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Les sommaires de l'Echo de Savoie Découvrez la Ligue Savoisienne
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Echo de Savoie n°66 (septembre 2003)
A - Sommaire :
1 L'écho de la Ligue   
    1-1 La Compagnie des Alpes veut faire taire L'Écho de Savoie.
    1-2 La Compagnie des Alpes, fleuron de l'économie mixte.
    1-3 Un procès en toute discrétion.
    1-4 La CDA c'est l'État, et les juges aussi.
    1-5 La Ligue savoisienne devient membre observateur de R&PS.
    1-6 Un dimanche en Savoie (Albens, 15 juin 2003).
    1-7 Fête des bûcherons à Aillon le Jeune:
    1-8 Carnet savoisien.
    1-9 Commémoration de la bataille de Méribel le 13 septembre.
    1-10 Les Savoisiens à Nice le 28 septembre.
    1-11 Festival des soupes de Savoie à Doussard le 11 octobre.
    1-12 Souscription pour L'Écho de Savoie.
    1-13 Communiqué de la rédaction de Lyon Mag' Lyon Mag' interpelle le ministre de la justice.
2 Actualités
    2-1 Larzac 2003: Bové superstar. Et après?
    2-2 Canicule et politique
    2-3 Le panier percé de la République.
    2-4 Crise de l'AGS, une menace pour les salariés.
    2-5 Mainmise française sur la presse de Suisse romande.
    2-6 Affaire Executive Life: Nouvelle ponction du Crédit Lyonnais sur les contribuables.
3 Le francoprovençal
    3-1 Le francoprovençal en Savoie: vers une langue commune dans le cadre de l'Europe des peuples.
    3-2 Intervention d'Alen Favro lors du colloque de Carema (Piémont) le 1er mars 2003.
4 Magazine
    4-1 Alain Bexon publie un nouveau livre d'art sur la Savoie.
    4-2 Ripaillez comme des canailles, avec Patrice Combey.
B - Dossiers :
1-1 La Compagnie des Alpes veut faire taire L'Écho de Savoie.
Le 24 juillet dernier, un huissier notifiait à Patrice Abeille, directeur de la rédaction de L'Écho de Savoie, un arrêt de la Cour d'appel de Chambéry daté du 30 juin. Devant cette Cour s'est joué le dernier acte d'une procédure lancée le 27 mars 2000 par la Compagnie des Alpes (CDA) et son président Jean-Pierre Sonois, plaignants rejoints le 29 mars par la Caisse des Dépôts et consignations (CDC). Ces trois parties assignaient au civil, pour diffamation, L'Écho de Savoie, son directeur de publication de l'époque Jean-Paul Cavalié, et les deux auteurs des articles attaqués, Jean de Pingon et Patrice Abeille.
1-2 La Compagnie des Alpes, fleuron de l'économie mixte.
Monsieur Sonois est encore, pour quelques semaines, à la tête d'une société contrôlée par l'État français: la CDA a pour actionnaire majoritaire C3D, filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), instrument financier étatique dont la fondation remonte au 28 avril 1816. Fort d'un sentiment de toute-puissance fondé sur la garantie de l'État, Jean-Pierre Sonois, qui refuse catégoriquement d'être considéré comme un fonctionnaire, s'est emparé, depuis 1989, des remontées mécaniques des stations de sports d'hiver les plus rentables de Savoie: Les Arcs, Tignes, La Plagne, Peisey-Vallandry, Méribel, les Menuires, une partie de Chamonix, puis Flaine et le Grand Massif. Il est resté à l'écart de Val d'Isère et d'Avoriaz, un accord ayant été passé avec la famille Blas (propriétaire des remontées de ces deux stations) qui est entrée au capital de la CDA. N'ayant plus rien d'assez rentable à racheter sur le territoire français, où il contrôle 25% des remontées mécaniques, Jean-Pierre Sonois a pris des positions en Italie (à Courmayeur) puis en Suisse. L'achat de 21,8% du capital de Téléverbier en 1999 (à Verbier, en Valais francophone) puis de 38% des remontées mécaniques de Saas-Fee en 2000 (en Valais germanophone) a soulevé un émoi considérable dans toutes les montagnes suisses. Les autres stations, souvent en difficulté financière, se sont organisées pour se mettre à l'abri des raids du prédateur français Sonois, dont le plan de conquête se révélait en mars 2000 par la création de Swissalp, filiale à 100% de la CDA et désormais propriétaire des titres Téléverbier et Saas-Fee Bergbahnen.
Bloqué dans son expansion en Helvétie, Jean-Pierre Sonois a alors changé de stratégie. En 2002 la CDA a pris le contrôle, par une OPA (Offre Publique d'Achat), de la société Grévin, propriétaire de 11 centres de loisirs, dont les fleurons sont le célèbre Musée Grévin, à Paris, et le Parc Astérix, situé au nord de l'aéroport Charles De Gaulle (à 40 km au nord de Paris). Cette OPA était grandement facilitée par le fait que C3D, actionnaire majoritaire de la CDA, détenait déjà 30% du capital de Grévin. Par cette acquisition, la CDA portait son chiffre d'affaires annuel de 230 à 310 millions d'euros, en rééquilibrant son activité par une saison d'été plus conséquente. Le commentaire de L'Écho de Savoie (n°57, juillet 2002) reste d'actualité: "La CDA démontre donc elle-même qu'elle a réussi à transformer la Tarentaise et quelques autres vallées de Savoie, du Val d'Aoste et du Valais en parcs de loisirs. Les Savoisiens savent donc à qui s'adresser pour obtenir leurs costumes et leurs masques pour tenir leur rôle dans le grand spectacle touristique"...
En janvier 2003, Grévin, désormais filiale de la CDA, rachète le parc aquatique du Bouveret, proche du Léman dans le canton du Valais: Sonois est toujours friand d'acquisitions en Helvétie, même si cette fois ce n'est pas dans la neige mais dans l'eau.
Mais voici qu'arrive la débâcle des finances publiques en France. Francis Mer, l'austère ministre des Finances, cherche à boucher les trous béants de son budget en vendant ce qu'il peut vendre. Un week-end de l'automne 2002 c'est la vente forcée des actions du Crédit Lyonnais que l'État conservait, au début de l'été 2003 c'est 8% du capital de Renault qui sont mis sur le marché, début septembre le Trésor Public se débarrasse de 15% de l'informatique militaire Dassault. Air France et France Télécom sont "dans les tuyaux" mais il faut attendre des jours meilleurs à la Bourse de Paris. Le dossier EDF, un beau morceau, est reporté à une date ultérieure pour ne pas provoquer la CGT... Le démantèlement de la puissante Caisse des Dépôts et Consignations est en marche, de manière plus discrète. Les Caisses d'Épargne vont lui racheter le pôle financier Eulia, l'autorisation ayant été donnée le 23 juillet par Bercy, qui empochera 4 milliards d'euros au passage. Dans le portefeuille de la C3D, Francis Mer a trouvé une pépite, la CDA: bénéficiaire, cette société peut être vendue sans tarder. Hervé Gaymard, roi de Tarentaise, veut sauver les apparences et retarde l'opération jusqu'à ce qu'un accord soit trouvé avec son vieux copain René Carron, président national du Crédit Agricole et Conseiller général du canton de Yenne. C'est donc probablement la "pieuvre verte" qui deviendra le chef de file des actionnaires de la CDA, en remplacement de la Caisse des Dépôts...
Mais l'opération n'est pas encore dénouée, et la CDA, en cet été 2003, se comporte encore selon sa "culture d'entreprise", c'est-à-dire avec la brutalité d'un agent de l'État qui ne supporte pas que quelques indigènes fassent entendre qu'ils ne sont pas d'accord avec les pratiques de l'économie "mixte", dans laquelle la toute-puissance de l'État se combine avec les méthodes du privé pour écraser le marché et "marchandiser" nos montagnes.
1-3 Un procès en toute discrétion.
Dès son numéro 4 (mai 1995) le "Patriote savoisien", publié par la Ligue savoisienne à ses débuts, pointait le rôle d'instrument de pouvoir et de contrôle exercé par la Compagnie des Alpes, qui perpétue en l'aggravant la colonisation française de la Savoie. En effet la CDA a pris le contrôle des activités les plus rentables des stations de sports d'hiver (remontées mécaniques, restaurants d'altitude et ski-shops) en laissant à la charge des contribuables l'entretien des routes, l'élimination des ordures et la gestion de l'eau. Elle est également devenue le premier propriétaire foncier des Alpes, et avec son compère et actionnaire Intrawest elle y orchestre d'immenses programmes immobiliers: hier aux Arcs en Tarentaise, aujourd'hui à Verbier en Valais.
Le "Patriote savoisien" puis "L'Écho de Savoie" ont incité leurs lecteurs à acquérir des actions de la CDA pour pouvoir être informés de l'activité de cette compagnie coloniale. Lorsque la privatisation de la CDA sera accomplie, les actionnaires savoisiens devront décider s'ils conservent leurs titres pour rester impliqués dans la gestion des domaines skiables, ou s'ils les revendent: dans les deux cas ils n'auront pas fait une mauvaise affaire.
En janvier, février et mars 2000, alors que le scandale de "l'affaire Téléverbier" était à son comble, L'Écho de Savoie décidait d'éclairer nos amis valaisans sur la véritable nature de la bande de prédateurs menée par Jean-Pierre Sonois. Sur trois numéros, un copieux dossier fut publié. Il mettait en évidence la sournoiserie de Sonois, qui sait toujours se montrer patelin pour endormir les défenses de sa proie: à propos de l'achat, en deux temps, de 21,8% de Téléverbier, Jean-Pierre Sonois était qualifié de "menteur". Dans une autre partie du dossier était exposé le rôle joué par la Caisse des Dépôts et Consignations comme receleur du produit de la spoliation des Juifs de France par le gouvernement du maréchal Pétain: ce receleur, à cause de mystérieux "dysfonctionnements", a tardé jusqu'à la fin du vingtième siècle pour restituer aux héritiers des victimes de la Shoah l'intégralité des sommes confisquées...
Les messieurs de Boulogne-Billancourt (siège de la CDA, aux portes du 16e. arrondissement de Paris) se sont étranglés de rage à la lecture de ce dossier. Dans un premier temps, c'est le président de la Caisse des Dépôts et Consignations, Daniel Lebègue, qui en personne est monté au créneau: il demandait et obtenait un droit de réponse dans le n° 40 de L'Écho (mars 2000). Le texte de monsieur Lebègue, qui exprimait une "sympathie" et une "solidarité active" à la CDA, fut commenté sévèrement par Jean de Pingon: on se reportera aux trois numéros cités de L'Écho de Savoie pour reparcourir l'ensemble de la controverse.
