- Echo de Savoie n°65 (août 2003)
- A - Sommaire :

- 1 Actualités
- 1-1 Corse: les pessimistes avaient
raison.
- 1-2 Coup de chaleur sur la rédaction de
L'Écho de Savoie.
- 1-3 Région Savoie: "j'y crois"
de moins en moins...
- 1-4 Fusion des départements : le Berry
comme la Savoie
- 1-5 Si les Conseillers généraux
volaient, Jean-Pierre Vial serait chef d'escadrille (suite).
- 1-6 Genève supprime les droits de
succession.
- 1-7 Le projet de Constitution européenne
ignore les nations sans État.
- 1-8 France: un record de condamnations
devant la Cour Européenne.
- 2 Echos de la Ligue
- 2-1 Bilan de l'élection cantonale
d'Évian: disparition de l'esprit civique, réapparition du duel gauche/droite et triomphe
minable de l'UMP!
- 2-2 Les indépendantistes: la manière de
voir de John Berger.
- 2-3 Michel Hugonnot tente une randonnée
pédestre à Paris, 31 avenue de l'Opéra: au refuge il trouve porte close...
- 2-4 Correspondance d'Afrique.
- 2-5 Décès de Monsieur André Garcin, un
vrai patriote savoisien.
- 2-6 Petites annonces savoisiennes.
- 2-7 Concours de bûcherons en Bauges le 3
août.
- 2-8 Fête des Bergers au Petit
Saint-Bernard le 17 août.
- 2-9 Feufliâzhe 2003:
- 2-10 La fête du francoprovençal
- 2-11 Commémoration de la bataille de
Méribel le 13 septembre.
- 2-12 Les Savoisiens à Nice le 28
septembre.
- 3 Environnement
- 3-1 Gilly-la-dioxine, deux ans après:
une catastrophe écologique gravissime.
- 3-2 La population réagit.
- 3-3 Les effets sur la santé.
- 3-4 Des agriculteurs traumatisés.
- 3-5 Réduire. Recycler. Valoriser.
Refuser.
- 3-6 Au Conseil régional, la dioxine
serait plutôt à droite.
- 3-7 Chronique sur l'effet de serre en
Savoie : toujours plus chaud!
- 3-8 Précisions sur les énergies
renouvelables.
- 3-9 La Suisse, comme la France, persiste
dans l'énergie nucléaire.
- 3-10 Mythes et dangers du nucléaire.
- 3-11 L'affaire José Bové.
- 4 Le francoprovençal
- 4-1 Le francoprovençal en Savoie: vers
une langue commune dans le cadre de l'Europe des peuples.
- 4-2 Parlons francoprovençal avec
Dominique Stich.
- 5 Magazine
- 5-1 Notes de lecture. Hubert Reeves:
"Mal de terre".
- 5-2 Tribune libre. Rois des vils, rois
des chiants par Éric Vèrnêr.
-
- B - Dossiers
:
- 1-1 Corse: les pessimistes avaient
raison.
- Quelles répercussions en France et en
Savoie?
- Il y a trois ans, au début du "processus de
Matignon" lancé par Lionel Jospin pour tenter de débloquer la situation politique
en Corse, un éditorialiste avait écrit que commencer par la Corse pour réformer les
institutions régionales témoignait d'un bel optimisme! En effet... On ne peut
s'empêcher de penser à cette définition: l'optimiste est une personne mal informée. Il
est paradoxal qu'en cette affaire l'optimiste ait été Nicolas Sarkozy, ministre de
l'Intérieur, censé être la personne la mieux informée de France!
- Avant le référendum du 6 juillet 2003, les mises en
garde n'avaient pas manqué. Edmond Siméoni, le fondateur du nationalisme corse
contemporain, s'était déclaré pessimiste en prévoyant le succès du NON. Nos amis du
Partitu di a Nazione Corsa (autonomistes opposés à la violence) nous avaient fait part
de leurs vives inquiétudes. Les sondages, qui donnaient début mai 60% d'intentions de
vote pour le OUI au projet gouvernemental, avaient évolué vers un équilibre incertain
entre les pour et les contre. Les pessimistes avaient raison: la consultation n'a indiqué
aucune orientation nettement majoritaire, quelques centaines de bulletins ayant suffi à
faire capoter la réforme. Ils ont encore raison aujourd'hui: malgré le triomphalisme
momentané des partisans du statu quo, des jours sombres s'annoncent pour la Corse, et
même probablement pour la France.
- L'électorat corse en pleine confusion.
- Seulement 60% des électeurs inscrits sont allés
voter, pour se prononcer sur l'organisation politique de leur territoire. Ce taux de
participation a été considéré comme important par tous les observateurs: voilà qui en
dit long sur l'indifférence des citoyens, même dans une île où la passion politique
est encore sensiblement plus vive que sur le continent.
- Le résultat du "raffarindum" révèle une
grande indécision: le NON ne l'emporte que par 2190 bulletins d'avance sur le OUI, soit
moins de 2% d'écart. On ne peut en tirer aucune conclusion bien tranchée. C'est pourtant
ce que font sans vergogne des jacobins notoires, comme Jacques Julliard qui titre dans le
"Nouvel Observateur" du 10 juillet "Une bonne claque!" et laisse
éclater une joie mauvaise: "Il fallait voir, dimanche soir sur LCI, les visages
défaits et même sonnés de MM. Rossi, Talamoni, Sarkozy, Raffarin pour prendre la mesure
du désaveu qui s'est abattu sur la Corse et le continent, à l'occasion de la
consultation sur une communauté territoriale unique". Monsieur Julliard, et il n'est
pas le seul de son espèce, accorde à son idéologie bien plus d'importance qu'à
l'observation des faits.
- Nous devons au contraire rechercher ce qui a fait
pencher la balance, même très légèrement, vers le refus du projet.
- Dans la seule commune de Bastia, le NON l'a emporté
par 70,77%, soit 4650 voix d'avance. Plusieurs faubourgs et environs de la préfecture de
Haute-Corse ont voté dans le même sens: c'est là que le résultat s'est joué, alors
que les votes positifs et négatifs s'équilibraient, avec un léger avantage au OUI, dans
tout le reste de la Corse. Le vote de la région bastiaise s'explique par la conjonction
de deux facteurs:
- l'influence d'Émile Zuccarelli, maire (PRG)
de Bastia et adversaire intransigeant des nationalistes, du plan Jospin et de tout autre
compromis,
- le poids de la CGT et des fonctionnaires
grévistes, qui ont paralysé les services publics depuis fin avril et ont voulu
sanctionner le gouvernement Raffarin.
- La Corse a donc pris modèle sur la France: ce pays
n'a pas la culture du référendum, il ne connaît que le plébiscite. C'est pourquoi une
partie des électeurs n'a pas répondu à la question posée mais a détourné son vote en
protestation contre le gouvernement. Là-dessus, Zuccarelli a renforcé son pouvoir de
chef de clan en faisant croire que la réforme proposée favoriserait Ajaccio au
détriment de Bastia. Diviser pour régner: Napoléon Premier lui-même disait que pour
tenir la Corse il fallait toujours y maintenir deux départements!
- En dehors de la région bastiaise, le partage des
votes est trop indécis pour permettre des analyses péremptoires. Ici ou là on peut
déceler l'influence de forces politiques ou de chefs locaux. Mais dans l'ensemble les
élus et les partis, qui presque tous appelaient à soutenir le projet gouvernemental,
n'ont été que mollement suivis, de même que les quelques partisans déclarés du NON.
On peut d'ailleurs avoir des doutes quant à la parfaite sincérité de certains
engagements en faveur d'une statut qui devait mettre un terme à la carrière de 55
politiciens (voir L'Écho de Savoie n°64 page 4). Ceux-là ont au moins la satisfaction
d'avoir sauvé leurs places!
- Certains, notamment parmi les nationalistes, ont
déclaré que l'arrestation d'Yvan Colonna, deux jours avant le référendum, avait
démobilisé les électeurs de ce courant, qui s'était prononcé en faveur de la
réforme. On a même pu supposer que cet évènement spectaculaire, attendu après quatre
ans de cavale, avait été mis en scène pour manipuler le vote. On peut tout supposer,
mais en se gardant de tomber dans l'absurde: s'il y a eu manipulation, elle ne pouvait
avoir pour objet que de conforter le vote OUI en rassurant les électeurs des partis
français sur la capacité de l'État à maîtriser la criminalité politique. Cela n'a
pas suffi, pas davantage que les largesses et les promesses de Nicolas Sarkozy au cours de
ses huit visites en Corse. L'embarras du ministre de l'Intérieur et du Premier Ministre
est visible.
- Du reste, les votes nationalistes ne semblent pas
avoir tellement fait défaut au OUI, qui l'emporte largement à Porti-Vecchiu, à Corti,
Calvi, L'Isula, Lumio, Prunelli di Fiumorbu, et même à Cargese, la commune d'Yvan
Colonna.
- Mais certains nationalistes corses, compromis depuis
trente ans dans la violence, l'extorsion et les trafics, ont réussi à faire détester
l'ensemble de leur mouvement par une partie importante de leur peuple: cette partie-là a
saisi l'occasion d'exprimer son sentiment dans les urnes, sans trop examiner le projet de
réforme qui lui était proposé.
- Les conséquences prévisibles du statu quo.
- Il est remarquable que personne n'ait pris en
considération le message envoyé aux Corses par le président Chirac: dans une interview
au quotidien "Corse-matin", il leur demandait de voter OUI, ce vote étant selon
lui "la meilleure manière d'affirmer (leur) attachement à la France et à la
République". Logiquement, le succès relatif du NON voudrait dire que les Corses se
détachent de la France. Évidemment il n'en est rien, et les propos présidentiels
apparaissent à tous pour ce qu'ils étaient: du vent...
- Après un vote aussi serré, on pourra épiloguer
longtemps sur les responsabilités de chacun, comme après le premier tour de la
présidentielle de 2002, puisqu'un déplacement minime des suffrages aurait suffi à
inverser le message du corps électoral. Il n'en reste pas moins que les règles de la
démocratie, pour imparfaites qu'elles soient, commandent à chacun de s'incliner devant
le résultat d'un vote, aussi peu tranché soit-il. À moins que les plaintes pour fraude
électorale déposées par les nationalistes (voir encadré) n'aboutissent à une
annulation, le référendum du 6 juillet 2003 marquera longtemps la Corse.
- Les 240000 habitants de l'île devront s'accommoder
de leurs trois assemblées: deux Conseils généraux et une Assemblée territoriale.
L'assemblée unique ayant été refusée, c'est un espoir de cohérence et de
simplification qui disparaît. La politique corse demeurera morcelée par le clientélisme
cantonal et départemental, qui décourage toute initiative et condamne à la soumission
résignée. L'économie et la société corse resteront peu dynamiques, étouffées par
l'assistance, le favoritisme et le poids de l'administration. Toute proposition de
changement institutionnel est écartée pour de nombreuses années.
- Une fois de plus, en Corse comme sur le continent, la
réforme se révèle impossible. C'était pourtant la seule solution intelligente et
réaliste ("soyez réalistes, demandez l'impossible" écrivaient les
situationnistes sur les murs de mai 68!). Cela n'a rien à voir avec les jeux de rôles de
la droite et de la gauche: Lionel Jospin et Nicolas Sarkozy (celui-ci avec le soutien
actif de Jean-Pierre Raffarin, et plus tiède d'un Jacques Chirac fraîchement converti à
la réforme) ont l'un après l'autre pris à contre-pied leurs amis politiques sur le
dossier corse. Après une étude attentive du problème, ils ont conclu l'un comme l'autre
que le seul chemin conduisant peut-être à une extinction de la violence politique
passerait par une réforme permettant d'inclure davantage les nationalistes dans les
institutions. Supprimer les départements au profit d'une assemblée unique élue au
suffrage proportionnel devait permettre, pour Jospin comme pour Sarkozy, de donner aux
élus nationalistes l'autorité suffisante pour imposer à leur base de renoncer à la
violence, et pour certains aux pratiques mafieuses. C'était la voie de la
respectabilité, de la responsabilité et du contrat avec d'autres forces politiques
autour de projets concrets. Désormais, cette voie difficile étant refermée, les
nationalistes sont rejetés vers la radicalisation et l'affrontement, sans autre
perspective que de nouveaux drames. Et inexorablement le fossé se creuse entre la Corse
et la France, où prospèrent les sentiments de lassitude, d'incompréhension et
d'exaspération...
