierre Mazeaud justifiait l'un de ses amendements par l'obligation absolue de respecter le traité conclu au dix-neuvième siècle avec le précédent possesseur de Saint-Barthélemy, le roi de Suède, qui cédait l'île à condition que ses habitants continuent de jouir des franchises fiscales que la Suède leur avait accordées en 1783. On sait ce que la France a fait des zones franches de la Savoie, et de sa neutralité!
Les résidents fort peu contribuables de Saint-Martin et Saint-Barthélemy sont maintenant complètement rassurés quant à leur avenir, et peuvent se féliciter d'être français sous un si bon gouvernement. Il ne reste plus à monsieur Raffarin, pour redorer le blason de sa grande décentralisation, qu'à organiser un référendum en Savoie sur l'idée du statut suivant: constitution d'une Région Savoie à statut particulier, assemblée territoriale unique et suppression de la quasi-totalité des impôts. L'Écho de Savoie est prêt à parier une très forte somme sur un résultat clairement positif...
 
1-4 Comme au bon temps des colonies…
Le colonialisme français est plus que jamais à l'œuvre dans le département de la Guyane qui compte 170 000 habitants, un pays bien mal en point selon le magazine du SNES, principal syndicat de l'enseignement secondaire, l'US n° 595 du 5 décembre 2003, qui titre un article "La Guyane, un département français du tiers monde: un système éducatif à la dérive".
On y apprend ceci: "La non-scolarisation (3000 enfants) progresse de pair avec une déscolarisation en collège dont le taux a presque doublé de 1996 à 2003, passant de 7% environ à 14% d'une classe d'âge." L'école publique scolarise donc de plus en plus au compte-gouttes et cède le terrain aux sectes qui s'engouffrent dans le vide laissé par l'État. Par contre le Conseil général de Guyane a l'argent pour payer le clergé catholique, 25 curés qui sont rémunérés sur la grille indiciaire de catégorie B de la fonction publique, l'évêque quant à lui ayant un traitement de cadre A!
L'autoritarisme et l'arbitraire de l'administration coloniale sur les personnels est bien entendu la règle: ainsi le Recteur Bellegarde vient d'infliger un blâme au secrétaire départemental du SNUIPP (le syndicat de Professeurs des écoles), également élu du personnel comme commissaire du premier degré. Le Recteur lui reproche de s'être exprimé en créole dans le cadre de la Commission Administrative Paritaire Départementale (CAPD)!
Et nous n'évoquerons même pas ici le sort que prépare aux Amérindiens l'actuel secrétaire d'État au tourisme Léon Bertrand. Il veut transformer les tribus en véritables "zoo humains" en ouvrant au tourisme les 30 000 km2 de territoires encore réservés aux autochtones.
Que ce soit en Afrique, dans les Régions identitaires de l'hexagone ou outre-mer, l'État colonial français n'a vraiment pas beaucoup évolué dans ses pratiques depuis le 19e. siècle: le sabre et le goupillon toujours!
P.G.
 
1-5 Catalogne: les indépendantistes accèdent au gouvernement et obtiennent la présidence du Parlement.
Les négociations faisant suite aux élections catalanes du 16 novembre 2003 (voir notre analyse dans le n°68 de L'Écho de Savoie) ont abouti à la formation d'une coalition nationaliste de gauche. Le parti indépendantiste ERC (partenaire de la Ligue savoisienne dans le cadre européen du PDPE-ALE), qui avait doublé ses suffrages et le nombre de ses députés, y figure en bonne place, aux côtés du parti socialiste catalan et du mouvement Initiative pour une Catalogne Verte.
Le 5 décembre, lors de sa première réunion, le Parlement de Catalogne a élu président le candidat présenté par ERC (Esquerra Republicana de Catalunya), Ernest Benach. Les vice-présidents élus sont les candidats du Parti Socialiste Catalan et de Convergencia i Unio (le parti de l'ancien président de la Generalitat, désormais dans l'opposition).
Dans les jours suivants, les négociations se sont accélérées entre les partis de la gauche catalane. Elles ont abouti à un accord de gouvernement. Eles ont produit un accord de gouvernement, valable pour quatre ans, qui a été approuvé à l'unanimité par l'exécutif puis le Conseil national d'ERC. Le 20 décembre le parlement catalan élisait Pascual Maragall (ancien maire socialiste de Barcelone) président de la Generalitat, et le 22 décembre était investi le gouvernement, dans lequel siègent six conseillers d'ERC, aux côtés de huit conseillers socialistes et de deux conseillers du parti ICV. Josep-Lluis Carod-Rovira, Secrétaire général d'ERC, fait partie de ce gouvernement avec le titre de Conseiller en chef, c'est le numéro deux de l'exécutif catalan.
Du côté de Convergencia i Unio, les partis qui soutenaient Jordi Pujol, qui fut président de la Generalitat pendant 21 ans, on crie à la trahison. Des électeurs d'ERC seraient désorientés eux aussi, car ils espéraient une coalition nationaliste ERC + CiU.
Josep-Lluis Carod-Rovira demande aux partis de l'opposition (Partido Popular, dont le leader José-Maria Aznar est Premier Ministre à Madrid, et Convergencia i Unio, dont le président Artur Mas doit renoncer à succéder à Jordi Pujol à la présidence de la Generalitat) de laisser sa chance au catalanisme de gauche et de ne pas le juger avant qu'il n'ait commencé son parcours. Plus largement, il s'adresse à la société catalane: "Nous ne voulons pas une Catalogne divisée entre nationalistes et non-nationalistes. Nous voulons une Catalogne nationale dans laquelle tous fassent un compromis historique, dans le cadre de notre pays et d'une vision claire de son avenir."
Il ajoute: "Il est l'heure de fixer comme objectif prioritaire l'unité civile du peuple de Catalogne, un peuple uni, par-delà les origines, les noms de familles et la langue parlée à la maison."
Le nouveau gouvernement s'est engagé sur un programme de quatre ans. Sa tâche la plus politique sera de préparer un nouveau statut d'autonomie pour acquérir de nouveaux pouvoirs dans une négociation avec Madrid; si une telle négociation était impossible ou échouait, le projet de nouveau statut serait soumis à un référendum au peuple catalan. Il conviendra de juger sur pièces les réalisations de cette nouvelle alliance au sud des Pyrénées. Évidemment les institutions espagnoles, pour imparfaites qu'elles soient, contrastent fortement avec celles de la France des préfets et des conseils régionaux: la prison des peuples est au nord des Pyrénées.
illustration (photo jpg) Josep-Lluis Carod-Rovira
légende: Josep-Lluis Carod-Rovira, Secrétaire général d'ERC et Conseiller en chef de Catalogne.
 
1-6 Loi sur l'internet: 10 millions de présumés coupables.
Dans son acharnement à légiférer sur tout et à tour de bras, le gouvernement français est en train de préparer un mauvais coup contre les internautes, qui sont maintenant plus de 10 millions dans ce pays. Le parlement examine actuellement un projet de loi "pour la confiance dans l'économie numérique". Derrière ce beau prétexte se cache la volonté de mettre en place un filtrage et une surveillance. Les courriers électroniques (e-mail) ne seraient plus considérés comme de la correspondance privée: ils pourraient être lus, détournés ou poursuivis! Les fournisseurs d'accès seraient obligés de contrôler les pages de leurs clients avant de les mettre en ligne, et seraient tenus responsables des contenus!
Sous prétexte de lutter contre la fraude aux droits d'auteur, la haine raciale et la pédophilie (actes contre lesquels existe déjà tout un arsenal législatif), le "Pays des Droits de l'Homme" met en place la censure et l'espionnage.
Ce genre de mesures est caractéristique de nombreux pays où des dictatures interdisent ou limitent sévèrement l'accès à l'internet. La France, si la loi est adoptée, se trouvera en compagnie de la Chine, de l'Iran ou de la Birmanie...
Or, à moins de mettre en place un État policier et totalitaire (ce qui heureusement n'est pas encore fait en France), la loi de censure sera inapplicable, étant donné que chaque jour des milliards de pages sont échangées sur le réseau mondial. Nous aurons donc une loi inutile de plus, avec le risque de la voir ressortir un jour ou l'autre au service d'une mauvaise querelle, d'un règlement de comptes ou d'une répression politique. Lamentable.
 
1-7 Délinquance à Massongy (Chablais).
C'est le Dauphiné "libéré" qui nous l'apprend (édition du 16 décembre): au fronton de la Mairie de Massongy, tous les drapeaux ont disparu! Tous? Non! Les drapeaux de la Savoie n'ont pas été enlevés...
Un reporter de L'Écho de Savoie s'est rendu sur place. Il n'a pas vu de drapeaux, mais a eu le temps de photographier un suspect, habillé en rouge et blanc, qui s'échappait par le balcon. La gendarmerie n'est pas encore parvenue à l'arrêter ni à le localiser. Le mystère demeure...
photo 1: Un suspect s'échappe de la mairie de Massongy.
 
1-8 Le francoprovençal enseigné dans une école valaisanne.
Une commune de la région sierroise s'est lancée depuis la rentrée 2003 dans un programme pilote, à savoir l'enseignement dans les classes de 5e et 6e primaires de l'arpitan (la langue savoyarde ou francoprovençale), avec l'aval de l'État du Valais!
Au centre scolaire de Corin, on a désormais pris l'habitude parmi les instituteurs de saluer les élèves et les collègues du cordial "bonzhor".
Malgré tout, un adjoint au chef du département de l'éducation, de la culture et des sports précise qu'il "n'existe pas de volonté du département de promouvoir et de généraliser le patois à l'école. Il s'agit bien d'une expérience qui s'inscrit dans une démarche d'éveil aux langues. Nous tirerons le bilan après une année". Manque de volonté ou manière d'amadouer les parents d'élèves, pour nombreux réticents?
L'arpitan a été interdit dans les écoles romandes au XIXe siècle pour ne pas faire obstacle à l'enseignement de la langue française, mais il semble bien que l'heure du sursaut pour sauvegarder l'élément essentiel d'un peuple —la langue— à sonné, tant en Savoie que dans le reste des pays alpins francoprovençaux.
Alban Lavy.
 
 1-9 Le football des Croix de Savoie fait le plein au stade d'Annecy.
Ce n'était pas arrivé depuis 26 ans, paraît-il: le stade d'Annecy était plein (plus de 10 000 spectateurs) le dimanche 25 janvier dernier, pour le match de 16e. de finale de Coupe de France entre les professionnels de Ligue 1 du Stade Rennais et les amateurs du nouveau club FC Croix de Savoie, né le 19 mai 2003 de la fusion des clubs de Gaillard et Ville-la-Grand.
Les Savoyards n'ont pas réalisé leur rêve le plus fou et ont dû s'incliner (2-0) devant la supériorité d'une équipe bretonne évoluant dans une tout autre catégorie. Mais ils ont donné bien du fil à retordre à leurs adversaires, qui ont rendu hommage à leurs qualités certaines: cohésion, technicité et détermination.
Jamais on n'avait vu autant de rouge-et-blanc dans ce stade: la Ville d'Annecy avait déployé tout le pavoisement disponible dans ses services techniques, et le public arborait d'innombrables casquettes, drapeaux et écharpes aux couleurs de la Savoie. Peu de supporters rennais, cela se comprend, avaient fait le déplacement.
Les débuts du FC Croix de Savoie en compétition sont éclatants et prometteurs. Bravo et hourrah aux joueurs (qui ont tous participé à la fête par rotation) et à leur entraîneur Pascal Dupraz, un peu déçu mais qui n'a rien à se reprocher, bien au contraire. Pascal Dupraz est membre de la Ligue savoisienne, comme son père Jo Dupraz, ils sont bien connus tous les deux de nos amis du Faucigny.
 