La persistance de L'Écho de Savoie à mettre en lumière la vieille collusion de l'État et de la CDC avec tous les pouvoirs, même les plus criminels, devenait intolérable pour Sonois et ses compères. On ne répètera jamais assez que L'Écho de Savoie, dont les ventes restent modestes dans les six provinces savoisiennes, est lu très attentivement par nos adversaires: il s'est trouvé au moins une personne pour acheter ce journal et l'expédier d'urgence à messieurs Sonois et Lebègue, qui ne pouvaient pas en faire l'emplette auprès d'une boutique de presse à Paris...
Une assignation fut donc lancée les 27 et 29 mars dans une procédure en diffamation. Sonois, la CDA et la CDC faisaient intervenir un avocat bien connu au barreau de Paris: Me. Yves Baudelot, qui s'est maintes fois illustré comme l'avocat du journal "Le Monde", de M. Jean-Claude Trichet (futur gouverneur de la Banque Centrale Européenne et longtemps entravé dans sa carrière pour avoir couvert, en sa qualité de Directeur du Trésor, les errements du Crédit Lyonnais) et même de la SNCF accusée devant un tribunal de Brooklyn (USA) d'avoir activement participé à la déportation des Juifs de France...
En première instance, l'affaire fut examinée par un juge unique, faisant fonction de Tribunal de Grande Instance de Chambéry. C'était le 18 octobre 2001, au palais de justice de Chambéry. Dans la salle d'audience étaient présents plusieurs journalistes, parmi lesquels Frédéric Chiola, chroniqueur judiciaire du "Dauphiné Libéré", et Philippe Révil, correspondant du journal "Le Monde". Ils purent entendre Me. Yves Baudelot et, en réponse, Me. Alain Jakubowicz, qui défendait les intérêts de L'Écho de Savoie, de Jean-Paul Cavalié, de Jean de Pingon et de Patrice Abeille. Me. Jakubowicz, du barreau de Lyon, s'est déjà fait connaître en Savoie comme avocat des familles des victimes de l'incendie du tunnel du Mont-Blanc; il est aussi le président régional du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions juives de France). Pourtant, l'audience du 18 octobre 2001 ne fut rapportée dans aucun organe de presse, à l'exception de la télévision locale TV8 Mont-Blanc, laquelle ne fournissait évidemment pas le dossier qui aurait pu permettre au téléspectateur de comprendre de quoi il s'agissait...
Le jugement du juge Lapèze fut rendu le 10 janvier 2002. Il condamnait les Savoisiens d'une manière extravagante et contraire à toute la jurisprudence.
Les Savoisiens ont fait appel. La Cour d'Appel de Chambéry les a entendus le 2 juin 2003. Cette audience se tenait dans la salle solennelle du palais de Justice de Chambéry, décorée d'un portrait de Napoléon III offert par l'Empereur, et des résultats du plébiscite scélérat de 1860 gravés dans le marbre. Derrière les magistrats de la Cour, on pouvait voir les anciens symboles de la souveraineté de la Savoie, une masse et deux aiguillettes d'argent aujourd'hui confisquées par les représentants du ministère française de la Justice.
Me. Alain Jakubowicz répéta devant la Cour les arguments de L'Écho de Savoie: oui, il y avait bien eu, en 1999, un "portage" de titres de Téléverbier, assuré par la société de Bourse Pinatton, portage permettant à la CDA d'acquérir d'abord 5%, puis 16,8% afin d'atteindre 21,8% du capital de cette entreprise et d'ainsi devenir le plus gros actionnaire, et de loin; oui, il y avait bien spoliation des Juifs de France, oui la CDC avait conservé, bien au-delà de la date de la création de sa filiale CDA en 1989, une partie du produit de cette spoliation...
La plaidoirie adverse de Me. Yves Baudelot fut moins brillante mais plus efficace. L'avocat du pouvoir colonial parisien, empêtré dans des lapsus et approximations, fit toutefois passer aux magistrats un message limpide. "Nous sommes la Compagnie des Alpes, nous sommes la Caisse des Dépôts et Consignations, nous sommes donc l'État", assénait-il en des formules répétitives. Or l'État n'a pas fauté, et s'il a d'aventure constaté des "dysfonctionnements" dans ses services, il y a promptement et spontanément porté remède (ce qui est contesté par Me. Jakubowicz, qui affirme que l'ouverture d'une enquête sur les agissements coupables de la CDC n'est due qu'à l'insistance de ses amis Serge Klarsfeld et Jean Kahn). L'Écho de Savoie et ses auteurs sont des mécréants, animés de ressentiment, et il faut les punir...
1-4 La CDA c'est l'État, et les juges aussi.
La Cour d'appel a parfaitement entendu le message de Me. Baudelot. Madame Batut, monsieur Jicquel et monsieur Billy, membres de la Cour d'appel de Chambéry, ne sont-ils pas rémunérés par l'État français, propriétaire de la Compagnie des Alpes? N'est-ce pas l'État français qui les nomme à leur poste et qui régit l'avancement de leur carrière?
Dans ces conditions, la condamnation de L'Écho de Savoie était une nécessité, par raison d'État. Les attendus de l'arrêt de la Cour d'appel méritent néanmoins d'être lus attentivement.
Sur la spoliation des Juifs de France, la Cour ose affirmer "que la proportion des avoirs juifs pouvant être inclus dans le capital de la CDA n'a à l'évidence pas concouru, de manière significative, aux investissements réalisés par cette société, de sorte qu'il est mensonger de l'accuser de faire "fructifier" les biens dont les Juifs ont été spoliés;" En somme, il s'agit d'un "détail" dans les nombreuses activités de la CDC. Il serait donc licite, au regard de la Cour d'appel de Chambéry, de spolier les Juifs avant de les envoyer dans les camps de mise à mort, à condition que le produit de cette spoliation ne se voie pas trop dans la comptabilité...
Sur le caractère politique et polémique de L'Écho de Savoie, organe des indépendantistes savoisiens, la Cour précise le droit à sa manière: "c'est seulement dans le domaine de la polémique politique portant sur les opinions et doctrines relatives au fonctionnement des institutions fondamentales de l'État que la bonne foi n'est pas nécessairement subordonnée à la prudence dans l'expression de la pensée;" et encore: "qu'il ne suffit pas de qualifier la CDA "d'instrument colonial français en Savoie", portant comme tel "atteinte aux droits des peuples —et donc des Savoisiens— de disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles" pour inscrire le débat dans une polémique politique répondant à une attente légitime du public;"
Si l'on a bien lu, il ne serait donc pas permis d'écrire que trois dirigeants d'ALSTOM sont des fripouilles, car ils se sont partagé 15 millions d'euros d'indemnités de départ après avoir mis leur entreprise en état de faillite: ALSTOM, société privée jusqu'à ce que l'État français ne décide de participer à son capital, n'est en effet pas une des "institutions fondamentales de l'État"...
(Sous la pression des médias, l'un de ces dirigeants, M. Bilger, a annoncé le 18 août qu'il renonçait à une partie de ses indemnités; cela ne change rien au procédé, et on est sans nouvelles des deux autres...)
Quant à "l'attente légitime du public", on sait bien que le public attend, demande, réclame, exige des journaux de qualité, du style du "Dauphiné Libéré"...
L'Écho de Savoie et ses responsables et auteurs ont donc perdu leur procès. Ils ont décidé de ne pas se pourvoir en cassation, devant d'autres magistrats rémunérés par l'État français, car un tel recours nécessiterait des dépenses excédant largement les ressources du mensuel savoisien et de ses lecteurs, sans offrir aucune perspective de succès.
La Cour d'appel a tout de même réduit les prétentions de la CDA: en première instance, elle avait obtenu le droit de faire publier des extraits du jugement dans deux journaux de son choix, sans limitation du coût de ces insertions; en appel, cette possibilité a été réduite à un maximum de 2000 euros par insertion.
Nous ne savons pas encore si la CDA, en voie de privatisation, voudra faire exécuter l'arrêt de la Cour d'appel de Chambéry. Elle préférera peut-être laisser cette affaire loin de toute publicité médiatique. Mais déjà l'avoué choisi par la CDA nous réclame le paiement des frais et indemnités. Les dommages et intérêts ne se montent qu'à 15 centimes d'euro (conversion du Franc symbolique demandé en 2000); mais les indemnités allouées à la partie adverse sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile se totalisent à 5700 euros, sous réserve des dépens qui seront également mis à la charge des Savoisiens, et du coût éventuel des publications. On voit bien que Sonois et la CDA, qui se donnent l'élégance de ne réclamer directement que 0,15 euros, espèrent en réalité étouffer L'Écho de Savoie sous le poids des frais de justice.
Le Bureau exécutif de la Ligue savoisienne a donc décidé, le 3 août 2003, de lancer une souscription auprès de ses adhérents et sympathisants, afin de permettre à L'Écho de Savoie de survivre à cette attaque brutale.
1-5 La Ligue savoisienne devient membre observateur de R&PS.
Depuis huit ans, la Fédération Régions et Peuples Solidaires (R&PS) coordonne les activités des partis politiques et mouvements qui luttent contre un centralisme français oppresseur, désuet et inefficace. Chaque année l'assemblée générale de R&PS choisit un lieu d'accueil dans une des régions où ses membres sont implantés, les rencontres s'étendant sur trois jours, une véritable "université d'été" permettant aux délégués de confronter leurs expériences avec celles des universitaires, des experts et de responsables politiques venus d'autres contrées.
En août 2002 ce forum avait pour cadre le Grand Bornand, au cœur des Aravis, dans notre Savoie; de nombreux Savoisiens avaient pu suivre les débats et nouer des contacts amicaux, au fil des journées, des soirées et des visites, avec des personnes très diverses mais unies par leur engagement identitaire et démocratique. Lors de la dernière matinée, Jean de Pingon et Patrice Abeille avaient présenté à une centaine de délégués la Savoie, son histoire, son statut juridique particulier de pays annexé, et la brève mais foisonnante histoire de la Ligue savoisienne.
Cette année, l'université d'été et l'assemblée générale de R&PS se tenaient à Bayonne, du 21 au 24 août, à l'invitation des deux partis membres basques PNB et EA. Trois thèmes de réflexion avaient été retenus: l'envolée des prix du foncier et de l'immobilier (aussi forte au Pays Basque qu'en Savoie) qui rend le logement inaccessible aux jeunes du pays; la pollution maritime par les marées noires et autres menaces écologiques; les nations sans État dans la future constitution de l'Union européenne. Deux de ces trois sujets intéressent particulièrement les Savoisiens, qui ont pu élargir leur information et ainsi inscrire leur engagement au sein d'une démarche commune.
