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Les sommaires de l'Echo de Savoie Découvrez la Ligue Savoisienne
Les News

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Echo de Savoie n°65 (août 2003)
A - Sommaire :
1 Actualités
    1-1 Corse: les pessimistes avaient raison.
    1-2 Coup de chaleur sur la rédaction de L'Écho de Savoie.
    1-3 Région Savoie: "j'y crois" de moins en moins...
    1-4 Fusion des départements : le Berry comme la Savoie…
    1-5 Si les Conseillers généraux volaient, Jean-Pierre Vial serait chef d'escadrille (suite).
    1-6 Genève supprime les droits de succession.
    1-7 Le projet de Constitution européenne ignore les nations sans État.
    1-8 France: un record de condamnations devant la Cour Européenne.
2 Echos de la Ligue
    2-1 Bilan de l'élection cantonale d'Évian: disparition de l'esprit civique, réapparition du duel gauche/droite et triomphe minable de l'UMP!
    2-2 Les indépendantistes: la manière de voir de John Berger.
    2-3 Michel Hugonnot tente une randonnée pédestre à Paris, 31 avenue de l'Opéra: au refuge il trouve porte close...
    2-4 Correspondance d'Afrique.
    2-5 Décès de Monsieur André Garcin, un vrai patriote savoisien.
    2-6 Petites annonces savoisiennes.
    2-7 Concours de bûcherons en Bauges le 3 août.
    2-8 Fête des Bergers au Petit Saint-Bernard le 17 août.
    2-9 Feufliâzhe 2003:
    2-10 La fête du francoprovençal
    2-11 Commémoration de la bataille de Méribel le 13 septembre.
    2-12 Les Savoisiens à Nice le 28 septembre.
3 Environnement
    3-1 Gilly-la-dioxine, deux ans après: une catastrophe écologique gravissime.
    3-2 La population réagit.
    3-3 Les effets sur la santé.
    3-4 Des agriculteurs traumatisés.
    3-5 Réduire. Recycler. Valoriser. Refuser.
    3-6 Au Conseil régional, la dioxine serait plutôt à droite.
    3-7 Chronique sur l'effet de serre en Savoie : toujours plus chaud!
    3-8 Précisions sur les énergies renouvelables.
    3-9 La Suisse, comme la France, persiste dans l'énergie nucléaire.
    3-10 Mythes et dangers du nucléaire.
    3-11 L'affaire José Bové.
4 Le francoprovençal
    4-1 Le francoprovençal en Savoie: vers une langue commune dans le cadre de l'Europe des peuples.
    4-2 Parlons francoprovençal avec Dominique Stich.
5 Magazine
    5-1 Notes de lecture. Hubert Reeves: "Mal de terre".
    5-2 Tribune libre. Rois des vils, rois des chiants par Éric Vèrnêr.
 
B - Dossiers :
1-1 Corse: les pessimistes avaient raison.
Quelles répercussions en France et en Savoie?
Il y a trois ans, au début du "processus de Matignon" lancé par Lionel Jospin pour tenter de débloquer la situation politique en Corse, un éditorialiste avait écrit que commencer par la Corse pour réformer les institutions régionales témoignait d'un bel optimisme! En effet... On ne peut s'empêcher de penser à cette définition: l'optimiste est une personne mal informée. Il est paradoxal qu'en cette affaire l'optimiste ait été Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, censé être la personne la mieux informée de France!
Avant le référendum du 6 juillet 2003, les mises en garde n'avaient pas manqué. Edmond Siméoni, le fondateur du nationalisme corse contemporain, s'était déclaré pessimiste en prévoyant le succès du NON. Nos amis du Partitu di a Nazione Corsa (autonomistes opposés à la violence) nous avaient fait part de leurs vives inquiétudes. Les sondages, qui donnaient début mai 60% d'intentions de vote pour le OUI au projet gouvernemental, avaient évolué vers un équilibre incertain entre les pour et les contre. Les pessimistes avaient raison: la consultation n'a indiqué aucune orientation nettement majoritaire, quelques centaines de bulletins ayant suffi à faire capoter la réforme. Ils ont encore raison aujourd'hui: malgré le triomphalisme momentané des partisans du statu quo, des jours sombres s'annoncent pour la Corse, et même probablement pour la France.
L'électorat corse en pleine confusion.
Seulement 60% des électeurs inscrits sont allés voter, pour se prononcer sur l'organisation politique de leur territoire. Ce taux de participation a été considéré comme important par tous les observateurs: voilà qui en dit long sur l'indifférence des citoyens, même dans une île où la passion politique est encore sensiblement plus vive que sur le continent.
Le résultat du "raffarindum" révèle une grande indécision: le NON ne l'emporte que par 2190 bulletins d'avance sur le OUI, soit moins de 2% d'écart. On ne peut en tirer aucune conclusion bien tranchée. C'est pourtant ce que font sans vergogne des jacobins notoires, comme Jacques Julliard qui titre dans le "Nouvel Observateur" du 10 juillet "Une bonne claque!" et laisse éclater une joie mauvaise: "Il fallait voir, dimanche soir sur LCI, les visages défaits et même sonnés de MM. Rossi, Talamoni, Sarkozy, Raffarin pour prendre la mesure du désaveu qui s'est abattu sur la Corse et le continent, à l'occasion de la consultation sur une communauté territoriale unique". Monsieur Julliard, et il n'est pas le seul de son espèce, accorde à son idéologie bien plus d'importance qu'à l'observation des faits.
Nous devons au contraire rechercher ce qui a fait pencher la balance, même très légèrement, vers le refus du projet.
Dans la seule commune de Bastia, le NON l'a emporté par 70,77%, soit 4650 voix d'avance. Plusieurs faubourgs et environs de la préfecture de Haute-Corse ont voté dans le même sens: c'est là que le résultat s'est joué, alors que les votes positifs et négatifs s'équilibraient, avec un léger avantage au OUI, dans tout le reste de la Corse. Le vote de la région bastiaise s'explique par la conjonction de deux facteurs:
— l'influence d'Émile Zuccarelli, maire (PRG) de Bastia et adversaire intransigeant des nationalistes, du plan Jospin et de tout autre compromis,
— le poids de la CGT et des fonctionnaires grévistes, qui ont paralysé les services publics depuis fin avril et ont voulu sanctionner le gouvernement Raffarin.
La Corse a donc pris modèle sur la France: ce pays n'a pas la culture du référendum, il ne connaît que le plébiscite. C'est pourquoi une partie des électeurs n'a pas répondu à la question posée mais a détourné son vote en protestation contre le gouvernement. Là-dessus, Zuccarelli a renforcé son pouvoir de chef de clan en faisant croire que la réforme proposée favoriserait Ajaccio au détriment de Bastia. Diviser pour régner: Napoléon Premier lui-même disait que pour tenir la Corse il fallait toujours y maintenir deux départements!
En dehors de la région bastiaise, le partage des votes est trop indécis pour permettre des analyses péremptoires. Ici ou là on peut déceler l'influence de forces politiques ou de chefs locaux. Mais dans l'ensemble les élus et les partis, qui presque tous appelaient à soutenir le projet gouvernemental, n'ont été que mollement suivis, de même que les quelques partisans déclarés du NON. On peut d'ailleurs avoir des doutes quant à la parfaite sincérité de certains engagements en faveur d'une statut qui devait mettre un terme à la carrière de 55 politiciens (voir L'Écho de Savoie n°64 page 4). Ceux-là ont au moins la satisfaction d'avoir sauvé leurs places!
Certains, notamment parmi les nationalistes, ont déclaré que l'arrestation d'Yvan Colonna, deux jours avant le référendum, avait démobilisé les électeurs de ce courant, qui s'était prononcé en faveur de la réforme. On a même pu supposer que cet évènement spectaculaire, attendu après quatre ans de cavale, avait été mis en scène pour manipuler le vote. On peut tout supposer, mais en se gardant de tomber dans l'absurde: s'il y a eu manipulation, elle ne pouvait avoir pour objet que de conforter le vote OUI en rassurant les électeurs des partis français sur la capacité de l'État à maîtriser la criminalité politique. Cela n'a pas suffi, pas davantage que les largesses et les promesses de Nicolas Sarkozy au cours de ses huit visites en Corse. L'embarras du ministre de l'Intérieur et du Premier Ministre est visible.
Du reste, les votes nationalistes ne semblent pas avoir tellement fait défaut au OUI, qui l'emporte largement à Porti-Vecchiu, à Corti, Calvi, L'Isula, Lumio, Prunelli di Fiumorbu, et même à Cargese, la commune d'Yvan Colonna.
Mais certains nationalistes corses, compromis depuis trente ans dans la violence, l'extorsion et les trafics, ont réussi à faire détester l'ensemble de leur mouvement par une partie importante de leur peuple: cette partie-là a saisi l'occasion d'exprimer son sentiment dans les urnes, sans trop examiner le projet de réforme qui lui était proposé.
Les conséquences prévisibles du statu quo.
Il est remarquable que personne n'ait pris en considération le message envoyé aux Corses par le président Chirac: dans une interview au quotidien "Corse-matin", il leur demandait de voter OUI, ce vote étant selon lui "la meilleure manière d'affirmer (leur) attachement à la France et à la République". Logiquement, le succès relatif du NON voudrait dire que les Corses se détachent de la France. Évidemment il n'en est rien, et les propos présidentiels apparaissent à tous pour ce qu'ils étaient: du vent...
Après un vote aussi serré, on pourra épiloguer longtemps sur les responsabilités de chacun, comme après le premier tour de la présidentielle de 2002, puisqu'un déplacement minime des suffrages aurait suffi à inverser le message du corps électoral. Il n'en reste pas moins que les règles de la démocratie, pour imparfaites qu'elles soient, commandent à chacun de s'incliner devant le résultat d'un vote, aussi peu tranché soit-il. À moins que les plaintes pour fraude électorale déposées par les nationalistes (voir encadré) n'aboutissent à une annulation, le référendum du 6 juillet 2003 marquera longtemps la Corse.
Les 240000 habitants de l'île devront s'accommoder de leurs trois assemblées: deux Conseils généraux et une Assemblée territoriale. L'assemblée unique ayant été refusée, c'est un espoir de cohérence et de simplification qui disparaît. La politique corse demeurera morcelée par le clientélisme cantonal et départemental, qui décourage toute initiative et condamne à la soumission résignée. L'économie et la société corse resteront peu dynamiques, étouffées par l'assistance, le favoritisme et le poids de l'administration. Toute proposition de changement institutionnel est écartée pour de nombreuses années.
Une fois de plus, en Corse comme sur le continent, la réforme se révèle impossible. C'était pourtant la seule solution intelligente et réaliste ("soyez réalistes, demandez l'impossible" écrivaient les situationnistes sur les murs de mai 68!). Cela n'a rien à voir avec les jeux de rôles de la droite et de la gauche: Lionel Jospin et Nicolas Sarkozy (celui-ci avec le soutien actif de Jean-Pierre Raffarin, et plus tiède d'un Jacques Chirac fraîchement converti à la réforme) ont l'un après l'autre pris à contre-pied leurs amis politiques sur le dossier corse. Après une étude attentive du problème, ils ont conclu l'un comme l'autre que le seul chemin conduisant peut-être à une extinction de la violence politique passerait par une réforme permettant d'inclure davantage les nationalistes dans les institutions. Supprimer les départements au profit d'une assemblée unique élue au suffrage proportionnel devait permettre, pour Jospin comme pour Sarkozy, de donner aux élus nationalistes l'autorité suffisante pour imposer à leur base de renoncer à la violence, et pour certains aux pratiques mafieuses. C'était la voie de la respectabilité, de la responsabilité et du contrat avec d'autres forces politiques autour de projets concrets. Désormais, cette voie difficile étant refermée, les nationalistes sont rejetés vers la radicalisation et l'affrontement, sans autre perspective que de nouveaux drames. Et inexorablement le fossé se creuse entre la Corse et la France, où prospèrent les sentiments de lassitude, d'incompréhension et d'exaspération...
Le ministre de l'Intérieur, ayant pris acte de l'échec de sa proposition de réforme, se rabat sur son rôle de chef de la répression policière, mais il n'est pas davantage assuré de réussir sur ce terrain. En effet, que cela plaise ou non, l'histoire de la Corse démontre que cette île, qui ne fut indépendante que fort peu de temps à la fin du 18e. siècle, ne s'est jamais soumise à ses souverains extérieurs: ni Rome, ni Barcelone, ni Pise, ni Gênes, ni Paris n'ont jamais réussi à contrôler son peuple, dont l'insubordination se manifeste par mille astuces et traditions. Les nationalistes d'aujourd'hui, même détestés par bon nombre de leurs compatriotes, sont enracinés dans un réseau inextricable de relations familiales et de solidarités insulaires. Aucune police n'a le pouvoir de les isoler de leur environnement.
L'ombre de l'assassinat du préfet Érignac.
Les nationalistes représentent 25% de l'opinion insulaire, même si les sondages indiquent que l'idée de l'indépendance de la Corse ne rallie que 14% des opinions. Depuis trente ans ils se sont construit une identité en opposition, allant parfois jusqu'à la confrontation armée, à la puissance française. Très méfiants à l'égard des intentions du pouvoir central, ils n'étaient que modérément séduits par le projet de réforme institutionnelle proposé par Nicolas Sarkozy et Jean-Pierre Raffarin. Le résultat du référendum du 6 juillet les renvoie à leurs tentations de révolte radicale.
Les circonstances dramatisent ce retournement: le vote est intervenu deux jours après l'arrestation, près d'une bergerie de Porto-Pollo, d'Yvan Colonna, principal suspect de l'assassinat du préfet Érignac à Ajaccio le 6 février 1998, et cinq jours avant le verdict de la cour d'assises spéciale de Paris, qui a condamné les autres accusés à de très lourdes peines de prison. Les réactions des familles des condamnés, et l'ambiance des rassemblements nationalistes spontanés ou organisés à Ajaccio, indiquent l'état d'esprit des membres et des sympatisants de cette tendance: amertume, ressentiment, rage. La police constate une recrudescence des attentats et craint le pire. Au cours des deux prochaines années, trois autres procès cristalliseront les passions: l'appel des condamnés du 11 juillet, le premier procès et probablement l'appel d'Yvan Colonna. On n'a pas fini...
Les tenants de la "République Une et Indivisible", tout regonflés par leur "succès" du 6 juillet, n'hésitent pas à jeter de l'huile sur le feu. Ainsi Charles Lambroschini ("Le Figaro", 12 juillet 2003): "Bien fait! Les assassins de Claude Érignac ont été très durement frappés. Les condamnations à perpétuité pour les deux principaux membres du commando et les trente ans de prison assénés aux auteurs "intellectuels" du crime sont la preuve du retour de l'état de droit en Corse. Comme l'a promis Nicolas Sarkozy, le temps de l'impunité est terminé. Après le non au référendum, les juges auraient pu être tentés de choisir l'apaisement. Il n'en a rien été".
"Il ne doit y avoir ni vainqueur ni vaincu", déclarait récemment Jacques Chirac au sujet du conflit social sur la réforme des retraites. Tel n'est visiblement pas le cas en Corse, selon l'avis des Républicains fanatiques. Il doit y avoir un vainqueur, la République, et des vaincus, les nationalistes. Et les vaincus doivent être pourchassés, arrêtés, punis. Mais que se passera-t-il si l'on trouve l'un ou l'autre des vaincus dans la maison de l'un ou l'autre des représentants du vainqueur? Si la France détient bientôt un millier de Corses dans ses geôles pour complicité avec le terrorisme?
On peut déjà apercevoir l'impasse où conduit l'incapacité de la France à mener à bien des réformes nécessaires. En cela, le cas de la Corse pourrait concerner de près la Savoie.
Perestroïka régionale, acte II.
En octobre 2002 (Écho de Savoie n°59) je tentais un parallèle entre la décentralisation selon Raffarin et la perestroïka selon Gorbatchev. L'idée avait pu surprendre. Eh bien nous y sommes, ou presque! La décentralisation arrive en dernière position parmi les préoccupations des Français. Quand ils s'en soucient, c'est pour lui opposer un refus: ils ne veulent pas de réforme. La démonstration de force de l'État en Savoie du nord, avec 20000 militaires et policiers sous les ordres du préfet pour sécuriser la réunion du G8 à Évian, a plutôt rassuré une population que la menace terroriste effraie, même si le coût de l'opération a scandalisé plus d'un citoyen. Nombreux sont les fonctionnaires, et en particulier dans l'Éducation Nationale, qui ont fait grève contre le transfert des personnels non-enseignants aux régions. Les intermittents du spectacle, très remontés, redoutent la décentralisation du ministère de la culture...