- Le ministre de l'Intérieur, ayant pris acte de
l'échec de sa proposition de réforme, se rabat sur son rôle de chef de la répression
policière, mais il n'est pas davantage assuré de réussir sur ce terrain. En effet, que
cela plaise ou non, l'histoire de la Corse démontre que cette île, qui ne fut
indépendante que fort peu de temps à la fin du 18e. siècle, ne s'est jamais soumise à
ses souverains extérieurs: ni Rome, ni Barcelone, ni Pise, ni Gênes, ni Paris n'ont
jamais réussi à contrôler son peuple, dont l'insubordination se manifeste par mille
astuces et traditions. Les nationalistes d'aujourd'hui, même détestés par bon nombre de
leurs compatriotes, sont enracinés dans un réseau inextricable de relations familiales
et de solidarités insulaires. Aucune police n'a le pouvoir de les isoler de leur
environnement.
- L'ombre de l'assassinat du préfet Érignac.
- Les nationalistes représentent 25% de l'opinion
insulaire, même si les sondages indiquent que l'idée de l'indépendance de la Corse ne
rallie que 14% des opinions. Depuis trente ans ils se sont construit une identité en
opposition, allant parfois jusqu'à la confrontation armée, à la puissance française.
Très méfiants à l'égard des intentions du pouvoir central, ils n'étaient que
modérément séduits par le projet de réforme institutionnelle proposé par Nicolas
Sarkozy et Jean-Pierre Raffarin. Le résultat du référendum du 6 juillet les renvoie à
leurs tentations de révolte radicale.
- Les circonstances dramatisent ce retournement: le
vote est intervenu deux jours après l'arrestation, près d'une bergerie de Porto-Pollo,
d'Yvan Colonna, principal suspect de l'assassinat du préfet Érignac à Ajaccio le 6
février 1998, et cinq jours avant le verdict de la cour d'assises spéciale de Paris, qui
a condamné les autres accusés à de très lourdes peines de prison. Les réactions des
familles des condamnés, et l'ambiance des rassemblements nationalistes spontanés ou
organisés à Ajaccio, indiquent l'état d'esprit des membres et des sympatisants de cette
tendance: amertume, ressentiment, rage. La police constate une recrudescence des attentats
et craint le pire. Au cours des deux prochaines années, trois autres procès
cristalliseront les passions: l'appel des condamnés du 11 juillet, le premier procès et
probablement l'appel d'Yvan Colonna. On n'a pas fini...
- Les tenants de la "République Une et
Indivisible", tout regonflés par leur "succès" du 6 juillet, n'hésitent
pas à jeter de l'huile sur le feu. Ainsi Charles Lambroschini ("Le Figaro", 12
juillet 2003): "Bien fait! Les assassins de Claude Érignac ont été très
durement frappés. Les condamnations à perpétuité pour les deux principaux membres du
commando et les trente ans de prison assénés aux auteurs "intellectuels" du
crime sont la preuve du retour de l'état de droit en Corse. Comme l'a promis Nicolas
Sarkozy, le temps de l'impunité est terminé. Après le non au référendum, les juges
auraient pu être tentés de choisir l'apaisement. Il n'en a rien été".
- "Il ne doit y avoir ni vainqueur ni
vaincu", déclarait récemment Jacques Chirac au sujet du conflit social sur la
réforme des retraites. Tel n'est visiblement pas le cas en Corse, selon l'avis des
Républicains fanatiques. Il doit y avoir un vainqueur, la République, et des vaincus,
les nationalistes. Et les vaincus doivent être pourchassés, arrêtés, punis. Mais que
se passera-t-il si l'on trouve l'un ou l'autre des vaincus dans la maison de l'un ou
l'autre des représentants du vainqueur? Si la France détient bientôt un millier de
Corses dans ses geôles pour complicité avec le terrorisme?
- On peut déjà apercevoir l'impasse où conduit
l'incapacité de la France à mener à bien des réformes nécessaires. En cela, le cas de
la Corse pourrait concerner de près la Savoie.
- Perestroïka régionale, acte II.
- En octobre 2002 (Écho de Savoie n°59) je tentais un
parallèle entre la décentralisation selon Raffarin et la perestroïka selon Gorbatchev.
L'idée avait pu surprendre. Eh bien nous y sommes, ou presque! La décentralisation
arrive en dernière position parmi les préoccupations des Français. Quand ils s'en
soucient, c'est pour lui opposer un refus: ils ne veulent pas de réforme. La
démonstration de force de l'État en Savoie du nord, avec 20000 militaires et policiers
sous les ordres du préfet pour sécuriser la réunion du G8 à Évian, a plutôt rassuré
une population que la menace terroriste effraie, même si le coût de l'opération a
scandalisé plus d'un citoyen. Nombreux sont les fonctionnaires, et en particulier dans
l'Éducation Nationale, qui ont fait grève contre le transfert des personnels
non-enseignants aux régions. Les intermittents du spectacle, très remontés, redoutent
la décentralisation du ministère de la culture...
- Sur le thème de la régionalisation, Jean-Pierre
Raffarin n'a trouvé aucun soutien populaire. Ce qui est remarquable dans le référendum
du 6 juillet en Corse, ce n'est pas tant le résultat final que le manque d'intérêt des
électeurs, la faiblesse de la mobilisation réformatrice, et la force d'inertie
conservatrice considérable exercée par les fonctionnaires et les autres bénéficiaires
du clientélisme.
- Une fois de plus, la France expose son incapacité à
mener à bien les réformes structurelles qui pourraient la sauver. Les plans qui sont
présentés comme des réformes, et passés en force par la majorité politique au milieu
des cris d'une opposition qui ne se remet pas d'avoir appelé à voter pour Jacques Chirac
en 2002, ne sont que des mesures de restriction budgétaire imposées par la dérive des
finances publiques. L'Union soviétique se trouvait dans une situation analogue, quoique
plus grave, il y a quinze ans. Jean-Pierre Raffarin sera-t-il bientôt aussi détesté par
son peuple que Mikhaïl Gorbatchev le fut en son temps? Dès l'automne, les sujets
douloureux ne vont pas manquer...
- Pourtant le Premier Ministre a affirmé, après le 6
juillet, que l'échec de son projet pour la Corse ne remet pas en cause sa politique de
décentralisation. Il tente de sauver l'État en l'allégeant de tout ce qui peut être
confié aux régions et aux départements: des lois organiques et des lois simples ayant
cet objet prennent place sur les agendas du parlement. Jean-Pierre Raffarin espère en
outre que "plusieurs référendums régionaux" pourront être organisés
"d'ici à un an" pour simplifier la carte administrative. Lui et ses ministres
évoquent notamment les DOM-TOM, la Normandie, l'Alsace, les Hautes-Alpes et les Alpes de
Haute-Provence, et la Savoie...
- Nul ne connaît pour l'instant le projet que les
laboratoires de Matignon pourraient nous bricoler. Il est probable qu'ils tenteront par
tous les moyens d'éviter de séparer la Savoie de la région Rhône-Alpes, ce qui
présente toujours le risque de donner aux gens d'ici de "mauvaises idées"
d'autonomie ou d'indépendance. On peut craindre aussi que, le moment venu, tout ce qui
divise soit orchestré et dramatisé: le nord contre le sud, Annecy contre Chambéry, les
Savoyards natifs contre les Savoyards d'adoption, les fonctionnaires contre le secteur
privé, les villes contre la montagne, avec par-dessus le tout, pour faire monter la
pression, la peur panique de la nouveauté. Le référendum du 6 juillet en Corse aura
servi à nous montrer à l'uvre une parfaite mécanique de l'échec, de
l'impuissance et de la confusion. Il importe aux Savoisiens d'en déjouer les pièges en
affirmant leur choix de liberté, le seul porteur d'avenir: quitter la France en
perdition, ce carcan idéologique qui se raidit encore à mesure qu'il agonise.
- Patrice Abeille.
- Annulation du "raffarindum" pour
fraude électorale?
- Le Parti de la Nation Corse a décidé, le 17
juillet, de s'associer aux démarches juridiques en cours (entamées par d'autres
mouvements nationalistes) pour faire annuler le scrutin du 6 juillet et condamner les
fraudeurs. Les militants du PNC affirment en effet avoir constaté, comme d'autres
observateurs nationalistes, des fraudes manifestes, notamment à Bastia et à Furiani,
communes qui ont donné respectivement 70% et 80% des suffrages au NON.
- Déjà en 1998, un recours de l'UPC (formation qui a
donné naissance au PNC en s'associant avec Scelta Nova et Mossa Naziunale) avait obtenu
l'annulation des élections régionales en Corse.

- 1-2 Coup de chaleur sur la
rédaction de L'Écho de Savoie.
- Une fois n'est pas coutume: le dernier numéro de
votre journal (n°64), préparé pendant la canicule sans précédent du mois de juin,
comportait quelques erreurs:
- à plusieurs endroits le signe n'a pas
été imprimé à la suite des chiffres indiquant des sommes monétaires.
- en haut à droite de la une, on pouvait lire
"Remis à la Poste le 25/04/2003". Non, le retard n'a pas été si important
dans la distribution du journal: il fallait lire "le 1/07/2003".
- en page 15, sous la photo de Jean de Pingon,
la légende suivante se trompait de dix ans, pas moins: "Jean de Pingon rendant
hommage à Marguerite Frichelet le 18 mai 1983: quelques mois plus tard il allait fonder
la Ligue savoisienne". C'était bien entendu le 18 mai 1993, ceux qui ne connaissent
pas bien la Ligue savoisienne n'ont pas pu "rectifier d'eux-mêmes"...
- Comme le disait Pierre Lazareff, le fondateur de
"France-Soir", "une fausse nouvelle plus un démenti égalent deux
informations". Mais L'Écho de Savoie n'est pas un journal parisien, ni grenoblois:
il redoublera d'efforts pour rester irréprochable, même par des températures
extrêmes... C'est promis!
- 1-3 Région Savoie: "j'y
crois" de moins en moins...
- Historiquement, depuis 1972, l'idée d'une Région
Savoie dans le cadre de la République Française a toujours servi à canaliser dans une
voie sans issue les ardeurs de celles et ceux qui ne se résignaient pas à la domination
écrasante de la France sur la Savoie. Malgré des échecs répétés, l'illusion
régionale trouve toujours de nouveaux partisans, des poulains frémissants qui
volontairement s'attellent, aux côtés de chevaux de retour, au char brinquebalant d'un
régionalisme à l'eau tiède.
- Le plus nouveau de ces fringants poulains se nomme
Noël Communod. Après la publication d'un livre en solo à la fin de l'été 2002 (dont
L'Écho de Savoie a rendu compte dans son n°59, daté d'octobre 2002), le voici
coordinateur et rédacteur d'un nouvel ouvrage: "Livre blanc pour la création de la
Région Savoie", publié par l'association La Région Savoie J'y Crois.
- Grandeur et servitudes du raffarinisme.
- Pour l'essentiel, le "Livre blanc" est une
reprise, sur 196 pages au format A4, du livre de Noël Communod. C'est un plaidoyer pour
une région à statut spécial qui pourrait se substituer aux deux départements créés
par l'empereur des Français Napoléon III et assumer en outre les fonctions d'une
Région, et même davantage, puisque le "livre blanc" décrit, dans son chapitre
5, toutes les compétences que la Région Savoie pourrait exercer elle-même sans passer
par Paris. Le "copier-coller" a fonctionné à plein régime entre le livre
initial de Noël Communod ("La Région Savoie, en 2004, c'est possible",
Mirnographie éditions) et le "livre blanc". Les emprunts à "Renaissance
savoisienne" (Patrice Abeille, édition Cabédita, 1998, cité dans la bibliographie)
demeurent nombreux.