Les conséquences sanitaires catastrophiques de la canicule en France (cas unique en Europe) ont été aussi analysées: le centralisme et l'immobilisme qu'il génère viennent de démontrer qu'ils pouvaient aussi tuer... R&PS, dans son communiqué final, se prononce clairement pour des services publics régionalisés. Les élections de 2004 (européennes, régionales, cantonales) ont fait l'objet d'autres discussions, chaque parti membre conservant toute sa liberté d'action.
L'université d'été à Bayonne a connu un très grand succès, puisque près de 250 militants s'y sont retrouvés pendant trois jours, une affluence jamais atteinte précédemment. Déjà, la présentation de 112 candidatures sous le regroupement R&PS aux législatives de 2002 constituait une performance inédite dans l'histoire de la république française. Année après année, la fédération Régions et Peuples Solidaires s'affirme comme une force politique, même si le centralisme français réunit toutes les conditions pour tenter de l'étouffer.
Jusqu'à présent, seul le Mouvement Région Savoie (MRS) représentait notre nation au sein de R&PS. Au Grand-Bornand, les dirigeants de la Fédération avaient sollicité l'adhésion de la Ligue savoisienne. À Bayonne, celle-ci a été admise en tant que membre observateur.
R&PS fédère les partis suivants, qui tous se déclarent partisans de la démocratie et rejettent la violence politique et la clandestinité: UPA-EVU (Union du Peuple Alsacien - Elsässische Volksunion), EA (Eusko Alkartasuna - Solidarité Basque), PNB (Parti Nationaliste Basque), UDB (Union Démocratique Bretonne), Frankiz Breizh (Liberté Bretagne), Bloc Catala (de la Catalogne Nord), ERC (Esquerra Nacionalista Catalana), PNC (Parti de la Nation Corse), POC (Partit Occitan), MRS (Mouvement Région Savoie), et maintenant Ligue savoisienne (à titre d'observateur).
La délégation savoisienne était conduite par Thierry Dupassieux et Alain Favre (respectivement président et secrétaire du MRS), ainsi que, pour la Ligue savoisienne, par Christian Montagnon (membre du Bureau exécutif) et Evelyne Anthoine (chancelier du Genevois).
1-6 Un dimanche en Savoie (Albens, 15 juin 2003).
Albens, gros bourg de l'Albanais, dimanche 15 juin, vogue annuelle. Avec, tradition oblige, couronnement de la Rosière en fin de matinée. Depuis 1917 en effet, suivant les dispositions du legs de sieur Benoît Perret, chaque année une jeune fille de la commune est mise à l'honneur.
Cette année, en plus des manifestations traditionnelles, la municipalité a voulu fêter le millénaire de la Savoie, avec montée des couleurs, en présence de la Compagnie de Savoie et d'une délégation de Ceneselli, commune de Vénétie jumelée avec Albens.
Sur une idée de l'association Amédée III, une quarantaine de Savoisiens s'étaient invités à assister à la cérémonie. Rassemblés devant le centre administratif, nous sommes vite repérés et reconnus...
La cérémonie débute: rappel bref, mais alors très bref, de l'histoire par un membre de la Compagnie de Savoie: mille ans d'histoire en quatre ou cinq phrases! C'est vrai ça, pourquoi s'éterniser et entrer dans les détails? Il ne faudrait tout de même pas que les braves gens en viennent à se poser des questions! S'ils veulent connaître leur passé, ils n'ont qu'à faire comme tout le monde, aller à l'université et préparer une thèse d'histoire!À l'époque de leurs arrière-grands-parents, on peut comprendre que l'école de la République leur ait appris un condensé de l'histoire savoisienne pour donner le change, mais à l'heure actuelle ils n'ont pas besoin de cela pour payer l'impôt.
Ensuite, montée des couleurs accompagnée de trois notes au clairon. Dix minutes, top chrono, terminé!
C'était compter sans les Savoisiens. Nous avions confectionné une magnifique croix de Savoie en ballons, de trois mètres par trois, et nous l'avons lâchée lorsque le "drapeau du millénaire" a atteint le sommet du mât: applaudissements de l'assistance et gêne visible des élus...
Nous nous attendions tous à accompagner la fanfare en chantant les Allobroges, eh bien non! Faut pas rêver! Encore, on a évité la Marseillaise, on a eu chaud!
Ensuite, prise de parole par le maire d'Albens, Conseiller général, Claude Giroud. L'homme connaît son boulot, le discours est bien rôdé: compliments à la jeune Rosière, aux demoiselles d'honneur, un petit mot aux maires du canton et à quelques personnes en particulier. Discours général sur l'agriculture, les entreprises locales, récompenses à quelque sportif ou club pour leurs prestations annuelles, à la fin les gens ne savent plus très bien pourquoi ils sont venus. Après le traditionnel échange de cadeaux, une brave dame est sollicitée pour chanter au micro "Étoile des neiges". Parfait!
N'empêche, elle était belle notre croix rouge et blanche lorsqu'elle s'est élancée dans le ciel d'azur! Longtemps nous avons pu la suivre des yeux.
Rien ne va plus en France, il faut être sourd et aveugle pour ne pas se poser de questions, pour croire encore aux paroles sucrées que les politiques d'en bas comme d'en haut nous servent à chaque occasion. Le bloc se fissure, la "grande nation" vacille. Dans le concert des pays européens elle fait de plus en plus souvent figure de mauvais élève. Tôt ou tard, comme nous avons fait ce dimanche-là, et si nous l'aidons un peu, elle finira bien par lâcher la ficelle!
Josiane Baulat.
photo 1: Croix de Savoie géante prête à l'envol (avec un bouquet vert-blanc-rouge par amitié pour la ville jumelée de Ceneselli)
1-7 Fête des bûcherons à Aillon le Jeune:
Magnifique participation savoisienne.
Comme chaque année, des bûcherons de compétition s'affrontaient dans des épreuves techniques au cœur des Bauges: c'était le dimanche 3 août à Aillon le Jeune.
La nouveauté, c'était que la restauration était assurée par les Savoisiens de l'amicale Amédée III. Ils avaient installé, sous un grand chapiteau, deux puissantes machines: une chaudière pour cuire des centaines de diots et de tranches de lard, et une autre machine de cuisson (un engin unique et très performant conçu et réalisé par Claude Rouge-Carrassat) pour préparer la soupe dans un grand chaudron de cuivre.
En complément de la soupe "bûcheronne" (dont la recette avait été expérimentée en novembre 2002 lors d'une grande fête populaire à Saint-Germain la Chambotte) les Savoisiens proposaient de la Tome des Bauges et un beignet aux framboises.
Plus de 240 convives ont été servis, ils se sont partagé 170 litres de soupe. Tel était le résultat d'un travail bien organisé et effectué par de nombreux bénévoles. Toute la journée du samedi avait été nécessaire pour la préparation des légumes. Le dimanche, le feu fut allumé dès six heures sous le chaudron, et à partir de dix heures la soupe fut remuée continuellement.
Claude Rouge-Carrassat, Marc Virot et Jean-Paul Baulat ont été les chefs de cuisine de cette grandiose soupe. Josy Baulat, Madeleine Cognard, Joëlle Aldon, Marie Andrian, Jean-Paul Cavalié, Joël Ducros, Claude Millioz, Rose-Marie Billard et Marcelle Montagnon ont apporté leurs talents et leurs efforts à la réussite de cette journée de fête (sans compter toutes celles et tous ceux qui ont été oublié(e)s dans cette liste).
Parmi les attractions de la fête des bûcherons, le jeu traditionnel savoisien du "coinchon" a remporté un vif succès, en particulier auprès des enfants et des jeunes qui le découvraient. De nombreuses parties de "coinchon" ont initié un vaste public à ce jeu, dont des championnats sont en préparation.
Les moments successifs de la fête des bûcherons ont vibré au son des mélodies de la musique "L'avenir d'Albens" qui, en grand uniforme, participait aux réjouissances.
photo sans légende: Aillon.
1-8 Carnet savoisien.
Nous sommes heureux d'annoncer la naissance, le 21 juin 2003, d'Émilien (3kg110, 49cm), petit frère de Léonie, au foyer de Christelle et Benoît Vion, à Bozel (Tarentaise).
Disparition d'Hubert Mudry.
L'un des frères de Pierre Mudry (membre du Conseil consultatif de la Ligue savoisienne) travaillait à la pisciculture de Thonon. Lundi matin premier septembre il était parti sur le lac pour un alevinage. Son bateau a été retrouvé sans occupant par des pêcheurs. Les recherches n'ont pas permis de ramener le corps d'Hubert Mudry. À son épouse (ils n'avaient pas d'enfant), à Pierre Mudry et à sa nombreuse famille, L'Écho de Savoie souhaite dire simplement sa grande tristesse et son soutien moral. Hubert Mudry avait 49 ans.
1-9 Province du Faucigny:
Commémoration de la bataille de Méribel le 13 septembre.
Comme chaque année, les Savoisiens du Faucigny vous invitent à les rejoindre pour célébrer le souvenir de la bataille qui opposa, près de Sallanches en septembre 1793, des patriotes savoisiens, valdôtains et piémontais à une armée d'occupation française.
Le rendez-vous est d'ores et déjà fixé à 15 heures le samedi 13 septembre, au lac des Ilettes, à proximité de l'aérodrome de Sallanches.
1-10 Les Savoisiens à Nice le 28 septembre.
L'acte de Dédition de Nice à la Maison de Savoie, par lequel les libres Niçois se plaçaient sous la protection de la prestigieuse Maison de Chambéry, fut signé le 28 septembre 1388 devant l'Abbaye de Saint-Pons, sur les hauteurs de Nice, à l'endroit où Amédée VII, dit le Comte Rouge, avait dressé son camp.
615 ans plus tard, le même jour, au même endroit nous allons renouer les liens historiques de la Savoie avec Nice.
Autour d'un même projet: retrouver notre souveraineté, c'est-à-dire notre liberté.
Compte-rendu dans notre prochain numéro.
1-11 à Doussard le 11 octobre:
Festival des soupes de Savoie!
Les Comités provinciaux des six Provinces de Savoie se préparent pour une compétition inédite: le festival des soupes de Savoie. Ils vous invitent à venir déguster à Doussard (salle des fêtes) des soupes préparées selon des recettes originales et exclusives. Plus de six marmites au total, puisque des Piémontais, des Valdôtains et des Valaisans sont aussi conviés à la grande fête de la soupe.
Les participants, moyennant l'achat d'un bol (12 euros), goûteront à toutes les soupes et voteront pour désigner le vainqueur du festival.
Ambiance garantie! Dégustation à partir de 19h30! Soirée dansante!
1-12 Souscription pour L'Écho de Savoie.