Sur le thème de la régionalisation, Jean-Pierre Raffarin n'a trouvé aucun soutien populaire. Ce qui est remarquable dans le référendum du 6 juillet en Corse, ce n'est pas tant le résultat final que le manque d'intérêt des électeurs, la faiblesse de la mobilisation réformatrice, et la force d'inertie conservatrice considérable exercée par les fonctionnaires et les autres bénéficiaires du clientélisme.
Une fois de plus, la France expose son incapacité à mener à bien les réformes structurelles qui pourraient la sauver. Les plans qui sont présentés comme des réformes, et passés en force par la majorité politique au milieu des cris d'une opposition qui ne se remet pas d'avoir appelé à voter pour Jacques Chirac en 2002, ne sont que des mesures de restriction budgétaire imposées par la dérive des finances publiques. L'Union soviétique se trouvait dans une situation analogue, quoique plus grave, il y a quinze ans. Jean-Pierre Raffarin sera-t-il bientôt aussi détesté par son peuple que Mikhaïl Gorbatchev le fut en son temps? Dès l'automne, les sujets douloureux ne vont pas manquer...
Pourtant le Premier Ministre a affirmé, après le 6 juillet, que l'échec de son projet pour la Corse ne remet pas en cause sa politique de décentralisation. Il tente de sauver l'État en l'allégeant de tout ce qui peut être confié aux régions et aux départements: des lois organiques et des lois simples ayant cet objet prennent place sur les agendas du parlement. Jean-Pierre Raffarin espère en outre que "plusieurs référendums régionaux" pourront être organisés "d'ici à un an" pour simplifier la carte administrative. Lui et ses ministres évoquent notamment les DOM-TOM, la Normandie, l'Alsace, les Hautes-Alpes et les Alpes de Haute-Provence, et la Savoie...
Nul ne connaît pour l'instant le projet que les laboratoires de Matignon pourraient nous bricoler. Il est probable qu'ils tenteront par tous les moyens d'éviter de séparer la Savoie de la région Rhône-Alpes, ce qui présente toujours le risque de donner aux gens d'ici de "mauvaises idées" d'autonomie ou d'indépendance. On peut craindre aussi que, le moment venu, tout ce qui divise soit orchestré et dramatisé: le nord contre le sud, Annecy contre Chambéry, les Savoyards natifs contre les Savoyards d'adoption, les fonctionnaires contre le secteur privé, les villes contre la montagne, avec par-dessus le tout, pour faire monter la pression, la peur panique de la nouveauté. Le référendum du 6 juillet en Corse aura servi à nous montrer à l'œuvre une parfaite mécanique de l'échec, de l'impuissance et de la confusion. Il importe aux Savoisiens d'en déjouer les pièges en affirmant leur choix de liberté, le seul porteur d'avenir: quitter la France en perdition, ce carcan idéologique qui se raidit encore à mesure qu'il agonise.
Patrice Abeille.
Annulation du "raffarindum" pour fraude électorale?
Le Parti de la Nation Corse a décidé, le 17 juillet, de s'associer aux démarches juridiques en cours (entamées par d'autres mouvements nationalistes) pour faire annuler le scrutin du 6 juillet et condamner les fraudeurs. Les militants du PNC affirment en effet avoir constaté, comme d'autres observateurs nationalistes, des fraudes manifestes, notamment à Bastia et à Furiani, communes qui ont donné respectivement 70% et 80% des suffrages au NON.
Déjà en 1998, un recours de l'UPC (formation qui a donné naissance au PNC en s'associant avec Scelta Nova et Mossa Naziunale) avait obtenu l'annulation des élections régionales en Corse.
1-2 Coup de chaleur sur la rédaction de L'Écho de Savoie.
Une fois n'est pas coutume: le dernier numéro de votre journal (n°64), préparé pendant la canicule sans précédent du mois de juin, comportait quelques erreurs:
— à plusieurs endroits le signe € n'a pas été imprimé à la suite des chiffres indiquant des sommes monétaires.
— en haut à droite de la une, on pouvait lire "Remis à la Poste le 25/04/2003". Non, le retard n'a pas été si important dans la distribution du journal: il fallait lire "le 1/07/2003".
— en page 15, sous la photo de Jean de Pingon, la légende suivante se trompait de dix ans, pas moins: "Jean de Pingon rendant hommage à Marguerite Frichelet le 18 mai 1983: quelques mois plus tard il allait fonder la Ligue savoisienne". C'était bien entendu le 18 mai 1993, ceux qui ne connaissent pas bien la Ligue savoisienne n'ont pas pu "rectifier d'eux-mêmes"...
Comme le disait Pierre Lazareff, le fondateur de "France-Soir", "une fausse nouvelle plus un démenti égalent deux informations". Mais L'Écho de Savoie n'est pas un journal parisien, ni grenoblois: il redoublera d'efforts pour rester irréprochable, même par des températures extrêmes... C'est promis!
1-3 Région Savoie: "j'y crois" de moins en moins...
Historiquement, depuis 1972, l'idée d'une Région Savoie dans le cadre de la République Française a toujours servi à canaliser dans une voie sans issue les ardeurs de celles et ceux qui ne se résignaient pas à la domination écrasante de la France sur la Savoie. Malgré des échecs répétés, l'illusion régionale trouve toujours de nouveaux partisans, des poulains frémissants qui volontairement s'attellent, aux côtés de chevaux de retour, au char brinquebalant d'un régionalisme à l'eau tiède.
Le plus nouveau de ces fringants poulains se nomme Noël Communod. Après la publication d'un livre en solo à la fin de l'été 2002 (dont L'Écho de Savoie a rendu compte dans son n°59, daté d'octobre 2002), le voici coordinateur et rédacteur d'un nouvel ouvrage: "Livre blanc pour la création de la Région Savoie", publié par l'association La Région Savoie J'y Crois.
Grandeur et servitudes du raffarinisme.
Pour l'essentiel, le "Livre blanc" est une reprise, sur 196 pages au format A4, du livre de Noël Communod. C'est un plaidoyer pour une région à statut spécial qui pourrait se substituer aux deux départements créés par l'empereur des Français Napoléon III et assumer en outre les fonctions d'une Région, et même davantage, puisque le "livre blanc" décrit, dans son chapitre 5, toutes les compétences que la Région Savoie pourrait exercer elle-même sans passer par Paris. Le "copier-coller" a fonctionné à plein régime entre le livre initial de Noël Communod ("La Région Savoie, en 2004, c'est possible", Mirnographie éditions) et le "livre blanc". Les emprunts à "Renaissance savoisienne" (Patrice Abeille, édition Cabédita, 1998, cité dans la bibliographie) demeurent nombreux.
Ceux qui veulent compléter leur bibliothèque pourront se procurer cet ouvrage: voir les indications pratiques en fin de cet article.
Il reste à examiner quelles nouveautés ce "livre blanc" apporte, par rapport au livre paru à l'automne 2002.
Une de ces nouveautés est une note de pessimisme. Le "livre blanc" s'interroge (1.1.3, page 12): "La réforme Raffarin accouchera-t-elle seulement d'une souris?" La réponse est donnée sans détour: "Mais des promesses électorales aux réalités, il y aura certainement un grand fossé qui continuera à se creuser; en effet, jacobins, énarques et ambitions personnelles auront sans doute raison de ce grand projet qui pourrait sortir la France de ses problèmes. Une nouvelle fois, nous risquons d'accoucher d'une souris!"
Curieusement, ce pessimisme n'empêche pas les "alterrégionalistes" d'aller de l'avant. Ils osent prétendre (dans le bulletin d'information n°0 de leur association— juin 2003):
"La Constitution française prévoit explicitement depuis le 28 mars 2003 la possibilité de fusionner deux départements pour créer une collectivité territoriale nouvelle: exerçons ce droit.
Exerçons-le dans la République: il n'y a aucune raison pour que la République refuse de faire droit à la Savoie de ses aspirations légitimes, ouvertes et raisonnables, car désormais la Constitution prévoit:
- que la République est organisée de façon décentralisée.
- que des collectivités peuvent fusionner pour créer une collectivité nouvelle.
- que des collectivités territoriales nouvelles peuvent être créées.
- que les régions sont traitées égalitairement."
Pourtant, que les "alterrégionalistes" le veuillent ou non, il y a d'excellentes raisons pour que la République oppose son veto à leur modeste revendication. La meilleure raison, c'est que la création d'une Région Savoie, quel qu'en soit le modèle, risquerait de donner aux Savoyards et aux autres habitants de la contrée un aperçu des potentialités de la Savoie pour participer au concert des nations européennes.
D'ailleurs Noël Communod et ses amis, conscients du danger, prennent grand soin de se démarquer des souverainistes de la Ligue savoisienne. Le "Livre blanc" affirme en sa page 22: "Les Savoyards sont majoritairement hostiles au nationalisme, ce n'est donc pas pour verser dans un micro nationalisme à vocation séparatiste. À l'heure de la construction européenne, un tel concept n'a d'ailleurs plus aucune signification".
Mais le même "Livre blanc", pour réfuter l'argument de "la Savoie trop petite", livre en page 69 un tableau des populations de 20 entités européennes. Entre le Liechtenstein (31000 habitants) et la Savoie (1.100000 habitants bientôt) on n'y trouve pas moins de 7 États souverains: Liechtenstein (31000), Andorre (70000), Islande (270000), Malte (380000), Luxembourg (420000), Chypre (750000), Estonie (1 million). Quand les régionalistes raffarinés donnent eux-mêmes les arguments pour reconstruire la Savoie en tant qu'État souverain dans l'Union Européenne, que reste-t-il à dire? Sinon un peu de commisération pour ces colonisés qui éprouvent chaque matin le besoin irrépressible de faire une génuflexion devant l'autel de la République...
"Les régionalistes (disent-ils page 22) prônent davantage d'autonomie pour les régions et les autonomistes prônent des régions plus autonomes. Ils ne sont plus, ni les uns, ni les autres, au banc de la société". Les auteurs ont sans doute voulu dire "au ban" (du verbe français "bannir"). Mais c'est bien sur un banc de touche qu'ils sont assis pour suivre un match dans lequel les joueurs de leur équipe sont particulièrement médiocres...
Nos néorégionalistes ne sont pourtant pas naïfs au point de méconnaître ces règles non écrites de la République française: depuis toujours l'État parisien domine, divise, exploite et écrase les peuples conquis au cours de son histoire. Ils en donnent même un aperçu dans leurs pages 118 et 119. Jugez plutôt.
Page 118, alinéa 7.5 intitulé "L'apparition de potentats locaux?":
"Mais réfléchissons au fonctionnement actuel de la Savoie: qui oserait y nier l'existence de la race des potentats locaux? Ceux qui ont réussi à avoir des responsabilités nationales ou européennes verrouillent depuis longtemps la vie politique de notre région. Oser s'exprimer sur un sujet qui les contrarie est un crime de lèse-majesté. Quant aux élus locaux, la règle du "dis-moi qui t'a fait élire, je te dirai qui tu es" fonctionne à plein".
Michel Barnier, Hervé Gaymard, Bernard Accoyer et Louis Besson vont adorer ce "Livre blanc"...
Page 119, alinéa 7.6 intitulé "La tentation de l'indépendance":
"On dit que si on lui laisse un peu trop d'autonomie, la Savoie risque de faire sécession! Qu'il y aurait un risque pour l'intégrité du territoire! Mais c'est une notion qui a varié au cours du temps; de quel territoire parle-t-on? La Savoie ne faisait pas partie du territoire il y a à peine 150 ans!
Pourquoi ce qui est envisagé pour la Corse ne serait-il pas valable en Savoie? Les Savoyards seraient-ils considérés comme plus "dangereux" que les Corses?
Bref, si la France considère que c'est en maintenant les régions sous tutelle qu'elle maintiendra une certaine unité nationale, elle se trompe; c'est en les rendant plus autonomes qu'elle sera plus forte".
On croirait entendre Jacques Chirac expliquer aux Corses, quelques jours avant le référendum du 6 juillet, que voter OUI serait "la meilleure manière d'affirmer (leur) attachement à la France et à la République". On a vu le résultat...
Un plan pour la Savoie.
Heureusement, ce "livre blanc pour la création de la Région Savoie" n'est pas fait que de considérations politiques hasardeuses du même tonneau. Il est principalement un plan tracé pour une meilleure gestion de la Savoie, de son territoire et de sa population. On y trouve une foule de propositions intéressantes, comme celle-ci (page 75, alinéa 5.3.1.1.) concernant l'occupation des sols:
"Nous sommes aujourd'hui proches de la saturation immobilière; le "mitage" a fait son oeuvre. Il faut peut-être limiter la croissance à tout prix, préserver les terres agricoles et l'agriculture pour l'entretien des paysages et des montagnes, éviter l'asphyxie par les transports routiers devenus trop denses. N'attendons pas d'être dans la situation de la Côte d'Azur ou de la région parisienne pour réagir. Ce n'est pas la Datar qui a empêché toutes ces erreurs et ces dérives, bien au contraire. Toutes ces options et ces décisions ne peuvent être prises que par une autorité locale, sous le contrôle direct de la population concernée qui l'aura élue. Nous ne pouvons pas compter, ni sur Paris, ni sur Lyon qui n'ont eu de cesse que d'augmenter les accès pour venir aux sports d'hiver ou pour permettre le transit des marchandises (le Lyon-Turin reste dans cette logique)."
Le "livre blanc" argumente abondamment sur la taille de la Savoie, qu'à Paris on estime trop petite: cette taille se révèle au contraire parfaitement "européenne", et même idéale pour définir des politiques qui conviennent aux aspirations des citoyens. Il argumente aussi de façon détaillée sur toutes les options institutionnelles envisageables.
Il propose d'élire la future Assemblée de Savoie selon un mode mixte: les 71 cantons continueraient d'élire leurs représentants au scrutin majoritaire (ce qui sauverait le "job" des actuels Conseillers généraux) et 28 membres (le même nombre que celui des actuels Conseillers régionaux élus dans les deux départements savoyards) seraient élus au scrutin proportionnel. Cette solution permettrait de "recaser" tous les élus actuels, sauf quelques mâles contraints de céder leur place à des dames pour respecter la loi sur la parité qui s'impose à tous les scrutins de listes. Toutefois le "livre blanc" n'exclut pas l'élection au scrutin de liste des 100 membres (prévus, pour arrondir le chiffre de 99 résultant de l'addition des actuels Conseillers généraux et régionaux) de l'Assemblée régionale de Savoie.
Ayant braqué le projecteur sur les questions politiques les plus cruciales que pose le "livre blanc", nous n'en discuterons pas le détail des chapitres. Ils fournissent en grand nombre des éléments de réflexion sur les compétences d'action publique que la Savoie pourrait, si seulement elle le voulait, exercer elle-même: compétences départementales et régionales, et compétences supplémentaires découlant d'un statut spécial.
Nous pouvons cependant énumérer les domaines abordés dans le "livre blanc": aménagement du territoire (urbanisme, routes, transports, technologies de l'information, énergie, environnement, prévention et gestion des risques, politique de l'eau), action sociale (aide sociale, aide aux handicapés, soutien à la jeunesse, logement, habitat, santé, sécurité), économie (emploi, entreprises, chambres consulaires, coopérations transfrontalières, relations internationales, agriculture), tourisme, culture et loisirs (action culturelle, bibliothèques et archives, audiovisuel, patrimoine et musées, langue savoyarde, sports), éducation et formation (formation professionnelle, collèges et lycées, Université de Savoie, recherche).
Le "livre blanc" n'oublie pas d'indiquer les ressources financières et fiscales dont la Savoie pourrait disposer pour agir dans tous ces domaines. Elles seraient abondantes, puisqu'elles rassembleraient les ressources habituelles d'un département et d'une région (fiscalité directe et indirecte, reversements de l'État), une part de la TVA sur les activités touristiques à titre expérimental, le produit total de la taxe foncière, une part de la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (carburants, fioul domestique) et une fiscalité spécifique comme la taxe sur l'entretien des paysages.
Même si la création d'une Région Savoie demeure comme toujours une illusion lénifiante, le "livre blanc pour la création de la Région Savoie" fournit aux Savoisiens un bon "plan de vol" pour l'émancipation de la Savoie en tant que peuple et nation de rang européen. Ce n'est pas rien.
Documentation:
— Livre blanc pour la création de la Région Savoie: à commander avec un chèque de 15,25€ à l'ordre de "La Région Savoie, j'y crois" BP2. 74540 VIRY.
— "La Région Savoie, en 2004, c'est possible" par Noël Communod: à commander à La Ligue Savoisienne (2 avenue de la Mavéria. 74940 Annecy-le-Vieux) avec un chèque de 19€ (16€ + 3€ de frais de port).