- Ceux qui veulent compléter leur bibliothèque
pourront se procurer cet ouvrage: voir les indications pratiques en fin de cet article.
- Il reste à examiner quelles nouveautés ce
"livre blanc" apporte, par rapport au livre paru à l'automne 2002.
- Une de ces nouveautés est une note de pessimisme. Le
"livre blanc" s'interroge (1.1.3, page 12): "La réforme Raffarin
accouchera-t-elle seulement d'une souris?" La réponse est donnée sans détour:
"Mais des promesses électorales aux réalités, il y aura certainement un grand
fossé qui continuera à se creuser; en effet, jacobins, énarques et ambitions
personnelles auront sans doute raison de ce grand projet qui pourrait sortir la France de
ses problèmes. Une nouvelle fois, nous risquons d'accoucher d'une souris!"
- Curieusement, ce pessimisme n'empêche pas les
"alterrégionalistes" d'aller de l'avant. Ils osent prétendre (dans le bulletin
d'information n°0 de leur association juin 2003):
- "La Constitution française prévoit
explicitement depuis le 28 mars 2003 la possibilité de fusionner deux départements pour
créer une collectivité territoriale nouvelle: exerçons ce droit.
- Exerçons-le dans la République: il n'y a aucune
raison pour que la République refuse de faire droit à la Savoie de ses aspirations
légitimes, ouvertes et raisonnables, car désormais la Constitution prévoit:
- - que la République est organisée de façon
décentralisée.
- - que des collectivités peuvent fusionner pour
créer une collectivité nouvelle.
- - que des collectivités territoriales nouvelles
peuvent être créées.
- - que les régions sont traitées
égalitairement."
- Pourtant, que les "alterrégionalistes" le
veuillent ou non, il y a d'excellentes raisons pour que la République oppose son veto à
leur modeste revendication. La meilleure raison, c'est que la création d'une Région
Savoie, quel qu'en soit le modèle, risquerait de donner aux Savoyards et aux autres
habitants de la contrée un aperçu des potentialités de la Savoie pour participer au
concert des nations européennes.
- D'ailleurs Noël Communod et ses amis, conscients du
danger, prennent grand soin de se démarquer des souverainistes de la Ligue savoisienne.
Le "Livre blanc" affirme en sa page 22: "Les Savoyards sont
majoritairement hostiles au nationalisme, ce n'est donc pas pour verser dans un micro
nationalisme à vocation séparatiste. À l'heure de la construction européenne, un tel
concept n'a d'ailleurs plus aucune signification".
- Mais le même "Livre blanc", pour réfuter
l'argument de "la Savoie trop petite", livre en page 69 un tableau des
populations de 20 entités européennes. Entre le Liechtenstein (31000 habitants) et la
Savoie (1.100000 habitants bientôt) on n'y trouve pas moins de 7 États souverains:
Liechtenstein (31000), Andorre (70000), Islande (270000), Malte (380000), Luxembourg
(420000), Chypre (750000), Estonie (1 million). Quand les régionalistes raffarinés
donnent eux-mêmes les arguments pour reconstruire la Savoie en tant qu'État souverain
dans l'Union Européenne, que reste-t-il à dire? Sinon un peu de commisération pour ces
colonisés qui éprouvent chaque matin le besoin irrépressible de faire une génuflexion
devant l'autel de la République...
- "Les régionalistes (disent-ils page 22)
prônent davantage d'autonomie pour les régions et les autonomistes prônent des régions
plus autonomes. Ils ne sont plus, ni les uns, ni les autres, au banc de la
société". Les auteurs ont sans doute voulu dire "au ban" (du verbe
français "bannir"). Mais c'est bien sur un banc de touche qu'ils sont assis
pour suivre un match dans lequel les joueurs de leur équipe sont particulièrement
médiocres...
- Nos néorégionalistes ne sont pourtant pas naïfs au
point de méconnaître ces règles non écrites de la République française: depuis
toujours l'État parisien domine, divise, exploite et écrase les peuples conquis au cours
de son histoire. Ils en donnent même un aperçu dans leurs pages 118 et 119. Jugez
plutôt.
- Page 118, alinéa 7.5 intitulé "L'apparition de
potentats locaux?":
- "Mais réfléchissons au fonctionnement
actuel de la Savoie: qui oserait y nier l'existence de la race des potentats locaux? Ceux
qui ont réussi à avoir des responsabilités nationales ou européennes verrouillent
depuis longtemps la vie politique de notre région. Oser s'exprimer sur un sujet qui les
contrarie est un crime de lèse-majesté. Quant aux élus locaux, la règle du
"dis-moi qui t'a fait élire, je te dirai qui tu es" fonctionne à plein".
- Michel Barnier, Hervé Gaymard, Bernard Accoyer et
Louis Besson vont adorer ce "Livre blanc"...
- Page 119, alinéa 7.6 intitulé "La tentation de
l'indépendance":
- "On dit que si on lui laisse un peu trop
d'autonomie, la Savoie risque de faire sécession! Qu'il y aurait un risque pour
l'intégrité du territoire! Mais c'est une notion qui a varié au cours du temps; de quel
territoire parle-t-on? La Savoie ne faisait pas partie du territoire il y a à peine 150
ans!
- Pourquoi ce qui est envisagé pour la Corse ne
serait-il pas valable en Savoie? Les Savoyards seraient-ils considérés comme plus
"dangereux" que les Corses?
- Bref, si la France considère que c'est en
maintenant les régions sous tutelle qu'elle maintiendra une certaine unité nationale,
elle se trompe; c'est en les rendant plus autonomes qu'elle sera plus forte".
- On croirait entendre Jacques Chirac expliquer aux
Corses, quelques jours avant le référendum du 6 juillet, que voter OUI serait "la
meilleure manière d'affirmer (leur) attachement à la France et à la République".
On a vu le résultat...
- Un plan pour la Savoie.
- Heureusement, ce "livre blanc pour la création
de la Région Savoie" n'est pas fait que de considérations politiques hasardeuses du
même tonneau. Il est principalement un plan tracé pour une meilleure gestion de la
Savoie, de son territoire et de sa population. On y trouve une foule de propositions
intéressantes, comme celle-ci (page 75, alinéa 5.3.1.1.) concernant l'occupation des
sols:
- "Nous sommes aujourd'hui proches de la
saturation immobilière; le "mitage" a fait son oeuvre. Il faut peut-être
limiter la croissance à tout prix, préserver les terres agricoles et l'agriculture pour
l'entretien des paysages et des montagnes, éviter l'asphyxie par les transports routiers
devenus trop denses. N'attendons pas d'être dans la situation de la Côte d'Azur ou de la
région parisienne pour réagir. Ce n'est pas la Datar qui a empêché toutes ces erreurs
et ces dérives, bien au contraire. Toutes ces options et ces décisions ne peuvent être
prises que par une autorité locale, sous le contrôle direct de la population concernée
qui l'aura élue. Nous ne pouvons pas compter, ni sur Paris, ni sur Lyon qui n'ont eu de
cesse que d'augmenter les accès pour venir aux sports d'hiver ou pour permettre le
transit des marchandises (le Lyon-Turin reste dans cette logique)."
- Le "livre blanc" argumente abondamment sur
la taille de la Savoie, qu'à Paris on estime trop petite: cette taille se révèle au
contraire parfaitement "européenne", et même idéale pour définir des
politiques qui conviennent aux aspirations des citoyens. Il argumente aussi de façon
détaillée sur toutes les options institutionnelles envisageables.
- Il propose d'élire la future Assemblée de Savoie
selon un mode mixte: les 71 cantons continueraient d'élire leurs représentants au
scrutin majoritaire (ce qui sauverait le "job" des actuels Conseillers
généraux) et 28 membres (le même nombre que celui des actuels Conseillers régionaux
élus dans les deux départements savoyards) seraient élus au scrutin proportionnel.
Cette solution permettrait de "recaser" tous les élus actuels, sauf quelques
mâles contraints de céder leur place à des dames pour respecter la loi sur la parité
qui s'impose à tous les scrutins de listes. Toutefois le "livre blanc" n'exclut
pas l'élection au scrutin de liste des 100 membres (prévus, pour arrondir le chiffre de
99 résultant de l'addition des actuels Conseillers généraux et régionaux) de
l'Assemblée régionale de Savoie.
- Ayant braqué le projecteur sur les questions
politiques les plus cruciales que pose le "livre blanc", nous n'en discuterons
pas le détail des chapitres. Ils fournissent en grand nombre des éléments de réflexion
sur les compétences d'action publique que la Savoie pourrait, si seulement elle le
voulait, exercer elle-même: compétences départementales et régionales, et compétences
supplémentaires découlant d'un statut spécial.
- Nous pouvons cependant énumérer les domaines
abordés dans le "livre blanc": aménagement du territoire (urbanisme, routes,
transports, technologies de l'information, énergie, environnement, prévention et gestion
des risques, politique de l'eau), action sociale (aide sociale, aide aux handicapés,
soutien à la jeunesse, logement, habitat, santé, sécurité), économie (emploi,
entreprises, chambres consulaires, coopérations transfrontalières, relations
internationales, agriculture), tourisme, culture et loisirs (action culturelle,
bibliothèques et archives, audiovisuel, patrimoine et musées, langue savoyarde, sports),
éducation et formation (formation professionnelle, collèges et lycées, Université de
Savoie, recherche).
- Le "livre blanc" n'oublie pas d'indiquer
les ressources financières et fiscales dont la Savoie pourrait disposer pour agir dans
tous ces domaines. Elles seraient abondantes, puisqu'elles rassembleraient les ressources
habituelles d'un département et d'une région (fiscalité directe et indirecte,
reversements de l'État), une part de la TVA sur les activités touristiques à titre
expérimental, le produit total de la taxe foncière, une part de la Taxe Intérieure sur
les Produits Pétroliers (carburants, fioul domestique) et une fiscalité spécifique
comme la taxe sur l'entretien des paysages.
- Même si la création d'une Région Savoie demeure
comme toujours une illusion lénifiante, le "livre blanc pour la création de la
Région Savoie" fournit aux Savoisiens un bon "plan de vol" pour
l'émancipation de la Savoie en tant que peuple et nation de rang européen. Ce n'est pas
rien.
- Documentation:
- Livre blanc pour la création de la Région
Savoie: à commander avec un chèque de 15,25 à l'ordre de "La Région Savoie,
j'y crois" BP2. 74540 VIRY.
- "La Région Savoie, en 2004, c'est
possible" par Noël Communod: à commander à La Ligue Savoisienne (2 avenue de la
Mavéria. 74940 Annecy-le-Vieux) avec un chèque de 19 (16 + 3 de frais
de port).

- 1-4 Fusion des départements : le
Berry comme la Savoie
- L'idée de fusion de départements est en fait une
vieille lune de l'ancien Premier ministre gaulliste Michel Debré. Elle date de 1958: la
France devait être divisée en 47 départements; c'est donc une notion étroitement
jacobine permettant une perpétuation du système. Parmi ces départements potentiellement
fusionnables figurent l'Indre et le Cher, qui reconstitueraient grosso modo le Berry, qui
resterait donc sous cette forme dans la Région Centre (comme la Savoie dans
Rhône-Alpes); elle-même pourrait intégrer un ensemble plus vaste avec l'Île-de-France,
les Pays de la Loire, le Limousin et l'Auvergne... Or la Région Centre est loin d'être
cohérente. En 1976 un géographe spécialiste de cette question, Paul Bachelard,
écrivait: "La Région Centre est une de ces constructions politico-administratives
imposées à un ensemble de petites régions, de pays, d'anciennes provinces
dépersonnalisées. Elle sent l'artificiel, l'arbitraire."
- Des essais de regroupement des départements de
l'Indre et du Cher n'avaient pas abouti précédemment: "États généraux du
Berry" dans les années soixante et "Assemblée provinciale" de 1996, sorte
d'entente des pays de Savoie ou Assemblée (des Pays) de Savoie en quelque sorte...