2-1 Francoprovençal: le dictionnaire Stich est paru: commandez-le!
Préfacé par Henriette Walter (linguiste qui a dirigé la thèse de Dominique Stich à la Sorbonne), ce dictionnaire de 591 pages, luxueusement relié, est sans précédent. Il comporte deux parties principales: francoprovençal/français et français/francoprovençal. Il est augmenté d'une grammaire, de répertoires de toponymes et de néologismes, et d'extraits bibliographiques (avec leur transcription) d'auteurs des différentes régions francoprovençales: Vallée d'Aoste, Beaujolais, Bresse, Bugey, Dauphiné, Dombes, Forez, Franche-Comté, Fribourg, Genève, Lyonnais, Neuchâtel, Piémont, Pouilles, Savoie, Valais, Vaud et zone du francoprovençal francisé.
Dominique Stich présente dans cet ouvrage la commodité de l'orthographe supradialectale standardisée qu'il a mise au point. Il s'est donné pour tâche de faire connaître et reconnaître le francoprovençal, cette langue romane souvent oubliée, et ses remarquables oeuvres littéraires, inconnues jusque chez ses propres locuteurs. Son dictionnaire est le premier à traiter la langue francoprovençale dans sa globalité, alors que l'on ne considérait que le savoyard, le valdôtain, le vaudois, le lyonnais, etc.
Ont également contribué à l'ouvrage:
- Xavier Gouvert, enseignant et diplômé de la Sorbonne en linguistique romane,
- Alain Favre, professeur des écoles en Chablais.
Vous pouvez vous procurer le dictionnaire au secrétariat de la Ligue savoisienne (2 avenue de la Mavéria. 74940 Annecy le Vieux) au prix de 48 euros, frais de port 5 euros quel que soit le nombre d'exemplaires commandés. Chèque à libeller à l'ordre de la Ligue savoisienne.
 
2-2 Le site de L'Écho de Savoie vous informe: inscrivez-le en page d'ouverture!
L'Écho de Savoie dispose maintenant d'un site internet, lié à celui de la Ligue savoisienne. Sur ce site, vous retrouvez les articles récemment parus dans votre journal, mais aussi des informations exclusives sur la Ligue savoisienne et ses activités.
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3-1 Marcieux: méfiance généralisée face au projet de stockage de déchets.
Le 13 juillet 1992, un certain Michel Barnier, alors président du Conseil général de la Savoie du sud et ministre de l'environnement, donnait son nom à une loi fixant les règles de la gestion des déchets en France. Douze ans après, le Département de la Savoie ne respecte toujours pas cette loi!
Rappelons l’urgence de la situation: 417kg de déchets par habitant et par an (ménagers et industriels), 253 000 tonnes d'ordures ménagères collectées dans le Département en 2002, soit 4% de plus qu'en 2001 (le tonnage d'ordures ménagères en France a doublé en 30 ans!), incinérateur de Gilly sur Isère fermé, et aucune décharge de classe 2! Depuis dix ans tous les projets de stockage de déchets ultimes ont échoué. Ces déchets, en plus des ordures du bassin d'Albertville, sont donc "exportés" vers la Drôme, l’Isère, le Vaucluse. Mais tour à tour les départements, qui ont les mêmes problèmes, refusent ces livraisons non désirées. La Savoie doit avoir les moyens de traiter ses déchets: c’est une évidence que personne ne conteste.
Pourtant, du côté des responsables politiques (préfecture et Conseil général) la transparence n'est toujours pas au rendez-vous. Dans l'Avant-Pays savoyard, on s'alarme au sujet du site de Marcieux, petite commune au nord de Novalaise, qui fait l'objet d'une étude de "pré-faisabilité" d'un centre de stockage de classe 2. On se demande ce que les autorités de Chambéry ont en vue. Nature et conditions du stockage, transport, nuisances, risques, rien n'est clair. Le vrai problème n'est jamais posé non plus: personne ne veut d'une décharge près de chez soi, mais personne n'envisage non plus le moment où il faudra changer ses habitudes de vie.
Politique et vérité ne font pas bon ménage dans ce pays: le système repose sur le mensonge et l'hypocrisie, la Ligue savoisienne le combat fermement. Trop d'abus étouffés, trop de scandales si parcimonieusement révélés, si légèrement punis, si facilement amnistiés! Dans notre Savoie, on n'a pas oublié les morts du tunnel du Mont-Blanc, dont la sécurité était négligée mais les profits considérables, ni les dioxines de Gilly. Comment, dans un tel système de corruption généralisée et d'abus de pouvoir permanent que celui de la France, les habitants pourraient-ils accueillir avec confiance les discours de leurs élus et des fonctionnaires que le pouvoir leur envoie? Comment s'étonner de la vigueur, au fond regrettable, du fameux principe NIMBY ("Not in my backyard, pas dans ma cour, faites ce que vous voulez mais loin de chez moi!") qui tient si souvent lieu de débat public?
Dans les pages qui suivent, L'Écho de Savoie, grâce à ses correspondants dans l'Avant-Pays, vous informe sur les débats et les oppositions que soulève cette affaire. Il donne largement la parole à Marc Laurençon, président de l'association Avenir Avant-Pays qui refuse la décharge à Marcieux. Enfin votre journal savoisien, révélant le dessous de certaines cartes, pose clairement les questions qui devront être résolues dans les prochaines années. La démocratie ne peut exister sans la transparence des faits et la clarté du débat.
3-2 La première réunion d'information.
Chaud, ce fut chaud le 10 décembre 2003 à Novalaise. Jean-Pierre Vial, devant une salle archi-comble, était venu expliquer et défendre le projet de centre de stockage de déchets de classe 2 à Marcieux. Il a eu bien du mal à se faire entendre au milieu des invectives. C’est toujours déplaisant, et surtout stérile pour ceux qui viennent chercher de l’info. Le président du Conseil général en vint à brandir la menace de refermer le dossier et de le remettre au placard comme l’avait fait son prédécesseur Michel Barnier en 1994…
 
3-3 Le projet de Marcieux.
Dans un esprit de "solidarité des territoires", proposition est donc faite du site de la carrière Richard à Marcieux pour stocker les rebuts de l’Avant-Pays bien sûr mais aussi et surtout ceux de l’agglomération chambérienne. La Maurienne et la Tarentaise auront chacune leurs traitements et leurs centres de stockage à terme. L’incinérateur de Gilly, fermé, devrait être remplacé… Le marché semble donc être le suivant: les ordures de l’Avant-Pays sont incinérées à Chambéry, il faut accepter la contrepartie du stockage. Telle est la position de certains élus, à commencer par Mme. Christiane Bellemin, Maire de Novalaise, première à être huée en début de réunion: "être citoyen, faire preuve de civisme"… oui, nous l’avouons, nous culpabilisons… nous sommes tous d’affreux égoïstes. Car c’est bien le genre de décharge que l’on veut toujours chez le voisin!
Jean-Pierre Vial a mis tout son talent d’avocat en oeuvre pour tenter de nous rassurer. D’abord, nous n’en sommes qu’aux études de "pré-faisabilité": des études hydrogéologiques devront dire si oui ou non le site est propice. Preuve en passant que ces déchets dits "inertes" ne sont pas si anodins que cela. Malgré la bâche imperméable (mais qu’en sera-t-il dans 30 ans ou plus?), malgré un système de collecte et de traitement des eaux de ruissellement (quels traitements pour quelles pollutions?), il est donc exclu d’entasser du déchet de classe 2 sur un site perméable, a fortiori s’il existe un réseau d’eaux souterraines. C’est d’ailleurs ce qui avait définitivement sauvé le site du Tremblay, un moment pressenti il y a une dizaine d’années à la Motte-Servolex.
Il revient alors au maire de Marcieux, Monsieur Zucchero, le difficile exercice de justifier le choix de "sa" carrière. Très chahuté ("tu l’auras ta salle des fêtes"!), il tente de nous montrer que la décharge n’aurait aucun impact sur le tourisme, l’agriculture, que le site est éloigné des hameaux, pas d’une grande richesse faunistique et floristique (tout ce qui n’est pas classé est-il dénué d’intérêt?), qu’il n’y aurait aucune nuisance (poussière, bruit, visuel), et que le terrain est naturellement étanche (avant même les premières études!). Ce qui suscite bien des remous dans la salle, et des interventions du genre: "mais au fond de la carrière Richard, l’eau ne reste jamais, même quand il pleut beaucoup: preuve que ça s’infiltre!". Bref, officiellement, quelques camions par jour pendant 10 ou 12 ans, puis une fois la carrière comblée, on plante une belle pelouse, des arbres, et… ce sera même mieux qu’avant. À l’aide de diapositives, un technicien nous prouve que la future décharge sera quasiment invisible; nouvelles protestations dans le public… Le Président Vial nous assure que contrairement aux rumeurs il n’y aura jamais d’ordures ménagères à Marcieux. Donc pas de biogaz, pas de "torchères" ou d’incinérateurs, et pas d’odeurs. Il nous explique le "principe d’excellence" qui prévaut, avec le respect de la "norme environnementale 14001", et la transparence de la démarche. Les associations de protection de la nature seront notamment impliquées au sein du Comité départemental de concertation. Il serait par exemple intéressant d’avoir l’avis de la FRAPNA qui fait partie du tour de table, ou de l’ACALP (association de riverains de l’incinérateur de Gilly).
Mais il faut bientôt aborder le sujet qui fâche le plus : les camions. Le Conseil général ne donnant pas l'exemple, les déchets seront évidemment transportés par camions. Ils emprunteront l’autoroute, sortiront à Aiguebelette, et passeront dans le bourg de Novalaise. La tension monte donc d’un cran, car au vu du volume de la carrière les chiffres de 200 camions par jour circulent! Un technicien nous fait un calcul apparemment sans faille, résultat: maxi 10 arrivées de camions/jour, soit 20 trajets. Stupeur, doute, protestations… On a du mal à y croire. Les apostrophes reprennent, Jean-Pierre Vial perd son sang-froid et menace de poursuivre en justice ceux qui véhiculent de fausses informations!
Le paroxysme est atteint quand l’un des techniciens patentés, relayé par le Président, tente de nous faire croire que grâce à la décharge il y aura même moins de camions sur les routes de Novalaise!
Parlons des itinéraires de ces chers poids-lourds: la diapo n’est pas très claire, mais je dirais que tous les itinéraires possibles sont retenus! Y compris le tunnel du Chat, via Saint-Jean de Chevelu et Saint-Paul sur Yenne! Les riverains de Saint-Jean de Chevelu apprécieront de voir leurs efforts ruinés.
 
3-4 Un débat confus.
Après ces explications vient le débat: les questions fusent, le micro circule. Certains contestent le nombre de camions. Un artisan du BTP précise qu’il faut tenir compte de la densité du matériau transporté, et de son foisonnement (le volume réel et le poids peuvent être très différents du volume théorique). Faut-il partir de la capacité de la carrière en volume et
faire la division, comme la version officielle, ou plutôt prendre en compte ce que génère chaque jour Chambéry Métropole? Les chiffres pourraient être très différents!
Quelqu’un demande si d’autres sites potentiels ont été étudiés, dans l’agglomération chambérienne. On finit par comprendre qu’il n’en est rien. Alors l’intervenant suggère l’idée de l’ancienne carrière Chiron, vers Montagnole et Jacob Bellecombette. Au fond de ce gigantesque canyon l’eau reste en surface, preuve d’une meilleure imperméabilité. Et surtout il y a un accès souterrain par un petit train qui part des anciennes usines Vicat à Cognin. (Je confirme, j’ai lu un bouquin là-dessus, que m’avait prêté un ingénieur Vicat à la retraite). Embarras de M. Vial qui répond: "ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd"!
Beaucoup d’habitants ont peur qu’une fois la boîte de Pandore ouverte, la décharge installée, la vigilance émoussée, les règles fixées changent, les dérogations de "Monsieur le Préfet" se multiplient. La durée d’exploitation fixée à 10/12 ans ne risque-t-elle pas être prolongée? La décharge ne pourrait-elle pas être étendue aux terrains voisins, qui ayant perdu toute valeur pourraient être rachetés à vil prix? Les élus passent, les habitants restent! Les assurances du Président Vial n’ont à l’évidence pas convaincu les opposants au projet. Sont-ils majoritaires? J’ai pu constater une fois de plus la méfiance de certains vis-à-vis du monde politique. J’ai eu l’impression que malgré l’effort de communication tendant à prouver l’inverse, tout est déjà ficelé. Que les élus se sont jetés sur Marcieux comme une mouche sur le miel avec la complicité du Maire et ne sont pas prêts à lâcher le morceau. On n’a pas abordé le sujet sensible des "contreparties", Michel Bouvard parle de "redevance spécifique significative pour la commune"… Rien n’a été dit sur la réduction des déchets à la source, pourtant le bon sens le commande…
Il est certain que l’Avant-Pays va de plus en plus souffrir du développement anarchique de l’agglomération chambérienne…
Bertrand Lefèbvre.
 