1-4 Fusion des départements : le Berry comme la Savoie…
L'idée de fusion de départements est en fait une vieille lune de l'ancien Premier ministre gaulliste Michel Debré. Elle date de 1958: la France devait être divisée en 47 départements; c'est donc une notion étroitement jacobine permettant une perpétuation du système. Parmi ces départements potentiellement fusionnables figurent l'Indre et le Cher, qui reconstitueraient grosso modo le Berry, qui resterait donc sous cette forme dans la Région Centre (comme la Savoie dans Rhône-Alpes); elle-même pourrait intégrer un ensemble plus vaste avec l'Île-de-France, les Pays de la Loire, le Limousin et l'Auvergne... Or la Région Centre est loin d'être cohérente. En 1976 un géographe spécialiste de cette question, Paul Bachelard, écrivait: "La Région Centre est une de ces constructions politico-administratives imposées à un ensemble de petites régions, de pays, d'anciennes provinces dépersonnalisées. Elle sent l'artificiel, l'arbitraire."
Des essais de regroupement des départements de l'Indre et du Cher n'avaient pas abouti précédemment: "États généraux du Berry" dans les années soixante et "Assemblée provinciale" de 1996, sorte d'entente des pays de Savoie ou Assemblée (des Pays) de Savoie en quelque sorte...
Le Berry, la patrie de George Sand dont les romans champêtres ont tant fait rêver tout en étant un acte de foi et d'espérance en un avenir meilleur pour les pauvres et les malheureux, sera-t-il un nouveau département, permettant aux Parisiens en manque de verdure de venir passer leur week-end dans leur résidence secondaire, les Berrichons n'étant pas plus maîtres de leur destin qu'auparavant? La Savoie ne mérite-t-elle pas un sort meilleur que celui de nos amis berrichons?
Pascal Garnier.
Sources : Berry magazine, n°66, juin 2003. Philippe Goldman: "Le Berry entre province, départements et régions". pp. 37-41
1-5 Si les Conseillers généraux volaient, Jean-Pierre Vial serait chef d'escadrille (suite).
Jean-Pierre Vial, successeur d'Hervé Gaymard à la présidence du Conseil général du département de la Savoie (73) ne se contente pas de faire peindre en rouge et blanc un avion Mirage F1 de l'armée de l'air française (voir L'Écho de Savoie n°64, page 7). Le 21 juillet il était à Paris pour signer un accord avec pas moins de 17 entreprises et administrations, en vue de faire de la Savoie du sud, en compagnie de la Charente et de la Corrèze, un "département pilote".
Le placide avocat chambérien Vial ne s'était jusqu'à maintenant pas fait connaître comme un "avion de chasse", mais voici que sous sa présidence c'est tout le département qui devient "pilote". On va voir ce qu'on va voir, et vite puisqu'un premier bilan de l'expérience devrait être tiré dès le 15 novembre: le mur du son va sûrement être franchi plusieurs fois!
La liste des signataires de l'accord est impressionnante: d'un côté quatre présidents des Conseils généraux cités ci-dessus; de l'autre les dirigeants d'EDF, GDF, France Telecom, La Poste, SNCF, CNAM, CNAV, CNAF, ANPE, ANVAR, ACOSS, UNEDIC, MSA, AFPA, les Chambres de Métiers, Chambres de Commerce et d'Industrie et Chambres d'Agriculture. L'accord vise à une "réorganisation des réseaux de services publics" qui "doit viser à améliorer la qualité du service rendu". Une liste de sigles à donner le vertige à quiconque n'est pas familier de l'aviation de pointe. 17 administrations, c'est un chiffre qui fait craindre la catastrophe aérienne, le détournement d'avion ou du moins l'atterrissage d'urgence: le chiffre 17 n'est-il pas un porte-malheur chez nos voisins de la péninsule italienne?
Malgré ce mauvais présage, le pilote Vial laisse entrevoir une "amélioration de la qualité du service rendu" à bien des chanceux habitants de la moitié méridionale de la Savoie: abonnés au gaz ou à l'électricité, clients (ou encore "usagers" souvent bien usagés) du téléphone, de la poste ou du train, assurés sociaux, retraités, allocataires, chômeurs, inventeurs, payeurs de cotisations obligatoires, agriculteurs, artisans, commerçants, industriels et personnes en parcours de formation s'en réjouissent déjà.
Alors que la Région Rhône-Alpes connaît tant de déboires dans le transport régional de voyageurs, le mirifique accord paraphé le 21 juillet par le pilote Vial va peut-être miraculeusement réussir à faire partir (et même arriver) les trains à l'heure...
1-6 Genève supprime les droits de succession.
Le 26 juin dernier, le Grand Conseil (parlement) de la République de Genève a décidé d'en finir avec l'impôt successoral. Par 50 voix (de droite) contre 37 (de gauche) les députés ont décidé de proposer au souverain (les citoyens de Genève, qui seront prochainement consultés par votation) la suppression de l'impôt qui frappait les successions et les donations. L'exonération fiscale concernerait la transmission du patrimoine au conjoint ainsi qu'aux parents en ligne directe: fils, fille, père, mère. Actuellement les successions et donations sont taxées selon un taux progressif qui va de 2% à 6%. Le parlement genevois a souhaité que Genève reste compétitive face aux autres cantons, qui ont presque tous supprimé ce type d'impôt: il ne subsiste que dans les cantons du Jura et de Vaud. Les Vaudois devront voter dans quelques mois sur une initiative populaire lancée par le parti libéral.
Le législatif genevois a prévu de continuer à taxer les héritiers de contribuables bénéficiant d'un forfait fiscal: il s'agit de personnes riches qui ont négocié leur installation dans le canton avec les services fiscaux, le plus connu n'est autre que l'acteur français Alain Delon.
La suppression de l'impôt sur les successions et donations privera le budget cantonal de 65 millions de francs suisses de recettes chaque année. La Conseillère d'État Martine Brunschwig-Graf a reconnu la difficulté supplémentaire qui pèsera sur des finances cantonales déjà en difficulté, mais elle a estimé prioritaire d'agir pour éviter les dépenses superflues.
Après la décision genevoise, qui sera probablement approuvée par le peuple, l'exonération des successions gagne du terrain autour de la Savoie: déjà le Valais et l'Italie ne taxaient plus la transmission des patrimoines. Dans quelques mois, la France sera isolée dans sa pratique de taux d'imposition très lourds, qui frappent fortement les familles, bien souvent contraintes de vendre leurs biens pour acquitter l'impôt. C'est ainsi que s'accélère l'expropriation des Savoyards au bénéfice des riches européens désireux d'acquérir des résidences en Savoie.
Rappelons que les calculs faits par la Ligue savoisienne démontrent que le budget d'un État souverain de Savoie n'aurait absolument pas besoin de taxer les successions ni les donations pour équilibrer ses recettes et ses dépenses.
1-7 Le projet de Constitution européenne ignore les nations sans État.
La Convention sur l'avenir de l'Europe, présidée par Valéry Giscard d'Estaing, a achevé ses travaux le 11 juillet 2003. Les 105 conventionnels, représentant les gouvernements et parlements des États membres et candidats, ainsi que le Parlement européen et la Commission, ont réussi à se mettre d'accord sur le texte d'un projet de Constitution, qui a été remis le 18 juillet à Silvio Berlusconi, président de l'Union pour le deuxième semestre 2003.
C'est maintenant le Conseil de l'Union européenne qui va se pencher sur le texte constitutionnel. Les chefs de gouvernements (le chef de l'État pour la France seulement) pourront accepter le projet purement et simplement, mais il est plus probable que de nouvelles tractations auront lieu pour modifier certains articles.
Les nations sans État de l'Union européenne étaient représentées à la Convention par notre ami Neil MacCormick, eurodéputé écossais membre du Scottish National Party (indépendantiste) et du Parti Démocratique des Peuples d'Europe — Alliance Libre Européenne (PDPE-ALE).
Voici ce que Neil a déclaré:
"Le projet de constitution représente, à nos yeux, une vision franchement étatiste de l'Union. En tant que représentants des nations sans État et des régions d'Europe, nous avons essayé d'obtenir la reconnaissance du principe d'autodétermination dans la nouvelle constitution, mais il en est totalement absent.
Si nous nous félicitions de la prise en compte du rôle des gouvernements régionaux et locaux, toutes les questions relatives aux droits et à la représentation au niveau de l'État-nation demeurent exclusivement de la compétence des gouvernements des États membres. C'est très décevant et il s'agit d'une opportunité manquée.
Néanmoins, d'importants progrès ont été réalisés dans certains domaines – notamment en matière de langue et de culture avec un engagement explicite pour le respect de la grande diversité culturelle et linguistique de l'Union. C'est particulièrement important pour les petits pays et régions et pour les minorités dont le mode de vie est menacé par la mondialisation.
Le projet de constitution constitue un bon travail, rendant la structure et le fonctionnement de l'Europe plus intelligible aux citoyens et plus démocratique. Toutefois, il reste des points à améliorer absolument et personne à l'ALE ne peut lui accorder un soutien inconditionnel sous sa forme actuelle."
1-8 France: un record de condamnations devant la Cour Européenne.
En 2002 la France, patrie autoproclamée des Droits de l'Homme, s'est vu infliger 60 condamnations par la Cour Européenne des Droits de l'Homme! Soixante!
Depuis le 1er janvier 2003, le score français se monte déjà à 43 condamnations, dont une, record, comprend le versement en réparation d'un montant de plus de 3 200 000 euros...
Huit de ces condamnations ont été infligées le 17 juin 2003.
Par un étrange hasard, les citoyens et contribuables de France n'en sont informés ni par les médias, ni par les élus, ni par le gouvernement.
La Coordination Anti-Répressive de Bretagne se réjouit de voir l'image de la France être ainsi dévoilée pour ce qu'elle est par un tribunal indépendant et impartial.
Deux militants indépendantistes bretons poursuivis, Gérard Bernard et Gaël Roblin, ont déjà déposé des requêtes contre la France à Strasbourg pour violation de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. D'autres requêtes devraient être déposées sous peu par des prisonniers politiques bretons.

2-1 Bilan de l'élection cantonale d'Évian: disparition de l'esprit civique, réapparition du duel gauche/droite et triomphe minable de l'UMP!
Capitale du monde pendant le G8 la ville d'Evian ne pouvait que battre des records à l'occasion de l'élection cantonale des 22 et 29 juin 2003. En fait, ce fut celui des abstentions!
Le premier tour semblait pourtant promettre une belle empoignade entre les 12 candidats désireux de remplacer au Conseil Général de Haute-Savoie (et à l'APS) M. Marc Francina, député-maire UMP d'Évian. À côté des candidats labellisés par des partis politiques (Ligue savoisienne, PC, PS, UMP, Verts) se trouvaient donc 7 courageux "sans étiquette" ne comptant que sur leur bonne réputation, leur bonne mine ou leur beau sourire pour convaincre les citoyen(ne)s. Une douzaine de petits candidats, ce n'était pas trop pour occuper la place laissée par les deux poids lourds rivaux de la politique locale: Marc Francina (voir ci-dessus) et le socialiste Bernard Comont, décédé en 2002.
Le choix était donc très large, d'autant que les candidats avaient des pedigrees très variés: administrateur, artisan, avocate, commerçante, distillateur, dentiste, directeur général... plus une brochette de retraités.
Qu'allaient faire les 18.000 et quelques électeurs? Suspense!
La réponse tomba comme un coup de massue le 22 juin au soir: avec tous ceux qui étaient allés au lac ou en montagne ou étaient restés chez eux, moins d'un tiers était allé voter (31,52%)!
Malgré le grand remue-ménage du G8, malgré les 15.000 policiers et les 80 millions d'euros dépensés pour la gloire de Chirak, le scrutin était retombé dans l'ornière gauche-droite: un peu moins de 1500 voix pour l'UMP, un peu plus de 1000 voix pour le PS et le reste saupoudré sur les dix suivants...
Mais pour l'essentiel tout le monde était content: le directeur UMP d'être en tête avec 25,51% (soit 4.000 voix de moins que Francina en 2001!) et l'avocate PS d'avoir conjuré le déclin socialiste (avec seulement 2.000 voix de moins sur les 3000 de 2001!). Avec 1.95% la candidate savoisienne n'était même pas la dernière!
Tout cela s'expliquait, bien sûr! Trop de candidats, ça décourage, l'électeur est perdu! Mais heureusement le second tour allait trouver le second souffle! Un face à face, comme le public adore, le choc des mots et des idées, le combat de deux visions antagonistes de la Société! Et tout ça à Évian, à la face du monde!
Cette extrême médiatisation (?) a joué à plein pour convaincre 254 électeurs de plus (!) d'aller voter le 29 juin. Moins d'un point de plus qu'au premier tour! Même pas un votant pour trois électeurs... Et pourtant, Marc Francina lui-même avait tonné du haut de son Olympe: "Que tous les "ya qu'à", les "faut qu'on", les altermondialistes (?), les piliers de bistrot (...) fassent preuve de maturité et se montrent responsables: qu'ils aillent voter."
Mais alors, faut-il se demander, l'esprit civique n'aurait-il pas disparu? Sombré corps et biens dans les eaux du lac Léman?
Comment se peut-il que l'UMP et le PS qui contrôlent tous les pouvoirs, politique, économique, juridique, syndical... n'arrivent plus à mobiliser à eux deux le tiers de l'électorat? C'est la déprime!
La dépression démocratique qui pèse sur la France depuis le 21 avril 2002, nourrie de tous les désabusements et de tous les rejets, éloigne l'électeur des urnes, enlève tout crédit aux candidats, même ceux des partis de gouvernement. Retomber sur la Gauche-Droite n'est pas non plus une solution: la Droite au pouvoir depuis un an bute sur la crise sociale et le chômage, la Gauche n'est pas remise de ses 15 années de pouvoir et de son bide final. La "France d'en bas" n'en a rien à foutre d'être caressée dans le sens du poil par le Premier ministre, elle s'est mise en congé du débat politique.
Vive les vacances! Ras le bol du métro, du boulot, du dodo, même bercé par Raffarin!
Au fait, c'est quand la rentrée?
Pierre Ottin
Ex-Directeur de Campagne.
2-2 Les indépendantistes: la manière de voir de John Berger.
Le point de vue très original du grand écrivain établi à Mieussy, John Berger, sur la cause indépendantiste: "Les indépendantismes formulent tous des revendications économiques et territoriales. Mais leur première exigence est d'ordre spirituel. Les Irlandais, les Basques, les Corses, les Kurdes, les habitants du Kosovo, les Azéris, les Portoricains, les Lettons ont peu de choses en commun sur le plan culturel ou historique, mais tous veulent se dégager d'un centre lointain et étranger que, de longue et douloureuse expérience, ils savent dépourvu d'âme.
Tous les nationalismes sont, au fond du cœur, préoccupés par les noms, cette invention humaine immatérielle et la plus originale qui soit. Ceux qui en sous-estiment l'importance n'ont jamais été déplacés. Mais les peuples aux périphéries sont toujours déplacés, c'est pourquoi ils insistent pour que leur identité soit reconnue, ils insistent sur leur continuité —sur leurs liens avec leurs morts et avec ceux qui vont naître. Si le "retour" à la religion est en partie une façon de protester contre l'absence de cœur des systèmes matérialistes, la résurgence du nationalisme est en partie une façon de protester contre l'anonymat de ces systèmes, contre leur façon de réduire tout et chacun à des données statistiques et à l'éphémère."
"Manière de voir", n° 70, août-septembre 2003. John Berger: "Ce qui a disparu avec le mur".
2-3 Michel Hugonnot tente une randonnée pédestre à Paris, 31 avenue de l'Opéra: au refuge il trouve porte close...
L'Écho de Savoie du mois dernier (n°64, page 9) rendait compte du livre que notre ami Michel Hugonnot vient de publier: "250 petites et grandes randonnées en province du Faucigny". Le succès n'a pas tardé, les ventes sont bonnes et les commentaires des lecteurs excellents. L'auteur, grisé par la réussite, a tenté de faire connaître son ouvrage à la Maison de Savoie, représentation touristique officielle de notre pays dans la capitale des Gaulois. Par un fax envoyé le 5 juin au siège de la Maison de Savoie, 31 avenue de l'Opéra, il présentait son livre et proposait d'en expédier quelques exemplaires en dépôt-vente, puisque les documents officiels de cette Maison mentionnent l'existence d'une librairie dans ses locaux.
Pas de réponse, pas plus de réaction que dans un habitat de marmottes en plein hiver...
Un mois plus tard, Michel tente une lettre de rappel, avec ce cri de montagnard: "êtes-vous toujours concernés par ce qui se passe chez nous, et savez-vous encore où se trouve la Savoie?"
Cette fois madame Claude Comet, directrice de la Maison de Savoie, répond le 8 juillet par courrier:
Cher Monsieur,
Je reçois votre courrier et j'y réponds... de crainte que vous ne pensiez une seconde fois qu'ici nous ne savons rien des Savoies.