- Le Berry, la patrie de George Sand dont les romans
champêtres ont tant fait rêver tout en étant un acte de foi et d'espérance en un
avenir meilleur pour les pauvres et les malheureux, sera-t-il un nouveau département,
permettant aux Parisiens en manque de verdure de venir passer leur week-end dans leur
résidence secondaire, les Berrichons n'étant pas plus maîtres de leur destin
qu'auparavant? La Savoie ne mérite-t-elle pas un sort meilleur que celui de nos amis
berrichons?
- Pascal Garnier.
- Sources : Berry magazine, n°66, juin 2003.
Philippe Goldman: "Le Berry entre province, départements et régions". pp.
37-41
- 1-5 Si les Conseillers généraux
volaient, Jean-Pierre Vial serait chef d'escadrille (suite).
- Jean-Pierre Vial, successeur d'Hervé Gaymard à la
présidence du Conseil général du département de la Savoie (73) ne se contente pas de
faire peindre en rouge et blanc un avion Mirage F1 de l'armée de l'air française (voir
L'Écho de Savoie n°64, page 7). Le 21 juillet il était à Paris pour signer un accord
avec pas moins de 17 entreprises et administrations, en vue de faire de la Savoie du sud,
en compagnie de la Charente et de la Corrèze, un "département pilote".
- Le placide avocat chambérien Vial ne s'était
jusqu'à maintenant pas fait connaître comme un "avion de chasse", mais voici
que sous sa présidence c'est tout le département qui devient "pilote". On va
voir ce qu'on va voir, et vite puisqu'un premier bilan de l'expérience devrait être
tiré dès le 15 novembre: le mur du son va sûrement être franchi plusieurs fois!
- La liste des signataires de l'accord est
impressionnante: d'un côté quatre présidents des Conseils généraux cités ci-dessus;
de l'autre les dirigeants d'EDF, GDF, France Telecom, La Poste, SNCF, CNAM, CNAV, CNAF,
ANPE, ANVAR, ACOSS, UNEDIC, MSA, AFPA, les Chambres de Métiers, Chambres de Commerce et
d'Industrie et Chambres d'Agriculture. L'accord vise à une "réorganisation des
réseaux de services publics" qui "doit viser à améliorer la qualité du
service rendu". Une liste de sigles à donner le vertige à quiconque n'est pas
familier de l'aviation de pointe. 17 administrations, c'est un chiffre qui fait craindre
la catastrophe aérienne, le détournement d'avion ou du moins l'atterrissage d'urgence:
le chiffre 17 n'est-il pas un porte-malheur chez nos voisins de la péninsule italienne?
- Malgré ce mauvais présage, le pilote Vial laisse
entrevoir une "amélioration de la qualité du service rendu" à bien des
chanceux habitants de la moitié méridionale de la Savoie: abonnés au gaz ou à
l'électricité, clients (ou encore "usagers" souvent bien usagés) du
téléphone, de la poste ou du train, assurés sociaux, retraités, allocataires,
chômeurs, inventeurs, payeurs de cotisations obligatoires, agriculteurs, artisans,
commerçants, industriels et personnes en parcours de formation s'en réjouissent déjà.
- Alors que la Région Rhône-Alpes connaît tant de
déboires dans le transport régional de voyageurs, le mirifique accord paraphé le 21
juillet par le pilote Vial va peut-être miraculeusement réussir à faire partir (et
même arriver) les trains à l'heure...

- 1-6 Genève supprime les droits de
succession.
- Le 26 juin dernier, le Grand Conseil (parlement) de
la République de Genève a décidé d'en finir avec l'impôt successoral. Par 50 voix (de
droite) contre 37 (de gauche) les députés ont décidé de proposer au souverain (les
citoyens de Genève, qui seront prochainement consultés par votation) la suppression de
l'impôt qui frappait les successions et les donations. L'exonération fiscale
concernerait la transmission du patrimoine au conjoint ainsi qu'aux parents en ligne
directe: fils, fille, père, mère. Actuellement les successions et donations sont taxées
selon un taux progressif qui va de 2% à 6%. Le parlement genevois a souhaité que Genève
reste compétitive face aux autres cantons, qui ont presque tous supprimé ce type
d'impôt: il ne subsiste que dans les cantons du Jura et de Vaud. Les Vaudois devront
voter dans quelques mois sur une initiative populaire lancée par le parti libéral.
- Le législatif genevois a prévu de continuer à
taxer les héritiers de contribuables bénéficiant d'un forfait fiscal: il s'agit de
personnes riches qui ont négocié leur installation dans le canton avec les services
fiscaux, le plus connu n'est autre que l'acteur français Alain Delon.
- La suppression de l'impôt sur les successions et
donations privera le budget cantonal de 65 millions de francs suisses de recettes chaque
année. La Conseillère d'État Martine Brunschwig-Graf a reconnu la difficulté
supplémentaire qui pèsera sur des finances cantonales déjà en difficulté, mais elle a
estimé prioritaire d'agir pour éviter les dépenses superflues.
- Après la décision genevoise, qui sera probablement
approuvée par le peuple, l'exonération des successions gagne du terrain autour de la
Savoie: déjà le Valais et l'Italie ne taxaient plus la transmission des patrimoines.
Dans quelques mois, la France sera isolée dans sa pratique de taux d'imposition très
lourds, qui frappent fortement les familles, bien souvent contraintes de vendre leurs
biens pour acquitter l'impôt. C'est ainsi que s'accélère l'expropriation des Savoyards
au bénéfice des riches européens désireux d'acquérir des résidences en Savoie.
- Rappelons que les calculs faits par la Ligue
savoisienne démontrent que le budget d'un État souverain de Savoie n'aurait absolument
pas besoin de taxer les successions ni les donations pour équilibrer ses recettes et ses
dépenses.
- 1-7 Le projet de Constitution
européenne ignore les nations sans État.
- La Convention sur l'avenir de l'Europe, présidée
par Valéry Giscard d'Estaing, a achevé ses travaux le 11 juillet 2003. Les 105
conventionnels, représentant les gouvernements et parlements des États membres et
candidats, ainsi que le Parlement européen et la Commission, ont réussi à se mettre
d'accord sur le texte d'un projet de Constitution, qui a été remis le 18 juillet à
Silvio Berlusconi, président de l'Union pour le deuxième semestre 2003.
- C'est maintenant le Conseil de l'Union européenne
qui va se pencher sur le texte constitutionnel. Les chefs de gouvernements (le chef de
l'État pour la France seulement) pourront accepter le projet purement et simplement, mais
il est plus probable que de nouvelles tractations auront lieu pour modifier certains
articles.
- Les nations sans État de l'Union européenne
étaient représentées à la Convention par notre ami Neil MacCormick, eurodéputé
écossais membre du Scottish National Party (indépendantiste) et du Parti Démocratique
des Peuples d'Europe Alliance Libre Européenne (PDPE-ALE).
- Voici ce que Neil a déclaré:
- "Le projet de constitution représente, à nos
yeux, une vision franchement étatiste de l'Union. En tant que représentants des nations
sans État et des régions d'Europe, nous avons essayé d'obtenir la reconnaissance du
principe d'autodétermination dans la nouvelle constitution, mais il en est totalement
absent.
- Si nous nous félicitions de la prise en compte du
rôle des gouvernements régionaux et locaux, toutes les questions relatives aux droits et
à la représentation au niveau de l'État-nation demeurent exclusivement de la
compétence des gouvernements des États membres. C'est très décevant et il s'agit d'une
opportunité manquée.
- Néanmoins, d'importants progrès ont été
réalisés dans certains domaines notamment en matière de langue et de culture
avec un engagement explicite pour le respect de la grande diversité culturelle et
linguistique de l'Union. C'est particulièrement important pour les petits pays et
régions et pour les minorités dont le mode de vie est menacé par la mondialisation.
- Le projet de constitution constitue un bon travail,
rendant la structure et le fonctionnement de l'Europe plus intelligible aux citoyens et
plus démocratique. Toutefois, il reste des points à améliorer absolument et personne à
l'ALE ne peut lui accorder un soutien inconditionnel sous sa forme actuelle."
- 1-8 France: un record de
condamnations devant la Cour Européenne.
- En 2002 la France, patrie autoproclamée des Droits
de l'Homme, s'est vu infliger 60 condamnations par la Cour Européenne des Droits de
l'Homme! Soixante!
- Depuis le 1er janvier 2003, le score français se
monte déjà à 43 condamnations, dont une, record, comprend le versement en réparation
d'un montant de plus de 3 200 000 euros...
- Huit de ces condamnations ont été infligées le 17
juin 2003.
- Par un étrange hasard, les citoyens et contribuables
de France n'en sont informés ni par les médias, ni par les élus, ni par le
gouvernement.
- La Coordination Anti-Répressive de Bretagne se
réjouit de voir l'image de la France être ainsi dévoilée pour ce qu'elle est par un
tribunal indépendant et impartial.
- Deux militants indépendantistes bretons poursuivis,
Gérard Bernard et Gaël Roblin, ont déjà déposé des requêtes contre la France à
Strasbourg pour violation de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. D'autres
requêtes devraient être déposées sous peu par des prisonniers politiques bretons.
- 2-1 Bilan de l'élection cantonale d'Évian: disparition de
l'esprit civique, réapparition du duel gauche/droite et triomphe minable de l'UMP!
- Capitale du monde pendant le G8 la ville d'Evian ne pouvait que battre des records à
l'occasion de l'élection cantonale des 22 et 29 juin 2003. En fait, ce fut celui des
abstentions!
- Le premier tour semblait pourtant promettre une belle empoignade entre les 12 candidats
désireux de remplacer au Conseil Général de Haute-Savoie (et à l'APS) M. Marc
Francina, député-maire UMP d'Évian. À côté des candidats labellisés par des partis
politiques (Ligue savoisienne, PC, PS, UMP, Verts) se trouvaient donc 7 courageux
"sans étiquette" ne comptant que sur leur bonne réputation, leur bonne mine ou
leur beau sourire pour convaincre les citoyen(ne)s. Une douzaine de petits candidats, ce
n'était pas trop pour occuper la place laissée par les deux poids lourds rivaux de la
politique locale: Marc Francina (voir ci-dessus) et le socialiste Bernard Comont,
décédé en 2002.
- Le choix était donc très large, d'autant que les candidats avaient des pedigrees très
variés: administrateur, artisan, avocate, commerçante, distillateur, dentiste, directeur
général... plus une brochette de retraités.
- Qu'allaient faire les 18.000 et quelques électeurs? Suspense!
- La réponse tomba comme un coup de massue le 22 juin au soir: avec tous ceux qui
étaient allés au lac ou en montagne ou étaient restés chez eux, moins d'un tiers
était allé voter (31,52%)!
- Malgré le grand remue-ménage du G8, malgré les 15.000 policiers et les 80 millions
d'euros dépensés pour la gloire de Chirak, le scrutin était retombé dans l'ornière
gauche-droite: un peu moins de 1500 voix pour l'UMP, un peu plus de 1000 voix pour le PS
et le reste saupoudré sur les dix suivants...
- Mais pour l'essentiel tout le monde était content: le directeur UMP d'être en tête
avec 25,51% (soit 4.000 voix de moins que Francina en 2001!) et l'avocate PS d'avoir
conjuré le déclin socialiste (avec seulement 2.000 voix de moins sur les 3000 de 2001!).
Avec 1.95% la candidate savoisienne n'était même pas la dernière!
- Tout cela s'expliquait, bien sûr! Trop de candidats, ça décourage, l'électeur est
perdu! Mais heureusement le second tour allait trouver le second souffle! Un face à face,
comme le public adore, le choc des mots et des idées, le combat de deux visions
antagonistes de la Société! Et tout ça à Évian, à la face du monde!
- Cette extrême médiatisation (?) a joué à plein pour convaincre 254 électeurs de
plus (!) d'aller voter le 29 juin. Moins d'un point de plus qu'au premier tour! Même pas
un votant pour trois électeurs... Et pourtant, Marc Francina lui-même avait tonné du
haut de son Olympe: "Que tous les "ya qu'à", les "faut qu'on",
les altermondialistes (?), les piliers de bistrot (...) fassent preuve de maturité et se
montrent responsables: qu'ils aillent voter."