Vous appréciez L'Écho de Savoie, car vous y trouvez chaque mois (ou presque!) des informations et des analyses qui sont interdites dans le reste de la presse. Votre journal n'a que des ressources limitées: les publicités de ses rares annonceurs, les ventes au numéro, les abonnements, et les paiements de la Ligue savoisienne pour l'abonnement offert à ses adhérents. Les sommes mises par la Cour d'appel de Chambéry à la charge de l'Écho de Savoie, de Jean-Paul Cavalié, de Patrice Abeille et de Jean de Pingon, condamnés "in solidum", mettent en péril les finances de votre journal. C'est le moment de venir à son aide. Votre don, même modeste, sera une contribution précieuse pour la continuation de L'Écho de Savoie.
L'Écho de Savoie rendra compte, dans ses prochaines éditions, du produit de la souscription et des sommes payées dans le cadre du procès intenté par la CDA.
Envoyez vos dons à la Ligue savoisienne (2 avenue de la Mavéria, 74940 Annecy le Vieux) en précisant au dos de votre chèque "souscription Écho de Savoie".
1-13 Communiqué de la rédaction de Lyon Mag'
Lyon Mag' interpelle le ministre de la justice.
Même si la Cour d'appel de Lyon a allégé le jugement prononcé il y a six mois par le tribunal de Villefranche qui condamnait à mort le magazine Lyon Mag', cette décision est une défaite pour la liberté de critique. Car elle sanctionne un média qui a simplement donné la parole à un expert affirmant que le Beaujolais est "un vin de merde" parce que ce vignoble a toujours eu une priorité: produire plus, au détriment de la qualité. Une décision qui ne sera pas sans conséquence pour la liberté de la presse et la liberté d'expression.
Même si la plupart des magistrats travaillent honnêtement, l'équipe de Lyon Mag' ne se fait plus d'illusion sur le système judiciaire, ses réseaux, les pressions discrètes, les impératifs de carrière pour un juge... D'ailleurs après cette décision, on peut légitimement s'interroger. C'est pour ça qu'aujourd'hui, Lyon Mag' interpelle le ministre de la justice qui comme par hasard a déclaré, il y a quelques mois, qu'il voulait conquérir la mairie de Lyon. Et nous demandons à Dominique Perben si cette condamnation de Lyon Mag' est une étape dans sa conquête de Lyon. Une étape où il fallait éliminer le dernier journal indépendant dans cette ville où la presse est entièrement aux mains du groupe Hersant-Dassault.
Cette question au ministre de la justice, c'est aussi des dizaines de milliers de Lyonnais qui la lui posent, les lecteurs de Lyon Mag'. La justice a pensé que cette condamnation passerait inaperçue en plein mois d'août. Mais l'équipe de Lyon Mag' est aujourd'hui mobilisée pour défendre son indépendance et sa liberté. C'est pour ça que nous allons déposer un pourvoi en cassation pour pouvoir saisir la cour européenne des droits de l'homme qui depuis des années a toujours été très soucieuse de protéger les libertés fondamentales.
Quant à la promesse des riches viticulteurs du beaujolais de ne pas exiger le paiement de cette condamnation qui au total s'élève à plus de 110 000 euros, l'équipe de Lyon Mag' reste sceptique, d'autant que cette promesse est assortie d'un chantage au silence sur cette affaire.
Malgré les pressions, Lyon Mag' continuera à exercer sa liberté de critique. Sans se laisser influencer par cette décision qui est bien sûr une tentative d'intimidation contre notre magazine qui dérange par son indépendance.
Mercredi 13 août 2003
2-1 Larzac 2003: Bové superstar. Et après?
par Éric Vèrnêr.
Larzac 2003, je dois bien l’avouer, j’y suis allé pour les concerts, en particulier celui de Manu Chao que je n’avais pas pu voir à la fête de l’Huma à Paris, tellement il y avait de monde massé devant la scène. C’est donc avec un œil béotien que j’ai observé ce festival organisé par la Confédération paysanne, et c’est à travers mon filtre que je vous en livre mes impressions.
Pour ce qui est de l’aspect extérieur, le site était proprement énorme. Je n’avais jamais rien vu de tel, et pourtant je suis un habitué des festivals. La première chose qui m’a frappé et séduit c’est que le festival était bilingue, occitan/français. Les affichages et les annonces étaient pratiqués dans les deux langues. Un beau pied de nez au rouleau compresseur linguistique français. Partout des drapeaux occitans, un drapeau basque qui traînait, pas un drapeau français! Beaucoup de drapeaux palestiniens aussi, car visiblement la confédération paysanne et ses alliés ne dissocient pas le soutien à la Palestine de leur lutte contre les OGM et l’OMC (?). Un curieux mélange de régionalisme et d’internationalisme, mais qui n’est peut-être que conjoncturel, dû au rapprochement de groupes comme Attac et la Confédération paysanne. Cette entente est-elle faite pour durer? Défendre les intérêts des peuples face à l’impérialisme, certes j’adhère, mais je me méfie toujours du discours des gens d’extrême gauche, chez qui on retrouve au final une sorte d’impérialisme communisant, qui ne laisse pas plus de place à la différence que l’autre impérialisme, le libéral. Bref, donc l’Occitanie était présente (on marchait sur son sol!), mais elle faisait un peu cavalier seul sur ce festival. J’avais oublié mon drapeau de Savoie.
Dans les conférences-débats, j’ai retrouvé ce que je déteste habituellement chez les communistes de la fête de l’Huma, c’est-à-dire des parleurs professionnels qui n’apportent aucune information, et qui se contentent de lancer des mots-clés hallucinogènes tels que "lutte", "combat", "impérialisme", etc. Du patati-patata réchauffé, qui ne sert qu’à se faire mousser et ne fait pas avancer le schmilblik d’un iota. MAIS, par contre, j’ai pu avec plaisir assister à quelques conférences dans lesquelles les orateurs avaient vraiment de l’info utile à faire passer, telle que cette conférence sur les semences que je vais tenter de vous résumer. Le problème des semences est digne de préoccuper une grande partie de la population occidentale, et peut-être d’ailleurs. Les groupes semenciers sont en train de S’APPROPRIER la liberté de produire des semences, dans la continuité de l’appropriation systématique des libertés humaines que l’on peut clairement observer au moins depuis la révolution industrielle. Les agriculteurs, qui actuellement produisent eux-mêmes les semences dont ils ont besoin, doivent verser une compensation pour le manque à gagner aux groupes semenciers, qui eux-mêmes en parallèle essayent d’imposer leur semence transgénique à usage unique, c’est à dire stérile! Le tout ayant donc pour but de rendre les agriculteurs entièrement dépendants de leurs services. Pour obtenir des aides financières par exemple, il faut obligatoirement acheter ses semences chez eux. Donc entre une semence que l’on paye moitié prix parce que subventionnée, et une semence que l’on paye 1,5 fois son prix parce que taxée pour sa liberté, on voit bien que dans ces conditions, la première sera plus facilement choisie, et le danger qu’elle représente pour l’autonomie alimentaire et la biodiversité est réel. Et jusqu’ici je n’ai pas parlé des préoccupations qui animent une partie de la population, et qui concernent la sécurité alimentaire. On est bien loin de connaître et maîtriser les retombées de la consommation d’OGM, ni de leur diffusion dans l’environnement naturel, pas plus que d’évaluer le danger de la sur-spécialisation génétique face à des maladies nouvelles, par exemple. Tout système trop spécialisé est pénalisé face à l’imprévu, c’est aussi vrai pour les organismes vivants que pour les sociétés humaines et les individus. Que se passerait-il si on ne cultivait qu’une seule variété de blé, même très productive, et qu’une maladie nouvelle venait en décimer les récoltes sur un territoire très étendu (ce qui d’ailleurs pourrait très bien être le scénario d’une attaque bactériologique)? On voit donc bien que ce problème des semences est le problème central duquel découle celui de l’autonomie et de la sécurité alimentaire, de la biodiversité, de la pollution génétique. De l’autre côté, ces groupes semenciers sont liés à la finance internationale et à l’OMC, celle-là même qui n’admet aucune limite à sa propre liberté, et qui considère qu’un échange juste est un échange sans contraintes, un peu comme cette idéologie qui conduit les Savoisiens à ne plus pouvoir se loger dans le pays où ils ont grandi, sous le prétexte de la loi de l’offre et de la demande. L’idéologie "des grandes lois pour tout le monde" conduit toujours aux mêmes conséquences, lorsqu’elles sont décidées par une minorité sans le consentement de l’unanimité. Bref, l’agriculture libre, cultivant des espèces locales, est toujours possible mais devient tellement chère qu’elle est impraticable dans les faits. Pas de cochons sapaudiens, ni d’abeilles savoisiennes, sauf si on peut vendre les produits le double du prix habituel (c’est une boutade, le problème ne concerne pour l’instant que les semences, mais l’exemple est tout de même signifiant car il peut peut-être aussi s’appliquer pour des végétaux endémiques).
Bon, et le régionalisme alors dans tout ça? Car pour faire le lien, qui dit agriculture libre et espèces locales, dit forcément gestion locale... Bové a fait, à la fin du concert de Manu Chao, une longue intervention que j’ai beaucoup appréciée. Il a entre autre parlé de soutien aux Corses et aux Basques pour qu’ils puissent librement enseigner dans leurs langues si ils le souhaitent, et de la révolution intérieure qu’il faut opérer si l’on veut aller vers un monde plus sain, en acceptant notamment de changer nos modes de consommation. Malheureusement je n’ai entendu parler ni de la Savoie, ni de mes amis bretons. J’aurai voulu savoir, chers amis de la Confédération paysanne, si il s’agit là d’un oubli d’un discours à moitié improvisé, ou si il ne s’agissait que d’une décoration démagogique masquant des intérêts politiques plus pervers et carrément cachés.
J’en reste donc là pour ce Larzac 2003, séduit mais sur mes gardes, dans l’attente d’en voir plus. Quelle direction prendra donc ce mouvement, deviendra-t-il vraiment un chaudron où la créativité et la diversité seront les moteurs, ou deviendra t-il un mouvement sclérosé par le dogmatisme au service d’intérêts individuels? J’attends, on verra bien.
E.V.
 
Notes de la rédaction:
1— Pour approfondir la réflexion sur le "bovisme", on lira utilement l'article du chercheur Zaki Laïdi paru dans "Libération" le 2 septembre 2003 sous le titre "Déconstruire José Bové". L'auteur désapprouve catégoriquement le combat de "l'extrême gauche des champs" contre l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce): "Celle qui veut relancer l'offensive contre la "mondialisation libérale" en recourant à la stratégie classique de la gauche radicale: une critique systématique du capitalisme mondialisé, mais une difficulté réelle à avancer des propositions constructives. Tout détruire pour ne rien assumer: voilà le fil rouge qui relie l'extrême gauche des villes à celle des champs".