Peut-être, à votre premier envoi non abouti, auriez-vous pu trouver une autre explication, celle d'un problème postal par exemple. Pour éviter vos phrases un peu agressives dont je ne comprends pas le sens.
Vous nous demandez si nous connaissons nos Départements? Non bien sûr! Pour ma part, je n'en ai aucune idée; du reste je ne sais rien des Alpes, même si pendant dix ans j'ai dirigé le bimestriel Alpes Magazine (éditions Milan).
Bref, pour répondre à votre question, nous n'avons pas de librairie, ni de dépôt vente à Maison de Savoie. Ce que nous faisons, lorsque les éditeurs de chez nous publient des livres dont l'intérêt dépasse le seul cadre local, c'est organiser un lancement, en invitant leurs clients et les nôtres. C'est de cette manière que nous pourrions assurer la promotion de votre ouvrage. Ce qui nécessite que vous ayez un fichier de prospects... Maison de Savoie met alors ses locaux et un apéritif (boissons) à disposition; le partenaire se chargeant du buffet.
(suivent renseignements pratiques, salutations, signature, puis deux lignes imprimées en bas sur le papier à lettre: "La Savoie et la Haute-Savoie à Paris. Accueil, information, agence de voyages, librairie, centre de documentation presse et grand public")
Il ne fallait pas traiter par le mépris Michel le Randonneur. La réplique, datée du 14 juillet (coïncidence, c'était le jour d'une grande fête militaire à Paris...) fut cinglante:
Chère madame,
Merci pour votre courrier du 8 juillet, lequel ne m'a pas laissé indifférent et m'inspire les quelques lignes qui suivent, surtout en ce jour où la puissance annexante exhibe ses contradictions.
Tout d'abord, il n'y a pas deux Savoie, mais une seule, annexée crapuleusement en 1860 et occupée depuis un demi-siècle sans droits ni titres par la France, qui s'y incruste et nous spolie. Et quand bien même il y eût deux Savoie, le pluriel n'était pas approprié.
Ceci étant, il n'y avait aucune agressivité dans mon courrier. Je m'étonnais seulement d'une absence de réponse de votre part et je comprends mal vos histoires d'envoi non abouti, ma lettre ayant été expédiée par fax, et bien reçue dans la capitale de la métropole.
Quant au magazine dont vous faites état, est-il vraiment alpin? Le siège est à Toulouse, avec bureaux à Lyon et à Paris qui, chacun le sait, sont des villes qu'ombragent nos montagnes. D'ailleurs, ayant acheté le dernier numéro, j'ai constaté de nombreuses erreurs sur les sites ou les itinéraires que je connais bien. Ah, si Toulouse, Lyon ou Paris n'étaient pas si éloignés de nos Alpes!
Vous me dites enfin que la maison de Savoie n'a pas de librairie, ce que semble contredire la dernière ligne de votre missive où je lis "Accueil, information, agence de voyages, LIBRAIRIE, etc...".
Devant partir à la Pointe d'Areu, je vous laisse à vos réceptions parisiennes et aux petits fours que notre pays vous offre, en vous priant d'accepter mes plus cordiales et savoisiennes salutations.
Arvi'pas.
Michel Hugonnot.
PS. Ne voyez pas d'agressivité dans cette lettre. Ce n'est que mon humour, âpre comme nos vins et rude comme nos pentes. D'ailleurs, je vous offre mon livre dédicacé, certain que vous en ferez bon usage.
Et ce fut le dernier mot de Michel le Randonneur à dame Comet...
— Vous pouvez commander le livre à Michel Hugonnot, Bellevue, 74380 LUCINGES, en joignant 15 euros, port inclus. Exemplaire dédicacé sur demande.
2-4 Correspondance d'Afrique.
Nouvelle proposition de plaques minéralogiques pour la Savoie?
Non bien sûr, mais la Ligue est représentée aussi au Tchad, sur le plus grand chantier d'Afrique et sans doute un des plus grands chantiers du monde à l'heure actuelle: plusieurs représentants de Savoie travaillent actuellement sur ce chantier pétrolier (ESSO) situé au sud du Tchad et sur la construction du pipeline traversant le Cameroun.
Pour ma part, j'assure la direction des Services Généraux et du Matériel pour le Tchad.
Le bonjour du Tchad à la Savoie!
Christian MICHEL.
photos (numériques) sans légende: Tchad 1 et Tchad 2
2-5 Décès de Monsieur André Garcin, un vrai patriote savoisien.
André Garcin présidait depuis de nombreuses années le GELACS, Groupe d’Études, de Littérature et d’ACtions pour la Savoie.
Il était venu le 19 février 1999 à Cluses participer à la fête nationale de la Savoie pour remettre à Patrice Abeille le Prix Région Savoie,décerné à l’unanimité du jury pour son livre, "Renaissance Savoisienne".
Monsieur Garcin s'était alors exprimé en ces termes: "Le comité et moi-même ont pleinement apprécié le réalisme qui a guidé votre démarche, la clarté et la précision de votre exposé".
Le Prix Région Savoie a ensuite été décerné en l'an 2000 au journaliste Alain Flamand pour son reportage vidéo sur "le plus grand drapeau du monde", qui relatait l’exploit réalisé par des Savoisiens le 19 septembre 1999 sur la montagne du Criou à Samoëns.
Cet homme de cœur, intègre, a toujours énergiquement contribué à promouvoir la Savoie qu’il affectionnait; il était natif d’Annecy et vivait avec son épouse à Dampierre en Burley dans le département du Loiret .
À toute sa famille, aux membres du GELACS, L'Écho de Savoie présente ses sincères condoléances.
photo 8:
André Garcin remettant à Patrice Abeille le Prix Région Savoie le 19 février 1999 à Cluses.
2-6 Petites annonces savoisiennes.
(insertion gratuite pour nos abonnés)
—À VENDRE, à Gaillard à 5mn de la frontière, MAISON sur 850M2 de terrain, 3 chambres, grand salon, cave et garage, chauffage central au gaz. Prix: 290 000 €. Tel. 0450 365 612.
—NISSAN TERRANO II série spéciale, toutes options, modèle 2000, 50000km. Plaques savoisiennes. 20000€, à adhérent 19000€. tel 0450 58 36 63
—Carte historique de la Savoie en 1856, éditée sur papier glacé 70X50cm. 3 euros la copie. tel 0450 43 33 95.
—RECHERCHE films argentiques (pas video) tous formats (principalement 16 mm) tournés en Savoie ou dans la région lémanique (Chablais, Genève, Valais, Vaud). Catégorie indifférente (voyage, famille, sport, films à scénario, fiction, etc.). Courts ou longs métrages, sonores ou muets, noir et blanc ou couleurs, toutes époques. Faire offre au 0450 35 48 97.
—Cherche couteaux de poche avec lame de scie. tel. 0683 27 72 67.
—Jeune couple qui s'installe remercie d'avance la personne qui lui procurera une machine à laver d'occasion en bon état à un prix modique. Faire offre au secrétariat de la Ligue savoisienne, qui transmettra.
2-7 Concours de bûcherons en Bauges le 3 août.
Le dimanche 3 août la commune d'Aillon le Jeune au coeur des Bauges, sera animée par un grand concours de bûcherons.
Un championnat du monde de Coinchon verra s'affronter les élites de ce sport exigeant et quelque peu imprévisible dès 10 heures du matin.
Les Savoisiens de la province de Savoie Ducale vous invitent à les rejoindre, à partir de midi, pour un apéritif avec concert.
Une soupe bûcheronne sera servie dans la tradition savoisienne.
2-8 Fête des Bergers au Petit Saint-Bernard le 17 août.
Les Savoisiens de la Province de Tarentaise seront présents, comme chaque année, au col du Petit Saint-Bernard pour la Fête des Bergers, qui aura lieu le dimanche 17 août.
Nous invitons les Savoisiens à venir nous rendre visite, sur notre stand, ce jour de fête et de rencontre entre Tarins et Valdôtains.
2-9 Feufliâzhe 2003:
Samedi 16 et dimanche 17 août
à Plaine-Joux, alpages d'Onnion et de Bogève dans le Chablais.
De nombreux Savoisiens avaient participé à cette fête l'an dernier. Cette année Jean-Marc Jacquier, le grand barde savoisien, sera présent, on annonce aussi un groupe de polyphonie basque. Bravo pour cette ouverture!
2-10 La fête du francoprovençal
aura lieu à Cruseilles les 30 et 31 août prochain!
2-11 Commémoration de la bataille de Méribel le 13 septembre.
Province du Faucigny:
Comme chaque année, les Savoisiens du Faucigny vous invitent à les rejoindre pour célébrer le souvenir de la bataille qui opposa, près de Sallanches en septembre 1793, des patriotes savoisiens, valdôtains et piémontais à une armée d'occupation française.
Le rendez-vous est d'ores et déjà fixé à 15 heures le samedi 13 septembre, au lac des Ilettes, à proximité de l'aérodrome de Sallanches.
2-12 Les Savoisiens à Nice le 28 septembre.
L'acte de Dédition de Nice à la Maison de Savoie, par lequel les libres Niçois se plaçaient sous la protection de la prestigieuse Maison de Chambéry, fut signé le 28 septembre 1388 devant l'Abbaye de Saint-Pons, sur les hauteurs de Nice, à l'endroit où Amédée VII, dit le Comte Rouge, avait dressé son camp.
615 ans plus tard, le même jour, au même endroit nous allons renouer les liens historiques de la Savoie avec Nice.
Autour d'un même projet: retrouver notre souveraineté, c'est-à-dire notre liberté.
Notre ami niçois Alain Roullier, fondateur de la Ligue niçoise, a écrit: "L'indépendance de Nice n'est pas une vision du passé mais une chance pour demain".
Les Savoisiens feront le voyage avec leurs voitures particulières.
Départ samedi 27 septembre 2003; retour lundi 29 septembre 2003.
L'hébergement est prévu dans deux hôtels: Ibis (centre-ville, 65€ par nuit pour une ou deux personnes avec petit déjeuner) ou Première Classe (Nice-aéroport, 40€ par nuit pour une à trois personnes, petit déjeuner possible pour 4€ par personne).
Demandez un bulletin d'inscription à la Ligue savoisienne:
2 avenue de la Mavéria. 74940 Annecy le Vieux.
tel. 0450 09 87 13. fax: 0450 09 95 80. 
3-1 Gilly-la-dioxine, deux ans après: une catastrophe écologique gravissime.
par Jean-Paul Charpin.
Le 25 octobre 2001, le préfet de la Savoie du sud fermait l'incinérateur de déchets de Gilly sur Isère, situé à côté d'Albertville, après la découverte d'une pollution par la dioxine. Géré par le SIMIGEDA (syndicat intercommunal mixte de gestion des déchets du secteur d'Albertville), exploité par Novergie, entreprise privée filiale du groupe Lyonnaise des eaux, et contrôlé —en principe— par le préfet, c'est-à-dire par la DRIRE (direction régionale industrie recherche environnement), cet incinérateur fonctionnait depuis des années en crachant dans le bassin albertvillois une fumée très toxique, chargée de dioxine.
Début 2001, un habitant s'inquiète du nombre élevé de cancers dans la zone géographiquement proche de l'incinérateur (moins d'un kilomètre). Y aurait-il un rapport entre la maladie et la fumée? Le maire de Grignon, commune voisine, décide de faire réaliser des analyses. Le scandale éclate au grand jour. Car il s'agit bien d'un vrai scandale: depuis des années, les élus du SIMIGEDA étaient alertés et prévenus des risques par d'autres élus, écologistes ou non, et par des associations environnementales. Sans suite. Novergie était en possession d'un rapport de juin 2001, soit six mois avant la fermeture du site, attestant que le taux de pollution était de 1285 ng/m3 (alors que la norme européenne est de 0,1 ng/m3), soit environ 13000 fois la norme admissible! Ce résultat soigneusement camouflé ne fut connu qu'en décembre 2002.
3-2 La population réagit.
Les habitants du secteur, victimes innocentes laissées dans l'ignorance de cette catastrophe, décident de se regrouper au sein de l'ACALP (association citoyenne active de lutte contre les pollutions).
Pour faire le point aujourd'hui sur cette crise, nous avons rencontré la présidente de l'Acalp, Mme. Dominique FREY, ainsi qu'un agriculteur du secteur, M. Pierre TROLLIET.
JPC: — Pouvez-vous présenter l'Acalp aux lecteurs de l'Écho de Savoie?
DF: — L'Acalp a déposé ses statuts en décembre 2001. Elle agit de manière légaliste et indépendante de tout parti politique. Elle compte actuellement 700 membres. Ses actions sont motivées par le souci d'obtenir des réponses aux questions posées par cette catastrophe. Nous souhaitons rechercher des informations et les restituer à nos adhérents. Nous organisons des conférences, nous réfléchissons au problème du traitement des déchets. Nous représentons aussi les victimes dans leur action en justice.
JPC: — En quoi consiste cette action en justice?
DF: — Une procédure pénale est en cours, à l'initiative des habitants représentés par l'Acalp, associée à d'autres associations (Graine, Alliance) ou syndicats comme la CFDT et la Confédération paysanne. Il y a à ce jour 179 plaignants.
JPC: — Contre qui cette plainte est-elle dirigée?
DF: — Contre les trois acteurs de cette catastrophe que sont le préfet contrôleur (M. Girot de Langlade), le responsable de la société exploitante (Novergie) et M. Albert Gibello gestionnaire président du SIMIGEDA. Et tous autres que l'enquête pénale identifiera. Mais les responsabilités sont si complexes à définir que le juge a requalifié cette plainte en plainte contre X, pour "mise en danger délibérée, homicide involontaire, coups et blessures involontaires, abstention délictueuse". Celle d'empoisonnement pourrait réapparaître au cours de l'instruction qui est dirigée vers trois axes: fonctionnement de l'usine, pollution, santé.
JPC: — Avez-vous confiance dans l'action en justice? Ne craignez-vous pas que, comme lors de précédents tristement célèbres tels que la catastrophe de Tchernobyl, le sang contaminé, l'amiante, l'accident sous le tunnel du Mont-Blanc, etc., l'État français ne fasse tout pour étouffer l'affaire, minimiser les conséquences, allonger la procédure jusqu'à prescription?
DF: — Nous sommes bien conscients que l'action sera longue et difficile mais nous sommes motivés pour comprendre comment et pourquoi nous en sommes arrivés là et en tirer les leçons pour l'avenir. À ce jour, je peux dire que le juge d'instruction s'est montré déterminé à faire avancer ce dossier sans traîner et à se donner les moyens de faire toute la lumière sur ce désastre, par respect pour les victimes.
Au niveau européen, la France vient d'être condamnée par la Cour de Justice des Communautés Européennes pour non-respect des règles européennes d'émission de dioxine. En 1996, une quarantaine d'incinérateurs étaient hors-normes. Actuellement, il en reste sept.
3-3 Les effets sur la santé.
JPC: — On a pu entendre dire que la dioxine n'était pas forcément très dangereuse. Qu'en est-il exactement?
DF: — Il y a 80 cancers recensés à Grignon, dont 25 dans la même rue. Ceci a de quoi inquiéter.
Au mois de septembre 2002, nous avons assisté à la conférence du docteur Pluygers. Celui-ci est cancérologue, ancien chef de service à l'hôpital Jolimont en Belgique et conseiller scientifique auprès de nombreuses associations et équipes de recherche sur l'environnement. Il a expliqué que les effets de la dioxine sur la santé humaine ont été confirmés par des études épidémiologiques et par des processus d'apparition des maladies. Les dioxines perturbent le fonctionnement hormonal et donc tout l'équilibre interne de notre corps. En biologie moléculaire, on montre qu'une molécule de dioxine peut produire l'altération d'un gène. Les dioxines sont aussi responsables de troubles du développement nerveux et d'altération de la qualité du sperme.
Une étude épidémiologique non encore publiée, menée par l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale dans la région Rhône-Alpes de 1988 à 1997, montre une élévation du nombre de malformations chez les enfants vivant à proximité des incinérateurs (1).
Le problème auquel la population est confrontée, c'est que les décideurs, les politiques tiennent un discours rassurant, "ce n'est pas grave; ça ne va rien faire", mais ce discours procède soit d'une méconnaissance de résultats scientifiques préoccupants, pour ne pas dire alarmants, soit de préoccupations financières plus fortes que le bien et l'intérêt de la collectivité.
JPC: — Les autorités ont-elles enquêté sur ces nombreux cas de cancers?
DF: — L'État a lancé trois études épidémiologiques. Deux sont en cours actuellement, l'évaluation quantitative des risques et l'identification de l'excès de cancers. La troisième, portant sur l'imprégnation des dioxines dans le lait maternel, devait commencer début 2003.