- Mais alors, faut-il se demander, l'esprit civique n'aurait-il pas disparu? Sombré corps
et biens dans les eaux du lac Léman?
- Comment se peut-il que l'UMP et le PS qui contrôlent tous les pouvoirs, politique,
économique, juridique, syndical... n'arrivent plus à mobiliser à eux deux le tiers de
l'électorat? C'est la déprime!
- La dépression démocratique qui pèse sur la France depuis le 21 avril 2002, nourrie de
tous les désabusements et de tous les rejets, éloigne l'électeur des urnes, enlève
tout crédit aux candidats, même ceux des partis de gouvernement. Retomber sur la
Gauche-Droite n'est pas non plus une solution: la Droite au pouvoir depuis un an bute sur
la crise sociale et le chômage, la Gauche n'est pas remise de ses 15 années de pouvoir
et de son bide final. La "France d'en bas" n'en a rien à foutre d'être
caressée dans le sens du poil par le Premier ministre, elle s'est mise en congé du
débat politique.
- Vive les vacances! Ras le bol du métro, du boulot, du dodo, même bercé par Raffarin!
- Au fait, c'est quand la rentrée?
- Pierre Ottin
- Ex-Directeur de Campagne.
- 2-2 Les
indépendantistes: la manière de voir de John Berger.
- Le point de vue très original du grand écrivain établi à Mieussy, John Berger, sur
la cause indépendantiste: "Les indépendantismes formulent tous des revendications
économiques et territoriales. Mais leur première exigence est d'ordre spirituel. Les
Irlandais, les Basques, les Corses, les Kurdes, les habitants du Kosovo, les Azéris, les
Portoricains, les Lettons ont peu de choses en commun sur le plan culturel ou historique,
mais tous veulent se dégager d'un centre lointain et étranger que, de longue et
douloureuse expérience, ils savent dépourvu d'âme.
- Tous les nationalismes sont, au fond du cur, préoccupés par les noms, cette
invention humaine immatérielle et la plus originale qui soit. Ceux qui en sous-estiment
l'importance n'ont jamais été déplacés. Mais les peuples aux périphéries sont
toujours déplacés, c'est pourquoi ils insistent pour que leur identité soit reconnue,
ils insistent sur leur continuité sur leurs liens avec leurs morts et avec ceux qui
vont naître. Si le "retour" à la religion est en partie une façon de
protester contre l'absence de cur des systèmes matérialistes, la résurgence du
nationalisme est en partie une façon de protester contre l'anonymat de ces systèmes,
contre leur façon de réduire tout et chacun à des données statistiques et à
l'éphémère."
"Manière de voir",
n° 70, août-septembre 2003. John Berger: "Ce qui a disparu avec le mur".

- 2-3 Michel Hugonnot tente une randonnée pédestre à Paris, 31
avenue de l'Opéra: au refuge il trouve porte close...
- L'Écho de Savoie du mois dernier (n°64, page 9) rendait compte du livre que notre ami
Michel Hugonnot vient de publier: "250 petites et grandes randonnées en province du
Faucigny". Le succès n'a pas tardé, les ventes sont bonnes et les commentaires des
lecteurs excellents. L'auteur, grisé par la réussite, a tenté de faire connaître son
ouvrage à la Maison de Savoie, représentation touristique officielle de notre pays dans
la capitale des Gaulois. Par un fax envoyé le 5 juin au siège de la Maison de Savoie, 31
avenue de l'Opéra, il présentait son livre et proposait d'en expédier quelques
exemplaires en dépôt-vente, puisque les documents officiels de cette Maison mentionnent
l'existence d'une librairie dans ses locaux.
- Pas de réponse, pas plus de réaction que dans un habitat de marmottes en plein
hiver...
- Un mois plus tard, Michel tente une lettre de rappel, avec ce cri de montagnard:
"êtes-vous toujours concernés par ce qui se passe chez nous, et savez-vous encore
où se trouve la Savoie?"
- Cette fois madame Claude Comet, directrice de la Maison de Savoie, répond le 8 juillet
par courrier:
- Cher Monsieur,
- Je reçois votre courrier et j'y réponds... de crainte que vous ne pensiez une seconde
fois qu'ici nous ne savons rien des Savoies.
- Peut-être, à votre premier envoi non abouti, auriez-vous pu trouver une autre
explication, celle d'un problème postal par exemple. Pour éviter vos phrases un peu
agressives dont je ne comprends pas le sens.
- Vous nous demandez si nous connaissons nos Départements? Non bien sûr! Pour ma part,
je n'en ai aucune idée; du reste je ne sais rien des Alpes, même si pendant dix ans j'ai
dirigé le bimestriel Alpes Magazine (éditions Milan).
- Bref, pour répondre à votre question, nous n'avons pas de librairie, ni de dépôt
vente à Maison de Savoie. Ce que nous faisons, lorsque les éditeurs de chez nous
publient des livres dont l'intérêt dépasse le seul cadre local, c'est organiser un
lancement, en invitant leurs clients et les nôtres. C'est de cette manière que nous
pourrions assurer la promotion de votre ouvrage. Ce qui nécessite que vous ayez un
fichier de prospects... Maison de Savoie met alors ses locaux et un apéritif (boissons)
à disposition; le partenaire se chargeant du buffet.
- (suivent renseignements pratiques, salutations, signature, puis deux lignes imprimées
en bas sur le papier à lettre: "La Savoie et la Haute-Savoie à Paris. Accueil,
information, agence de voyages, librairie, centre de documentation presse et grand
public")
- Il ne fallait pas traiter par le mépris Michel le Randonneur. La réplique, datée du
14 juillet (coïncidence, c'était le jour d'une grande fête militaire à Paris...) fut
cinglante:
- Chère madame,
- Merci pour votre courrier du 8 juillet, lequel ne m'a pas laissé indifférent et
m'inspire les quelques lignes qui suivent, surtout en ce jour où la puissance annexante
exhibe ses contradictions.
- Tout d'abord, il n'y a pas deux Savoie, mais une seule, annexée crapuleusement en 1860
et occupée depuis un demi-siècle sans droits ni titres par la France, qui s'y incruste
et nous spolie. Et quand bien même il y eût deux Savoie, le pluriel n'était pas
approprié.
- Ceci étant, il n'y avait aucune agressivité dans mon courrier. Je m'étonnais
seulement d'une absence de réponse de votre part et je comprends mal vos histoires
d'envoi non abouti, ma lettre ayant été expédiée par fax, et bien reçue dans la
capitale de la métropole.
- Quant au magazine dont vous faites état, est-il vraiment alpin? Le siège est à
Toulouse, avec bureaux à Lyon et à Paris qui, chacun le sait, sont des villes
qu'ombragent nos montagnes. D'ailleurs, ayant acheté le dernier numéro, j'ai constaté
de nombreuses erreurs sur les sites ou les itinéraires que je connais bien. Ah, si
Toulouse, Lyon ou Paris n'étaient pas si éloignés de nos Alpes!
- Vous me dites enfin que la maison de Savoie n'a pas de librairie, ce que semble
contredire la dernière ligne de votre missive où je lis "Accueil, information,
agence de voyages, LIBRAIRIE, etc...".
- Devant partir à la Pointe d'Areu, je vous laisse à vos réceptions parisiennes et aux
petits fours que notre pays vous offre, en vous priant d'accepter mes plus cordiales et
savoisiennes salutations.
- Arvi'pas.
- Michel Hugonnot.
- PS. Ne voyez pas d'agressivité dans cette lettre. Ce n'est que mon humour, âpre comme
nos vins et rude comme nos pentes. D'ailleurs, je vous offre mon livre dédicacé, certain
que vous en ferez bon usage.
- Et ce fut le dernier mot de Michel le Randonneur à dame Comet...
- Vous pouvez commander le livre à Michel Hugonnot, Bellevue, 74380 LUCINGES, en
joignant 15 euros, port inclus. Exemplaire dédicacé sur demande.
- 2-4 Correspondance d'Afrique.
- Nouvelle proposition de plaques minéralogiques pour la Savoie?
- Non bien sûr, mais la Ligue est représentée aussi au Tchad, sur le plus grand
chantier d'Afrique et sans doute un des plus grands chantiers du monde à l'heure
actuelle: plusieurs représentants de Savoie travaillent actuellement sur ce chantier
pétrolier (ESSO) situé au sud du Tchad et sur la construction du pipeline traversant le
Cameroun.
- Pour ma part, j'assure la direction des Services Généraux et du Matériel pour le
Tchad.
- Le bonjour du Tchad à la Savoie!
- Christian MICHEL.
- photos (numériques) sans légende: Tchad 1 et Tchad 2
- 2-5 Décès de
Monsieur André Garcin, un vrai patriote savoisien.
- André Garcin présidait depuis de nombreuses années le GELACS, Groupe dÉtudes,
de Littérature et dACtions pour la Savoie.
- Il était venu le 19 février 1999 à Cluses participer à la fête nationale de la
Savoie pour remettre à Patrice Abeille le Prix Région Savoie,décerné à
lunanimité du jury pour son livre, "Renaissance Savoisienne".
- Monsieur Garcin s'était alors exprimé en ces termes: "Le comité et moi-même ont
pleinement apprécié le réalisme qui a guidé votre démarche, la clarté et la
précision de votre exposé".
- Le Prix Région Savoie a ensuite été décerné en l'an 2000 au journaliste Alain
Flamand pour son reportage vidéo sur "le plus grand drapeau du monde", qui
relatait lexploit réalisé par des Savoisiens le 19 septembre 1999 sur la montagne
du Criou à Samoëns.
- Cet homme de cur, intègre, a toujours énergiquement contribué à promouvoir la
Savoie quil affectionnait; il était natif dAnnecy et vivait avec son épouse
à Dampierre en Burley dans le département du Loiret .
- À toute sa famille, aux membres du GELACS, L'Écho de Savoie présente ses sincères
condoléances.
- photo 8:
- André Garcin remettant à Patrice Abeille le Prix Région Savoie le 19 février 1999 à
Cluses.
- 2-6
Petites
annonces savoisiennes.
- (insertion gratuite pour nos abonnés)
- À VENDRE, à Gaillard à 5mn de la frontière, MAISON sur 850M2 de terrain, 3
chambres, grand salon, cave et garage, chauffage central au gaz. Prix: 290 000 .
Tel. 0450 365 612.
- NISSAN TERRANO II série spéciale, toutes options, modèle 2000, 50000km. Plaques
savoisiennes. 20000, à adhérent 19000. tel 0450 58 36 63
- Carte historique de la Savoie en 1856, éditée sur papier glacé 70X50cm. 3 euros
la copie. tel 0450 43 33 95.
- RECHERCHE films argentiques (pas video) tous formats (principalement 16 mm)
tournés en Savoie ou dans la région lémanique (Chablais, Genève, Valais, Vaud).
Catégorie indifférente (voyage, famille, sport, films à scénario, fiction, etc.).
Courts ou longs métrages, sonores ou muets, noir et blanc ou couleurs, toutes époques.
Faire offre au 0450 35 48 97.
- Cherche couteaux de poche avec lame de scie. tel. 0683 27 72 67.
- Jeune couple qui s'installe remercie d'avance la personne qui lui procurera une
machine à laver d'occasion en bon état à un prix modique. Faire offre au secrétariat
de la Ligue savoisienne, qui transmettra.
- 2-7 Concours
de bûcherons en Bauges le 3 août.
- Le dimanche 3 août la commune d'Aillon le Jeune au coeur des Bauges, sera animée par
un grand concours de bûcherons.
- Un championnat du monde de Coinchon verra s'affronter les élites de ce sport exigeant
et quelque peu imprévisible dès 10 heures du matin.
- Les Savoisiens de la province de Savoie Ducale vous invitent à les rejoindre, à partir
de midi, pour un apéritif avec concert.
Une soupe bûcheronne sera servie dans la tradition
savoisienne.