Z. Laïdi considère comme une sottise de vouloir "combattre l'OMC", une organisation au sein de laquelle les pays en voie de développement (les pays pauvres) sont majoritaires. Il préconise au contraire de donner à l'OMC davantage de moyens pour réguler le commerce mondial en fonction d'expertises scientifiques et de valeurs humaines universelles, afin de "dégager une voie moyenne (réformiste) entre une libéralisation débridée et un protectionnisme magnifié"...
2— Sur le plan de la politique politicienne, le rassemblement du Larzac est un cas d'école pour les étudiants de science politique. José Bové était en prison, et ne devait en sortir que vers Noël, compte tenu de la grâce présidentielle prononcée le 14 juillet. Mais voilà qu'un juge le libère, sans opposition du procureur, lequel est officiellement soumis aux directives du ministre de la Justice. Sa peine de prison est remplacée par une tâche d'intérêt général, compte tenu de sa bonne conduite. Pourquoi pas? Mais au lieu de l'envoyer servir ses concitoyens dans quelque association caritative ou d'entretien de l'environnement (n'est-il pas agriculteur de profession?) le juge lui impose d'organiser un rassemblement politique au Larzac. "Faites l'agitateur, le contestataire, le révolutionnaire, c'est la Justice qui vous l'ordonne, et si vous ne le faites pas, nous vous remettons en prison!", tel est en substance le message reçu par José Bové, qui ne se l'est pas fait dire deux fois.
Autour de la Confédération paysanne et des altermondialistes, l'ultra-gauche se rassemble et sa popularité monte en flèche: c'est la tendance à la mode, et l'ambiance musicale est garantie, malgré l'absence regrettée du rock de "Noir Désir", dont l'un des musiciens est retenu par d'autres engagements à Vilnius (Lituanie)...
Voilà qui inquiète considérablement le Parti Socialiste, dont les timides représentations ont été violemment prises à partie et expulsées manu militari, au Larzac en août comme à Annemasse au moment du G8 début juin. L'UMP joue Bové contre la Gauche, exactement de la même manière que le PS jouait Le Pen contre la Droite jusqu'à ce que cette machine lui explose à la figure, au printemps 2002, en éliminant le candidat Jospin.
La roue tourne, mais à ce moulin c'est la démocratie qui est broyée...
2-2 Canicule et politique
Il faut toujours recevoir avec circonspection les tombereaux d'images et de paroles que nous livrent quotidiennement les médias hexagonaux. Ainsi cette canicule 2003 n'est-elle devenue un sujet médiatique qu'à partir du moment où elle s'est abattue sur Paris, alors qu'en Savoie et dans toute la moitié sud de la France on transpirait à grosses gouttes depuis le premier juin!
La région parisienne a connu une mortalité effrayante, des entrepôts et camions frigorifiques ont dû être réquisitionnés en catastrophe pour y entreposer des milliers de cadavres, les familles des défunts restant absentes, indifférentes ou inconnues. Cette situation a révélé la double maladie de la société française, particulièrement aiguë dans la mégalopole "francilienne": égoïsme et centralisation. Le médecin et écrivain Martin Winckler livrait son analyse dans le "Figaro Magazine" du 23 août: "La France souffre à la fois de son hypercentralisation et de son hyperindividualisation, liées à l'absence de sens civique. Pourquoi? Parce que, de tous les pays d'Europe, c'est le plus féodal, dans le sens hiérarchique et psychologique du terme, dans les structures, les mentalités, les comportements".
En France, lorsqu'un imprévu survient, on a le réflexe d'attendre les ordres de l'État. Et quand le ministère concerné est en service minimum à cause des congés du mois d'août, les ordres tardent à venir: tant pis si les gens meurent...
Martin Winckler enfonce le clou: "Plus une zone est réduite en taille et autosuffisante, plus elle peut résoudre ses propres problèmes, qu'ils soient sociaux ou sanitaires. C'est ce qui se passe dans les États à structure fédérale".
En effet, l'Allemagne et la Suisse, plus touchées encore que la France par des températures excessivement élevées, n'ont pas connu de surmortalité. Dans le canton de Vaud, les soins aux personnes âgées ont démontré leur excellence. L'Italie du nord s'en est moins bien tirée: les services publics y sont de mauvaise qualité, à cause de l'incurie d'une bureaucratie encore très centralisée.
En Savoie, au moment du pic de chaleur début août, les PFG (Pompes Funèbres Générales) constataient un surcroît d'activité de 5 à 10% par rapport à la moyenne. Mais au bout du compte, le nombre des décès survenus pendant l'été pourrait bien être inférieur à celui de l'an passé. Malgré la désorganisation estivale de nos hôpitaux, de plus en plus scandaleuse année après année, les personnes âgées ont été correctement prises en charge et aidées à surmonter l'épreuve. Il subsiste probablement en Savoie un peu de cette bienveillance familiale et humaine qui manque si cruellement à Paris.
2-3 Le panier percé de la République.
Il fut un temps où la France était un des maîtres du monde: elle pouvait se permettre une multitude d'égarements sans jamais en souffrir gravement ni en prestige, ni en puissance, ni en prospérité. Aujourd'hui, le moindre courant d'air et tout le monde tousse! Il faut se rendre à l'évidence: l'âge d'or est révolu.
Les temps changent inexorablement le cours des choses. L'osier fatigué du centralisme laisse échapper un à un les fruits gorgés de jus qui nourrissaient les populations subissant son emprise. L'État, en simple spectateur, assiste impuissant aux séismes répétitifs qui lézardent les murs de ses institutions. À force de vivre au-dessus de ses moyens, on finit toujours par se casser la figure...
Le journaliste François de Closets parlait au début de l'année de "l'argentinisation de la France"; il ne pensait peut-être pas si bien dire. L'exemple de la quasi-faillite de la caisse d'assurance de garantie des salaires, révélé cet été, montre à lui seul l'ampleur de la paupérisation qui touche l'hexagone.
Ceux qui rigolaient de notre slogan "sombrer avec la France ou renaître avec la Savoie" sont en train de se raviser, et la partie qui nous oppose à la puissance annexante prend désormais un tour particulier. Dans ce contexte de crise financière, économique et sociale très menaçante, la Ligue savoisienne devient une alternative crédible, et la seule!
Tant pis pour le pouvoir central adepte de la pensée unique, mais l'analyse politique des Savoisiens est claire et sans appel: l'abstention des électeurs, tout comme les votes contestataires qui gonflent les scores de l'ultra-gauche et de l'extrême droite tombent comme de l'huile sur le feu du fourneau UMP, sans le secours des pompiers du PS partis au loin pour tenter de remplir leurs citernes par temps de sécheresse...
Le nombre des faillites continue de grimper en flèche. Pour éviter l'effondrement des grandes banques qui finançaient aveuglément ALSTOM, Francis Mer et Jacques Chirac ont décidé de renflouer le groupe, ce qui n'évitera pas les licenciements mais creusera un peu plus le déficit de l'État, qui alarme les autres pays de l'euroland. Les tensions vont s'aggraver à l'automne. Le gouvernement français dira "c'est la faute à Bruxelles" pour masquer les gabegies purement parisiennes, tout en allant quémander les fonds de secours européens pour payer les dégâts des incendies et de la sécheresse!
Dans ces conditions, il n'est pas interdit d'imaginer que la France, colosse aux pieds d'argile, pourrait être bientôt mise sous tutelle, comme une entreprise incapable de se restructurer et d'honorer ses échéances.
Au fait, depuis 1860, une épine nommée "statut de la Savoie" est plantée dans un des pieds du "pays des Droits de l'Homme". Sur la table d'opération, les docteurs du droit international ne manqueront pas de se pencher sur le problème et voudront éviter l'extension de la maladie française au reste de l'Europe. Alors, bientôt l'amputation?
Joël Ducros.
2-4 Crise de l'AGS, une menace pour les salariés.
L'Association pour la Garantie des Salaires (AGS) est l'organisme qui verse aux salariés des entreprises défaillantes (dépôt de bilan, redressement, liquidation) les sommes qui leur sont dues: salaires, cotisations, indemnités de licenciement ou de départ en retraite. Elle est alimentée par une cotisation patronale de 0,35% sur tous les salaires.
Fortement secouée par la multiplication des faillites, notamment de grandes entreprises comme Moulinex, Metaleurop, Daewoo, sans oublier Air Lib pillée par un protégé de l'ancien ministre Gayssot, Jean-Charles Corbet (récemment mis en examen), la trésorerie de l'AGS serait négative de 500 millions d'euros! Et en septembre les plans sociaux prolifèrent mieux que les champignons! Les mandataires de justice et liquidateurs d'entreprises défaillantes préviennent aujourd'hui le personnel qu'aucun versement n'est à espérer à bref délai. Fin juillet, un décret a plafonné et réduit en durée les salaires garantis par l'AGS, et le Medef a accepté de porter la cotisation patronale de 0,35 à 0,45%. Ces deux mesures ne suffiront pas: à l'automne il va falloir envisager de limiter la garantie au seul salaire net, à l'exclusion des indemnités, faute de quoi le système disparaîtrait. Les salariés d'entreprises défaillantes ne pourraient alors plus compter que sur des assurances-chômage privées, ou sur l'État... qui n'a plus d'argent!
2-5 Mainmise française sur la presse de Suisse romande.
Philippe Hersant est un patron de presse très discret: il n'a jamais donné d'interview et il n'existe presque pas de photos de cet homme d'affaires de 46 ans, fils du célèbre Robert Hersant, décédé il y a quelques années. Il est pourtant à la tête d'un énorme groupe de presse. "Socpresse" et "France-Antilles", les deux sociétés appartenant à la famille Hersant, contrôlent d'innombrables journaux à Paris et dans les régions françaises.
L'héritier Hersant est peut-être fatigué de vivre en ville, à Neuilly sur Seine. En juillet il a fait l'acquisition d'une maison de campagne, dans un petit village de 560 habitants. Le village s'appelle Presinge. Philippe Hersant y a découvert trois bâtiments (770 mètres carrés au total) sur trois terrains boisés contigus, nichés au milieu des vignes. Pour en faire sa résidence, il a acheté le tout, en juillet 2003, pour 11,6 millions de francs suisses. Car à Presinge on ne paie pas en euros: la commune fait partie du canton de Genève.
C'est en venant de plus en plus souvent à Genève et en y séjournant que Philippe Hersant a découvert l'agrément de la vie à la campagne. Que vient-il faire dans la cité du bout du lac Léman? Des affaires, bien sûr. Avant d'acheter les trois maisons de Presinge, le groupe France-Antilles a mis la main, il y a deux ans, sur trois journaux de Suisse romande: "La Côte", "L'Impartial" et "L'Express". Puis il a installé sa société holding à Fribourg. Puis il a construit à Neuchâtel une usine où sont imprimés les trois journaux déjà cités, plus tous ceux du "Groupe Alpes-Jura", racheté en même temps à la "Voix du Nord": Le Messager, L'Essor savoyard, La Savoie et des publications du Pays de Gex et du Jura. En mai dernier, Philippe Hersant a racheté à Vivendi la Comareg, groupe de journaux gratuits implanté à Lyon. Avec dans sa main la Comareg ("Le 73", "Le 74", "Le 38" etc.), Le Progrès, le Dauphiné Libéré, et la TV locale lyonnaise TLM, Hersant détient le monopole de la presse écrite en Rhône-Alpes. Et Genève, c'est presque en Rhône-Alpes...