D'autre part, une étude chez les enfants issus de la zone contaminée autour de l'incinérateur a été annoncée. Sera-t-elle réalisée?
JPC: — Y a-t-il à votre connaissance d'autres endroits en France pollués par la dioxine?
DF: Il y en a un grand nombre. Nous sommes en contact avec beaucoup d'associations de riverains d'incinérateurs. Les exemples sont nombreux d'incinérateurs neufs ou récemment mis aux normes, incapables de respecter les normes et de maîtriser leurs émissions de pollutions. En voici quelques uns: à Maincy, en Seine-et-Marne, la mairesse elle-même vient de déposer une plainte après la découverte d'une grave pollution par la dioxine et des problèmes de santé chez les riverains; de même à Nivillac, dans le Morbihan, à Cluny en Saône-et-Loire ou à Angers. Partout, les victimes se mobilisent. À Halluin, dans le Nord, l'incinérateur a été fermé en 1998 pour cause de pollution par la dioxine; en janvier 2002, le nouvel incinérateur pollue à nouveau. À Lunel, dans l'Hérault, ouverture de l'usine en juin 1999, présentée comme "ultraperformante" et sans danger pour l'environnement. En juin 2002, les associations constatent les rejets des eaux de lavage des fumées dans le canal, chargées en dioxine, arsenic, cadmium, plomb, polluant ainsi eau et poisson. Je précise que ces associations ont financé elles-mêmes les analyses de métaux lourds dans le raisin et de dioxine dans le lait maternel, révélant ainsi des taux bien supérieurs aux normes.
JPC: — Comment la dioxine arrive-t-elle dans l'organisme humain?
DF: — La fumée de l'incinérateur se disperse, la dioxine se dépose sur la végétation. Les fruits et le feuillage des légumes sont donc souillés, de même que la nourriture des herbivores, des poules, etc. Ensuite, la dioxine se fixe sur les graisses humaines et animales. Lorsque nous consommons de la viande, des œufs, du lait ou du fromage, nous sommes à nouveau contaminés et cumulons au fil du temps un poison qui s'élimine très lentement.
JPC: — Et puis il y a le problème de l'allaitement maternel?
DF: — C'est un sujet très angoissant pour les mamans, elles ne savent plus si elles doivent poursuivre ou non l'allaitement de leur bébé. Comme la dioxine s'accumule dans la graisse, elle est aussi dans le lait. Les commentaires et avis des spécialistes dans ce domaine diffèrent: soit qu'au bout de trois mois d'allaitement, les effets toxiques de la dioxine dépassent les bienfaits de l'allaitement maternel sur le plan immunitaire, soit que les bénéfices de l'allaitement sont toujours supérieurs aux risques liés à la dioxine, soit que l'on manque d'études sur ce sujet et qu'il faut alors appliquer le principe de précaution, c'est-à-dire qu'il ne faut pas allaiter. Ce que l'on sait aussi, c'est qu'une mère allaitante se décontamine, mais au prix de la contamination de son enfant.
3-4 Des agriculteurs traumatisés.
JPC: — Pierre Trolliet, vous êtes agriculteur dans la région. Quelle est la situation de l'agriculture aujourd'hui dans le secteur?
PT: — L'agriculture s'est trouvée sinistrée: il a fallu abattre 6875 bêtes (bovins, caprins, ovins et équins), détruire 2 230 000 litres de lait depuis la fermeture du site et 24 tonnes de produits laitiers, retirer 10000 tonnes de foin. 365 exploitations agricoles ont été touchées. Les producteurs de fruits et légumes ont subi une perte commerciale importante, faute de clientèle. D'autre part, les agriculteurs sont les premiers consommateurs de leurs produits, ils sont très inquiets pour leur santé.
JPC: — Les agriculteurs ont-ils été correctement indemnisés et connaît-on le coût de cette indemnisation?
PT: — Le coût de ce plan d'urgence est estimé à 17 millions d'euros. Les agriculteurs ont été bien indemnisés mais le préjudice moral ne se répare pas à coups de millions. Il a fallu repartir de zéro. Quelques petits agriculteurs, parfois âgés, ont cessé toute activité. Quant aux non-professionnels, ils n'ont rien touché. Tous ceux qui faisaient de la vente directe sont toujours pénalisés par la perte de leur clientèle. Et puis il faut être conscient que la réputation des produits de notre région, qui était excellente, est ruinée. Combien de temps faudra-t-il pour la restaurer?
JPC: — Qu'est devenu le foin qui a été retiré des granges?
PT: — Les 10000 tonnes de foin ont été stockées provisoirement sur des aires, dans la région. En 2002, environ 1000 tonnes sont parties en fumée lors d'incendies sur deux aires de stockage et 1000 tonnes ont été incinérées en Suisse. Le reste, 9000 tonnes, est toujours là, c'est un provisoire qui dure. On ne peut pas l'enfouir, ni le laisser se décomposer. Il faut le retraiter mais ça coûte trop cher, paraît-il. Alors on attend.
JPC: — Pouvez-vous actuellement refaire du foin et laisser les bêtes pâturer comme avant?
PT: — Oui. Les analyses de la Direction des Services Vétérinaires autorisent les éleveurs à reprendre leurs activités normalement en prenant dès le printemps 2002 quelques "précautions": éviter le surpâturage, couper à 7 cm pour la fenaison, relever la barre de coupe en terrain accidenté, surveiller les taupinières...
3-5 Réduire. Recycler. Valoriser. Refuser.
JPC: — Dominique Frey, tournons-nous maintenant vers l'avenir. La société produit beaucoup de déchets, faut-il construire de nouveaux incinérateurs plus performants, faut-il trouver d'autres solutions pour éliminer ces déchets, que proposez-vous?
DF: — La première chose qu'il faut bien comprendre, c'est qu'on n'élimine jamais les déchets, on ne les réduit pas, on ne fait que les transformer. Le volume de déchets qui entre dans un incinérateur en ressort sous la forme de cendres et de fumées extrêmement toxiques dont on ne maîtrise pas la dispersion.
Ce à quoi nous devons penser prioritairement et collectivement, c'est réduire notre production de déchets. En Alsace par exemple, grâce à l'action d'élus courageux, ouverts et ambitieux, les habitants de la communauté de communes de la Porte d'Alsace ont réduit la masse de leurs ordures ménagères brutes de 80%, passant de 370 kg par habitant en 1986 à 77 kg par habitant en 2001! C'est au quotidien, dans notre mode de vie, qu'il faut repenser nos habitudes: est-ce bien nécessaire que toutes nos marchandises soient emballées, que les contenants ne soient pas davantage consignés, qu'il y ait autant de produits jetables? D'autres pays comparables au nôtre pratiquent des techniques plus ambitieuses et respectueuses de l'environnement. Pour nous, il est clair qu'il ne faut plus construire d'incinérateurs. Réduire la masse de déchets, composter les déchets organiques quand c'est possible, trier, recycler, valoriser et enfin enfouir sont les seules orientations respectueuses de l'avenir. L'incinération obéit à des critères économiques de rentabilisation qui ne laissent aucune place aux politiques de réduction des déchets. Il n'y a rien à inventer, ailleurs les pratiques alternatives existent et sont adoptées avec succès. Il ne s'agit que de volonté, même pas de coût.
JPC: — Avez-vous pu formuler vos propositions aux élus?
DF: — Nous avons effectué de nombreuses tentatives auprès de nos élus locaux (maires, conseillers généraux, députés), nous avons cherché à les rencontrer, nous leur avons écrit, nous les avons invités aux conférences que nous avons organisées. Nous avons rencontré M. Gaymard, ministre de l'Agriculture, M. Rolland, député, ainsi que M. Vial, président du Conseil général qui nous a confirmé que cette catastrophe était le résultat d'un nombre important et répété de mauvaises décisions et qu'à ce titre, la responsabilité des acteurs est réelle. Nos propositions ont reçu un accueil plutôt réservé, nous verrons bien à l'usage si elles seront suivies d'effet.
Par ailleurs, nous avons pris connaissance du projet départemental de traitement des déchets. Nous le refusons catégoriquement. Il témoigne d'une absence totale de politique de limitation des déchets; d'un taux insuffisant de recyclage et de valorisation avec collectes sélectives; du choix aberrant de l'incinération proposée comme solution centrale. Ce plan reproduit l'organisation actuelle du traitement des déchets. Les préoccupations modernes de protection de l'environnement, d'économie des énergies non renouvelables, ne sont pas intégrées dans cet avenir. Il faut savoir que le plan départemental fixe les grands principes pour les décennies à venir, qu'il servira de guide aux communes pour leurs équipements. Chaque Savoyard doit se sentir concerné.
JPC: — Comment peut-on vous contacter, adhérer à votre association?
DF: — Nous avons un site internet: www.acalp.org et une adresse: Acalp - Mairie CD 925 - 73200 Grignon. Une permanence est assurée le samedi matin de 9 h 30 à 11 h 30 (ancienne cure de Grignon au dernier étage).
JPC: — En conclusion, qu'est-ce qui vous a le plus choqués dans cette catastrophe?
DF: — C'est le dédain manifesté par les autorités à l'égard des familles des malades, c'est le fait que la santé de la population et l'avenir de nos enfants sont relégués derrière les intérêts économiques du privé, derrière la paresse administrative et derrière la routine de certains élus.
(Propos recueillis en mai 2003 par Jean-Paul Charpin)
(1) on peut lire un résumé de cette étude sur le site <www.cniid.org/ADELF> . Les chercheurs, qui ont travaillé sur les malformations congénitales en Rhône-Alpes entre 1988 et 1997, ont décelé un risque accru dans les zones où se diffusaient les fumées des incinérateurs. Mais ils ne sont pas totalement satisfaits par leur recherche, qui permet aussi de conclure à un rôle important du trafic routier, des industries chimiques et métallurgiques, et même de la densité de population (??). Leurs travaux se poursuivent donc. Depuis un an, à la suite du scandale de Gilly, dans toute la France beaucoup de petits incinérateurs défectueux ont été fermés. Des normes européennes 30 à 100 fois plus draconiennes que celles qui n'étaient pas respectées à Gilly vont devoir s'appliquer partout en 2005. On ne sait pas comment: de nombreux incinérateurs tout neufs fonctionnent comme des usines à polluer! Les associations comme l'Acalp auront encore du travail pour exiger la vérité et le respect de la santé publique... (NDLR)
 
légendes photos:
1: L'incinérateur de Gilly à l'arrêt.
2: Que vont devenir ces milliers de bottes de foin pollué?
3: Des pâtures contaminées?
3-6 Au Conseil régional, la dioxine serait plutôt à droite.
Le Conseil régional de la Région Rhône-Alpes, réuni en Assemblée Plénière le vendredi 18 juillet 2003, a débattu, avant d'aborder son ordre du jour, sur les sujets proposés en "questions préalables" et autres "motions de priorité".
L'une de ces questions préalables était posée par le groupe des Verts. Elle portait sur l'effet néfaste de certaines dioxines sur le corps humain et attirait l'attention sur les incinérateurs qui fonctionnent encore sans respecter les normes européennes.
Voici ce que les Verts proposaient à l'assemblée.
"Suite aux incertitudes sur les effets des dioxines PCDD et PCDF sur l'organisme humain et ceci même à très faible dose (picogramme), la Région Rhône-Alpes, par principe de précaution souhaite:
- que soit établi un moratoire sur la construction de nouveaux incinérateurs en Rhône-Alpes;
- que soit réalisé un état de la concentration en dioxine sur les terrains, végétaux, animaux et humains à proximité de tous les incinérateurs de Rhône-Alpes."
Je me suis abstenu sur le premier point de la proposition, car je redoute qu'un moratoire sur la construction de nouveaux incinérateurs n'aboutisse à des situations ingérables, imposant le transport des ordures ménagères sur des centaines de kilomètres, ou la mise en décharge de ces ordures avec des effets encore pires sur l'environnement.
Mais j'ai approuvé par vote la deuxième proposition, pour qu'une étude scientifique nous dise où nous en sommes avec ces dioxines.
Les deux propositions ont été rejetées. La deuxième n'a été soutenue que par les Conseillers régionaux des groupes de la Gauche ex-plurielle (PC et PS) et des Verts, avec mon appui. Toute la Droite a voté contre, le FN s'est abstenu. Un état de la concentration en dioxine n'est donc pas souhaité par le Conseil régional. La dioxine serait-elle une substance droitière? La Droite rhônalpine craindrait-elle qu'une étude ne démontre les graves dysfonctionnements des incinérateurs actuellement en fonction?
3-7 Chronique sur l'effet de serre en Savoie : toujours plus chaud!
Mârs:
"Tout le mois, il a fait soleil. Et puis le vent du nord, cette bise qui sèche la terre" me raconte Eugène Girerd, agriculteur en retraite à Avressieux. "Moi, mes "trufas" (pommes de terres), quand je les ai tirées, il a fallu toute une table pour faire un plat, sous chaque plan yon, dué ou très gobilyes" m'expose Maurice, ancien commerçant, de Traize.
Avril:
Jeudi 24, 14 h, lac d'Aiguebelette, plage du Sougey, un soleil de plomb, chouette pour moi ce sera la première séance de natation de l'année en lac! En général, il y a toujours de belles journées de printemps ensoleillées qui permettent de faire deux ou trois brasses, le plus souvent en compagnie de touristes allemands, pas impressionnés par la basse température de l'eau, sous l'œil ébahi des locaux. Cette année première surprise: non seulement il y a du monde mais de nombreux bambins s'ébrouent dans l'eau au milieu de ce décor féerique qui a été immortalisé par le peintre de la nuit François Cachoud. Et seconde surprise, lorsque je pénètre dans l'eau, je n'ai pas froid et très rapidement, je peux me rendre compte qu'il y a déjà de nombreux courants chauds comme en plein mois de juillet. Ce qui au départ ne devait être qu'une petite trempette de quelques dizaines de mètres se transforme en une belle ballade d'un kilomètre et demi. Renseignement pris auprès de la société de pêche du lac d'Aiguebelette, j'ai eu la confirmation que la température en surface était de près de 3° supérieure à la normale saisonnière, température expliquée par un ensoleillement très supérieur aux années précédentes. Maintenant à la mi-juillet, Pierrot de Yenne, carrossier en retraite, m'explique: "on ne prend presque plus rien en lac à la pêche à la friture parce que les poissons cherchent la fraîcheur en profondeur." Ce phénomène de réchauffement précoce de l'eau des lacs correspond aussi à une sécheresse dans certaines régions dont on commence à parler dans les médias, une situation déjà pire en avril que celle de la première grande sécheresse historique récente, celle de l'année 1976.
Mê:
poursuite du beau temps. L'Organisation Météorologique Mondiale a indiqué que le mois de mai 2003 avait été le plus chaud dans le monde depuis le début des relevés en 1880.
Jouen:
les températures ont battu tous les records, pas seulement du mois mais de tout l'été. Météo France Savoie confirme que juin a été le plus sec et chaud depuis 29 ans que cette structure existe. Elle constate: "La température moyenne mensuelle est excédentaire de 6,4° avec un excédent de 8,1° sur les températures maximales. Elle bat tous les records de juin mais également tous mois confondus. Ces températures sont comparables en juin au climat de Séville ou de Meknès au Maroc." Avec 24,3°, le record datant de juin 2002 de 20,5° est pulvérisé, la valeur moyenne sur les 29 dernières années étant de 18°! La moyenne des températures maximales quotidiennes est de 31,8°, quand celle de 1976 était de 28,6°. Le record est atteint le 25 juin avec 36,1° (record précédent le 23 juin 2002: 34,4°). Enfin, il n'a presque pas plu: 8 mm pour le mois alors que la moyenne mensuelle est de 103 mm.
On annonce déjà les premières restrictions d'eau dans des centaines de communes.
Julyèt,
premiers jours: courte pause dans la canicule, 3 ou 4 jours de pluie. Puis à nouveau ce soleil de plomb, les champs de maïs "dorcés" par le soleil, les plants ont leur croissance bloquée à un mètre de hauteur et les "poupées" qui donnent le grain ne sortent pas, en langage scientifique on appelle cela "le stress hybride de la végétation". Dans des champs où les derniers brins d'herbe brûlent, des bovins immobiles attendent de la nourriture, l'air angoissé, les nants sont totalement asséchés.
En altitude même phénomène: des neiges éternelles disparaissent et sur le glacier de Tignes, à 11 heures le matin, c'est du ski nautique!
Enfin dans les villes, à Chambéry comme à Annecy, Annemasse ou Albertville, depuis des mois l'air est saturé d'ozone, dépassant largement en ce moment le seuil d'alerte de 180 mg au mètre cube d'air, au-delà duquel on déconseille aux personnes âgées ou fragiles de faire des efforts physiques. Et Genève bat presque son record de chaleur le dimanche 21 juillet avec 37,8°. Mince consolation: selon Météo Suisse, depuis 1864 que les mesures existent, il avait fait 38,3° le 28 juillet 1921. Mais l'été est loin d'être terminé...