- 2-8 Fête des
Bergers au Petit Saint-Bernard le 17 août.
- Les Savoisiens de la Province de Tarentaise seront présents, comme chaque année, au
col du Petit Saint-Bernard pour la Fête des Bergers, qui aura lieu le dimanche 17 août.
Nous invitons les Savoisiens à venir
nous rendre visite, sur notre stand, ce jour de fête et de rencontre entre Tarins et
Valdôtains.
- 2-9 Feufliâzhe 2003:
Samedi 16 et dimanche 17 août
- à Plaine-Joux, alpages d'Onnion et de Bogève dans le Chablais.
De nombreux Savoisiens avaient participé à cette fête l'an
dernier. Cette année Jean-Marc Jacquier, le grand barde savoisien, sera présent, on
annonce aussi un groupe de polyphonie basque. Bravo pour cette ouverture!
2-10 La fête du
francoprovençal
- aura lieu à Cruseilles les 30 et 31 août
prochain!
- 2-11 Commémoration
de la bataille de Méribel le 13 septembre.
Province du Faucigny:
- Comme chaque année, les Savoisiens du Faucigny vous invitent à les rejoindre pour
célébrer le souvenir de la bataille qui opposa, près de Sallanches en septembre 1793,
des patriotes savoisiens, valdôtains et piémontais à une armée d'occupation
française.
- Le rendez-vous est d'ores et déjà fixé à 15
heures le samedi 13 septembre, au lac des Ilettes, à proximité de l'aérodrome de
Sallanches.
- 2-12 Les Savoisiens à Nice le 28 septembre.
- L'acte de Dédition de Nice à la Maison de Savoie, par lequel les libres Niçois se
plaçaient sous la protection de la prestigieuse Maison de Chambéry, fut signé le 28
septembre 1388 devant l'Abbaye de Saint-Pons, sur les hauteurs de Nice, à l'endroit où
Amédée VII, dit le Comte Rouge, avait dressé son camp.
- 615 ans plus tard, le même jour, au même endroit nous allons renouer les liens
historiques de la Savoie avec Nice.
- Autour d'un même projet: retrouver notre souveraineté, c'est-à-dire notre liberté.
- Notre ami niçois Alain Roullier, fondateur de la Ligue niçoise, a écrit:
"L'indépendance de Nice n'est pas une vision du passé mais une chance pour
demain".
- Les Savoisiens feront le voyage avec leurs voitures particulières.
- Départ samedi 27 septembre 2003; retour lundi 29 septembre 2003.
- L'hébergement est prévu dans deux hôtels: Ibis (centre-ville, 65 par nuit pour
une ou deux personnes avec petit déjeuner) ou Première Classe (Nice-aéroport, 40
par nuit pour une à trois personnes, petit déjeuner possible pour 4 par personne).
- Demandez un bulletin d'inscription à la Ligue savoisienne:
- 2 avenue de la Mavéria. 74940 Annecy le Vieux.
- tel. 0450 09 87 13. fax: 0450 09 95 80.

- 3-1 Gilly-la-dioxine, deux ans après: une catastrophe
écologique gravissime.
- par Jean-Paul Charpin.
- Le 25 octobre 2001, le préfet de la Savoie du sud fermait l'incinérateur de déchets
de Gilly sur Isère, situé à côté d'Albertville, après la découverte d'une pollution
par la dioxine. Géré par le SIMIGEDA (syndicat intercommunal mixte de gestion des
déchets du secteur d'Albertville), exploité par Novergie, entreprise privée filiale du
groupe Lyonnaise des eaux, et contrôlé en principe par le préfet,
c'est-à-dire par la DRIRE (direction régionale industrie recherche environnement), cet
incinérateur fonctionnait depuis des années en crachant dans le bassin albertvillois une
fumée très toxique, chargée de dioxine.
- Début 2001, un habitant s'inquiète du nombre élevé de cancers dans la zone
géographiquement proche de l'incinérateur (moins d'un kilomètre). Y aurait-il un
rapport entre la maladie et la fumée? Le maire de Grignon, commune voisine, décide de
faire réaliser des analyses. Le scandale éclate au grand jour. Car il s'agit bien d'un
vrai scandale: depuis des années, les élus du SIMIGEDA étaient alertés et prévenus
des risques par d'autres élus, écologistes ou non, et par des associations
environnementales. Sans suite. Novergie était en possession d'un rapport de juin 2001,
soit six mois avant la fermeture du site, attestant que le taux de pollution était de
1285 ng/m3 (alors que la norme européenne est de 0,1 ng/m3), soit environ 13000 fois la
norme admissible! Ce résultat soigneusement camouflé ne fut connu qu'en décembre 2002.
- 3-2 La population réagit.
- Les habitants du secteur, victimes innocentes laissées dans l'ignorance de cette
catastrophe, décident de se regrouper au sein de l'ACALP (association citoyenne active de
lutte contre les pollutions).
- Pour faire le point aujourd'hui sur cette crise, nous avons rencontré la présidente de
l'Acalp, Mme. Dominique FREY, ainsi qu'un agriculteur du secteur, M. Pierre TROLLIET.
- JPC: Pouvez-vous présenter l'Acalp aux lecteurs de l'Écho de Savoie?
- DF: L'Acalp a déposé ses statuts en décembre 2001. Elle agit de manière
légaliste et indépendante de tout parti politique. Elle compte actuellement 700 membres.
Ses actions sont motivées par le souci d'obtenir des réponses aux questions posées par
cette catastrophe. Nous souhaitons rechercher des informations et les restituer à nos
adhérents. Nous organisons des conférences, nous réfléchissons au problème du
traitement des déchets. Nous représentons aussi les victimes dans leur action en
justice.
- JPC: En quoi consiste cette action en justice?
- DF: Une procédure pénale est en cours, à l'initiative des habitants
représentés par l'Acalp, associée à d'autres associations (Graine, Alliance) ou
syndicats comme la CFDT et la Confédération paysanne. Il y a à ce jour 179 plaignants.
- JPC: Contre qui cette plainte est-elle dirigée?
- DF: Contre les trois acteurs de cette catastrophe que sont le préfet contrôleur
(M. Girot de Langlade), le responsable de la société exploitante (Novergie) et M. Albert
Gibello gestionnaire président du SIMIGEDA. Et tous autres que l'enquête pénale
identifiera. Mais les responsabilités sont si complexes à définir que le juge a
requalifié cette plainte en plainte contre X, pour "mise en danger délibérée,
homicide involontaire, coups et blessures involontaires, abstention délictueuse".
Celle d'empoisonnement pourrait réapparaître au cours de l'instruction qui est dirigée
vers trois axes: fonctionnement de l'usine, pollution, santé.
- JPC: Avez-vous confiance dans l'action en justice? Ne craignez-vous pas que,
comme lors de précédents tristement célèbres tels que la catastrophe de Tchernobyl, le
sang contaminé, l'amiante, l'accident sous le tunnel du Mont-Blanc, etc., l'État
français ne fasse tout pour étouffer l'affaire, minimiser les conséquences, allonger la
procédure jusqu'à prescription?
- DF: Nous sommes bien conscients que l'action sera longue et difficile mais nous
sommes motivés pour comprendre comment et pourquoi nous en sommes arrivés là et en
tirer les leçons pour l'avenir. À ce jour, je peux dire que le juge d'instruction s'est
montré déterminé à faire avancer ce dossier sans traîner et à se donner les moyens
de faire toute la lumière sur ce désastre, par respect pour les victimes.
- Au niveau européen, la France vient d'être condamnée par la Cour de Justice des
Communautés Européennes pour non-respect des règles européennes d'émission de
dioxine. En 1996, une quarantaine d'incinérateurs étaient hors-normes. Actuellement, il
en reste sept.

- 3-3 Les effets sur la santé.
- JPC: On a pu entendre dire que la dioxine n'était pas forcément très
dangereuse. Qu'en est-il exactement?
- DF: Il y a 80 cancers recensés à Grignon, dont 25 dans la même rue. Ceci a de
quoi inquiéter.
- Au mois de septembre 2002, nous avons assisté à la conférence du docteur Pluygers.
Celui-ci est cancérologue, ancien chef de service à l'hôpital Jolimont en Belgique et
conseiller scientifique auprès de nombreuses associations et équipes de recherche sur
l'environnement. Il a expliqué que les effets de la dioxine sur la santé humaine ont
été confirmés par des études épidémiologiques et par des processus d'apparition des
maladies. Les dioxines perturbent le fonctionnement hormonal et donc tout l'équilibre
interne de notre corps. En biologie moléculaire, on montre qu'une molécule de dioxine
peut produire l'altération d'un gène. Les dioxines sont aussi responsables de troubles
du développement nerveux et d'altération de la qualité du sperme.
- Une étude épidémiologique non encore publiée, menée par l'Institut National de la
Santé et de la Recherche Médicale dans la région Rhône-Alpes de 1988 à 1997, montre
une élévation du nombre de malformations chez les enfants vivant à proximité des
incinérateurs (1).
- Le problème auquel la population est confrontée, c'est que les décideurs, les
politiques tiennent un discours rassurant, "ce n'est pas grave; ça ne va rien
faire", mais ce discours procède soit d'une méconnaissance de résultats
scientifiques préoccupants, pour ne pas dire alarmants, soit de préoccupations
financières plus fortes que le bien et l'intérêt de la collectivité.
- JPC: Les autorités ont-elles enquêté sur ces nombreux cas de cancers?
- DF: L'État a lancé trois études épidémiologiques. Deux sont en cours
actuellement, l'évaluation quantitative des risques et l'identification de l'excès de
cancers. La troisième, portant sur l'imprégnation des dioxines dans le lait maternel,
devait commencer début 2003.
- D'autre part, une étude chez les enfants issus de la zone contaminée autour de
l'incinérateur a été annoncée. Sera-t-elle réalisée?
- JPC: Y a-t-il à votre connaissance d'autres endroits en France pollués par la
dioxine?
- DF: Il y en a un grand nombre. Nous sommes en contact avec beaucoup d'associations de
riverains d'incinérateurs. Les exemples sont nombreux d'incinérateurs neufs ou
récemment mis aux normes, incapables de respecter les normes et de maîtriser leurs
émissions de pollutions. En voici quelques uns: à Maincy, en Seine-et-Marne, la mairesse
elle-même vient de déposer une plainte après la découverte d'une grave pollution par
la dioxine et des problèmes de santé chez les riverains; de même à Nivillac, dans le
Morbihan, à Cluny en Saône-et-Loire ou à Angers. Partout, les victimes se mobilisent.
À Halluin, dans le Nord, l'incinérateur a été fermé en 1998 pour cause de pollution
par la dioxine; en janvier 2002, le nouvel incinérateur pollue à nouveau. À Lunel, dans
l'Hérault, ouverture de l'usine en juin 1999, présentée comme
"ultraperformante" et sans danger pour l'environnement. En juin 2002, les
associations constatent les rejets des eaux de lavage des fumées dans le canal, chargées
en dioxine, arsenic, cadmium, plomb, polluant ainsi eau et poisson. Je précise que ces
associations ont financé elles-mêmes les analyses de métaux lourds dans le raisin et de
dioxine dans le lait maternel, révélant ainsi des taux bien supérieurs aux normes.
- JPC: Comment la dioxine arrive-t-elle dans l'organisme humain?
- DF: La fumée de l'incinérateur se disperse, la dioxine se dépose sur la
végétation. Les fruits et le feuillage des légumes sont donc souillés, de même que la
nourriture des herbivores, des poules, etc. Ensuite, la dioxine se fixe sur les graisses
humaines et animales. Lorsque nous consommons de la viande, des ufs, du lait ou du
fromage, nous sommes à nouveau contaminés et cumulons au fil du temps un poison qui
s'élimine très lentement.
- JPC: Et puis il y a le problème de l'allaitement maternel?