3-5 Le classement des centres de stockage.
Classe 3: installation soumise à autorisation du Maire. Les déchets acceptés: déchets "inertes", stables physiquement et chimiquement (déblais, pierres, gravats, bétons…)
Classe 2: installation classée soumise à autorisation préfectorale (et donc enquête publique). Les déchets acceptés: "déchets banals", ni inertes, ni toxiques (encombrants, refus de tri, plâtre, mâchefers non valorisables…)
Classe 1: installation classée soumise à autorisation préfectorale (enquête publique). Les déchets acceptés: "déchets spéciaux", dangereux pour l’homme et l’environnement. Les déchets doivent être stabilisés avant stockage.
 
3-6 Le Conseil régional demande un moratoire.
Lors de sa dernière réunion de l'année, le 19 décembre 2003, le Conseil régional a examiné un vœu concernant le projet de centre de stockage de déchets à Marcieux. Déposé par le groupe communiste (dont l'unique élu du département de la Savoie est Roger Gandet, de Yenne), le vœu demande au Conseil général de la Savoie de surseoir aux études sur le site de Marcieux pour prendre en considération:
— la situation particulière de la zone envisagée, déjà pénalisée économiquement suite aux mesures de restriction de la circulation au tunnel du Chat;
— les conséquences à terme sur le réseau hydrologique du bassin versant du Flon débouchant sur le Rhône, lui aussi pénalisé dans ce secteur par la dérivation et recevant déjà les effluents du bassin chambérien et aixois;
— les efforts engagés par les collectivités riveraines pour compenser ces handicaps et s'engager dans une démarche de tourisme vert et de productions de qualité incompatibles avec le projet.
Patrice Abeille a voté ce vœu, qui a été adopté par le Conseil régional et donc transmis à M. Jean-Pierre Vial.
Les votes de l'assemblée:
Pour: PC/PS/Verts/FN/M. Abeille/Mme. Morel/M. Roure.
Contre: UDF/UMP/EI/INI.
Abstention: M. Dullin/M. Jond/Mme. Martin-Retord/M. Rochette.
 
3-7 Interview de Marc Laurençon, vice-président de l'association "avenir avant-pays".
Marc Laurençon, présentez-nous votre association:
— En 93, on a créé cette association pour obtenir la fermeture d’une porcherie industrielle à Verthemex, qui était non conforme. Le but atteint, l’association a été mise en sommeil, puis réactivée dès les premières rumeurs du projet d’une décharge de classe 2 à Marcieux, rumeurs confirmées par la presse. Aujourd’hui on a 150 adhérents et notre pétition a recueilli plus de 1000 signatures. On a un très large soutien de la population locale.
Pourquoi contestez-vous le projet de Marcieux?
— Le projet est contestable d’abord dans sa forme! Les choses n’ont pas été présentées franchement, il n’y a eu aucune consultation. Quand on amène un projet qui est bénéfique pour une commune, ou un ensemble de communes, on vient en l’expliquant sans détour. Au début, Jean-Pierre Vial a convoqué les mairies de certaines communes sous prétexte de parler de la canicule passée et des problèmes d’eau. En fait il s’est avéré que l’ordre du jour de cette réunion était bien la décharge de Marcieux. Et le Conseil Général parle de transparence! Il y a un certain nombre de manipulations de l’opinion; il y a une part de mystification dans les chiffres annoncés, comme le fait de dire qu’il y aura moins de camions après l’installation de la décharge, le fait de dire que l’on ne court aucun risque grâce à la norme iso 14001, qui n’est qu’une certification…
Nous contestons le choix de Marcieux pour plusieurs raisons: d’abord, ce qui est intéressant dans une politique raisonnable de gestion des déchets c’est de les enfouir à proximité des lieux de production. Clairement, ceux-ci sont de l’autre côté de l’Épine.
Prenons l’exemple du Tremblay (site à la Motte-Servolex, longtemps pressenti puis abandonné dans les années 90). L’élément décisif de l’abandon du projet a été le risque de pollution du Lac du Bourget. S’il y a un risque de pollution souterraine, il existe aussi chez nous, pour le Rhône: nous avons à proximité des ruisseaux, le bassin versant se jette dans le Flon, qui se jette dans le Rhône. Soit on nous dit que les bâches sont 100% étanches, et dans ce sens il n’y avait pas de raison pour que ça pollue au Tremblay, soit il y avait un risque au Tremblay, donc risque ici aussi.
Nous nous posons aussi des questions sur le type exact de déchets susceptibles d’être stockés à Marcieux. Dans les décharges de classe 3, on identifie très bien ce qui va rentrer, comme les matériaux de démolition, pierres, gravats, choses totalement inertes. Par contre pour la classe 2, c’est absolument impossible d’obtenir la liste des intrants exacts. On sait que ce sont par exemple les DIB, (déchets industriels banals), mais on ne sait pas exactement ce qui les compose. Au niveau national les textes disent qu’il peut y avoir des ordures ménagères, chez nous on nous dit qu’on ne va pas en mettre. Il peut aussi y avoir des fermentescibles. Rentrent dans la catégorie DIB les déchets par exemple de boulangerie, déchets d’équarrissage, cuir, etc., il y a quand même des choses qui peuvent apporter de grosses, grosses nuisances. Ce serait bien d’avoir une liste exhaustive de ce qui rentrerait dans cette décharge.
Ensuite, l’accessibilité de notre territoire aux camions n’est pas évidente. Il n’y a que 2 moyens, soit par le tunnel du Chat soit par l’autoroute. Dans les 2 cas, il faut traverser des zones fortement touristiques. Par l’autoroute, c’est la sortie du lac d’Aiguebelette, troisième lac naturel de France, il y a énormément de tourisme, c’est un environnement qui est préservé, naturel, il n’y a pas d’industrie, pas de pollution… Envoyer des camions dans cet environnement ne nous paraît pas raisonnable. Il faut ensuite traverser le bourg de Novalaise qui n’est absolument pas adapté, calibré pour le passage et le croisements de poids lourds. Puis jusqu’à Marcieux, on traverse une zone purement agricole, où il y a des producteurs bio. Tout ce trafic va être extrêmement perturbant pour eux, la proximité d’une décharge va nuire à la qualité de leurs produits. Les camions peuvent aussi sortir à Saint-Genix et revenir par la Balme, Yenne, Saint-Paul sur Yenne… mais également par ce côté-ci les routes ne sont pas prévues pour les poids-lourds. Le tunnel du Chat est pour l’instant toujours fermé aux camions. Il y a eu une très forte mobilisation d’associations dans ce sens. Maintenant on parle de remettre des camions sur ces routes, ce n’est pas très correct ni cohérent, y compris vis-à-vis de ceux qui ont eu à subir les contraintes et les problèmes économiques liés à l’interdiction des poids-lourds.
Dans l’Avant-Pays nous n’avons que l’agriculture et le tourisme, pour les communautés de commune d’Yenne et d’Aiguebelette. C’est une zone totalement préservée, nous avons de l’artisanat et de rares petites entreprises. Les décisions politiques précédentes, notamment au niveau du Syndicat Mixte de l’Avant-Pays, ont été de fixer le développement industriel sur la plate-forme de Belmont-Tramonet, ce qui semble logique par rapport à la proximité de l’autoroute, et de décider que nos territoires seraient purement agricoles et touristiques. Dans ce cadre la fermeture du Chat aux camions, même si elle a pénalisé fortement notre secteur, surtout celui de Yenne, n’est pas incohérente. On a une possibilité de développement en jouant la carte de cette nature préservée. Dans le secteur agricole on a tout un tas de produits intéressants, fromages et vins principalement. Des produits agricoles labellisés de qualité dans un environnement de qualité. L’implantation d’une telle décharge remet en cause toute cette politique qui a été menée jusque là et la rend incohérente.
Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent votre manque de civisme et de solidarité, voire votre égoïsme?
— Un des arguments forts de M. Vial pour nous imposer cette décharge est de rappeler que les deux communautés de communes d’Aiguebelette et de Yenne font incinérer leurs ordures à Chambéry. Nous n’avons pas participé financièrement à la construction de cet incinérateur. Celui-ci étant à peu près saturé, il y a un risque pour nous qui sommes seulement "clients" de nous en voir un jour refuser l’accès. C’est un argument fort pour convaincre nos élus d’accepter la décharge en contrepartie de l’incinération des déchets à Chambéry. L’élimination des déchets est du ressort des communes et communautés de communes. Nous sommes 8000 habitants dans l’Avant-Pays. Un citadin produit 450kg de déchets par an. Une personne en milieu rural en produit 150kg. De l’autre côté de l’Épine il y a 160 000 habitants, soit 20 fois plus, produisant 3 fois plus de déchets. Approximativement, nos déchets ne représentent que 1/60e de ce qui est incinéré à Chambéry: pas grand-chose. Donc on nous demande en contrepartie d’accepter une décharge de classe 2 dans laquelle on va mettre les résidus de ces 160 000 habitants, plus les 8000 de notre côté. Il faut savoir que dans la communauté de communes de Yenne, à la Balme exactement, on récupère les égouts (traités), du bassin chambérien, en provenance de la station du Bourget. Si on veut parler de civisme, il faut tout peser. Si on pèse tout, on donne déjà beaucoup. Je pense que nous demander encore davantage pour nous permettre d’incinérer nos ordures à Chambéry, c’est un faux problème. Rappelons aussi que dans les décharges classe 2, on va enfouir les DIB (déchets industriels banals). Ces déchets viennent principalement du bassin chambérien, puisque de notre côté on n’a quasiment pas d’industrie. Ce sont les déchets correspondant à 12 000 emplois salariés côté Chambéry, alors que nous ne sommes que 8000 habitants. S’il faut partager les déchets, partageons aussi les richesses induites par ces emplois!
Nature préservée, qualité de vie, des arguments auxquels sont attachés les habitants de l’Avant-Pays?
— Oui. Nous avons principalement 2 types d’habitants ici: les habitants de souche, quand même attachés à leur territoire qu’ils entretiennent depuis si longtemps. Ils y travaillent, ce sont entre autres les agriculteurs, qui ont fait le choix de rester ici pour travailler. Ces gens-là sont sensibles au fait que l’on détruise ce qu’ils ont reçu de leurs parents, leur patrimoine. Pour les autres habitants, ceux-ci ont fait un choix de vie et sont prêts à en subir les conséquences. On a beaucoup de personnes qui travaillent sur Chambéry, Lyon, Grenoble, ils n’hésitent pas à faire 100km aller pour se rendre au travail; je l’ai fait pendant 10 ans. Il y a des inconvénients qu’on n’a pas en ville, les poubelles ne sont ramassées qu’une fois par semaine, les communications ne passent pas bien, on est loin de tout, il faut s’organiser pour avoir le privilège de vivre loin de la pollution des villes, c’est un effort que l’on consent à faire pour cette qualité de vie. Si une décharge est installée avec son cortège de menaces potentielles, si c’est pour avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête, ces gens-là vont peut-être reconsidérer leur choix et migrer ailleurs. Les gens du bassin chambérien viennent ici le week-end pour faire du vélo, se balader, se ressourcer, dans ce cadre de vie entretenu par les agriculteurs et les habitants.
Notre territoire est aussi une porte d’entrée de la Savoie. Si on associe l’image de notre territoire à une décharge, c’est quand même dommage.
Comment réagissent les élus locaux au projet de décharge ?
— Une partie s’est mobilisée fortement pour ou contre le projet. Une autre partie des élus ne joue pas son rôle, et ne prend pas position, sous prétexte qu’ils n’ont pas l’information nécessaire. Le rôle d’un élu est aussi de se forger une intime conviction en faisant le nécessaire pour avoir toutes les données du problème. Les élus doivent s’interroger sur ce sujet qui est vraiment crucial pour le développement de notre canton. Dans ce sens notre association a pour but d’aider à une meilleure compréhension des choses pour les habitants, et pour nos élus! Elle a pour but d’exposer une vision alternative, d’essayer de s’impliquer activement dans la résolution du problème de la gestion des déchets en Savoie. En participant si possible au Comité départemental de concertation. (NDR: si ce n’est pas du civisme, ça!)
Votre proposition?
— Notre point de vue, c’est qu’il faut avoir des solutions qui prennent en compte la motivation des populations localement dans l’ensemble de la Savoie, et qui intègrent les besoins des industriels pour arriver à une solution globale de gestion des déchets: réduction à la source, plus de tri, compostage des déchets organiques. Et surtout qu’il y ait un traitement de proximité qui soit à l’échelle des territoires. C’est-à-dire qu’on ne fasse pas un grand trou où l’on mette à l’abri des regards de la majorité les déchets qu’on ne veut plus voir. L’inconvénient de cette solution-là, c’est qu’on n’implique pas les populations. Ceux qui envoient leurs déchets ailleurs que chez eux ne sont plus concernés par leur devenir.
Propos recueillis par Bertrand Lefèbvre le 31 décembre 2003.
Association Avenir Avant-Pays: tél 04 79 65 90 83 ou 04 79 65 35 24.
 