Quasiment certain: le réchauffement climatique!
Cette sécheresse s'inscrit dans le cadre d'un réchauffement climatique incontestable. Est-il dû à l'expansion du système productiviste qui domine partout l'économie de la planète et bouleverse l'écosystème?
Michel Petit est un expert qui travaille pour le GIEC, Groupe International sur l'Évolution Climatique (en anglais IPCC: Intergovernmental Panel on Climate Change): ce groupe a été mis en place en 1988, à la demande du G7 (groupe des pays les plus riches de la planète, devenu le G8 lors de l'adhésion de la Russie), par l'OMM (Organisation Météorologique Mondiale) et le Programme des Nations-Unies pour l'Environnement. Le GIEC est chargé d'expertiser l'information scientifique, technique et socio-économique qui concerne le risque de changement climatique provoqué par l'homme. Michel Petit est également président de la Société météorologique de France. Il rappelle que depuis les débuts de l'ère industrielle, l'humanité s'est développée en brûlant principalement les combustibles fossiles, et avertit: "Ces émissions dans l'atmosphère sont en train de bouleverser le climat de la planète". Depuis 1871, la température a augmenté de 0,6°Celsius. Et si l'on continue sur le même rythme, ce réchauffement sera de 1,4° à 5,8°C à la fin du siècle et de 2° à 3°C en Europe. En effet aujourd'hui toute l'Europe est touchée: le nord de l'Italie frôle l'état d'urgence et le Pô est asséché, en Finlande il fait 29° au lieu de 19° habituellement, en Allemagne on redoute une désertification des régions de Berlin et du Brandebourg, en Suisse on organise des transferts de truites vers des cours d'eau mieux oxygénés. Le réchauffement est bel et bien enclenché, et "cela ira beaucoup plus loin si aucune mesure n'est prise", rappelle Maurice Muller, chef de projet au GIEC.
Pascal Garnier.
NDLR: Pour trouver des informations (souvent décapantes et dans l'ensemble plutôt alarmantes, il faut le reconnaître) sur le changement climatique et les problématiques de l'énergie, nous suggérons au lecteur de visiter ces deux sites:
<http://www.ipcc.ch>, site officiel (en anglais) du GIEC - IPCC.
<http://www.manicore.com>, site personnel du brillant polytechnicien Jean-Marc Jancovici, "le seul consultant qui vous offre la lune sans que vous ayez à la demander" (et qui fut naguère et brièvement chasseur alpin à Bourg Saint-Maurice).
3-8 Précisions sur les énergies renouvelables.
Dans l'Écho de Savoie n°64 (page 9), je notais qu'un certain nombre d'industriels de Savoie s'est lancé avec succès dans le secteur des énergies renouvelables.
En voici un exemple concret: CLIPSOL à Aix-les-Bains, un des deux industriels de l'hexagone spécialisés dans la conception et la fabrication de composants solaires thermiques. cette entreprise fournit des capteurs solaires, des ballons solaires, des armoires techniques, des systèmes de régulation... et est leader en France pour les applications de chauffage et eau chaude solaire dans l'habitat individuel et collectif.
Le photovoltaïque (c'est à dire l'électricité directement produite à partir du rayonnement du soleil) s'avère particulièrement profitable dans les chalets de montagne.
CLIPSOL double chaque année sa production. 10000 mètres carrés de panneaux photovoltaïques sont déjà installés en Savoie, soit 30 mètres carrés pour 1000 habitants, c'est-à-dire 3 fois la moyenne française.
Cette société et ses concurrents du même métier revendiquent un guichet unique pour les aides publiques, éclatées pour l'instant entre l'État, le Département, la Région et certaines Communes.
Pascal Garnier.
CLIPSOL - Parc d'Activités Économiques - Les Combaruches - 73100 AIX-LES-BAINS - Tél : 04.79.34.35.36 - Fax : 04.79.34.35.30
Site internet : www.clipsol.com
3-9 La Suisse, comme la France, persiste dans l'énergie nucléaire.
par Bertrand Lefebvre.
La Suisse a refusé dimanche 18 Mai 2003 de tourner le dos au nucléaire. Les résultats de la votation ont dénombré 67,4% de personnes contre l’arrêt du nucléaire et 60,3% contre un nouveau moratoire. Et pourtant en 1990 l’idée de geler toute nouvelle construction de centrales avait recueilli 54,5% d’avis favorables (69% à Genève). La sortie du nucléaire n’avait échoué que de peu. L’"effet Tchernobyl" s’est dissipé. Il faut dire aussi que les ultras de l’atome n’ont pas lésiné sur les moyens de convaincre. Au cours d’une campagne de plusieurs mois (qui aurait coûté 10 millions d’euros), ils ont agité le spectre d’un manque d’énergie en cas d’arrêt (pourtant très progressif) des centrales, et le risque d’augmentation des coûts de l’électricité.
M. Christian Van Singer, député vert au Grand Conseil vaudois, co-président du comité "sortir du nucléaire", et physicien, nous avait brossé le tableau de la situation énergétique suisse, le 13 Mai dernier, lors d’une conférence organisée par l’ASDER. Il nous avait ensuite expliqué pourquoi à ses yeux il était urgent et possible de "sortir du nucléaire", en nous présentant les 2 initiatives à l’origine de la consultation de dimanche: initiative "sortir du nucléaire", et initiative "moratoire plus".
Survol de la situation énergétique suisse.
La consommation d’énergie s’est stabilisée dans les années 90. À cause d’une certaine crise économique, et grâce à des mesures efficaces. On utilise moins d’énergie, globalement, que dans les années 70. Mais le secteur du transport a explosé. La production électrique est assurée à 50% par l’hydraulique, et à 36% par le nucléaire. Mais cette énergie ne représente que 6% de la consommation totale d’énergie. Les 5 centrales permettent à la Suisse d’exporter du courant (en été 40% du courant est produit en excès). Situation étonnante: la Suisse peut importer du courant bon marché de France, en heures creuses, pour garder ses barrages pleins, ce qui lui permet de revendre du KWh hydraulique 3 ou 4 fois plus cher aux Italiens en heures pleines. Mais malgré cette richesse hydraulique, qui pourrait être encore augmentée, la Suisse qui était bien placée en matière d’énergies renouvelables perd son avance, notamment face à des pays comme l'Allemagne.
3-10 Mythes et dangers du nucléaire.
M. Van Singer a dressé un réquisitoire implacable contre cette source d’énergie, d’autant plus argumenté qu’il est physicien. Liste des griefs:
— Le nucléaire produit des déchets mortels dont on ne sait que faire. Pendant 12 ans la Suisse a d’abord tenté de se débarrasser de ses déchets en mer d’Irlande. Les 6700 fûts étaient censés tenir entre 1000 et 10000 ans. On a constaté qu’en moins de 10 ans, certains étaient déjà éventrés! La France et la Grande-Bretagne, autres "puissances" atomiques, ne sont pas en reste: elles font l’objet d’une plainte de la Norvège, dont le poisson est contaminé par leurs déchets radio-actifs. La Suisse a ensuite envoyé et envoie toujours ses déchets en retraitement en Grande-Bretagne et à la Hague. Faut-il rappeler que retraiter n’est pas recycler? Le retraitement a pour effet de produire d’autres déchets (dont le volume final est multiplié par 6), et du plutonium. Cet élément est probablement l’élément le plus toxique jamais fabriqué par l’homme: un gramme suffit à produire des cancers chez un million de personnes. Et il reste actif pendant des milliers d’années. Christian Van Singer nous affirme que la Hague rejette de l’eau contaminée; aux environs de l’usine, comme à Sellafield (GB), les enfants ont 14 fois plus de leucémies qu’ailleurs. On signale un nombre très élevé de morts-nés, de malformations enfantines et d’avortements spontanés.
La Suisse ne peut enfouir ses déchets sans risque. Les Alpes continuent à se soulever, poussées par les plaques tectoniques. Il s’y produit des tremblements de terre plus ou moins forts. Ensevelir des déchets sans contrôles réguliers, pendant des millénaires, c’est condamner la Suisse, château d’eau de l’Europe, à un lent empoisonnement radio-actif.
— Le risque d’accident nucléaire est réel et inacceptable: l’Office de Protection Civile suisse estime à 100 000 les personnes susceptibles d’être irradiées, à 900 000 celles à évacuer et à 4300 milliards de francs suisses les dégâts en cas d’accident nucléaire en Suisse. Comme en France, au vu de ces sommes qui dépassent l’entendement, les centrales ne peuvent s’assurer. Elles n’ont de toute façon pas d’obligation à le faire! Les centrales suisses sont seulement couvertes à hauteur de... un million de francs suisses en Responsabilité Civile! Et ces centrales (la première date de 1969!), présentent des fuites et fissures pour les plus anciennes, Mühleberg et Beznau. Des centrales conçues pour 20 à 25 années de fonctionnement au départ sont supposées tenir maintenant 50 à 60 ans, pour diluer les frais fixes! On autorise même une augmentation de puissance, donc augmentation des risques.
— Le risque terroriste existe évidemment: les attentats du 11 Septembre ont totalement changé la donne, estime l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique), organisme de l’ONU chargé de surveiller les centrales dans le monde entier. Un avion de ligne lancé comme une bombe contre une centrale nucléaire pourrait provoquer sa fusion en quelques heures, dégageant une radioactivité comparable à celle de Tchernobyl.
— Le nucléaire est cher! En 1954, l’Atomic Energy Commission (USA) lançait des promesses telles que "l’énergie nucléaire deviendra trop bon marché pour être comptabilisée" (too cheap to meter). De même les surgénérateurs, appelés à produire plus de plutonium qu’ils n’en consomment, devaient devenir une source inépuisable d’électricité bon marché. On prévoyait dans les années 70 4450 réacteurs de 1000MW dans le monde, et 540 surgénérateurs (comme notre tristement célèbre Superphénix), à la fin du XXIe. siècle. Folie! Aujourd’hui, après les accidents de Three Miles Island et Tchernobyl, et face à la réalité économique, la situation est bien différente! Le nucléaire n’est toujours pas "too cheap to meter", mais plutôt impossible à comptabiliser tant les coûts cachés sont importants. Le nombre de réacteurs stagne autour de 440 dans le monde, et il n’y a plus un seul surgénérateur au plutonium de type industriel en service. En Suisse comme ailleurs, le courant nucléaire n’est pas compétitif. Son prix est faussé. Il ne tient pas compte des coûts de gestion des déchets à long terme, du démantèlement des centrales arrivées en fin de vie, ni du coût exorbitant d’un accident nucléaire. Une étude allemande a montré que sans ces "oublis" le KWh nucléaire devrait être facturé 10 fois plus cher au client. Le courant le moins cher en Suisse se trouve dans les régions qui se passent du nucléaire. Exemple de la ville de Bâle, qui après avoir refusé la construction d’une centrale fournit de l’électricité systématiquement meilleur marché que celle vendue par le lobby nucléaire. L’Office fédéral de l’énergie estime le prix de revient du courant éolien dans une fourchette comprise entre 6 et 10 centimes suisses par KWh, à comparer aux 11,6 centimes suisses par KWh fourni par la centrale de Leibstat depuis sa mise en service en 84. Si l’on tient compte des "oublis" cités précédemment, le nucléaire est au moins deux fois plus cher que l’électricité éolienne!
— Les gisements d’uranium s’épuisent! Quelques dizaines d’années suffiront à épuiser les réserves d’uranium (entre 30 et 60 ans pour le pétrole, 80 à 120 ans pour le gaz, 200 à 300 ans pour le charbon). Plus on attend, plus la conversion, le changement inévitable à moyen terme, sera difficile. Les pays qui auront anticipé cette révolution tireront leur épingle du jeu. Cet argument pourrait suffire à convaincre!
— Le nucléaire n’est pas une solution à l’effet de serre. Argument favori du lobby suisse et français, c’est une hypocrisie. En Suisse 50% de l’énergie consommée l’est pour le chauffage individuel, et l’eau chaude. 33% de l’énergie est consommée par les transports. On sait que les gaz à effet de serre sont avant tout dus, comme en France, à l’explosion de la circulation routière. Il faut agir sur cette dernière (véhicules moins gourmands, transports en commun…), et développer des maisons très performantes en isolation, en Suisse les maisons au standard "MINERGIE". Et une centrale nucléaire produit bien des gaz à effet de serre, pendant sa construction, et son exploitation. Plus par exemple que les installations de cogénération* au biogaz. Reprenons la déclaration finale de la Conférence Internationale sur les changements climatiques de Bonn en Juillet 2001. Elle stipule que le recours au nucléaire ne pourra être considéré par les pays signataires comme un moyen de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Un rapport (rapport "changement climatique et énergie nucléaire", de Mycle Schneider, directeur de Wise-Paris, Service mondial d’information sur l’énergie) explique que les investissements dans les projets nucléaires absorbent des financements qui font cruellement défaut aux programmes d’efficacité énergétique et de diminution des émanations de C02. L’auteur du rapport souligne que les pays ayant recours au nucléaire figurent parmi les plus gros émetteurs de C02 au monde, parce que les centrales de grande taille —qu’il s’agisse ou non de centrales nucléaires— ont tendance à conduire à des surcapacités structurelles et à stimuler la consommation d’électricité au lieu de favoriser son utilisation rationnelle. Une politique efficace de réduction des émissions de gaz à effet de serre doit s'appuyer sur l’efficacité énergétique et non sur le nucléaire. Accroître l’efficacité électrique est près de 7 fois plus rentable que le nucléaire pour limiter les émissions de CO2 aux USA (étude par Bill Keepin et Gregory Kats, Rocky Mountain Institute, déc. 1998).
L’initiative populaire "SORTIR DU NUCLÉAIRE".
Il est bon de rappeler qu’en Suisse on peut déclencher une consultation populaire en rassemblant 100 000 signatures au moins. Le débat doit être alors engagé dans un délai de 4 ans maximum. Pour valider de telles initiatives il faut une double majorité: majorité citoyenne, et majorité des cantons.
Cette initiative proposait donc:
— d’arrêter progressivement les centrales nucléaires suisses en l’espace de 11 ans (la dernière en 2014).
— de mettre fin au retraitement des combustibles irradiés.
— de renvoyer les frais de fonctionnement et de démantèlement des centrales à leurs exploitants.
— de rétablir le droit de veto des cantons en matière de dépôt des déchets radioactifs.
Les défenseurs de cette initiative affirment que le potentiel énergétique de substitution est 3 fois plus élevé que la production des centrales nucléaires. Par exemple les industriels de la cogénération disent pouvoir à eux seuls remplacer le nucléaire, en produisant 24000GWh/an. Les mesures principales seraient:
— augmentation de l’efficacité énergétique (meilleure isolation des bâtiments, pompes à chaleur, pompes de circulation économiques, ampoules économiques, appareillage électroménager économique, chasse au mode de veille sur les appareils électriques, exemple les magnétoscopes, TV, ordinateurs, etc.).
— augmentation des énergies renouvelables: chauffages au bois, biomasse et biogaz, modernisation des centrales hydrauliques, chauffe-eau solaires, mini-centrales hydrauliques, solaire photovoltaïque, géothermie. Cogénération par appareils alimentés par biogaz, bois, biomasse, déchets.
— recours accru à la cogénération et aux substitutions: cogénération par appareils au gaz, mazout, pétrole lourd; remplacement des chauffages électriques directs par des chauffages et des pompes à chaleur au gaz.
réduction des exportations d’électricité; valorisation de l’énergie éolienne.
L'initiative "MORATOIRE PLUS".
Cette initiative proposait:
— de prolonger de 10 ans l’interdiction de construire de nouvelles centrales en Suisse.
— de permettre au peuple de voter sur une éventuelle extension de la durée d’exploitation des centrales au-delà de 40 ans.
— d’empêcher toute augmentation de puissance des centrales existantes.
— de permettre aux consommateurs de connaître l’origine de l’électricité consommée. À Genève, par exemple, les habitants ont le choix de la provenance de leur électricité! Ils reçoivent un questionnaire, s’ils ne répondent pas, ils sont d’office "en hydraulique". Ils peuvent aussi en payant un peu plus cher avoir un courant qui provient des "nouvelles énergies renouvelables", autres que l’hydraulique donc. 95% d’entre eux consomment du non nucléaire.
*Cogénération (exemple au gaz): énormes moteurs tournant au gaz, qui produit simultanément de l’électricité grâce à un méga-alternateur, et de la chaleur utilisable pour chauffer l’usine, des habitations...