Dans quelque temps, on apprendra peut-être que M. Hersant est plus souvent à Presinge qu'à Neuilly, qu'il devient résident genevois (ou même citoyen de Genève comme Alain Delon). Peut-être ne percevra-t-il plus de revenus en France et n'y paiera-t-il plus d'impôts, n'étant rémunéré que par ses placements et activités en Suisse...
Contrairement à son père, qui aimait tirer les ficelles de la politique en France et n'aurait jamais imaginé quitter Paris, Philippe Hersant n'hésite pas à sortir de l'hexagone, et jette son dévolu sur un pays stable, un refuge traditionnel de la fortune. Il n'est pas le seul, mais c'est le premier de cette "surface financière" qui arrive en Suisse. De plus en plus de patrons français ne croient plus aux chances de leur pays, c'est nouveau!
Le problème avec le groupe Hersant, c'est que partout où il passe l'indépendance de la presse trépasse. On le sait depuis longtemps en Savoie, mais nos voisins suisses ne vont pas tarder à s'en apercevoir. Le mouvement s'est vite inversé. Il y a moins de trois ans, à l'automne 2000, le groupe suisse Edipresse lançait l'hebdo "Tribune Mont-Blanc", qui devait prendre une part de marché significative en Savoie et passer à une parution quotidienne: au bout de quelques mois c'était la fermeture, précisément au moment où France-Antilles commençait sa conquête du marché de Suisse romande.
Avec ses acquisitions un pas important a été franchi. Jusqu'alors les Français n'entraient dans la presse romande que comme journalistes salariés: ils y sont très nombreux. Est-ce parce que le métier, comme celui d'infirmière, n'attire plus les Suisses? Est-ce l'effet d'un provincialisme, d'un snobisme romand qui affecte de croire que seule la France produit de belles idées et de bonnes plumes? En tout cas les journalistes français vont être de plus en plus dirigés par des patrons français, et la presse de nos voisins n'aura plus de suisse que le nom et l'adresse. Heureusement, elle a toujours aussi peu d'influence sur les citoyens, qui bien souvent votent à l'opposé des orientations que leur martèlent les médias...
2-6 Affaire Executive Life:
Nouvelle ponction du Crédit Lyonnais sur les contribuables.
Une sale affaire traînait dans le passif de la faillite du Crédit Lyonnais. En 1993, la banque française nationalisée avait pris le contrôle d'une société d'assurance des États-Unis, Executive Life, alors qu'à l'époque la loi américaine interdisait à une banque de détenir plus de 25% du capital d'une compagnie d'assurance. L'opération avait été réalisée par "portage", les actions ayant été acquises par Altus et la MAAF pour le compte du Crédit Lyonnais. La même technique qui a permis à la Compagnie des Alpes de s'emparer de 20% de Téléverbier, en Valais.
Devant un tribunal français, on peut être sûr que les adversaires du Crédit Lyonnais auraient été déboutés. Mais là, les financiers français étaient poursuivis par le Parquet fédéral de Los Angeles, et ils n'allaient pas s'en tirer à bon compte. Ils ont donc préféré trouver un arrangement amiable en reconnaissant leur faute pour éviter le procès. Ils se sont engagés à verser une pénalité de près de 600 millions de dollars. 100 millions seront payés par l'actuel Crédit Lyonnais, le reste par le CDR (Consortium De Réalisation, chargé de la liquidation de l'ancienne banque d'État) c'est-à-dire par les contribuables. Et le procès au civil n'est pas achevé pour autant...
3-1 Le francoprovençal en Savoie: vers une langue commune dans le cadre de l'Europe des peuples.
(suite et fin de l'article de Pascal Garnier)
La situation valdôtaine: quelle politique linguistique?
Lorsque l’on évoque le francoprovençal, l’exemple valdôtain vient toujours à l'esprit. Or il se trouve que la Fondation Émile-Chanoux a effectué une vaste enquête sociolinguistique en 2001, avec l'aide de l'Union européenne, dans le cadre de l'année européenne des langues. Le questionnaire, auquel ont répondu 7250 personnes, a été élaboré par des chercheurs du Centre d'Études Linguistiques pour l'Europe et de l'Université de Trente (Région du Trentin Haut-Adige, en Italie). Les résultats ont été rendus officiels au cours de l'année 2002 et peuvent être consultés sur le site Internet de la Fondation: <http://www.fondchanoux.org/site/pages/sondage.asp>
Dans l'état actuel des choses, d’après les résultats de cette enquête et la réponse à une question essentielle, "Quelle est votre langue maternelle?", les langues acquises dans leur enfance par les habitants de la région d'Aoste sont d'abord l’italien (71,58%) —à cet égard, lorsque l'on se ballade dans les rues d'Aoste, on se rend compte que l'italianisation de la vallée est aussi évidente que la francisation de la Savoie— puis le francoprovençal (16,99%); suivent de loin dans l'ordre le calabrais (1,12%), le piémontais (1,02%), le français (0,99%), le vénitien (0,41%), le sarde (0,15%), le walser (600 personnes ou 23,23% des Walser installés dans la vallée de la Lys sur trois communes et parlant un dialecte germanique). Bref, le Val d'Aoste se présente comme une région multilingue au sein de laquelle se côtoient plusieurs langues de la péninsule italienne. Mais les habitants du Val d'Aoste sont majoritairement attachés à l'italien (60%) devant le francoprovençal (29,67%) et le français (2,97%).
Ce sondage, a priori favorable pour l’avenir du francoprovençal, l'est moins lorsque l’on prend connaissance qu'environ 5% des Valdôtains utilisent le francoprovençal comme langue de transmission à leurs enfants, alors qu'il n'est parlé que par 7% des habitants de la vallée. Si cette tendance devait continuer, le francoprovençal serait sur la voie de l'extinction d'ici une décennie.
Cependant, les Valdôtains parlant le francoprovençal parlent également le français comme langue seconde et l’écrivent souvent. Autrement dit, les Valdôtains parlent normalement l'italien ou le francoprovençal, mais écrivent en italien ou en français. Cela signifie que les Valdôtains "francophones" ne parlent pas le français comme langue maternelle, puisque c’est toujours une langue seconde pour eux, mais c’est, avec l'italien, l'une des langues écrites. Dans le passé, la bourgeoisie valdôtaine parlait français, mais aujourd’hui on compte fort peu de Valdôtains dont le français est encore la langue maternelle. Le récent sondage de la Fondation Émile-Chanoux montre que le français n'est la langue maternelle que de 0,99% des Valdôtains; pourtant plus de 70% connaissent cette langue par le fait que tout au long de leur cursus scolaire, de la maternelle à la terminale, les enfants valdôtains reçoivent un enseignement en français à parité avec l'italien.
De toutes les langues usitées au Val d’Aoste, seul le français bénéficie de mesures de protection juridique en raison de son caractère de co-officialité avec l'italien. Dans la plupart des villages où résident des Valdôtains, la situation est complexe car ceux-ci pratiquent une sorte de triglossie: ils parlent généralement le francoprovençal à la maison (à 31,5% contre 30,5 % l'italien, 7,22% un mélange d'italien et de francoprovençal et seulement 0,51% le français uniquement) mais le français à l’école et l'italien dans la vie publique.
La loi italienne mentionne spécifiquement, parmi les langues minoritaires "protégées", le français et le francoprovençal. Dans son article 2, elle énumère les langues minoritaires concernées par la loi: le français et le francoprovençal, et aussi l'albanais, le catalan, l'allemand, le grec, le slovène, le croate, le frioulan, le ladin, l'occitan et le sarde.
La loi prévoit les mêmes normes d’application que la loi de 1991 en matière de protection linguistique. Il faut d’une part qu’une minorité linguistique forme au moins 15% de la population d’une commune, d’autre part que le Conseil provincial et le tiers au moins des conseillers municipaux aient approuvé la procédure d’adoption prévue par la loi, pour que l'enseignement de la langue minoritaire soit organisé.
Pourquoi une telle pratique ne pourrait pas être possible au Val d'Aoste pour le francoprovençal? Cela nous semble assez mystérieux: contrairement à ce qui s'est passé dans les vallées francoprovençales du Piémont, aucune municipalité n'a voté pour que cette loi s'applique au Val d’Aoste, alors que toutes les conditions sont réunies. Son application en serait d'autant plus aisée et efficace que le bain linguistique dans lequel vivent les Valdôtains est beaucoup plus francoprovençal que francophone!
Le francoprovençal est même autorisé à l'oral, de façon non officielle, dans les rapports entre l'administration régionale et les citoyens. Cependant, on peut affirmer que les autorités ne sont pas du tout intéressées à instaurer l'usage du francoprovençal dans le domaine des services. Ainsi des demandes formulées en francoprovençal à l’administration demeurent sans réponse; d’ailleurs, les documents et formulaires ne sont pas rédigés en francoprovençal.
Le francoprovençal est également absent de l'éducation préscolaire et les écoles primaires. Il y apparaît seulement dans le cadre des recherches scolaires sur la tradition culturelle, par exemple la viticulture, la cuisine traditionnelle et la toponymie: c’est ce que l'on fait dans le cadre du concours Constantin et Désormaux en Savoie, au Val d'Aoste c'est le concours Cerlogne. Mais cela donne la plupart du temps une vision du francoprovençal comme une langue du passé, pas du tout adaptée au monde moderne. Dans l'enseignement secondaire, le francoprovençal est totalement absent. C'est ce que souligne le secrétaire du MRS Alain Favre: "Dans les écoles (et il m'est arrivé d'enseigner au Val d'Aoste) il est à peu près exclu, voire interdit de fait, en dehors du concours Cerlogne qui n'incite d'ailleurs pas vraiment à le parler.[…] Pour revenir au Val d'Aoste, il est clair qu'il y a une véritable volonté de relancer le francoprovençal dans la population de la région, qui ne sait pas comment s'y prendre, entre la francophonie officielle (et ses résultats désastreux) et certains "spécialistes". Le problème est qu'il s'agit d'une langue sans prestige pour ses locuteurs, qui ignorent en particulier la riche littérature en francoprovençal".