3-8 Les points sensibles.
Pour que chacun puisse se prononcer en toute objectivité sur le projet de centre de stockage de déchets de Marcieux (comme sur tout autre site envisagé) il est indispensable que des réponses claires, précises et sûres soient données aux questions qui préoccupent légitimement les habitants. En voici les principales, mais la liste n'est pas exhaustive.
1. Quels déchets seraient déposés? Il faut une liste détaillée et limitative, et l'engagement de ne tolérer aucune dérive, aucun passe-droit.
2. Quelle durée d'exploitation? Il faut une date butoir impérative pour la remise en état du site.
3. Quel périmètre? Il faut un plan précis, et l'engagement de ne pas agrandir la décharge.
4. Quelle étanchéité? Pourquoi faut-il un sol sans infiltrations alors qu'une bâche "100% étanche" est prévue en fond de décharge?
5. Quel serait l'itinéraire des transports de déchets?
6. Combien de trajets seraient autorisés par jour?
Sur ces point sensibles, et sur quelques autres sans doute, les habitants de l'Avant-Pays ont le droit d'être considérés comme les partenaires d'un véritable contrat, ayant un caractère contraignant pour toutes les parties. Faute de quoi ils s'opposeront à une opération dont le développement ultérieur leur échapperait complètement, et ils auront raison.
L'Écho de Savoie.
 
3-9 Déchets: pour éviter les "poubelles à ciel ouvert", il faut changer les habitudes.
En Savoie, la gestion des déchets se résume à l'incinération et à la mise en décharge (hors de Savoie) des résidus d'incinérateurs et des rebuts industriels. Or on sait maintenant (voir le dossier "dioxines" de L'Écho de Savoie n°68, décembre 2003) que l'incinération est la pire des solutions, celle qui disperse le plus de substances polluantes et toxiques dans l'atmosphère et dans le sol.
Comme les centrales nucléaires, les incinérateurs produisent des déchets dont ne sait que faire. Les mâchefers sont parfois recyclés comme remblais routiers, mais seulement dans quelques endroits bien précis et avec un luxe de précautions: c'est assez dire que ces résidus sont loin d'être aussi inertes et inoffensifs qu'on le prétend parfois quand on veut les stocker.
Les déchets d'incinérateurs s'ajoutent aux rebuts industriels, et les Conseils généraux cherchent désespérément des sites pour s'en débarrasser. Alors apparaît une choquante inégalité de droits entre les territoires. Là où vivent en grand nombre les bourgeois, les professions libérales et les cadres à haut niveau de culture et de revenus, la résistance s'organise, fait jouer ses moyens juridiques et ses réseaux, et fait capoter le projet de décharge. C'est ce qui s'est passé il y a quelques années à la Motte-Servolex: le site du Tremblay, proche de la commune du Bourget dont Jean-Pierre Vial était le maire (il ne peut plus l'être officiellement à cause de la loi sur le cumul de mandats), avait été abandonné. Michel Barnier avait "eu les boules", selon le propos exact de Jean-Pierre Vial. Celui-ci essaie donc de refiler les cochonneries, dont son quartier n'a pas voulu, à des populations d'un niveau social plus modeste: à Aiguebelle en Maurienne (une vallée ouvrière déjà ravagée par les pollutions industrielles) ou à Marcieux dans l'Avant-Pays, deux des cantons les plus pauvres de toute la Savoie...
Alors, le tri et le recyclage? Il y a de gros progrès à faire de ce côté-là. Il va falloir que chacun s'habitue à s'organiser avec plusieurs poubelles, à réfléchir avant de jeter. Et après la collecte, qu'advient-il des déchets triés? Si à l'arrivée on se contente d'entasser des tonnes de piles électriques usagées dans une cour d'usine à l'abandon, comme cela a été filmé il y a quelque temps, le tri n'a plus aucune utilité. Là encore, les autorités politiques en Savoie sont particulièrement avares d'informations. Et rien n'a encore été fait pour mettre à part les matières organiques, qui composent un tiers de nos ordures, et que l'on devrait composter pour un recyclage tout à fait naturel.
Mais même le recyclage ne suffira pas, si notre consommation continue à croître au même rythme. Certains écologistes n'hésitent pas à soutenir que "le recyclage est une idée mise en place par les grandes entreprises pour éviter de remettre en cause notre mode de consommation; il donne bonne conscience au consommateur qui, du coup, n'hésite pas à acheter, et donc à jeter sans compter" (Florence Couraud, responsable des questions de "production propre" au CNIID). Or chaque année, le style de vie de l’occidental moyen nécessite l’utilisation de 100 tonnes de ressources non renouvelables par personne. 94% des matériaux extraits de l’environnement deviennent des déchets avant même que les produits soient manufacturés et 80% des biens sont jetés dans les 6 mois suivant leur production. Bref nous croulons sous les déchets, épuisons les ressources non renouvelables et polluons l’ensemble des écosystèmes.
On se rendra donc bientôt compte de la nécessité de réduire la production de déchets à la source. Très concrètement, mais aussi assez facilement avec un minimum de volonté politique, cela suppose de s'orienter vers une réduction des emballages superflus, dont les sacs qui nous ont fait perdre l'habitude du cabas et des paniers. Il y a aussi la possibilité de produire des matériaux récupérables, comme les plastiques biodégradables (amidon et polyesters modifiés) qui existent depuis 1970 et qui n'ont pas été adoptés car leurs coûts sont de 1,5 à 3 fois supérieurs à ceux des dérivés des produits pétroliers: par exemple le Mater-Bi est un plastique qui se dégrade à 90% en 40 jours. Enfin à la suite d'un tri poussé, des filières expérimentales existent pour recycler la plupart des plastiques actuellement mis en décharge ou à l'incinération.
Bien entendu ce type de discours n'est pas facile à tenir car cela suppose pour la plupart d'entre nous une évolution dans notre comportement de consommateurs.
Ainsi toute cette histoire a aussi une morale économique: si on avait incorporé au prix d'un produit son coût de destruction après usage, on aurait dû se restreindre mais cela aurait évité de bien mauvaises surprises. Et plus grave encore, on le repaiera incommensurablement plus cher par les dégâts sur les milieux naturels et notre santé, à Marcieux comme partout ailleurs!
Pascal Garnier et Patrice Abeille.
Contacts: www.cniid.org . e-mail : info@cniid.org
CNIID 51 Boulevard Saint-Antoine 75011 Paris. Tél 01 55 78 28 60
 
4-1 Avec Pierre Fournier, une autre Savoie est possible!
par Pascal Garnier.
Étrange et fulgurant destin que celui de Pierre Fournier, un nom que la parution d'un ouvrage écrit par sa veuve vient tirer quelque peu d'un injuste oubli. Pourtant par ses longs articles abondamment documentés et illustrés, ses chroniques percutantes en prise directe sur l'actualité, ses dessins lourds de sens et de sentiments, il a véritablement lancé le mouvement écologiste en France au début des années septante, notamment dans son éphémère journal "La gueule ouverte".
 
4-2 Les débuts retardataires de l'écologie dans l'hexagone.
Qu'il lui en a donc fallu du courage, dans cet hexagone si rétif à l'écologie!
L'Allemagne avait forgé ce concept d'écologie dès 1867 et l'avait développé avec des savants comme Ernst Haeckel. Aux États-Unis, des écrivains comme Emerson ou Henri-David Thoreau (le génial auteur de "Walden ou la vie dans les bois") rencontraient depuis un siècle un immense succès.
Mais en France, ce n'est qu'en 1974, grâce à la candidature de René Dumont à l'élection présidentielle, que l'écologie politique va véritablement se faire connaître du grand public. Soit dit en passant, 30 ans plus tard, la quasi-totalité des prédictions de Dumont (récemment décédé) se sont réalisées ou sont en voie de l'être.
Quelque temps auparavant, dans quelques petits cercles et journaux, les idées écologistes avaient germé. Elles contestaient radicalement la logique de l’intérêt, l’économisme, le pouvoir absolu des valeurs marchandes et même assez souvent la dichotomie gauche-droite. Elles cherchaient en revanche à donner une nouvelle impulsion aux luttes des mouvements autonomistes et régionalistes.
Quelques esprits précurseurs osaient:
— préférer les pays véritables aux États-Nations pour construire l’Europe des peuples,
— éveiller les solidarités concrètes pour faire contrepoids à l’individualisme concurrentiel,
— prôner l’instauration d’un système de sécurité continental européen,
— développer une critique de l’immigration en tant que déracinement sans tomber dans la xénophobie ou la logique du bouc émissaire,
— rappeler que la fuite en avant dans une croissance en expansion continue ne peut qu’augmenter le chômage, multiplier les laissés-pour-compte, l'insécurité sociale en général.
Ils voulaient dépasser à la fois le libéralisme du 18e. siècle (transformé aujourd'hui en capitalisme mondial arrogant) et le socialisme du 19e. qui, tous deux, conduisent à l’épuisement des ressources de la planète. Ces convictions, si elles sont partagées par beaucoup aujourd'hui, c'est grâce à des éveilleurs de conscience comme le mauriennais Pierre Fournier que nous le devons. Celui-ci a joué un rôle majeur de catalyseur, leur faisant prendre, contre vents et marées, une ampleur jamais atteinte jusqu'alors.
Au début des années 70, Fournier tirait déjà à boulets rouges, dans les pages de son mensuel, sur tous les pollueurs de la planète, des pétroliers aux chimistes de l’agroalimentaire en passant par les promoteurs du nucléaire, les arracheurs de haies et les bétonneurs.
Les écologistes de l’époque reconnaissaient en lui leur porte-parole. Ainsi il a joué le rôle de figure de proue de toute une jeunesse, assumant de façon réfléchie et sans aucune compromission les prolongements du grand éclat de rire libérateur de mai 1968. Il se faisait également le porte-parole du mouvement communautaire et du combat non-violent. Sa réflexion sur la technostructure et le sens de la "révolution écologique" était des plus profondes.
 
4-3 Pierre Fournier, le Savoisien.
Les paysages de Savoie de son enfance l’ont fortement imprégné, il en gardait ce coté austère, rigoureux, massif, volontaire. Derrière ses lunettes de myope, il ne perdait aucun détail de la vie de ses contemporains. Il n’aimait pas l’évolution de son époque, son coté nouveau riche de la fin des trente glorieuses, son coté consommateur effréné qui piétine le bon sens et massacre les paysages sans vergogne. Que dirait-il aujourd'hui, s'il revenait, en voyant ces paysages, jusque dans notre avant-pays, totalement mités par les nouveaux colonisateurs qui veulent s'approprier le pays? Les yeux ouverts, trop ouverts, comment survivre à ce qu’il voyait? Alors il partit en guerre contre tout ce qui lui gâchait la vie.
Il avait le sens aigu de l’urgence, car depuis l’âge de 21 ans il se savait personnellement condamné par la médecine pour son rétrécissement congénital de l'aorte; cette grave malformation cardiaque restée longtemps invisible, il lui devait à la fois sa lenteur et son impatience, son urgence à vivre. En fait, alors qu’il dénonçait l’apoplexie de la civilisation technique, c'est lui-même qui a été terrassé par une crise cardiaque due au surmenage, le 15 février 1973, quatre mois après le lancement de son journal. Il savait que dans les différents domaines des idées aussi, il faut semer, planter, récolter et engranger avant que tout ne s’endorme dans cet hiver qui pour lui allait s'avérer éternel.
Tout avait pourtant bien commencé le jour de sa naissance à l’hôpital de Saint-Jean de Maurienne le 12 mai 1937, à la fonte des neiges. Ses parents sont de tous jeunes instituteurs à quelques dizaines de lacets de là, à Saint-Sorlin d’Arves, un petit village perché à 1800 mètres d’altitude.
C'est alors en Maurienne encore une époque où le temps de présence des enfants à l’école se négocie entre parents et instituteurs: il faut garder les vaches du printemps à l’automne. Heureuse époque de l'école buissonnière... En 1939 sa petite sœur naît et remplace Pierre dans le berceau de bois, œuvre du grand-père paternel, menuisier ébéniste. Dès l'âge de 3 ou 4 ans, Pierre commence à gribouiller à la craie sur les lauzes, ces ardoises épaisses dont on recouvre des toits qu’on tire de l’ardoisière voisine.
Mais en 1945 ses parents sont mutés à Pont de Beauvoisin, le gros bourg de l'avant-pays, à la frontière Savoie-France, dans une école primaire de 4 classes. Là les Fournier font connaissance avec Célestin et Elise Freinet: leur pédagogie, révolutionnaire pour l’époque, mais fort peu pratiquée aujourd'hui, valorise le travail manuel et favorise l’expression de toutes les activités artistiques: modelage, peinture, dessin, pyrogravure, écriture et impression d’un journal scolaire. Ils deviennent de fervents adeptes. Dans ce milieu de la "laïque", Pierre va néanmoins au catéchisme, et ce fils d’instituteurs républicains est toujours premier devant les élèves de l’école libre. Il sera même enfant de chœur.
 