La Suisse n’est pas la France! Mais il est frappant de constater combien le lobby du nucléaire suisse est similaire au nôtre, puissant et virulent, alors même qu'il n’y a que 5 centrales en activité chez eux (contre 58 en France). Chez eux aussi il y a collusion d’intérêts, quand on voit des pro-nucléaires infiltrer des instances censées être indépendantes. Et notamment des instances de sûreté nucléaire, comme la DSN (Division principale de la sécurité des installations nucléaires). Que dire aussi de ces parlementaires fédéraux qui sont membres actifs des lobbies nucléaires? Il y a cependant de bonnes initiatives chez nos voisins: par exemple tous les logements subventionnés (sociaux) sont aux standards "HQE" (haute qualité environnementale). Il y a une incitation efficace pour les autres: Si le bâtiment est construit en HQE, il y a un meilleur C.O.S. (coefficient d’occupation des sols, en clair plus de surface habitable, donc plus d’argent pour le promoteur). Mais c’est selon les cantons. Les Savoisiens que nous sommes envient la démocratie suisse et ses recours aux référendums. Mais on en voit les limites dans ce cas précis: Christian Van Singer déplore la disproportion des moyens d’information. Celui qui gagne la votation est celui qui a les moyens financiers de communiquer, les moyens financiers de convaincre...
B.L.
3-11 L'affaire José Bové.
par Pascal Garnier.
"Chirac en prison, José à ses moutons", "Non au brevetage du vivant" entend-on dans les manifestations réclamant la libération du leader de la Confédération paysanne qui, on le sait maintenant, devra attendre Noël pour sortir de la maison d'arrêt de Villeneuve-les-Maguelonne. Comment en est-on arrivé là? José Bové est aujourd’hui en prison pour avoir participé, en juin 1999, dans une serre expérimentale du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique) à une action de destruction de plants de riz transgénique qui devaient être cultivés en plein champ en Camargue. Cette action avait permis l'instauration de facto d'un moratoire sur les OGM en Europe, et au moment où Bové se retrouve en prison ce moratoire est en passe d'être levé.
Vous avez dit OGM?
Il s'agissait donc de riz aux OGM: ce sigle, apparu à la fin des années 80 dans le langage réglementaire de la Commission européenne, désigne les "Organismes Génétiquement Modifiés". La capacité de modifier et transférer du matériel génétique d'une espèce à une autre permet de produire des organismes vivants avec une combinaison de caractères nouveaux qui n'aurait pu naturellement exister.
Il s'agit de plantes, d'animaux, de bactéries, de champignons et de virus dont le profil génétique a été transformé en laboratoire afin d'en "améliorer" les propriétés agricoles (rendement, résistance aux parasites, conservation) ou nutritives.
Tous ces organismes ont pour trait commun d'avoir subi une opération de génie génétique aboutissant à la greffe d'un ou de plusieurs gènes dans leur patrimoine héréditaire. Tous ont acquis de ce fait un ou plusieurs nouveaux caractères génétiques qu'ils exprimeront durant leur vie et qu'ils transmettront à leur descendance.
Fait marquant: ces caractères "greffés" peuvent provenir d'espèces très différentes de l'organisme "receveur". Le génie génétique autorise en effet ce que les lois naturelles de l'hybridation interdisent: l'échange de gènes par-delà la barrière de l'espèce. Exemples d'organismes génétiquement modifiés déjà réalisés: des brebis fabriquant dans leur lait un facteur sanguin humain grâce à un gène d'homme; une bactérie produisant de l'insuline humaine (largement commercialisée); du maïs secrétant une toxine bactérienne tueuse d'insectes grâce à un gène bactérien. Mais il faut le souligner, jusqu'ici les OGM ont essentiellement permis aux gros agriculteurs américains d'augmenter leur productivité d'environ 5%. L'an dernier, il y avait plus de 58 millions d'hectares dans le monde produisant des PGM (plantes génétiquement modifiées), les États-Unis (66%), le Canada (6%), l'Argentine (23%) et la Chine (4%) cultivaient 99% de ces surfaces. Ces 58 millions d'hectares seront peut-être moins nombreux l'an prochain car la nature a si bien fait les choses que les avantages des PGM n'apparaissent plus du tout évidents au monde agricole En revanche, elles présentent des risques de mutation génétique, de création de nouveaux virus, de développement de nouvelles allergies pour les consommateurs de ces produits végétaux (voire de la viande des animaux en ayant consommé), dangers que les firmes du transgénique se sont bien gardées d'étudier. Comme le dit Corinne Lepage: "on ignore si le danger est gravissime ou pas, et c'est précisément le problème."
La stratégie des multinationales, la complicité des gouvernements.
Pour convaincre les gouvernements et les gouvernés d'accepter ces OGM, 7 firmes transnationales ont donc mené une opération de propagande sur deux fronts. D'un côté exagérer, si ce n'est inventer de toutes pièces les avantages des OGM (prétendre, par exemple, que les cultures d'OGM vont résoudre le problème de la faim dans le monde) et d'un autre côté minimiser, si ce n'est carrément nier, l'existence des risques.
Pour faire passer en force les OGM, les 7 transnationales du transgénique (Monsanto, Novartis, Aventis, BASF, Du Pont de Nemours, Agrevo, Zeneca) qui ont aussi la particularité d'être les 7 plus gros producteurs de pesticides et les 7 plus gros semenciers de la planète, avaient sorti l'artillerie lourde. Elles voulaient imposer les OGM le plus rapidement possible et sans débat pour rendre caduques les semences classiques. Celles-ci ont le tort d'appartenir au patrimoine mondial de l'humanité et par conséquent de ne pas être brevetables, donc d'être librement accessibles (dans les pays du Sud, les paysans sèment à 80% des semences récoltées dans leurs propres champs). En effet, on modifie les gènes des plantes pour les rendre stériles afin d’obliger les paysans à acheter de nouvelles semences chaque année et ainsi de les rendre encore plus dépendants des grandes firmes. Un hold-up sur le vivant en quelque sorte, qui n'offre aucun avantage au consommateur, ni à la collectivité.
L'arrestation spectaculaire puis l’incarcération de José Bové doit interpeller chaque citoyen. Si les OGM n’ont pas encore envahi nos assiettes, c’est à des hommes engagés comme lui que nous le devons et certainement pas au Gouvernement français qui s’apprête à accepter la levée du moratoire européen pour satisfaire aux exigences des États-Unis (comme d'ailleurs d'autres gouvernements européens). Les enquêtes montrent que la plupart des consommateurs ne veulent pas ingurgiter d’OGM comme quelques multinationales voudraient les y contraindre dans le but de contrôler le pouvoir alimentaire.
Les poursuites qui valent aujourd’hui à José Bové de purger une demi-année de prison ont été conduites, pour l’essentiel, sous l’autorité de ministres socialistes de la Justice, alors que des dirigeants du P.C.F. faisaient partie du gouvernement. Pour un syndicaliste embastillé, une prison est une prison, que l’État soit géré par un gouvernement de droite ou de gauche.
L'appui des scientifiques sur les risques potentiels liés aux OGM.
Certains, ceux-là même qui ont intérêt à ce que le règne du marché sans frein s’impose dans tous les domaines de la vie, stigmatisent José Bové comme un rétrograde, opposé aux avancées de la recherche. Tout d'abord soulignons que la Confédération Paysanne ne s'est jamais opposée aux essais de laboratoires mais seulement aux essais faits en plein champ, ceux-ci risquant, notamment par pollinisation, de rendre irréversible la contamination des autres cultures.
Il faut savoir également qu’une quarantaine de chercheurs du CIRAD, de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) et de l’IRD (Institut de recherche pour le développement), tous agronomes ou généticiens, ont adressé une lettre ouverte à Jacques Chirac pour demander la libération de Bové. Ils écrivent notamment: "Plus personne n’ignore aujourd’hui que la majeure partie des plants qui devaient faire l’objet d’un essai en plein champ aurait de toute façon été arrachée par le CIRAD, puisque les riziculteurs camarguais, chez qui ils devaient être initialement envoyés, les avaient refusés. Les responsables de ces actions (d’arrachage) ont toujours souligné et depuis réaffirmé que ce n’est pas la recherche fondamentale qui est en cause; par contre, la dissémination d’OGM dans des milieux qu’ils vont immanquablement contaminer ne peut être acceptée. La condamnation de José Bové semble vouloir ignorer que ces actions ont rempli une fonction d’alerte pour nous, personnels de la recherche et de l’enseignement supérieur: notre réflexion sur la gravité du problème de l’utilisation des OGM et, au-delà, de toute découverte scientifique, en a largement bénéficié".
Michel Dulcire, agronome au CIRAD, ajoute dans une déclaration au Monde: "L’action de Bové a permis de discuter ouvertement de ce qu’on fait sur les OGM, et cela nous conduit à la prise en compte de la société dans nos projets de recherche".
Comme le soutiennent encore Martin Hirsch, maître des requêtes au Conseil d’État, directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), président d’Emmaüs France, et Claude Huriet, ancien sénateur, auteur de la loi dite "de sécurité sanitaire" du 1er juillet 1998 (dans un article publié dans Le Monde du 27 juin 2003, "OGM, justice et démocratie"), il y a bel et bien un "mais" qui justifie que l’on ne puisse pas clore le débat à ce stade du raisonnement. Ce "mais" —soulignent-ils justement— porte sur le problème des présences fortuites ou des contaminations accidentelles. "Deux expressions qui traduisent le fait que l’on détecte des OGM là où on n’aurait pas dû en trouver, contrairement à ce que l’on entendait dans la communauté scientifique il y a quelques années, ou, du moins, à ce qu’on croyait interpréter de leur expertise. La réalité est cependant moins simple. Rappelons-nous le printemps 2001. Des interrogations sont soulevées lorsque les services de contrôle constatent que quelques lots de semences conventionnelles contiennent des séquences caractéristiques des OGM, à un taux trop bas pour identifier l’OGM en cause, mais suffisamment haut pour que leur présence soit prouvée par les méthodes de détection disponibles. Si on ne pouvait trouver l’origine de la contamination, on s’est aperçu que celle-ci était plus répandue qu’on ne le pensait. Les semenciers eux-mêmes avaient noté, en pratiquant des autocontrôles, que cette présence de faibles quantités d’OGM n’était pas rare. Cette "révélation" a profondément modifié les termes du débat. Dès lors, la question n’était plus de savoir dans quel périmètre les OGM allaient pouvoir être circonscrits, mais bien comment —et à quel prix— l’existence même de produits et de filières sans OGM resterait possible dans un monde de libre circulation des produits."
Le CIRAD, dont il est question à plusieurs reprises ci-dessus, est —rappelons-le— l'organisme qui possédait les serres de riz dans lesquelles José Bové et ses amis procédèrent à des arrachages.
Ainsi tous ces spécialistes sur le fond du problème donnent raison au leader paysan jusqu'à le remercier d'avoir appliqué le principe de précaution à sa manière! Mais ce qu'il faut aussi comprendre, c'est que la base même de l’agriculture est attaquée, menacée. Parce que le rôle des agriculteurs est bien de permettre à la nature de se reproduire et de perpétuer la diversité des espèces, et que l'imposition des OGM aboutira pratiquement à coup sûr à un appauvrissement des biotopes, probablement définitif.
Dissidences...
José Bové a été jeté au cachot parce qu’il combat globalement le productivisme qui tente de s'imposer à l’humanité tout entière pour le plus grand profit de quelques groupes privés, peu soucieux de la diversité des êtres vivants et des territoires. Ces groupes tentent d'accaparer le pouvoir alimentaire en obligeant les paysans à leur racheter chaque année de nouvelles semences. Ils s'appuient sur le droit, la loi et les magistrats, sommés de protéger la propriété intellectuelle (les brevets d'invention de nouveaux organismes vivants) et la propriété privée (les plants d'OGM en culture expérimentale) sans considération pour l'intérêt général de l'humanité.
Pour changer ce monde-là, où des intérêts particuliers supplantent et mettent en péril l’intérêt général, il faut agir partout, à tous les niveaux. La Savoie est un de ces niveaux.
Pourquoi un journal comme l'Écho de Savoie se préoccupe-t-il du sort de José Bové, un journal savoisien n’a-t-il pas mieux à faire?
Le combat que mènent des hommes comme José Bové est aussi le nôtre. L’autonomie, pour un peuple et un territoire comme pour une personne, cela signifie les moyens de la liberté. Nous refusons l’asservissement au jacobinisme uniformisateur, ce n'est pas pour tomber sans transition dans la standardisation marchande d'un libéralisme sans limites. L’autonomie de la Savoie, cela pourrait signifier concrètement un Parlement qui déclare la Savoie "terre sans OGM", comme l’a fait l’Assemblée nationale du Pays de Galles en l'an 2000.
Notons enfin qu'en Savoie plus d'un agriculteur sur 3 lors des dernières élections professionnelles a voté pour la Confédération Paysanne, le syndicat dont José Bové est le leader, soit exactement 35% en Savoie du sud et 39% en Savoie du nord. C'est donc un syndicat très représentatif. L'incarcération de son leader nous donne à réfléchir sur l'avenir de tous ceux, nombreux aujourd'hui, qui se trouvent en situation de dissidence face au pouvoir. Demain nous serons peut-être tous des José Bové.
P.G.
La Confédération Paysanne a organisé, le samedi 19 juillet 2003, une opération anti-OGM sur la commune de Brax, à coté de Toulouse.
En compagnie d'environ 150 militants syndicaux dont la compagne de José Bové, de membres d'ATTAC, de Verts et de simples citoyens, l'eurodéputé Vert Gérard Onesta a participé à un arrachage symbolique de 300 M2 de maïs transgénique semés en pleine nature, et dont même les élus locaux n'avaient pas pu connaître l'emplacement sur leur propre commune.
Gérard Onesta était présent à double titre. D'abord pour réaffirmer son soutien à José Bové dont il partage depuis longtemps, de Papeete à Millau, l'engagement citoyen. Ensuite pour marquer qu'il ne supportait plus de voir le principe "de précaution", le principe de "durabilité dans le développement", le principe "de transparence et d'information du consommateur", toujours proclamés dans les textes européens, et jamais mis en pratique sur le terrain...
 
4-1 Le francoprovençal en Savoie: vers une langue commune dans le cadre de l'Europe des peuples.
par Pascal Garnier.
Le seizième colloque national de la FLAREP a eu lieu à Sevrier les 26 et 27 octobre 2002. Après l’Université d’été de la fédération politique Régions & Peuples Solidaires, c’était donc au niveau culturel que les responsables des langues régionales ont tenu à faire leur congrès chez nous. Des présences qui ne sont pas innocentes, les uns et les autres cherchent à savoir ce qui se passe dans cette Région d’un million d’habitants tentant de s'émanciper, désir d'émancipation se traduisant aussi par la recherche de nos racines longtemps occultées par une réussite économique qui manifestement n'aboutit pas à un épanouissement total de ses habitants.
L'étonnante résistance de la langue savoyarde.
La Fédération pour les Langues Régionales dans l’Enseignement Public (FLAREP) regroupe les principales associations ou fédérations de parents d'élèves et/ou d'enseignants qui œuvrent au développement des langues régionales dans le Service Public d'Éducation. Elle est un instrument de liaison entre les écoles publiques, l'administration et les parents d'élèves. La FLAREP, sur les bases de sa plate-forme de 1988, a créé à travers l'hexagone un réseau d'échanges d'informations et a coordonné une dynamique de valorisation de ces langues qui représentent aujourd'hui autant de ponts de communication en Europe et particulièrement chez nous du francoprovençal avec la Suisse, le Val d’Aoste et le Piémont. Elle organise chaque année un colloque dans une région identitaire. Chez nous, la FLAREP est représenté par l’AES (Association des Enseignants de Savoyard, Odile Lalliard, 45 quai de Ripaille. 74200 THONON) créée voici 3 ans et plus généralement la fédération de la langue savoyarde qui se nomme Lou R’biolon ("le germe" en savoyard ou "diwan" en Breton). L’organisation de ce colloque relevait du défi puisque l’enseignement du savoyard est encore embryonnaire. Quelques centaines d'élèves suivent chaque année une sensibilisation à la langue savoyarde, surtout dans le cadre du concours Constantin et Désormaux. En Savoie, le francoprovençal n'a aucune expression publique dans les journaux, à la télévision locale ou à la radio. Pourtant les représentations en langue savoyarde attirent quelques dizaines de milliers de personnes par an, la fête du francoprovençal qui a lieu chaque année dans un des quatre pays parlant francoprovençal rassemble des milliers de participants et les musiciens traditionnels sont plutôt meilleurs que dans les régions voisines et connaissent plus de succès. La manifestation s’est déroulé sur trois jours: le premier en Savoie, le second en Suisse et le troisième au Val d’Aoste; le thème central en était "Les langues régionales et territoriales, enjeux et stratégies". Et ces voyages ont permis aux nombreux invités venus de l’extérieur de se rendre compte qu’au-delà de la Savoie existait une communauté culturelle et linguistique autour du francoprovençal.