Les résultats de l'enquête vont totalement dans ce sens: 29,87% des Valdôtains estiment que l'on ne fait pas assez pour le francoprovençal à l'école, 31,92% dans l'administration publique, 33,47% dans les médias. Ils se montrent assez durs envers leurs dirigeants puisqu'ils estiment que les autorités ne font "rien du tout" dans l'administration publique (28,26%), dans les médias (33,47%) et à l'école (39,02%). Quant à ceux qui estiment qu'elles en font trop, les pourcentages sont très faibles, voisins de 5%. Ce que veulent d'abord les Valdôtains (à 60,96%), c'est un enseignement facultatif du francoprovençal, 8,18% voudraient même que l'enseignement du valdôtain soit obligatoire, et 3,2% que ce soit la langue qui serve à enseigner d'autres matières. Seuls 23,08% se satisfont de la situation actuelle.
Seul point positif pour l’instant: le succès de l’université populaire qui a ouvert ses portes voici trois ans et qui s’adresse aux adultes: elle n'a été créée que le jour où le gouvernement régional de la Vallée a reçu une subvention de l'Union européenne. Là encore les documents luxueux mis au point pour cet enseignement montrent que les autorités ne veulent pas faire du francoprovençal une langue moderne, mais le présentent dans un contexte rural suranné très éloigné de la vie quotidienne des jeunes. Beaucoup souhaiteraient que les autorités régionales prennent des mesures pour mettre en valeur le patrimoine francoprovençal à l’école, mais force est d’admettre un déclin manifeste dans son emploi dans les écoles valdôtaines actuelles. Dans les médias (radio, TV et journaux), il est également quasiment absent (à l’exception notable de certaines revues spécialisées à diffusion relativement confidentielle comme "Lo flambô").
À coté du francoprovençal, le français est passablement maîtrisé comme langue seconde par une bonne partie de la population d'origine francoprovençale, il n'est la langue première que d'une partie marginale de la bourgeoisie urbaine, alors que le "patois" francoprovençal, maintenu dans des usages informels, garde une forte valeur symbolique.
Certains députés italiens estiment même que le bilinguisme officiel du Val d’Aoste, avec la parité légale du français et de l'italien, sert de prétexte au gouvernement régional pour conserver des privilèges fiscaux liés au statut d'autonomie, malgré une situation linguistique de fait où l'italien domine largement.
De notre côté, nous ne pouvons que constater que le mythe de la francophonie au Val d'Aoste sert encore la Vallée d'un point de vue commercial. Ainsi toute la politique touristique élaborée par le gouvernement régional et l'office du tourisme de la Vallée en direction de la France est basée sur la francophonie valdôtaine. Les hebdomadaires français lus par les classes moyennes à pouvoir d'achat substantiel, comme le Nouvel Observateur, l'Express ou encore très récemment Télérama, expliquent à leurs lecteurs dans de luxueux encarts publicitaires qu'aller passer ses vacances dans la Vallée permet de bénéficier des avantages de l'Italie sans en avoir les inconvénients, grâce à l'usage répandu du français.
Ainsi le francoprovençal est toujours considéré par les autorités uniquement comme un dialecte du français mais jamais comme une langue en tant que telle, discours qu'absolument aucun linguiste ne peut considérer comme sérieux aujourd'hui.
Outre-Alpes la reconnaissance du francoprovençal est effective, les effets pratiques de cette reconnaissance restant toutefois assez limités. Chez les Gaulois du ministère de l'Éducation nationale, le très mondain et parisianiste Ferry et le très jacobin Darcos ne semblent pas prêts à laisser tomber le fameux article 2 de la Constitution qui stipule que la langue de la République est le français...
En dehors même des blocages institutionnels, de nombreux obstacles subsistent pour qu'une transmission du francoprovençal puisse se faire dans ces deux régions alpines (Savoie et Val d'Aoste) dont les liens sont multiséculaires. Ainsi le projet assez élaboré de créer un office de la langue savoyarde et francoprovençale semble pour l'instant au point mort.
Alain Favre résume bien la situation: "Année après année les locuteurs "maternels" du francoprovençal disparaissent en grand nombre, au Val d'Aoste et ailleurs, par le phénomène naturel du remplacement des générations. Effectivement beaucoup de parents n'ont pas transmis une langue considérée comme un obstacle à la modernité. Par ailleurs certains patoisants sont très durs envers les néolocuteurs, qui n'auraient pas le bon accent... Le problème n'est pas là. Les enfants de ceux qui baragouinaient l'hébreu avec un horrible accent yiddish ou autre aujourd'hui le parlent très bien. Si les patoisants disparaissent, cela pourrait être au profit d'une nouvelle génération francoprovençale capable de parler une langue commune, teintée parfois de particularités lexicales et phonétiques régionales, mais compréhensible pour tous les autres et basée sur des références culturelles disposant d'un certain prestige. Il y a une sorte de reconversion à faire, sinon ce sera le désastre. Par ailleurs la survie de la plupart des patois, ou dialectes villageois, me semble impossible en tant que tels dans la société actuelle, même au Val d'Aoste où l'échelon communal est encore assez important dans la vie sociale."
3-2 Intervention d'Alen Favro lors du colloque de Carema (Piémont) le 1er mars 2003.
La grafia supradialectala ORB por lo francoprovençal.
1/ Qu’est na grafia supradialèctâla?
Dens lo mondo il y at cinq ou six mile lengoues difèrentes, mas il y en at solament quârques centênes que sant ècrites. En Eropa on at en grôs na centêna de lengoues, sen comptar celes du Côcaso, et els sant quâsiment totes ècrites. Sovent il y at avu un procèssus de normalisacion u travèrs des sièclos, coment por lo francês, l’anglês, l’italien*… Des côps il est difèrent, il est na grafia supradialèctâla qu’est construita por permètre a tôs celor que prèjont des dialèctos d’una méma lengoua de se comprendre per ècrit, mémo quand il est prod dificilo de se comprendre oralament. Coment èsemplo on pôt prendre l’holandês, avouéc sos dialèctos "néerlandês" (du nord) et flamands, que sant ben difèrents; portant la lengoua holandêsa s’ècrit —quâsiment— pertot de la méma façon. Des vês il y a pas étâ possiblo de se betar d'acôrd, coment en Norvège, onte il y a doves lengoues ècrites oficialisâyes. On at crèâ des grafies supradialèctales asse-ben por des lengoues minoritères (pas oficiales) coment lo breton et l’occitan; ben sûr il y at tojorn des gens que seront jamés d’acôrd, que volont provocar des crises et fâre des scandalos, mas a châ pou la grafia supradialèctâla se fât accèptar, d’atant ples qu’il est sovent na quèstion de survia por la lengoua.
*On porrêt dire que cetes lengoues ont lor asse-ben na grafia supradialèctâla, perce qu’on prononce pas de la méma façon dans les difèrents payis ou règions yô cetes lengoues sant prègiês, et on at pas tojorn les mémos mots, les mémes èxpressions.
2/ Porquè na grafia supradialèctâla por lo francoprovençâl?
Lo francoprovençâl est pas recognu coment lengoua dès grant temps. On pôt mémo pensar qu’il y a pas d’identitât comena: on est savoyârd, vâldoten, vôdouès..., il est pas possiblo d’étre francoprovençal. Portant dès la crèacion des fétes du patouès, u comencement des anâyes huétanta, on at tot-pariér l’empression de fâre partia du mémo mondo. Il vint pôt-être asse-ben de la rèsta de l’èsprit révolucionèro des anâyes sèptanta et de la concèpcion de l’Harpytania. Mas les fétes du patouès sant pas du tipo revendicatif, on vint surtot por s’amusar, ora il est mémo na sôrta d’èvènement comèrcial por los organisators. Et pendent cél temps la lengoua continue de morir. Il fôt savêr qu’en France (et il est sûrament la méma chousa en Suisse) la transmission de la lengoua se fât solament a 10%. Il vôt dére que quand dans la gènèracion des grants-parents il y at 100 pèrsones que prègévont patouès, il en reste solament diéx chiéz los enfants, et un chiéz los petits-enfants. Il est un verét dèsâstro.
Mas il fôt comprendre que lo patouès est na lengoua de velâjo, et houé l’èconomia, la façon de vivre fât qu’il y at pas més de place por les lengoues de velâjo. Houé on vit dens des bassins de travâly, sovent dans des veles, et la lengoua at pas siuvu cet'èvolucion. Lo patouès est devegnu na simpla lengoua de la famelye, qu’il serêt na vèrgogna de prègiér u defôr. Mas ben ples sovent al at disparu, al at mémo pas lèssiê de sovegnir, ou ben al fât pensar u temps onte on étêt dèrriér lo cul des vaches. Adonc orendrêt on prège français ou ben italien, et bentout on prègerat amériquen, il est ja sovent d’ense à Genéva, yô l’himno nacional est portant oncor en savoyârd.
M’est avis qu’il est pas possiblo d’alar contra cet'èvolucion, on pôt pas més fâre rebiolar un patouès dens châque velâjo ou châque petita vela. Se nos pensens que noutra lengoua at na veréta valor, qu’el at un patrimouèno, qu’el pôt oncor étre utilisâye, s’entend qu’el pôt être prègiê et ècrita, liésua et acutâye, nos devens trovar un'ôtra stratègia. Il fôt d’abord siuvre l'évolucion du mondo, construire des fôrmes de lengoua modernes, adoptar des néologismos que seront possiblament pouésiês dens lo lèxico de la lengoua, et surtot accèptar d'utilisar na méma variétât de lengoua sur un ples grant tèrritouèro. Il est d'ense ou ben il serat la disparicion de noutra lengoua.
Et pués nos ens fôta d’un cuvèrt, d’un têt comon por tôs celors que prèjont la lengoua, il est la grafia supradialèctâla, avouéc laquinta nos porrens:
— difusar des enformacions, des jornals, des lévros, comunicar per ècrit en gènèral, et per èsemplo fâre na fôlye d’enscripcion ux fétes du patouès en francoprovençâl, et pas més en francês;
— transcrire des tèxtos por que tôs los liésors pouessont comprendre les grafies difèrentes et los ôtros dialectos de la méma lengoua, sen devêr utilisar des traduccions en francês ou en italien;
— publeyér des lévros d’ècoula por tôs los enfants du sèctor francoprovençâl; on comprend qu’il est pas possiblo d’èditar des lévros solament por un velâjo ou na valâye;
— fâre recognetre la lengoua per les enstances politiques règionales, nacionales, eropèennes; crèyo pas qu’els vodront accèptar totes les variantes, il est matèrialament empossiblo: il est la rêson de la crèacion du romanche grison por devegnir la quatriéma lengoua oficièla de la Suisse, por l'administracion, la justice, etc.; il est pas contra los patouès, mas contra lo verét "ènemi": l'alemand. Lo francoprovençâl dêt étre identifiâ asse facilament coment totes les ôtres lengoues, il dêt lui asse-ben avêr un’ émage grafica, dens laquinta nos nos retroverens asse-ben.