- DF: C'est un sujet très angoissant pour les mamans, elles ne savent plus si
elles doivent poursuivre ou non l'allaitement de leur bébé. Comme la dioxine s'accumule
dans la graisse, elle est aussi dans le lait. Les commentaires et avis des spécialistes
dans ce domaine diffèrent: soit qu'au bout de trois mois d'allaitement, les effets
toxiques de la dioxine dépassent les bienfaits de l'allaitement maternel sur le plan
immunitaire, soit que les bénéfices de l'allaitement sont toujours supérieurs aux
risques liés à la dioxine, soit que l'on manque d'études sur ce sujet et qu'il faut
alors appliquer le principe de précaution, c'est-à-dire qu'il ne faut pas allaiter. Ce
que l'on sait aussi, c'est qu'une mère allaitante se décontamine, mais au prix de la
contamination de son enfant.
- 3-4 Des agriculteurs traumatisés.
- JPC: Pierre Trolliet, vous êtes agriculteur dans la région. Quelle est la
situation de l'agriculture aujourd'hui dans le secteur?
- PT: L'agriculture s'est trouvée sinistrée: il a fallu abattre 6875 bêtes
(bovins, caprins, ovins et équins), détruire 2 230 000 litres de lait depuis la
fermeture du site et 24 tonnes de produits laitiers, retirer 10000 tonnes de foin. 365
exploitations agricoles ont été touchées. Les producteurs de fruits et légumes ont
subi une perte commerciale importante, faute de clientèle. D'autre part, les agriculteurs
sont les premiers consommateurs de leurs produits, ils sont très inquiets pour leur
santé.
- JPC: Les agriculteurs ont-ils été correctement indemnisés et connaît-on le
coût de cette indemnisation?
- PT: Le coût de ce plan d'urgence est estimé à 17 millions d'euros. Les
agriculteurs ont été bien indemnisés mais le préjudice moral ne se répare pas à
coups de millions. Il a fallu repartir de zéro. Quelques petits agriculteurs, parfois
âgés, ont cessé toute activité. Quant aux non-professionnels, ils n'ont rien touché.
Tous ceux qui faisaient de la vente directe sont toujours pénalisés par la perte de leur
clientèle. Et puis il faut être conscient que la réputation des produits de notre
région, qui était excellente, est ruinée. Combien de temps faudra-t-il pour la
restaurer?
- JPC: Qu'est devenu le foin qui a été retiré des granges?
- PT: Les 10000 tonnes de foin ont été stockées provisoirement sur des aires,
dans la région. En 2002, environ 1000 tonnes sont parties en fumée lors d'incendies sur
deux aires de stockage et 1000 tonnes ont été incinérées en Suisse. Le reste, 9000
tonnes, est toujours là, c'est un provisoire qui dure. On ne peut pas l'enfouir, ni le
laisser se décomposer. Il faut le retraiter mais ça coûte trop cher, paraît-il. Alors
on attend.
- JPC: Pouvez-vous actuellement refaire du foin et laisser les bêtes pâturer
comme avant?
- PT: Oui. Les analyses de la Direction des Services Vétérinaires autorisent les
éleveurs à reprendre leurs activités normalement en prenant dès le printemps 2002
quelques "précautions": éviter le surpâturage, couper à 7 cm pour la
fenaison, relever la barre de coupe en terrain accidenté, surveiller les taupinières...

- 3-5 Réduire. Recycler. Valoriser. Refuser.
- JPC: Dominique Frey, tournons-nous maintenant vers l'avenir. La société produit
beaucoup de déchets, faut-il construire de nouveaux incinérateurs plus performants,
faut-il trouver d'autres solutions pour éliminer ces déchets, que proposez-vous?
- DF: La première chose qu'il faut bien comprendre, c'est qu'on n'élimine jamais
les déchets, on ne les réduit pas, on ne fait que les transformer. Le volume de déchets
qui entre dans un incinérateur en ressort sous la forme de cendres et de fumées
extrêmement toxiques dont on ne maîtrise pas la dispersion.
- Ce à quoi nous devons penser prioritairement et collectivement, c'est réduire notre
production de déchets. En Alsace par exemple, grâce à l'action d'élus courageux,
ouverts et ambitieux, les habitants de la communauté de communes de la Porte d'Alsace ont
réduit la masse de leurs ordures ménagères brutes de 80%, passant de 370 kg par
habitant en 1986 à 77 kg par habitant en 2001! C'est au quotidien, dans notre mode de
vie, qu'il faut repenser nos habitudes: est-ce bien nécessaire que toutes nos
marchandises soient emballées, que les contenants ne soient pas davantage consignés,
qu'il y ait autant de produits jetables? D'autres pays comparables au nôtre pratiquent
des techniques plus ambitieuses et respectueuses de l'environnement. Pour nous, il est
clair qu'il ne faut plus construire d'incinérateurs. Réduire la masse de déchets,
composter les déchets organiques quand c'est possible, trier, recycler, valoriser et
enfin enfouir sont les seules orientations respectueuses de l'avenir. L'incinération
obéit à des critères économiques de rentabilisation qui ne laissent aucune place aux
politiques de réduction des déchets. Il n'y a rien à inventer, ailleurs les pratiques
alternatives existent et sont adoptées avec succès. Il ne s'agit que de volonté, même
pas de coût.
- JPC: Avez-vous pu formuler vos propositions aux élus?
- DF: Nous avons effectué de nombreuses tentatives auprès de nos élus locaux
(maires, conseillers généraux, députés), nous avons cherché à les rencontrer, nous
leur avons écrit, nous les avons invités aux conférences que nous avons organisées.
Nous avons rencontré M. Gaymard, ministre de l'Agriculture, M. Rolland, député, ainsi
que M. Vial, président du Conseil général qui nous a confirmé que cette catastrophe
était le résultat d'un nombre important et répété de mauvaises décisions et qu'à ce
titre, la responsabilité des acteurs est réelle. Nos propositions ont reçu un accueil
plutôt réservé, nous verrons bien à l'usage si elles seront suivies d'effet.
- Par ailleurs, nous avons pris connaissance du projet départemental de traitement des
déchets. Nous le refusons catégoriquement. Il témoigne d'une absence totale de
politique de limitation des déchets; d'un taux insuffisant de recyclage et de
valorisation avec collectes sélectives; du choix aberrant de l'incinération proposée
comme solution centrale. Ce plan reproduit l'organisation actuelle du traitement des
déchets. Les préoccupations modernes de protection de l'environnement, d'économie des
énergies non renouvelables, ne sont pas intégrées dans cet avenir. Il faut savoir que
le plan départemental fixe les grands principes pour les décennies à venir, qu'il
servira de guide aux communes pour leurs équipements. Chaque Savoyard doit se sentir
concerné.
- JPC: Comment peut-on vous contacter, adhérer à votre association?
- DF: Nous avons un site internet: www.acalp.org et une adresse: Acalp - Mairie CD
925 - 73200 Grignon. Une permanence est assurée le samedi matin de 9 h 30 à 11 h 30
(ancienne cure de Grignon au dernier étage).
- JPC: En conclusion, qu'est-ce qui vous a le plus choqués dans cette catastrophe?
- DF: C'est le dédain manifesté par les autorités à l'égard des familles des
malades, c'est le fait que la santé de la population et l'avenir de nos enfants sont
relégués derrière les intérêts économiques du privé, derrière la paresse
administrative et derrière la routine de certains élus.
- (Propos recueillis en mai 2003 par Jean-Paul Charpin)
- (1) on peut lire un résumé de cette étude sur le site <www.cniid.org/ADELF> .
Les chercheurs, qui ont travaillé sur les malformations congénitales en Rhône-Alpes
entre 1988 et 1997, ont décelé un risque accru dans les zones où se diffusaient les
fumées des incinérateurs. Mais ils ne sont pas totalement satisfaits par leur recherche,
qui permet aussi de conclure à un rôle important du trafic routier, des industries
chimiques et métallurgiques, et même de la densité de population (??). Leurs travaux se
poursuivent donc. Depuis un an, à la suite du scandale de Gilly, dans toute la France
beaucoup de petits incinérateurs défectueux ont été fermés. Des normes européennes
30 à 100 fois plus draconiennes que celles qui n'étaient pas respectées à Gilly vont
devoir s'appliquer partout en 2005. On ne sait pas comment: de nombreux incinérateurs
tout neufs fonctionnent comme des usines à polluer! Les associations comme l'Acalp auront
encore du travail pour exiger la vérité et le respect de la santé publique... (NDLR)
-
- légendes photos:
- 1: L'incinérateur de Gilly à l'arrêt.
- 2: Que vont devenir ces milliers de bottes de foin pollué?
- 3: Des pâtures contaminées?

- 3-6 Au Conseil régional, la dioxine serait plutôt à droite.
- Le Conseil régional de la Région Rhône-Alpes, réuni en Assemblée Plénière le
vendredi 18 juillet 2003, a débattu, avant d'aborder son ordre du jour, sur les sujets
proposés en "questions préalables" et autres "motions de priorité".
- L'une de ces questions préalables était posée par le groupe des Verts. Elle portait
sur l'effet néfaste de certaines dioxines sur le corps humain et attirait l'attention sur
les incinérateurs qui fonctionnent encore sans respecter les normes européennes.
- Voici ce que les Verts proposaient à l'assemblée.
- "Suite aux incertitudes sur les effets des dioxines PCDD et PCDF sur l'organisme
humain et ceci même à très faible dose (picogramme), la Région Rhône-Alpes, par
principe de précaution souhaite:
- - que soit établi un moratoire sur la construction de nouveaux incinérateurs en
Rhône-Alpes;
- - que soit réalisé un état de la concentration en dioxine sur les terrains,
végétaux, animaux et humains à proximité de tous les incinérateurs de
Rhône-Alpes."
- Je me suis abstenu sur le premier point de la proposition, car je redoute qu'un
moratoire sur la construction de nouveaux incinérateurs n'aboutisse à des situations
ingérables, imposant le transport des ordures ménagères sur des centaines de
kilomètres, ou la mise en décharge de ces ordures avec des effets encore pires sur
l'environnement.
- Mais j'ai approuvé par vote la deuxième proposition, pour qu'une étude scientifique
nous dise où nous en sommes avec ces dioxines.
- Les deux propositions ont été rejetées. La deuxième n'a été soutenue que par les
Conseillers régionaux des groupes de la Gauche ex-plurielle (PC et PS) et des Verts, avec
mon appui. Toute la Droite a voté contre, le FN s'est abstenu. Un état de la
concentration en dioxine n'est donc pas souhaité par le Conseil régional. La dioxine
serait-elle une substance droitière? La Droite rhônalpine craindrait-elle qu'une étude
ne démontre les graves dysfonctionnements des incinérateurs actuellement en fonction?
3-7 Chronique sur l'effet de
serre en Savoie : toujours plus chaud!
Mârs:
- "Tout le mois, il a fait soleil. Et puis le vent du nord, cette bise qui sèche la
terre" me raconte Eugène Girerd, agriculteur en retraite à Avressieux. "Moi,
mes "trufas" (pommes de terres), quand je les ai tirées, il a fallu toute une
table pour faire un plat, sous chaque plan yon, dué ou très gobilyes" m'expose
Maurice, ancien commerçant, de Traize.
- Avril:
- Jeudi 24, 14 h, lac d'Aiguebelette, plage du Sougey, un soleil de plomb, chouette pour
moi ce sera la première séance de natation de l'année en lac! En général, il y a
toujours de belles journées de printemps ensoleillées qui permettent de faire deux ou
trois brasses, le plus souvent en compagnie de touristes allemands, pas impressionnés par
la basse température de l'eau, sous l'il ébahi des locaux. Cette année première
surprise: non seulement il y a du monde mais de nombreux bambins s'ébrouent dans l'eau au
milieu de ce décor féerique qui a été immortalisé par le peintre de la nuit François
Cachoud. Et seconde surprise, lorsque je pénètre dans l'eau, je n'ai pas froid et très
rapidement, je peux me rendre compte qu'il y a déjà de nombreux courants chauds comme en
plein mois de juillet. Ce qui au départ ne devait être qu'une petite trempette de
quelques dizaines de mètres se transforme en une belle ballade d'un kilomètre et demi.