4-4 Les années d’apprentissage.
Dès 1949, les dessins puis les pages régulières de Pierre sont publiés dans "Enfantine", puis dans "La gerbe", les journaux scolaires du mouvement Freinet. Il va ensuite faire son Lycée à Chambéry comme pensionnaire, ce qu’il ne trouve évidemment pas très amusant. En 1953 les Fournier quittent la Savoie et le cocon scolaire pour vivre en immeuble, dans l’anonymat d'une banlieue parisienne. Une mutation choisie pour faciliter la poursuite des études artistiques de Pierre et qui en dit long sur le système centralisateur français, où pour réussir il faut impérativement passer par Paris! Ils ne retourneront en Savoie, dans la maison familiale des grands-parents maternels, que pour les vacances.
Le jeune Pierre Fournier est un adolescent très solitaire qui n'aime pas les jeux de société, mis à part le jeu de dames, et ne pratique aucun sport sauf, en vacances, du ski à la Toussuire. L'été, il rejoint ses parents à Cannes en traversant les Alpes à vélo avec un cousin. Celui-ci s'étonne de le voir si vite essoufflé. Personne ne se doute alors que son cœur pourrait le lâcher à chaque virage.
Il passe le concours de professeur de dessin de la ville de Paris, commence à exercer le 15 septembre 1959 et démissionne le 23 novembre mais persévère cependant dans son apprentissage du dessin.
C'est à la préparation militaire que l'on décèle enfin son problème à l'aorte, qui est tellement rétrécie qu'elle ne laisse passer qu'un minuscule filet de sang. Il lui faut alors subir une opération de 8 heures afin de remplacer le bout d'aorte rabougri par un tube de dacron, opération dont on ne ressort vivant qu'une fois sur trois à cette époque. En novembre 1960, l'opération réussit mais il ne pourra quasiment rien faire pendant des mois sinon écouter la radio, lire les journaux et les livres de ses parents qui, chose étonnante, sont à cette époque-là "Minute", "Rivarol" et les oeuvres d'Alexis Carrrel... Il envoie ses dessins par la poste aux rédactions: certains seront publiés dans "Minute"!
En 1964 il devient gratte-papier à la Caisse des Dépôts et Consignations après avoir réussi un concours. Son travail consiste à instruire, au stylo à bille avec copie en 3 exemplaires grâce au papier carbone, les dossiers des communes qui sollicitent des prêts pour construire gymnases et salles des fêtes. Employé discret, il intrigue ses collègues. On se rend vite compte qu'il ne raffole pas des pots de bureau où il se singularise par son mutisme. Pendant ses week-ends et ses soirées, il illustre pour une misère "Don Quichotte", "Amélie" de Troyat, "Le Caporal épinglé" de Jacques Perret, "Le Colleur d'affiches" de Michel del Castillo, "Les Misérables" de Victor Hugo et "L'Éloge de la folie" d'Erasme.
 
4-5 La prise de conscience.
Grand lecteur de journaux, Fournier commence à ferrailler dans le courrier des lecteurs avec les journalistes qui s'aventurent sur le terrain de l'environnement, de l'agriculture, de la santé, du naturisme, comme par exemple dans "Arts-Lettres-Spectacles, le grand hebdomadaire français" où il demande à ce que l'on préserve un quartier en plein cœur de Pont de Beauvoisin.
Dès 1963 il comprend les enjeux liés à l'alimentation, notamment le rôle nocif que peuvent jouer les insecticides. Il pressent que nourrir tout le monde grâce au progrès technique hypothèquera l'avenir des générations futures en surexploitant les terres agricoles. En bref, il rejette tout ce qu'il nomme l'alimentation "chimiquée".
En juillet 1965 il épouse Danielle, qui est la grande copine de sa petite sœur, après lui avoir appris la cuisine aux céréales et la lecture de Giono et Lanza del Vasto. Ils vont camper très sommairement au sixième étage d'une tour en face de son lieu de travail, dans un univers qui se bouleverse de plus en plus jusqu'à devenir le triste chaos urbain que l'on sait. Le premier de leurs trois enfants naît en février 1966.
Il va à Paris pour faire ses courses dans les rares magasins bio qui existent en ce temps-là, et avant de rentrer passe à la rédaction d'Hara-Kiri pour proposer ses dessins. Nous sommes alors à la période des premières catastrophes écologiques comme le naufrage du Torrey Canyon, la guerre du Vietnam, l'explosion de la première bombe atomique chinoise, chez nous le parc de la Vanoise est menacé par les promoteurs immobiliers. Il va s'inventer dans Hara-Kiri un personnage de grand reporter: Jean Neyrien Nafoutre de Séquonlat! Désormais il fait 2 ou 4 pages tous les mois dans ce journal, illustrées souvent de dessins violents et grinçants.
Dans le même temps, ses vues sur l’évolution du monde s’affinent et il écrit à un ami: "Mes vues simplistes, mes idées dépassées, mes sentiments réactionnaires et mon style de béotien faussement primaire ont dix ans d'avance sur la pseudo-révolution "hippie", qui n'est que le signe avant-coureur de bouleversements plus sérieux."
Fournier est de plus en plus accaparé par ses articles, et en avril 1969 il lance un véritable manifeste assénant les idées maîtresses qui deviendront le leitmotiv des années suivantes: "Pendant qu'on nous amuse avec des guerres et des révolutions qui s'engendrent les unes les autres en répétant toujours la même chose, l'homme est en train, à force d'exploitation technologique incontrôlée, de rendre la terre inhabitable, non seulement pour lui mais pour toutes les formes de vie supérieures qui s'étaient jusqu'alors accommodées de sa présence. Le paradis concentrationnaire qui s'esquisse et que nous permettent les technocrates ne verra jamais le jour parce que leur ignorance et le mépris des contingences biologiques le tueront dans l'œuf. La seule vraie question qui se pose n'est pas de savoir s'il sera supportable une fois né mais si, oui ou non, son avortement provoquera notre mort."
 
4-6 L'éveilleur de conscience.
Mais à Hara-Kiri à cette date Fournier fait encore figure de franc-tireur, et puis il manque toujours cruellement d'argent. Malgré tout, en septembre 1969, il prend un congé sans solde de 18 mois et déménage avec sa petite famille à Leyment, un village de la plaine de l'Ain près d'Ambérieu en Bugey, dans la minuscule maison de sa grand-mère. Pas de télévision, pas de téléphone, pas de machine à laver.
Et un jour, en ballade à la cité médiévale de Pérouges, c'est le choc qui annonce le dernier combat de sa vie: au-delà du champ de tir militaire de la Valbonne et de l'usine de conservation alimentaire, une énorme construction: c'est la centrale nucléaire dite Bugey 1.
Elle doit entrer en service en septembre 1971 et dans l'Ain les écolos battent le rappel. Fournier quitte alors définitivement son travail de la Caisse des Dépôts et Consignations et s'investit pleinement dans le nouveau "Charlie" qui devient hebdomadaire. Avec le comité Bugey-Cobayes et son ami l'instituteur Émile Prémillieu, il rédige le tract de la manifestation du 10 juillet 1971 où l'on prend l'exemple d'un accident nucléaire qui a eu lieu à Windscale (Angleterre) le 10 octobre 1957:
"Dans le réacteur n°1, deux cartouches d'uranium ont fait éclater leur revêtement protecteur d'aluminium et ont pris feu. Le feu a pu être arrêté immédiatement, mais le réacteur était si chaud qu'il a fallu le mettre hors service... Le lendemain, on constatait que parmi les matériaux échappés se trouvait en outre du strontium 90. La nuit suivante, des voitures de police allèrent réquisitionner le lait dans toutes les fermes. À partir de cette date, 600 000 litres de lait ont été jetés chaque jour... Le soir du 12 octobre, le secteur considéré comme pollué devait être étendu à 500 km2. À Londres qui se trouve à 500 km de là, la radioactivité avait atteint 20 fois la valeur normale. L'ensemble des mesures effectuées sur le lait, l'eau, les produits de ferme, puisés à toutes les sources partout sur le territoire, fut sans précédent. L'iode 131 a été détecté dès le 11 octobre dans le lait, l'eau potable, le bétail et même la glande thyroïde d'adultes et d'enfants vivant entre 30 et 40 km de Windscale."
Depuis nous avons eu Three Miles Island aux États-Unis, Tchernobyl en Ukraine. Il est vrai qu’en France, le nuage radioactif s’est arrêté à la frontière! À l'heure où le gouvernement Raffarin veut nous engager dans une nouvelle aventure nucléaire avec l'EPR et où l'Allemagne ferme sa première centrale avant toutes les autres, encore aujourd'hui, plus que jamais, rappelons qu'en France le choix de l'énergie nucléaire n'a jamais fait l'objet d'un véritable débat national. La raison d'État toujours.
—page 87 logo de Bugey 01 (sans légende)
Bénéficiant donc de la force de frappe de "Charlie-hebdo", Fournier rameute près de 20 000 personnes qui vont marcher sur le site de la future centrale Bugey 1. Parmi les manifestants, le grand savant Théodore Monod, Maxime le Forestier... C'est du succès monstre de cette première manifestation que découleront tous les futurs combats.
Mais en même temps, il se verrait bien en une sorte de Giono savoyard, le Giono missionnaire du Contadour qui aurait été éleveur de Tarines. Quelques années auparavant, il avait imaginé un projet de village communautaire (un concept qui s'accordait mal à son tempérament renfermé), qui sauverait un village de montagne de la désertification absolue tout en le préservant de la "chienlit vacancière". Il envisage de le faire d'abord à Montendry en Maurienne: il y aurait eu des artisans, des artistes, une coopérative et une école. Mais l'année suivante, en août, les copains ne seront pas au rendez-vous. Fournier a toujours cette idée de sa communauté. Elle se concrétisera en partie après la manifestation du Bugey. Ses copains se voient naturellement mieux en Ardèche ou sur le plateau du Larzac. Pour Fournier pas question: il ne dépassera pas les frontières de sa Savoie natale! Alors il repère la vallée du Beaufortain près d'Albertville, avec toujours l'idée de faire un journal purement écologiste. Ses pages environnementales dans Charlie et Hara-Kiri tiennent de plus en plus de place et le directeur des publications Bernier lui suggère de faire son propre journal. Malgré sa santé fragile, il accepte et "La gueule ouverte", sous-titré "le journal qui annonce la fin du monde" paraît en novembre 1972, juste après le rassemblement du Larzac auquel ont participé 125 000 personnes. Le mensuel est un succès immense et on lui demande même de fonder un parti...
C'est à Queige, finalement, qu'il va trouver la maison de ses rêves, entre Albertville et Beaufort, une vieille ferme savoyarde jamais rénovée, sans eau ni électricité (comme chez José Bové qui a vécu ainsi jusqu’en 1987), avec la pluie qui traverse le toit de chaume pourri! Par contre, il a une vue magnifique sur la vallée, les cimes… Le siège du journal "La gueule ouverte" est à Outrechaise, un hameau d'Ugine, dans les locaux de l'ancienne mairie où le premier numéro est conçu. Fournier, quant à lui, installe son bureau à Queige. Il s'aperçoit que cette écologie qui se cherche un discours, une théorie, peut aussi être récupérée par le système qui a l'art de tout digérer: "Je sais bien qu'il y a une clientèle pour les revues de pêche à la ligne, de philatélie, de football, de politique ou de cul, et que l'avenir est à la presse spécialisée: chacun bien enfermé dans son "hobby" pendant qu'au pouvoir on gère la grande usine collective. L'écologie devenant un "hobby" comme les autres. Le but n'est pas là."
—page 90: la couverture de la "Gueule ouverte" (sans légende)
Pour lui, il faut aller beaucoup plus loin, toujours remonter aux causes. C'est donc à cette tâche harassante de défricheur qu'il se donne à fond, même si cela n'est pas dans sa nature: "Je fais ce canard pas pour le plaisir de militer mais pour qu'il serve à quelque chose. Je milite parce que je suis obligé. J'ai horreur de ça. Donc s'il s'avère que ça sert à rien, j'arrête. Et c'est bien parce que le militantisme est en contradiction avec ma nature que je m'y attelle avec un tel souci d'efficacité et tant de hargne méprisante."
Quatre numéros de "La gueule ouverte" sortent alors, marquant toute une génération bien que totalement à contre-courant de l'air du temps, dans cet univers de consommation frénétique, pas encore frappé par le premier choc pétrolier.
 