3/ Quârques aspècts de la grafia supradialèctâla ORB.
En 1998 Dominique Stich at publeyê dens son lévro "Parlons francoprovençal" la premiére grafia supradialèctâla por lo francoprovençâl, l’ORA (Orthographe de Référence A). Pués dens sa tése, en 2001, al l’at modifiâ por fâre l’ORB. Je vé pas prèsentar l’ensemblo de ceta grafia – mas je l’é prêsa avouéc mè se vos voléd me pôsar des quèstions.
Vê-quê los principos de base:
L’ORB est ètimologica, coment quâsiment totes les grafies de lengoues néolatines. Per èsemplo on ècrit temps, cièl, champ... Cet’ aspèct ètimologico pèrmèt de gouardar des lètres muètes, que povont édiér la recognessence des mots. Na grafia fonética, avouéc tin, syè, shan per èsemplo, se liét dificilament, surtot por celor que prononçont pas de la méma façon, et ben sovent on at des problèmos d’omonimia (sin: cent, cinq, sens, sent, cen...).
L’ORB gouarde la s du plurièl, qu’on prononce dens quârques dialèctos et qu’on retrove sovent dens des "lièsons" (des âbros, los amis). Ceta èsiste en francês, occitan, catalan, èspagnol, português, anglês, qu’el sèye tojorn prononciê ou pas. De la méma façon on trove des dèsinences verbales muètes.
Por na voyèla simpla on utilise na solèta lètra, hormis ou; d’ense on troverat pas *ai, *au, *eu.
On retint quatro voyèles nasales : an, en, in, on.
Les consones finales se prononçont pas (hormis des côps l et r, et pués ben sûr dens les lièsons).
L’ORB ressemble ux grafies patouèses dens quârques aspects: normalament on doble pas les consones (hormis s et r dens des câs prècis), et per èsemplo on utilise des fôrmes grafiques coment ly por [?], que devint [y] dens des dialectos.
Espèro que vos éd comprês la filosofia de ceta grafia: pèrmetre na recognessence rapida des mots, èvitar les confusions et rèstar dens lo cèrcllo des lengoues galo-romanes, por pas isolar lo francoprovençâl, tot en lui balyent na fisionomia ben spèciala.
Il est èvident que la grafia pèrmèt des prononciacions difèrentes: per èsemplo ch se prononce [?], [t?], [ts], [st], [?] d’aprés los dialèctos. Mémament por solucion on pôt dére solussyon ou ben soluchon.
On pôt remarcar que l’ORB est pas na grafia "fonètica": il est tot simplament pas possiblo por na lengoua que change fonèticament d’un patouès a l’ôtro (et asse-ben dens lo temps, coment dens la Môrièna u XXo sièclo). Per èsemplo on pôt pas imaginar la grafia de Conflans, qu’est fêta por ècrire los difèrents dialèctos, coment grafia supradialèctâla. Ou ben fôdrêt emposar un patouès prècis a tot lo sèctor francoprovençâl, mas m’est avis qu’il est pas possiblo, d’atant ples qu’il y a pas per lo moment un patouès ples fort que los ôtros.
4/ Grafia large, grafia sarrâye.
L’ORB pôt étre amènagiê por transcrire quârques particularitâts des dialèctos.
Per èsemplo, por féta on pôt ècrire fétha a Fribôrg (il se prononce [‘fe?a]), por lana on pôt ècrire lanna en Savouè (il s’ècrét lan-na en Conflans); on pôt endicar des dènasalisacions avouéc un accent grafico: vènt, nàn… D’ense châque ôtor at des latitudes por utilisar la lengoua, il pôt mencionar cetos particularismos u comencement ou ben a la fin de son lévro ou de son articllo. Mas sovent il y a mémo pas fôta de mencionar los difèrences. Dens ceti tèxto j'utiliso quârques particularismos et ils se vêyont quâsiment pas.
5/ Remarques et conclusion.
L’ORA avêt scandalisâ ben des patouèsants, qu’étant habituâs ux grafies localisantes. Ils pensâvont qu’el ressemblâve trop u francês, mas fôt dére que les grafies patouèses sant basâyes sur la fonètica du francês –ou ben de l’italien– et il est oncor pire. L’ORB est na grafia indépendenta, pas basâye sur lo francês, mas sur l’ètimologia des lengoues galo-romanes. En veretât el ressemble més a la grafia IEO (Institut d’Etudes Occitanes) por l’occitan, ora franc rèpandua et ensègnê sen grants problémos dens des mouéls d’écoules en Occitanie (los règents ont tôs étâ formâs avouéc ceta grafia).
Il est verét que les grafies fonétiques ont étâ enventâyes por los vielys patouèsants que savant ècrire solament lo francês ou ben l’italien. Ora los jouenos aprègnont ben d’ôtras lengoues et il est pas honéto de dére per èsemplo que quand on vêt ch on y prononce ôtomaticament coment en francês ou ben coment en italien.
Pendent grant temps los patouèsants ont pensâ que lor lengoua étêt u fond ren que na varianta de francês et, u Piémont, d’italien, tot simplament perce qu’el est na lengoua néolatina et qu’ils en cognessévont pas d’ôtres. Fôt sôrtir de ceta logica absurda et regardar lo francoprovençâl coment na veréta lengoua, avouéc na veréta litératura, et qu’at lo drêt de vivre sa via coment le drêt de vivre sa via coment loas ôtres lengoues. Adonc il fôt sôrtir de ceta logica de patouès por entrar dens na veréta logica de lengoua. Pendent cetos dèrriérs jorns j’é liésu Just Songeon, un ôtor savoyârd du comencement du XXo sièclo, et je me su rendu comptio qu’al avêt comprês ceta logica, al at volu ècrire dens na grafia que fât pensar a l’ORB, avouéc des plurièls en s et des dèsinences verbales de mémo tipo. Et on porrêt trovar d’ôtros èsemplos d’ôtors ben enspirâs.
J’èspéro bentout publeyér un diccionèro bilengoue francoprovençâl-francês et francês-francoprovençâl, avouéc des néologismos, des toponimos, na petita gramèra et un'antologia. Dominique Stich serat l’ôtor principal. Lo francoprovençâl serat ècrit en ORB, mas dens l’antologia il y arat asse-ben la grafia d’origina de châque tèxto. D’ense je vodrê contribuar a na ples granta conscience de la lengoua et avouéc cen a la difusion d’una grafia supradialèctâla. Je sâ ben que cen vat pas plére a tôs, que los "localistos" et los "jacobins" —sovent los mémos— vodront criticar cél lévro, avouéc sûrament l’éde de quârques grants "féodâls", homos et enstitucions, qu’aront pouere de pèrdre lo monopolo sur lor petita règion ou lor petit sèctor d’activitât. Il serat dificilo, mas m’est avis qu’il fôt fâre quârque-ren ora se nos volens pas pèrdre noutra lengoua ben malâda, que se trove en veretât sur lo revond de la disparicion. Et pués por los ôtors, por los ècrivens, penso que serat prod amusent d’utilisar asse-ben na novèla grafia, més uvèrta sur l’ensemblo du mondo francoprovençâl. Il y a ren que per la pratica que nos porrens vêr los problèmos et les dificultâts que rèstont a surpassar.
A.F.
4-1 Alain Bexon publie un nouveau livre d'art sur la Savoie.
Le jeune éditeur annécien Alain Bexon confirme d'année en année ses compétences et son goût dans le domaine des peintres savoisiens. Ses deux livres précédents, consacrés aux paysagistes Prosper Dunant et Firmin Salabert, publiés en 1998 et 1999, ont remporté un succès mérité auprès des bibliophiles, des amateurs d'art, des amoureux de la Savoie et même du grand public. Le premier est d'ailleurs épuisé, quelques rares exemplaires restant toutefois disponibles chez l'éditeur. Alain Bexon avait organisé à Thônes, durant l'été 2001, une remarquable exposition de tableaux, dont L'Écho de Savoie avait rendu compte (n°52, page 6).
L'ouvrage qui sortira des presses le 30 septembre élargit le champ des recherches d'Alain Bexon. Sur 160 pages, il parcourt cinq siècles d'histoires et d'anecdotes sur l'art de peindre le paysage d'Annecy et du lac: des notices présentent plus d'une centaine de peintres célèbres ou méconnus nés avant 1900, agrémentées de plus de 200 reproductions en couleurs d'œuvres souvent inédites provenant de collections privées et de musées.
Sans prétendre dresser une liste exhaustive, l'auteur a composé une sélection guidée par de longues recherches mais aussi par des coups de cœur. Il fallait qu'un tel ouvrage soit publié pour qu'une évidence s'impose: le lac d'Annecy était et est encore, par excellence, "le lac des peintres". Il était temps que l'on reconnaisse enfin ceux qui l'ont magnifié par leur peinture.
C'est en tout cas ce que nous affirme Alain Bexon dans son avis de parution: le livre étant en fabrication, nous n'avons pas encore pu le feuilleter.
À Annecy, une sélection d'une quarantaine de tableaux, peints entre 1820 et 1960, sera exposée dans les locaux de l'agence de la Lyonnaise de Banque, 28 rue Vaugelas, du 15 septembre au 20 novembre (sauf samedi après-midi et dimanche).
Le livre "Le lac d'Annecy par les peintres" peut se commander directement chez l'éditeur:
Éditions Itinera Alpina. 68 avenue de la Mavéria. 74940 Annecy le Vieux.
Tarif de souscription (avant le 30 septembre):
édition classique: 38€ au lieu de 45€
édition de luxe limitée à 350 exemplaires: 99€ au lieu de 130€
Les commandes envoyées avant le 15 septembre seront exonérées des frais d'envoi (6€)
illustration: repro de la couverture du livre.
4-2 Ripaillez comme des canailles, avec Patrice Combey.
Chanteur et accordéoniste de Tarentaise, l'ami Combey a pensé à réjouir tous ses amis qui, comme lui, aiment faire la fête, "ripailler" comme on dit en forme de clin d'œil gourmand au vénérable duc Amédée VIII, qui était pourtant bien austère dans sa retraite méditative au château de Ripaille près de Thonon en Chablais. Combey s'est "lâché" en commettant un CD de 17 chansons joyeuses, malicieuses et entraînantes, pleines de robuste santé, qui célèbrent la bonne chère, la chair fraîche et tendre, le bon vin, la joie communicative des gais lurons, la vie d'aventures et de liberté. Un plein sac de refrains à reprendre en chœur autour d'une bonne table!
Si vous ne trouvez pas ce CD "Ripailles de Canailles" dans votre rayon "disques" préféré, demandez-le au secrétariat de la Ligue savoisienne. Prix public: 20 euros.