D'aucuns diront que le francoprovençal est éteint en Savoie. Un récent sondage auprès de 400 personnes, réalisé auprès d'un échantillon représentatif de la population savoyarde au cours de l'année universitaire 1999-2000 par trois étudiantes (Rachel Bel, Angélique Fernandez et Sandra Pestanat) du département "Techniques de commercialisation" de l'IUT d'Annecy, montre qu'il n'en est rien. Son maintien est tout à fait étonnant étant donné que les pouvoirs publics n'ont fait absolument aucun effort pour le sauvegarder et que tout le travail qui a été mené repose sur les épaules de quelques bénévoles. Tout d'abord 95% pensent que le savoyard fait partie des racines et du patrimoine de la Savoie, qu'ils veulent conserver à 71,5%; seuls 25,8 sont indifférents quant à son éventuelle disparition et 2,8% verraient ce fait s'accomplir d'un bon oeil. 53,5% voudraient que le savoyard soit enseigné aux nouvelles générations. Les gens aiment donc leur langue populaire.
En ce qui concerne la pratique, les résultats sont assez surprenants et beaucoup plus réconfortants en Savoie du Nord qu'en Savoie du Sud. 39,3% en Savoie du Nord et 48% en Savoie du Sud avouent n'avoir aucune connaissance de la langue savoyarde. Respectivement 35,3% et 37,8% pensent avoir quelques connaissances, 15,1 et 12,8% un niveau moyen, 5,6 et 0,7% une bonne pratique et 4,8 et 0,7% une parfaite maîtrise. On peut penser que le travail effectué par la fédération de la langue savoyarde Lou R'biolon, beaucoup plus dynamique en Savoie du Nord qu'en Savoie du Sud, n'est pas pour rien dans les résultats obtenus. L'univers du savoyard ne leur est pas si étranger puisque 78,3% des personnes interrogées entendent de temps à autre parler savoyard et que 15,5% le parlent occasionnellement, 3,5% assez souvent, 1,8% très souvent. Une émission sur France-Culture récemment présentait des gens qui parlaient quotidiennement savoyard à Saint-Martin de Belleville dans la vallée du même nom en Tarentaise.
Dernier élément intéressant de ce sondage dont l'échantillon n'était constitué que de 69,5% de personnes d'origine savoyarde: 65,1% de leurs ancêtres parlaient savoyard ce qui signifie clairement que jusqu'à une date récente la quasi-totalité de la population de "souche" pratiquait cette langue. Il est donc logique que 58,8% des gens pensent que la langue savoyarde devrait être considérée comme une langue telle que le basque ou le breton, que l'on pourrait présenter comme option au baccalauréat.
Tous ces éléments nous amènent à penser que dans un État respectueux de la culture de ses citoyens, la langue savoyarde devrait être reconnue et bénéficier d'un soutien officiel.
4-2 Parlons francoprovençal avec Dominique Stich.
En réaction à ces constats (et à une autre étude réalisée au Val d'Aoste, dont nous publierons les résultats dans notre prochaine édition), certains en Savoie veulent tenter quelque chose. Un espoir est apparu avec la publication de l'ouvrage de Dominique Stich (Dominique Stich. "Parlons francoprovençal: une langue méconnue". Editions l'Harmattan. 1998)
Mais il a fallu d'abord gagner la bataille contre les dialectologues, qui dans l'étude du francoprovençal mettent l'accent uniquement sur les différences d'un village ou d'une vallée à l'autre, empêchant ainsi l'émergence d'une langue commune. Et en Suisse, en Savoie ou au Val d'Aoste, la scène universitaire est dominée par les dialectologues.
L'ouvrage englobant d'un linguiste comme Stich a eu le mérite de montrer que partout le fond de la langue était le même et qu'il existait par conséquent véritablement une langue francoprovençale. Pour la première fois, le public a pu se rendre compte qu'une communauté francoprovençale existait. Sa graphie ORA (Orthographe de Référence A), ainsi que la prononciation proposée PRA (prononciation de Référence A), se rapprochent des méthodes de l'IEO (Institut d'Études Occitanes), de la graphie du professeur Heinrich Schmid pour le rhéto-romanche, et d'autres codifications récentes de plusieurs langues romanes. Après divers débats et colloques (notamment à Thonon au printemps 2002), et une présence sur le terrain très active, la graphie de Dominique Stich a fini par s'imposer en Savoie comme une évidence et la seule possibilité de transmission de la langue savoyarde dans les écoles ou aux populations urbaines qui ne la parlent plus. Des ajustements ont été déduits la pratique de terrain pour donner naissance à l'ORB (Orthographe de Référence B). Dans le même temps, Dominique Stich soutenait brillamment sa thèse en Sorbonne avec les meilleurs linguistes et spécialistes des langues minoritaires. Sa directrice de thèse était la célèbre linguiste Henriette Walter, et figurait dans le jury JB Martin, un spécialiste lyonnais du francoprovençal.
Il restait encore un travail fondamental à faire: élaborer un dictionnaire accessible au grand public. Depuis maintenant un an et demi, un professeur des écoles, déjà co-auteur d'une "Histoire de la Savoie" mais également secrétaire du MRS (Mouvement Région Savoie), Alain Favre, s'est attelé à la tâche avec un jeune professeur certifié de lettres classiques, Xavier Gouvert, en coopération avec le docteur Stich.
Après deux ans d'efforts acharnés, à l'automne 2003 cet ouvrage sortira: il comportera un dictionnaire, une grammaire, une liste de néologismes et une anthologie littéraire.
Simultanément, un auteur valdôtain nommé Florent Corradin, qui a publié plusieurs romans rédigés en francoprovençal, a décidé pour son prochain livre d'adopter la graphie Stich. Comme Dominique Stich, Florent Corradin écrit "pour les milliers de personnes qui ne l'ont jamais entendu ou ne le parlent pas mais veulent l'entendre." Il ne comprend pas que le grand poète valdôtain contemporain Marco Gall soit obligé d'écrire ses textes en trois langues: le patois de son village, l'italien et le français. Il suffirait à Marco Gall d'adopter la graphie Stich pour éviter deux traductions et se faire immédiatement comprendre de tous ses lecteurs...
Dans l'Écho de Savoie, nous avons lancé ce débat, dès juin 2000, sur le travail de Dominique Stich: nous n'avons pas hésité à prendre parti pour sa méthode, seule voie possible pour tenter un sauvetage de la langue populaire savoyarde. Florent Corradin déclarait lors de notre dernière réunion de travail à Carema au Piémont, les 1 et 2 mars 2003: "Cette étape essentielle doit nous permettre de passer du dilettantisme au professionnalisme pour faire naître une Académie du Francoprovençal."
(Suite au prochain numéro)
5-1 Notes de lecture.
Hubert Reeves: "Mal de terre".
L’astrophysicien s’intéresse dans ce livre à notre planète et son avenir. Il dresse une liste à peu près exhaustive des agressions de l’homme envers son environnement, envers les autres espèces et lui-même. Effet de serre et réchauffement climatique, ozone, politiques énergétiques et nucléaires, pollutions de toute sorte, destruction des forêts et des écosystèmes, disparition d’espèces, mais aussi disparité des richesses, guerres, malnutrition, la liste est longue. À l’échelle temporelle de l’histoire du cosmos, l’homme, en moins de cent ans, fait preuve d’une efficacité nuisible effarante. Il court à sa perte.
Hubert Reeves est un scientifique: pas d’interprétations douteuses, pas d’enflures oratoires passionnées, mais les faits, rien que les faits! Les tout derniers chiffres, rapports, études. La démonstration est implacable. Mais c’est un scientifique doté de qualités rares: humble, il sait reconnaître ses limites, ses incertitudes. Humaniste pondéré, il sait attirer aussi l’attention sur des réalisations positives (il y en a!). Il croit en l’homme, malgré tout. C’est surtout un grand admirateur de la création, avec un grand C.
Sachons écouter et méditer le message simple de cet homme de savoir. Les récents "incidents" climatiques devraient nous y inciter.
Bertrand Lefebvre.
— "Mal de terre", de Hubert Reeves avec Frédéric Lenoir, collection "Science ouverte", éditions du Seuil, 2003.
5-2 Tribune libre.
Rois des vils, rois des chiants.
par Éric Vèrnêr.
Le combat des régionalistes ou des indépendantistes, ou désannexionnistes, d'ici ou d'ailleurs, est avant tout un combat de cœur. Mais chacun sait que le cœur à ses raisons, que la raison n'ignore pas forcément, et c'est une de ces raisons que je vais exposer ici, en plus de celles que j'ai eu déjà l'occasion de détailler précédemment (Écho n°63).
Je considère que le centre du problème régionaliste est un problème de gestion du territoire. Les territoires doivent être gérés en local, par les gens qui y ont grandi, et non pas comme ont essayé de nous le faire croire les états centralisés depuis que l'Empire existe (je parle ici de l'Empire archétypal, celui qui n'a pas de visage, et qu'on retrouve chez les Aztèques, les Romains, les Francs, les Tibétains, etc.), depuis le centre d'une civilisation qui se prétend supérieure à celles qu'elle administre, donc en ce qui nous concerne, Paris, Lyon, ou si l'on n'y prend pas garde, pourquoi pas aussi Marseille...
Tous les autres problèmes de gestion collective découlent de ce problème premier. L'éducation, la sécurité, les impôts, l'agriculture, etc., appartiennent au local dès lors que l'on veut assurer correctement la mission de gestion du territoire, à savoir, l'aménagement des voies de communications, le contrôle de l'urbanisme, etc.
J'entend bien ici démontrer qu'en ce qui concerne la Savoie, pays alpin, il ne saurait en être autrement, de par la nature même de notre territoire, qui est un territoire de montagnes, qui ne saurait être intimement compris, et donc aménagé correctement, par quelqu'un qui n'y aurait pas grandi.
Il est malgré tout désolant d'avoir à dépenser autant d'énergie pour essayer d'obtenir la reconnaissance du droit naturel de tout autochtone à gérer lui-même son espace de vie, sans l'entrave d'une force colonisatrice qui ne sert que ses propres intérêts et en aucun cas les intérêts des populations locales (évidemment, sinon elle leur accorderait l'autonomie!). Bref, la démonstration de la mauvaise foi du discours de l'Empire n'est plus à faire, alors mettons-nous au travail!
Lorsqu'on observe la manière dont les différents rois de France, jusqu'au plus récent, l'actuel président de droit divin, ont géré leurs territoires conquis, on peut comprendre qu'étant des rois des PLAINES, ils ne voient le territoire que comme un domaine à CONQUÉRIR. Un roi des plaines, se pavanant dans son domaine, avec sa suite, depuis son carrosse, visitant ses serfs pour montrer que malgré le joug il sait rester peuple, fait pour ainsi dire, le tour de son grand jardin. La planéité de son territoire l'empêche de voir très loin à chaque étape, et c'est la continuité de son cheminement qui peut lui donner une idée de continuité de son royaume. Le roi des plaines avance tant qu'il ne rencontre pas d'obstacle. L'espace n'est vu que comme un terrain où l'on peut faire des conquêtes. Les villes des royaumes des plaines s'étendent à l'infini, sans contrôle, de manière concentrique, et ce sans devoir vouloir s'arrêter un jour quelconque. Dès lors qu'un roi des plaines se heurte à une barrière visuelle, telle qu'une chaîne de montagne, il est paniqué, le territoire ne correspondant plus à ce à quoi il est habitué. Il est éminemment pénible pour un roi des plaines d'avoir à contourner une montagne pour se rendre d'un point A à un point B, lui qui est habitué à filer toujours tout droit, rien ne l'arrêtant, puisqu'il est le roi (et pour les cas les plus pathologiques, il se prend certainement aussi pour un dieu...). La montagne est alors perçue comme un obstacle, et pour s'en convaincre, il n'y a qu'à examiner les décisions qui furent prises par les rois des plaines de tous temps lorsqu'il réussissaient à conquérir un territoire montagneux (exemple la route qui monte à Chamonix, et dont le perçage fut décidé par Napoléon III lorsqu'il fit son petit tour là-bas). La montagne n'est considérée que comme un obstacle par les roitelets des plaines. Et donc, qui dit obstacle, dit moyen de s'en débarrasser, de la dominer, de la soumettre. Il n'ont pas les yeux qu'il faut pour la voir autrement, car évidemment pour ça il faut avoir grandi près d'elle, le nez en l'air...
Qu'est-ce que la montagne pour un montagnard?
La façon de voir des Alpins est tout autre. Premièrement l'idée d'aller escalader les sommets est typiquement une idée de gens des plaines. Les paysans de Savoie s'en voient ou s'en voyaient suffisamment tous les jours avec leur montagne pour ne pas chercher à s'en rajouter sur le dos en allant l'escalader les jours de repos !
Deuxièmement, l'espace des vallées de montagnes n'est pas non plus perçu comme le fond du monde, son trou du cul comme pourrait le dire un visiteur d'Île de France, mais comme formant des entités distinctes, des pays dans le pays, avec leurs parlers spécifiques, leur architecture spécifique: il est amusant de voir comment se répartissent les zones où l'on utilise l'ardoise pour les toits, les tavaillons, ou même la tôle, etc.
Enfin, et là je vais entrer dans une démonstration un peu plus mystico-spirituelle, la montagne a, pour celui qui a grandi sur ses flancs ou dans sa ligne de mire, une dimension de plus que la simple dimension de blocs de rochers disposés là plus ou moins par hasard et qu'il faudra penser à ratiboiser le plus tôt possible.
Le simple fait d'avoir le nez levé, pointé sur ces sommets majestueux, change beaucoup de choses, à mon avis, au niveau du développement des enfants qui grandissent dans les zones de montagnes.
N'est-il pas de notoriété publique que les gens qui vivent le nez en l'air sont plus paisibles, moins enclins au bellicisme matérialiste? Les astronomes, les rêveurs... les montagnards!
Les mystiques chrétiens, que l'on peut voir au Louvre sur les tableaux de maîtres, ont le nez en l'air lorsqu'ils voient les anges (d'ailleurs l'angle que fait leur tête avec l'horizontale me semble tout à fait constant, mais ça, c'est un autre débat!). Les gens des Alpes, ayant la montagne pour exemple devant les yeux, le caractère rendu doux par ces sommets qui leurs mettent le nez en l'air, sont enclins à prendre ces grandes sœurs pour exemple. Les montagnes, finalement, sont comme nous, les pieds dans la Terre, et le nez vers le ciel. Grandir près de ces géantes ne conduit pas à ramper comme des vers, à la recherche de conquêtes matérialistes, mais plutôt à chercher à s'élever, à vivre dans la dignité, et à aller de l'avant toujours plus haut. Si l'Alpin se met à conquérir, ça le sera dans l'optique de relever un défi, d'aller plus haut, pas plus profond, dans les abîmes de la conquête du pouvoir sur autrui. Des conquêtes du type de celle du ciel, ou celle de la Lune (même si elles ne sont pas forcément le fait d'alpins), n'ont pas d'incidence sur autrui, ou en tout cas pas de manière directe et pas de manière avilissante, comme en a la conquête du territoire d'un peuple voisin. D'ailleurs, et ça sera la dernière chose que j'aurai à dire dans ce registre un peu plus mystique, le verbe désirer, viens de dé-sidérer, ce qui signifie ôter son nez du ciel. Sidérer, comme sidéral, qui concerne le ciel. Et désirer, c'est bien la caractéristique première de celui qui cherche à dominer par la conquête.
On voit donc, en résumé, qu'à la différence des gens des plaines, les Alpins ne voient pas leur territoire comme un espace de conquête, ce qui fait une énorme différence en termes d'aménagement du territoire. Les montagnes ne sont pas vues comme des obstacles, mais comme des entités que l'on respecte, même si ce fait n'est que rarement verbalisé, comme je suis en train de le faire.
Là où le Parisien ou le Lyonnais cherchera à rentabiliser au maximum, à remplir les fonds de vallées, les plaines, à exploiter les sommets, à goudronner le plus haut possible pour asseoir sa domination sur ce milieu qu'il vient de conquérir, l'alpin aura une démarche plus saine et plus respectueuse, une approche plus paisible, un regard plus complexe sur ce milieu qui est en partie responsable de son développement en tant qu'être humain. Il ne verra pas la montagne comme un terrain de conquête, mais plutôt comme une proche parente à laquelle il est accoutumé et qui l'inspire.
Les cochons ne peuvent pas regarder en l'air, les pauvres bêtes, et nos rois des plaines ont au minimum ça en commun avec eux.