4-7 La mort au bout du combat.
Cependant la responsabilité du journal l'épuise, obligé qu’il est dans ce pays où tout se décide à Paris de faire des allers-retours incessants. Il se remet mal d'une grippe. Lors d'un séjour dans la capitale, il meurt allongé sur son lit, frappé d'un infarctus, le 15 février 1973. "La gueule Ouverte" continuera tant bien que mal après sa mort et fusionnera en 1977 avec "Combat Non Violent", puis deviendra hebdomadaire sous la direction d’Isabelle Cabut, et cessera finalement de paraître en 1980. Danielle Fournier avait réuni un premier recueil posthume de ses textes et dessins: "Où on va? J'en sais rien, mais on y va" (éditions du Square, 1973). Enfin, en hommage à son ami et pour entretenir la ferveur radicale de ses idées, Roland de Miller composa une anthologie sélective de ses articles parue sous le titre "Y'en a plus pour longtemps" (éditions du Square, 1975). Toujours des titres dans l'état d'esprit pessimiste quant au devenir du monde moderne, titres qui ne sont pas sans rappeler aujourd'hui les théories élaborées par les partisans de la "décroissance soutenable" comme Serge Latouche, Jacques Ellul ou les rédacteurs de la revue Silence.
Avec le recul, on peut aussi deviner que le fait d'être né en Savoie a du beaucoup jouer dans ses convictions: lorsque l'on voit une nature quasiment inviolée se dégrader constamment et se trouver ensuite confrontée à un mode de vie urbain et industriel, notre sensibilité ne peut que s'interroger, réagir et finalement s'opposer. Le contraste entre la montagne mauriennaise et la banlieue parisienne a transformé l'adolescent rêveur en défenseur acharné de la nature et en prophète éclairé de ce que l'on doit bien nommer aujourd'hui engorgement de la civilisation.
Pierre Fournier est mort de s'être donné à fond dans ce qu’il a entrepris. Il n'avait pas 36 ans. Trente ans plus tard sa veuve, toujours fidèle à sa mémoire, nous propose ce témoignage avec ces "Carnets d’avant la fin du monde" sur la vie de ce mémorable Savoyard, fondateur de l'écologie politique dans l'hexagone.
 
P.G.
Danielle Fournier. Carnets d'avant la fin du monde. Buchet-Chastel. Collection les cahiers dessinés. 26 euros.
 
5-1 Délocalisations: inquiétude dans la vallée de l'Arve.
L'aventure du décolletage dans la Vallée de l'Arve démarre avec les colporteurs qui ont ramené d'Allemagne les techniques de l'industrie horlogère. Les paysans ont commencé a fabriquer dans leur ferme dès le 18e. siècle des rouages de montres pour les firmes genevoises. Puis au 19e. siècle l'artisanat est devenu industrie avec la fabrication de petites pièces diverses en grande série, nécessitant un grand savoir-faire, pour les grandes industries, notamment après la guerre pour l'automobile ou aujourd'hui la téléphonie mobile. Au fil du temps, ils ont dû en baver, tous ces fils et petit-fils de paysans, pour s’élever à la force du poignet et après des années et des années de salariat, réussir à devenir indépendants et à tout investir dans leur entreprise. Ils ont fait de cette vallée le premier district industriel de l'hexagone et le leader mondial incontesté dans le décolletage.
Pourtant aujourd'hui, la "Technic vallée", comme on l'appelle, vit une profonde mutation. "La région n'a pas le moral, les patrons sont fatigués, les ouvriers inquiets" dit Yves Bontaz, qui a vendu 46% du capital de son entreprise de près de 800 personnes, "Bontaz centre", à un fonds d'investissement contrôlé par des Américains. Dans cette vallée où on travaille 55-60 heures par semaine et où les salaires sont 30 à 40% supérieurs à ceux proposés dans d’autres régions de l’hexagone, on invoque notamment "la concurrence mondiale toujours plus violente". Les autres entreprises du type de celle d'Yves Bontaz ont toutes été vendues aux Américains. Comme Frank & Pignard (Thyez, 1000 salariés) en 1998 à Autocam Corporation, STVI, Bouverat André et Fils, Lance, Gradel Henri. Bien d'autres cessions sont en train de se réaliser…
 
5-2 Concentration du capital.
Ainsi, alors que l’industrie du décolletage était contrôlée par des familles originaires de Haute-Savoie, des fonds d’investissement étrangers, pour la plupart américains, se sont emparés en seulement cinq années des plus beaux fleurons de la vallée. Ce phénomène sème le désarroi dans cette région qui concentre sur 30 kilomètres, entre Bonneville et Cluses, 67% du décolletage de l'hexagone avec 800 PME qui emploient directement 10 000 salariés.
Près de 75% de ces entreprises comptent moins de 10 salariés et 2% plus de 200. Mais les centres de décision sont désormais localisés ailleurs. Faute d’avoir pu —ou su— se regrouper, les patrons du Faucigny, pourtant réputés farouchement indépendants, ont livré leurs entreprises, bâties parfois sur quatre à cinq générations, à des fonds d’investissement étrangers. D’autres, parvenus à l’âge de la retraite, n’ont pu faire autrement que de vendre. Selon certains, des banques locales voulant stabiliser un tissu industriel fragilisé et réduire leurs risques dans le décolletage, auraient encouragé le mouvement, désignant aux acheteurs les meilleures proies…
Une étude interne réalisée en mai 2003 par la banque de France sur les sociétés ayant un chiffre d’affaires supérieur à 750 000 euros mesure l’ampleur de la mutation en cours: "À ce jour, 17 entreprises locales de décolletage sont détenues à plus de 50% par les capitaux étrangers, directement ou par l’intermédiaire de sociétés holding de rachat. Elles représentent un chiffre d’affaires cumulé de 434 millions d’euros, soit le tiers du chiffre d’affaires global de la vallée, et 3300 salariés environ, soit le tiers également des effectifs. Ces rachats ne devraient pas s’arrêter, même s’ils ne concernent plus les grosses PME indépendantes de plus de 200 salariés, de plus en plus rares."
Selon le directeur de la Banque de France à Cluses, "le mouvement se généralise à des entreprises de plus en plus modestes. Pour ce tissu de très petites PME, le mouvement de concentration paraît inéluctable." Selon "Acteurs de l’économie": "Faute d’atteindre une taille critique, nombre des sociétés du décolletage auront de plus en plus de mal à répondre aux exigences de qualité, de réactivité, de technologie, de logistique, qu’imposent des donneurs d’ordre, notamment ceux de l’automobile avec qui travaillent plus de 50 % des décolleteurs. Dans cette industrie très capitalistique, investir chaque année jusqu’à 20% de son chiffre d’affaire dans de nouveaux process (contre 6% en moyenne dans la mécanique) devient de plus en plus difficile pour des entreprises familiales dont les marges se réduisent comme peau de chagrin. De plus la mondialisation se fait sentir et la guerre économique est quotidienne pour conserver ses clients. Les équipementiers reportent sur les décolleteurs la très forte pression que les constructeurs automobiles leur font subir."
Les employés sont donc inquiets et craignent que leur patron aille délocaliser dans les pays de l’Est (la République tchèque ou la Pologne ont de très bons mécaniciens qui coûtent 4 fois moins cher) ou en Chine, "nouvel atelier du monde". C'est d'ailleurs ce que Bontaz, cité plus haut, a fait puisque sur 800 employés, 450 sont tchèques, 60 chinois et 50 brésiliens. Il risquerait de ne rester que l’usinage, le cœur du savoir-faire des décolleteurs savoyards. Le danger n’est pas immédiat parce que l’environnement exceptionnel rassemble sur un même territoire les décolleteurs, les fabricants de machines, les outilleurs, les spécialistes du traitement des métaux et la kyrielle de services associés: l’observatoire du décolletage, le CTDEC qui se préoccupe de former la main d’œuvre qualifiée, les banques… Mais à 10 ans personne n’ose un pronostic.
Tout n’est pas joué, alors que faire? Paul Rivier, PDG de la TV8 Mont-Blanc, ex-PDG de Téfal et ancien Président de l’Agence économique de Haute-Savoie, plaide pour un effort encore accru dans le développement des compétences. Il juge indispensable de "former des ingénieurs spécialisés dans la production de micro-pièces, capables d’anticiper les technologies qui se substitueront demain au décolletage". Un pari osé qui a été gagné dans le domaine de l'horlogerie suisse avec les montres Swatch, devenu le numéro un mondial de l'horlogerie. Lorsque les montres à quartz pas cher en provenance d'Asie sont arrivées, presque personne ne croyait à la possibilité de survie de l'industrie horlogère suisse, sauf sur le créneau très étroit du très haut de gamme. Le nouveau concept Swatch, qui devait connaître un succès fulgurant malgré un prix plus élevé, a permis de garder les emplois en Suisse, en Allemagne et en France, même s'il y a de petites unités de production en Malaisie, en Chine et en Thaïlande.
 
5-3 Fatalité française?
Le discours de Rivier semble logique si l'on observe les chiffres de l'industrie française, qui a perdu 1,5 million d'emplois industriels en 25 ans (5,542 millions en 1978, 3,965 millions en 2002). Périodiquement ces saignées dues aux délocalisations sont très douloureuses au niveau local (Nord, Lorraine etc.) mais sont amorties à l'échelle d'une nation ou d'un continent. En effet, sur la même période, la population active en France augmentait de 4 millions de personnes, emplois créés sur place ou dans une autre région, dans tous les domaines et pas seulement dans la fonction publique…
Pourtant la situation semble encore plus complexe. Elle doit être rapprochée de la situation globale dans laquelle se trouve notre monde industriel, de ce mouvement progressif de délocalisations d'un certain nombre d'activités industrielles des pays riches vers les pays à bas salaires. Les multinationales utilisent les disparités de niveaux de rémunérations et de conditions de travail pour littéralement mettre en concurrence les salariés de différents pays entre eux. L'économiste François Chesnais, spécialiste de la mondialisation, explique: "Dans beaucoup d'industries, notamment dans les branches mécaniques et électriques, les salariés de pays industriels ont bénéficié d'une forme de "protection de la concurrence", qui limitait encore les effets de la libéralisation des échanges. En raison de leur niveau de formation professionnelle et de qualification, ils avaient une productivité très supérieure aux pays industriels périphériques, les "nouveaux pays industriels" d'Asie et d'Amérique latine ou d'Europe de l'Est." La situation est en train de changer, avec la multiplication dans les multinationales d'expériences technologiques et organisationnelles permettant d'obtenir des niveaux de productivité plus élevés dans leurs filiales de ces pays. C'est dans ce cadre expérimental exactement que se situe le rachat des entreprises de la Vallée de l'Arve par des multinationales américaines.
Cette tendance est encore plus nette dans l'industrie automobile, avec laquelle les décolleteurs font 50% de leur chiffre d'affaires. On sait également que maintenant le travail transféré concerne de façon croissante le travail qualifié, celui des ouvriers qualifiés, des techniciens et des ingénieurs. François Chesnais estime: "Nous sommes entrés dans une phase où les multinationales vont chercher à tirer parti de la situation extraordinairement favorable qui leur est offerte par ce croisement "miraculeux" entre les convergences des productivités et le maintien des disparités très fortes des salaires, des conditions de travail (sécurité, hygiène) et des niveaux de protection sociale." Ainsi la boucle est bouclée: dans l'économie libérale dominée actuellement par les firmes transnationales, les mécanismes vont très, très vite et ceux qui bénéficiaient auparavant de la mondialisation peuvent, quasiment du jour au lendemain, en devenir les victimes.
Il est permis de douter que le cadre français, dont les rigidités et les pesanteurs sont bien connues, permette encore à l'industrie de la vallée de l'Arve une rapidité de réaction suffisante dans un monde où la compétition s'accélère à une allure folle. Dès lors l'alternative d'un cadre savoisien, soixante fois plus petit et bénéficiant d'une dynamique de la nouveauté et de l'adaptation au terrain, devrait retenir l'attention des industriels concernés.
Pascal Garnier.
 
Sources: Acteurs de l’économie, n° 43, décembre 2003, p. 50-56. Hélène Goyet. La Vallée de l’Arve se livre aux Américains.
Alternatives économiques, n° 220, décembre 2003. Dossier désindustrialisation, p. 7-15
 
6-1 Rubrique nécrologique du patrimoine.
Par Bertrand Lefebvre.
La liste est immense des bâtiments anciens massacrés au profit de logements neufs. La pression immobilière dans notre pays est si forte, surtout dans les villes, qu’il est maintenant intéressant pour un promoteur d’acheter un bien ancien, même encore habité, en bon état et bien placé, pour le raser et le reconstruire... plus grand. Le secret est bien sûr d’obtenir une surface habitable maximale dans la limite impartie par le COS (coefficient d’occupation des sols); parfois ces limites légales sont d’ailleurs dépassées. C’est ainsi que des pans entiers de notre patrimoine ont disparu, disparaissent et disparaîtront à un rythme de plus en plus soutenu. Chambéry, parmi tant d’autres villes, est depuis longtemps le paradis du promoteur. Exemple: au 8 Rue de Mérande, on peut (encore) voir une grosse maison que je daterai fin XIXe. - début XXe. Ce n’est pas un pur joyau d’architecture, mais si on a la curiosité de passer dans l’arrière-cour par un portail ouvragé en pierres et fer forgé, on découvre de magnifiques arcades en pierres sculptées, un balcon à balustres en pierre, une mignonne capucine en fer forgé... Poussant la porte, on accède à un escalier monumental en pierre, de très jolies huisseries, et boiseries. Et encore je n’ai sûrement rien vu! La maison est cossue, spacieuse, certainement celle d’un marchand aisé. En bon état, cette maison mériterait un autre sort. Quel scandale et quelle tristesse! Ces maisons de ville anciennes, avec leurs petits jardins, sont des proies idéales, après les friches industrielles. La complicité de la mairie va de soi, qui délivre sans état d’âme les permis d’immoler. Au moins, qu’il y ait une clause obligatoire de récupération des plus beaux matériaux, comme des plus belles pierres! Au moins, que ces témoins du courage et du talent de nos anciens ne finissent pas en vulgaire remblai! Vœu pieux.
Le ridicule ne tuant pas, les "tranches" de logements neufs sont souvent pompeusement dénommées, genre petite maison dans la prairie, "clos des mésanges" ou "hameau du pré riant", jardins de ceci, balcons ou terrasses de cela, uniformes dans la médiocrité. Avec la fébrilité qui caractérise notre temps, car il faut aller de plus en plus vite, on éventre, on préfabrique: béton, laine de verre, placo, PVC, cocktail industriel tristement classique, sans charme, sans âme, mais pas sans danger! Les déchets générés sont brûlés sur place sans aucune précaution, ou alors il est tellement commode de les enterrer, ni vu, ni connu.
Je souhaite bon courage aux nouveaux arrivants qui vont devoir gérer les malfaçons inévitables, (artisans débordés, partis avant même l’achèvemenent des travaux, ou en faillite, victimes du moins disant ambiant), les dépassements de délais de livraison, les prestations pas toujours à la hauteur du luxe de la brochure en papier glacé et du sourire enjôleur du vendeur.
Je plains les voisins actuels qui, non contents de voir leur univers complètement bouleversé, connaîtront des nuisances diverses, variées, et sans limite de temps.
J’invite tous mes amis savoisiens à alimenter cette rubrique qui sera un ultime hommage à la belle ouvrage.
B.L.
 
6-2 Congrès du Partit Occitan.
Une forte délégation de la Ligue savoisienne a assisté aux travaux du Huitième Congrès du Partit Occitan: elle était composée de Patrice Abeille, Christian Montagnon, Evelyne Anthoine, Marcelle Montagnon, Bernard Bouvier et Thérèse Bouvier.
L'Occitanie, c'est 31 départements français situés dans les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées, Limousin, Auvergne, Languedoc (mais le Roussillon est catalan), Provence, Alpes, Côte d'Azur et Rhône-Alpes (la Drôme et l'Ardèche), et aussi le Val d'Aran (dans la Généralité de Catalogne) et les vallées occitanes du Piémont. Environ 13 millions d'habitants au total! Pas facile d'organiser un mouvement politique sur un territoire aussi vaste et divers...
C'est pourtant ce que parvient à faire, depuis une quinzaine d'années, le Partit Occitan, membre de la fédération Régions et Peuples Solidaires et du Parti Démocratique des Peuples d'Europe. Le Partit Occitan affirme avec force l'identité pan-occitane, au-delà du particularisme local. Cette identité se manifeste notamment par une langue commune aux dialectes nombreux et différenciés, et les trois quarts des débats du Congrès ont été tenus dans cette langue, qui a charmé les oreilles savoisiennes par ses inflexions chantantes et ses formules expressives. Le francoprovençal lui aussi permet aux originaires de ses différentes provinces et vallées de se comprendre...
Un jeune délégué d'ERC (Esquerra Republicana de Catalunya) est venu exposer (dans sa langue catalane, assez bien comprise par les Occitans et même les Savoisiens) la situation nouvelle de son pays, avec la nouvelle coalition installée au pouvoir à Barcelone: son parti détient maintenant une position clé au gouvernement de la Généralité.
Gustave Alirol (maire de Saint-Hostien, en Haute-Loire), réélu président du Partit Occitan, a réaffirmé l'exigence d'une vraie régionalisation démocratique, passant par l'autonomie appliquée à l'ensemble des régions occitanes. Le contraire, en somme de la décentralisation Raffarin, "adaptation de la centralisation française à l'âge de l'internet".
Les élections prochaines n'offrent pas une perspective facile pour le POc, qui a du mal à se faire entendre d'une gauche française n'ayant rien compris de son échec de 2002. Toutefois, en Languedoc-Roussillon, il participe à une liste occitane et catalane menée par l'éditeur nîmois Christian Lacour et largement ouverte à la société civile.
Le POc soutient également une initiative, "Gardarem la terra", née en août dernier, qui va organiser une "caravane" dans les régions occitanes pour soulever le problème de la difficulté des gens du pays à se loger ou à s'installer dans l'agriculture dans une situation de flambée des prix du foncier.
Patrice Abeille, dans son intervention, a décrit la dureté de la période actuelle pour les mouvements qui contestent l'oppression du système français, véritable "prison des peuples", et a souligné qu'il est d'autant plus nécessaire de développer entre ces mouvements les échanges d'informations et la solidarité. Il a également donné quelques éclaircissements sur l'alliance conclue en septembre entre la Ligue savoisienne et la Ligue niçoise, en réponse à des inquiétudes formulées au sein du POc.
Plusieurs membres de la Ligue savoisienne, également adhérents du MRS, avaient déjà fait connaissance avec les militants occitans dans les assemblées générales de R&PS, notamment en août 2002 au Grand-Bornand, dont nos amis du Sud gardent un excellent souvenir. Leur accueil de notre délégation à Montpellier a été à la hauteur, notamment grâces aux étonnantes prestations de leurs deux artistes pendant le souper: le chanteur Peire Boissière et le comique Paden.
photo: Alirol (centrer sur visage du personnage de gauche)
légende: Gustave Alirol, président du Partit Occitan.
 
6-3 L'aménagement du territoire en Savoie, ou comment saccager le coeur de l'Europe.
"La Savoie est belle, on y vit et travaille bien, venez nombreux!" Tel est le message entendu depuis de nombreuses années dans toute la France et maintenant dans une bonne partie de l'Europe.
"La Savoie était belle, son peuple est dégoûté, vous y vivrez de plus en plus mal", voilà la conclusion qui pourrait s'imposer dans quelques années.
Le discours prospectif de nos élus locaux est loin d'être rassurant, car le plus souvent il se contente de décliner des directives issues des bureaux parisiens.
Parlons un peu du mal-nommé SCOT, le Schéma de COhérence Territoriale. L'intention semblait bonne: définir un projet d'ensemble, respectueux de la philosophie du développement durable, avant de décliner son application dans chaque commune. La réalité des SCOT démontre qu'ils ne mettront pas un terme à l'urbanisation galopante qui ronge nos vallées.
Les élus, acceptant sans discussion la logique technocratique des fonctionnaires d'État et la pulsion de course à la croissance à tout prix des milieux économiques, se lancent dans la fuite en avant: urbaniser, développer, densifier.
La Savoie est un pays montagneux, une grande partie de son territoire ne convient pas à une présence humaine nombreuse, ou n'est pas habitable du tout. Si l'on retranche toutes ces surfaces (reliefs, hautes montagnes, glaciers, zones à risques naturels, lacs et plans d'eau, forêts, etc.) la densité de population sur le territoire habitable est une des plus élevée d'Europe, avec déjà 400 habitants par kilomètre carré! Les équipements collectifs, surtout en matière de transports, sont en revanche bien moins développés qu'en Europe du nord. La pression est donc particulièrement forte sur notre environnement: route embouteillées, eaux polluées, air empoisonné par les gaz d'échappement des véhicules et les dioxines rejetées par les incinérateurs d'ordures ménagères...
Depuis quarante ans nos élus ont failli au principe "gouverner c'est prévoir". Aujourd'hui ils s'enfoncent un peu plus dans l'irresponsabilité, en acceptant sans s'interroger le moins du monde sur l'arrivée continue, pendant des décennies encore, de dizaines de milliers de nouveaux habitants: dans le seul espace Métropole (d'Albens à Montmélian, 205000 habitants) 45000 arrivées sont attendues d'ici 2020!
Il est légitime de suspecter beaucoup d'entre eux de s'intéresser bien plus à l'aspect mercantile et financier de la construction immobilière qu'à la qualité du territoire qu'ils transmettront aux générations futures. Ce faisant, ils organisent la disparition de l'agriculture, qui perd des centaines d'hectares chaque année. C'est impardonnable.
À force de mettre en péril des équilibres géographiques déjà bien fragilisés, à force de jouer les apprentis-sorciers avec la nature, on file tout droit vers une Savoie bétonnée à outrance et polluée à l'extrême, une sorte d'immence banlieue morne et indifférenciée dont bien des Savoyards auront été expulsés par le pouvoir de l'argent.
La Ligue savoisienne dénonce ce laisser-faire coupable, et travaille à mettre au point des objectifs et des outils pour une bonne politique d'aménagement. Une tâche cruciale et urgente.
Joël Ducros.
 
6-4 Savoir langue garder.
Le développement de la zone frontalière genevoise suscite de nombreuses interrogations, surtout depuis l'entrée en vigueur des accords bilatéraux. Ceux-ci ne seront pleinement effectifs qu'en 2014, mais il est nécessaire de mesurer objectivement les conséquences de ces bilatérales. Pour ce faire, il a été créé un observatoire statistique transfrontalier.
C'est pour prendre connaissance des données démographiques, économiques et sociales de cet observatoire que les élus étaient invités à Gaillard le 2 octobre 2003.
Lors du premier rendez-vous à Genève les invités, inquiets de l'évolution de ce vaste espace de 13000 km2 et peuplé de plus de 2 millions d'habitants, répartis sur les cantons de Vaud et Genève ainsi que sur les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie, n'avaient pas manqué de questionner le préfet Carenco sur l'évolution des pressions foncières et immobilières qui éliminent progressivement de l'espace savoyard certaines catégories sociales. L'évolution des moyens de transport faisait aussi partie de leurs inquiétudes, et nombre d'entre eux étaient déçus que l'on en soit encore à mettre en place un outil d'observation plutôt que d'être au stade des réalisations concrètes dans cette région dynamique qui se développe depuis plus de 40 ans.
Le document de synthèse, fort de 25 pages claires, nous fournit des informations précises, qu'il serait fastidieux de développer dans cet article. Une lacune cependant, l'impact écologique du développement transfrontalier sur la qualité de notre air, notre eau, nos paysages n'est pas abordé.
À la réunion de Gaillard, une nouvelle tactique des autorités devait réduire radicalement les questions de l'assistance, en particulier sur la suppression de la liaison bus Annemasse-Genève via la douane de Fossard par le préfet Carenco (lire écho de Savoie n° 67). Des intervenants arrivés en retard, puis quittant prématurément la tribune, seul monsieur Roland Pascal (directeur des services du département de Haute-Savoie), moins rapide au démarrage que ses voisins, se fit rattraper par une question vaudoise: "le niveau d'implication des fonds frontaliers dans la construction sociale en France?"
Ces fonds, environ 60 millions d'euros par an, sont une partie de l'impôt prélevé sur les travailleurs exerçant en Suisse, et reversé en partie aux départements (12 millions) et en partie aux communes (48 millions), au prorata des salariés qui y résident.
Monsieur Pascal répondit, en chuchotant, qu'il convenait d'être très discret sur ces fonds qui, selon lui, seraient convoités par une autre institution (?).
En totalité, ou seule la part départementale est-elle visée?
Par la Région ou par l'État?
La Tribune de Genève suggérait le 4 décembre que le ministère français des Finances aimerait percevoir les fonds frontaliers pour le compte des départements et communes: dans ce cas, il ne manquerait pas de retenir sa dîme au passage! Pour l'instant le versement direct est garanti par un traité international.
Les communes bénéficiaires aimeraient en savoir plus... Mais sur le principe rien d'étonnant, quand on se rappelle que M. Ernest Nycollin, président du Conseil général, si muet à Lyon aux assises régionales des libertés locales (sic) devant M. Devedjian pour soutenir une Région Savoie, mais si bavard à Thonon face à la présidente de Région Madame Comparini et à la presse, a alors déclaré: "Le Département n'a pas besoin d'argent" ("Le Faucigny" du 25/09/03)!
En cette période de disette française et d'imposition en hausse, les électeurs-payeurs apprécieront et sauront lui rappeler qu'en politique il faut savoir langue garder.
Alain Burtin.
 
6-5 L'Écho de Savoie sauvé par ses lecteurs!
L'équilibre des comptes de votre journal était gravement menacé par la perte d'un procès que lui avait intenté la Compagnie des Alpes, instrument du pouvoir colonial français dans nos montagnes (voir nos éditions précédentes). Une souscription, lancée en septembre dernier, a permis à la Ligue savoisienne de recueillir 9946 euros. Les sommes réclamées par les Avoués ont été réglées en totalité, pour un montant de 7593,62 euros. Le solde (2352,38 euros) est conservé par prévoyance.
L'équipe qui travaille bénévolement à la rédaction du mensuel savoisien est très touchée par l'esprit de solidarité qui s'est manifesté à travers tous ces dons, des plus modestes aux plus importants: le succès de cette souscription constitue un grand encouragement à continuer dans le chemin tracé et à toujours oeuvrer à l'amélioration du principal moyen d'expression de la Ligue savoisienne.
Un très grand merci, et que l'année 2004 soit favorable!
 
6-6 Carnet savoisien.
Gérald Calmus et sa compagne Nathalie Fayard, à Ambilly (Faucigny) sont heureux d'annoncer la naissance de Ryan, né le 13 décembre 2003. Les deux autres prénoms du petit Savoisien sont Gaëtan et Mathias. Beaucoup de bonheur!
Félicitations de L'Écho de Savoie à Fabrice Dugerdil et son épouse, à Passy (Faucigny) pour la naissance de leur fils Auxane.
 
6-7 Petites annonces savoisiennes.
(insertion gratuite pour nos abonnés)
— Carte historique de la Savoie en 1856, éditée sur papier glacé 70X50cm. 3 euros la copie. tel 0450 43 33 95.
— Jeune couple en activité, avec bébé, recherche appartement type F2 ou plus, secteur Thonon, Sciez ou environs. tel. 03 88 62 14 17 ou 06 82 49 30 01.
— Jeune couple recherche pour achat maison avec plusieurs appartements, à rénover; si possible secteur Thônes, Aravis. Étudie toute proposition. Budget 200 000 euros. Écrire ou téléphoner au Secrétariat, qui transmettra.
— Jeune couple achète maison ou chalet, minimum 2 chambres et jardin, même avec travaux. Budget 180 000 euros maximum. Secteurs: Bassin annécien, Albanais est, Faverges, Thorens, Aravis. Appeler (le soir) 0450 32 76 79 ou secrétariat de la Ligue qui transmettra.
— Vends chiots femelles (3 mois) BERGER DE SAVOIE. M. SCHINTY 06 23 74 04 85.
— RECHERCHE films argentiques (pas video) tous formats (principalement 16 mm) tournés en Savoie ou dans la région lémanique (Chablais, Genève, Valais, Vaud). Catégorie indifférente (voyage, famille, sport, films à scénario, fiction, etc.). Courts ou longs métrages, sonores ou muets, noir et blanc ou couleurs, toutes époques. Faire offre au 0450 35 48 97.
— RECHERCHE pour création d'un site internet, tous documents, renseignements concernant les drapeaux et la vexillologie des communes de Savoie. Nicolas Deprez, Chemin de Boissonnet 37, CH-1010 LAUSANNE. tel. 0041 21 652 00 88
 
6-8 Fête de la Savoie le 19 février 2004: à Cluses (Parvis des Esserts).
Ne tardez plus à réserver votre place!
L’anniversaire du couronnement d’Amédée VIII.
C’est par lettres patentes données à Montluel en Bresse, et promulguées à Chambéry le 19 février 1416, que Sigismond de Luxembourg conféra à Amédée VIII et à ses successeurs, à perpétuité, le titre de Duc de Savoie qui remplaça pour eux celui de Comte. Amédée VIII devenait ainsi Prince du Saint-Empire et la Savoie, pleinement souveraine, un État européen à part entière.
Cette année la Fête de la Savoie tombe un jeudi et nous vous attendons très nombreux au Parvis des Esserts à Cluses en Faucigny, pour festoyer, rencontrer tous les dirigeants de la Ligue, chanter et danser en hommage à la Savoie.
Banquet à partir de midi!
 
Menu du banquet:
Salade norvégienne avec saumon fumé
Pot-au-feu de canard avec son riz pilaf, ses petits légumes et son farcement, sauce aux olives
Fromages du pays
Vacherin glacé aux couleurs de la Savoie
Café
 
Tarif et vente des cartes:
La participation au banquet est à 23 euros (12 euros pour enfant de moins de 10 ans).
Les cartes sont en vente au secrétariat de la Ligue savoisienne (2 Avenue de la Mavéria-74940 Annecy le Vieux. 04 50 09 87 13) ou auprès des chanceliers des provinces:
Chablais 0450 72 39 64
Faucigny 0450 93 44 97
Genevois 0450 09 87 13
Maurienne 0479 36 21 46
Savoie Ducale 0479 84 01 00
Tarentaise 0479 07 11 31
Chèques à l'ordre de l'AEF (Amicale d'Entraide du Faucigny).
Plusieurs autocars sont prévus pour vous rendre à Cluses. Renseignements au secrétariat.

 

 
7-1 Le meilleur miel? celui de Savoie!
Les 6 provinces de Savoie sont productrices d’un miel dont la qualité est reconnue partout en Europe. Le miel de montagne en particulier est apprécié des touristes, skieurs ou vacanciers d’été.
Pour valoriser encore ce produit, chaque année depuis 1997, un concours de miel rassemble les apiculteurs des deux départements. Il se tenait cette année à Saint-Pierre en Faucigny. L’an prochain ce sera à Albertville.
Les échantillons (250 grammes) devaient répondre à des critères de sélection très stricts. En premier lieu une analyse physico-chimique.
La deuxième étape du concours consiste en une dégustation des échantillons présentés dans des pots uniformes, anonymes et numérotés. Les dégustateurs, après avoir observé, senti et goûté le miel, notent en fonction de 4 critères: examen visuel (aspect, couleur, propreté), examen olfactif (intensité, typicité), examen gustatif (arômes, saveurs), et examen tactile (consistance, onctuosité, granulation).
Il y eut cette année 225 échantillons à départager et 54 "dégustateurs jurés" venus des deux départements de Savoie mais aussi des départements limitrophes.
Rappelons qu’il existe 4 catégories: le miel de plaine clair, le miel de plaine foncé, le miel de montagne clair, le miel de montagne foncé.
Notre adhérent Jean-Pierre Favre, de Séez (province de Tarentaise) a obtenu deux médailles. Une médaille d’argent pour le miel de plaine clair, une médaille d’argent pour le miel de montagne clair.
C’est une récompense méritée pour ce Savoisien courageux, patient et proche de la nature dont toute la famille adhère à la Ligue Savoisienne. Mangez du miel pour votre santé et pensez à lui pour vos achats!
Guy Martin.
 
Le miel et la santé.
Le miel est produit par les abeilles, à partir du nectar de fleurs et de plantes qu’elles butinent. Il est extrait par centrifugation, on le filtre puis on le laisse au moins trois semaines dans les maturateurs, ensuite il est mis en pots.
Il existe le miel de pays, de terroir, de plaine et de montagne.
Sa composition: Le miel contient des oligo-éléments, calcium, magnésium, potassium, soufre et phosphore mais aussi des protéines. Riche en glucose et en fructose, le miel a un pouvoir plus sucrant que le sucre blanc. Il est conseillé à ceux qui surveillent leur ligne.
Ses bienfaits.
Le miel a de nombreuses vertus. Il cicatrise les plaies et a longtemps été appliqué sur les blessures en temps de guerre. Il régule le transit intestinal, il soulage les gorges irritées. Autrefois, on le mélangeait à du citron ou à du vinaigre de cidre et il servait de sirop contre la toux. Il a aussi des pouvoirs antibactériens, il aide à lutter contre les infections. Il permet également de s’endormir plus facilement.
Comment le choisir?
Un miel jeune est liquide, il cristallise en vieillissant et selon sa variété. Les miels d’importation sont souvent des miels impurs, mal stockés, qui ont souffert de conditions de transport inadéquates, dans lesquels on trouve un excès de sucre.
Préférez les miels de Savoie, des apiculteurs récoltants, surtout des apiculteurs Savoisiens.
La haute Tarentaise compte une centaine d’apiculteurs avec une moyenne de 10 ruches ou "familles" par exploitation, implantées sur toutes les communes pour une pollinisation optimale couvrant tout le territoire.
De tout temps, les abeilles ont joué le rôle de baromètre de la santé et de l’environnement.
Jean-Pierre Favre
Président de la section de Haute-Tarentaise du Rucher des Allobroges.
Membre de la Ligue Savoisienne.
 
7-2 Le commissaire San-Antonio était savoisien!
Le Père Noël ne me réserve généralement que peu de surprises: vêtements de montagne, chaussures de randonnée et bouquins d'alpinisme. Cette année j'ai aussi reçu le dernier San-Antonio, "Ça se corse", et je l'ai lu. Et là, première surprise, je découvre les lignes suivantes page 177:
"C'est parce que ton père était savoyard?
—Savoisien, rectifié-je (c'est San-Antonio qui parle). Papa affirmait que Savoyard était un terme péjoratif construit par les Français sur le modèle de communard, soudard ou pendard pour désigner les autochtones de la Savoie".
Deuxième surprise page 275:
"Il se rasait pourtant tous les soirs en chantant les Allobroges (San-Antonio parle de son père).
— L'hymne indépendantiste de la Savoie, relève Sorgho, tiens, tiens...
— N'établis pas de corrélation entre le "terrorisme" bonasse de mon vieux et l'indépendantisme corse."
Alors, peut-on espérer pour bientôt un "San-Antonio en Savoie souveraine"? Allons Patrice Dard, abade-te!
Michel Hugonnot.
 
7-3 Dessins et Poésies.
Les éditions Le Tour (Marc Mogenet, à Samoëns) présentent un petit recueil de poésies et de dessins en couleurs. Pour votre plaisir ou pour offrir.
"Arts croisés, arts ajoutés. Les nus de Jean Fromin laissent deviner les secrets des filles d'Eve aux belles formes. Jacqueline Fromin nous les révèle avec des mots. Arts croisés, arts conjugués de deux artistes qui se connaissent bien dans la vie de chaque jour et d'unissent avec bonheur pour exprimer les mystères de l'âme au féminin".
(extrait de la présentation de Viviane Sontag)
Bulletin de commande
à envoyer aux éditions Le Tour. 74340 SAMOËNS
Nom, prénom:
Adresse:
Je commande —— exemplaires du livre "L'empire des corps", de Jacqueline et Jean Fromin, au prix unitaire de 12 euros, port inclus.
Je joins un chèque de ——— euros à l'ordre des éditions Le Tour, Marc Mogenet.