Renseignement pris auprès de la société de pêche du lac d'Aiguebelette, j'ai eu la
confirmation que la température en surface était de près de 3° supérieure à la
normale saisonnière, température expliquée par un ensoleillement très supérieur aux
années précédentes. Maintenant à la mi-juillet, Pierrot de Yenne, carrossier en
retraite, m'explique: "on ne prend presque plus rien en lac à la pêche à la
friture parce que les poissons cherchent la fraîcheur en profondeur." Ce phénomène
de réchauffement précoce de l'eau des lacs correspond aussi à une sécheresse dans
certaines régions dont on commence à parler dans les médias, une situation déjà pire
en avril que celle de la première grande sécheresse historique récente, celle de
l'année 1976.
- Mê:
- poursuite du beau temps. L'Organisation Météorologique Mondiale a
indiqué que le mois de mai 2003 avait été le plus chaud dans le monde depuis le début
des relevés en 1880.
- Jouen:
- les températures ont battu tous les records, pas seulement du mois mais de tout
l'été. Météo France Savoie confirme que juin a été le plus sec et chaud depuis 29
ans que cette structure existe. Elle constate: "La température moyenne mensuelle est
excédentaire de 6,4° avec un excédent de 8,1° sur les températures maximales. Elle
bat tous les records de juin mais également tous mois confondus. Ces températures sont
comparables en juin au climat de Séville ou de Meknès au Maroc." Avec 24,3°, le
record datant de juin 2002 de 20,5° est pulvérisé, la valeur moyenne sur les 29
dernières années étant de 18°! La moyenne des températures maximales quotidiennes est
de 31,8°, quand celle de 1976 était de 28,6°. Le record est atteint le 25 juin avec
36,1° (record précédent le 23 juin 2002: 34,4°). Enfin, il n'a presque pas plu: 8 mm
pour le mois alors que la moyenne mensuelle est de 103 mm.
On annonce déjà les premières restrictions d'eau dans des
centaines de communes.
- Julyèt,
- premiers jours: courte pause dans la canicule, 3 ou 4 jours de pluie. Puis à nouveau ce
soleil de plomb, les champs de maïs "dorcés" par le soleil, les plants ont
leur croissance bloquée à un mètre de hauteur et les "poupées" qui donnent
le grain ne sortent pas, en langage scientifique on appelle cela "le stress hybride
de la végétation". Dans des champs où les derniers brins d'herbe brûlent, des
bovins immobiles attendent de la nourriture, l'air angoissé, les nants sont totalement
asséchés.
- En altitude même phénomène: des neiges éternelles disparaissent et sur le glacier de
Tignes, à 11 heures le matin, c'est du ski nautique!
Enfin dans les villes, à Chambéry comme à Annecy, Annemasse ou
Albertville, depuis des mois l'air est saturé d'ozone, dépassant largement en ce moment
le seuil d'alerte de 180 mg au mètre cube d'air, au-delà duquel on déconseille aux
personnes âgées ou fragiles de faire des efforts physiques. Et Genève bat presque son
record de chaleur le dimanche 21 juillet avec 37,8°. Mince consolation: selon Météo
Suisse, depuis 1864 que les mesures existent, il avait fait 38,3° le 28 juillet 1921.
Mais l'été est loin d'être terminé...
- Quasiment certain: le réchauffement climatique!
- Cette sécheresse s'inscrit dans le cadre d'un réchauffement climatique incontestable.
Est-il dû à l'expansion du système productiviste qui domine partout l'économie de la
planète et bouleverse l'écosystème?
- Michel Petit est un expert qui travaille pour le GIEC, Groupe International sur
l'Évolution Climatique (en anglais IPCC: Intergovernmental Panel on Climate Change): ce
groupe a été mis en place en 1988, à la demande du G7 (groupe des pays les plus riches
de la planète, devenu le G8 lors de l'adhésion de la Russie), par l'OMM (Organisation
Météorologique Mondiale) et le Programme des Nations-Unies pour l'Environnement. Le GIEC
est chargé d'expertiser l'information scientifique, technique et socio-économique qui
concerne le risque de changement climatique provoqué par l'homme. Michel Petit est
également président de la Société météorologique de France. Il rappelle que depuis
les débuts de l'ère industrielle, l'humanité s'est développée en brûlant
principalement les combustibles fossiles, et avertit: "Ces émissions dans
l'atmosphère sont en train de bouleverser le climat de la planète".
Depuis 1871, la température a augmenté de 0,6°Celsius. Et si l'on continue sur le même
rythme, ce réchauffement sera de 1,4° à 5,8°C à la fin du siècle et de 2° à 3°C
en Europe. En effet aujourd'hui toute l'Europe est touchée: le nord de l'Italie frôle
l'état d'urgence et le Pô est asséché, en Finlande il fait 29° au lieu de 19°
habituellement, en Allemagne on redoute une désertification des régions de Berlin et du
Brandebourg, en Suisse on organise des transferts de truites vers des cours d'eau mieux
oxygénés. Le réchauffement est bel et bien enclenché, et "cela ira beaucoup plus
loin si aucune mesure n'est prise", rappelle Maurice Muller, chef de projet au GIEC.
- Pascal Garnier.
- NDLR: Pour trouver des informations (souvent décapantes et dans l'ensemble plutôt
alarmantes, il faut le reconnaître) sur le changement climatique et les problématiques
de l'énergie, nous suggérons au lecteur de visiter ces deux sites:
- <http://www.ipcc.ch>, site officiel (en anglais) du GIEC - IPCC.
- <http://www.manicore.com>, site personnel du brillant polytechnicien Jean-Marc
Jancovici, "le seul consultant qui vous offre la lune sans que vous ayez à la
demander" (et qui fut naguère et brièvement chasseur alpin à Bourg Saint-Maurice).

- 3-8 Précisions sur les énergies renouvelables.
- Dans l'Écho de Savoie n°64 (page 9), je notais qu'un certain nombre d'industriels de
Savoie s'est lancé avec succès dans le secteur des énergies renouvelables.
- En voici un exemple concret: CLIPSOL à Aix-les-Bains, un des deux industriels de
l'hexagone spécialisés dans la conception et la fabrication de composants solaires
thermiques. cette entreprise fournit des capteurs solaires, des ballons solaires, des
armoires techniques, des systèmes de régulation... et est leader en France pour les
applications de chauffage et eau chaude solaire dans l'habitat individuel et collectif.
- Le photovoltaïque (c'est à dire l'électricité directement produite à partir du
rayonnement du soleil) s'avère particulièrement profitable dans les chalets de montagne.
- CLIPSOL double chaque année sa production. 10000 mètres carrés de panneaux
photovoltaïques sont déjà installés en Savoie, soit 30 mètres carrés pour 1000
habitants, c'est-à-dire 3 fois la moyenne française.
- Cette société et ses concurrents du même métier revendiquent un guichet unique pour
les aides publiques, éclatées pour l'instant entre l'État, le Département, la Région
et certaines Communes.
- Pascal Garnier.
- CLIPSOL - Parc d'Activités Économiques - Les Combaruches - 73100 AIX-LES-BAINS - Tél
: 04.79.34.35.36 - Fax : 04.79.34.35.30
- Site internet : www.clipsol.com
- 3-9 La Suisse, comme la France, persiste dans l'énergie
nucléaire.
- par Bertrand Lefebvre.
- La Suisse a refusé dimanche 18 Mai 2003 de tourner le dos au nucléaire. Les résultats
de la votation ont dénombré 67,4% de personnes contre larrêt du nucléaire et
60,3% contre un nouveau moratoire. Et pourtant en 1990 lidée de geler toute
nouvelle construction de centrales avait recueilli 54,5% davis favorables (69% à
Genève). La sortie du nucléaire navait échoué que de peu. L"effet
Tchernobyl" sest dissipé. Il faut dire aussi que les ultras de latome
nont pas lésiné sur les moyens de convaincre. Au cours dune campagne de
plusieurs mois (qui aurait coûté 10 millions deuros), ils ont agité le spectre
dun manque dénergie en cas darrêt (pourtant très progressif) des
centrales, et le risque daugmentation des coûts de lélectricité.
M. Christian Van Singer, député vert au Grand Conseil vaudois,
co-président du comité "sortir du nucléaire", et physicien, nous avait
brossé le tableau de la situation énergétique suisse, le 13 Mai dernier, lors
dune conférence organisée par lASDER. Il nous avait ensuite expliqué
pourquoi à ses yeux il était urgent et possible de "sortir du nucléaire", en
nous présentant les 2 initiatives à lorigine de la consultation de dimanche:
initiative "sortir du nucléaire", et initiative "moratoire plus".
- Survol de la situation énergétique suisse.
- La consommation dénergie sest stabilisée dans les années 90. À cause
dune certaine crise économique, et grâce à des mesures efficaces. On utilise
moins dénergie, globalement, que dans les années 70. Mais le secteur du transport
a explosé. La production électrique est assurée à 50% par lhydraulique, et à
36% par le nucléaire. Mais cette énergie ne représente que 6% de la consommation totale
dénergie. Les 5 centrales permettent à la Suisse dexporter du courant (en
été 40% du courant est produit en excès). Situation étonnante: la Suisse peut importer
du courant bon marché de France, en heures creuses, pour garder ses barrages pleins, ce
qui lui permet de revendre du KWh hydraulique 3 ou 4 fois plus cher aux Italiens en heures
pleines. Mais malgré cette richesse hydraulique, qui pourrait être encore augmentée, la
Suisse qui était bien placée en matière dénergies renouvelables perd son avance,
notamment face à des pays comme l'Allemagne.

- 3-10 Mythes et dangers du nucléaire.
- M. Van Singer a dressé un réquisitoire implacable contre cette source dénergie,
dautant plus argumenté quil est physicien. Liste des griefs:
- Le nucléaire produit des déchets mortels dont on ne sait que faire. Pendant 12
ans la Suisse a dabord tenté de se débarrasser de ses déchets en mer
dIrlande. Les 6700 fûts étaient censés tenir entre 1000 et 10000 ans. On a
constaté quen moins de 10 ans, certains étaient déjà éventrés! La France et la
Grande-Bretagne, autres "puissances" atomiques, ne sont pas en reste: elles font
lobjet dune plainte de la Norvège, dont le poisson est contaminé par leurs
déchets radio-actifs. La Suisse a ensuite envoyé et envoie toujours ses déchets en
retraitement en Grande-Bretagne et à la Hague. Faut-il rappeler que retraiter nest
pas recycler? Le retraitement a pour effet de produire dautres déchets (dont le
volume final est multiplié par 6), et du plutonium. Cet élément est probablement
lélément le plus toxique jamais fabriqué par lhomme: un gramme suffit à
produire des cancers chez un million de personnes. Et il reste actif pendant des milliers
dannées. Christian Van Singer nous affirme que la Hague rejette de leau
contaminée; aux environs de lusine, comme à Sellafield (GB), les enfants ont 14
fois plus de leucémies quailleurs. On signale un nombre très élevé de
morts-nés, de malformations enfantines et davortements spontanés.
- La Suisse ne peut enfouir ses déchets sans risque. Les Alpes continuent à se soulever,
poussées par les plaques tectoniques. Il sy produit des tremblements de terre plus
ou moins forts. Ensevelir des déchets sans contrôles réguliers, pendant des
millénaires, cest condamner la Suisse, château deau de lEurope, à un
lent empoisonnement radio-actif.
- Le risque daccident nucléaire est réel et inacceptable: lOffice de
Protection Civile suisse estime à 100 000 les personnes susceptibles dêtre
irradiées, à 900 000 celles à évacuer et à 4300 milliards de francs suisses les
dégâts en cas daccident nucléaire en Suisse. Comme en France, au vu de ces sommes
qui dépassent lentendement, les centrales ne peuvent sassurer. Elles
nont de toute façon pas dobligation à le faire! Les centrales suisses sont
seulement couvertes à hauteur de... un million de francs suisses en Responsabilité
Civile! Et ces centrales (la première date de 1969!), présentent des fuites et fissures
pour les plus anciennes, Mühleberg et Beznau. Des centrales conçues pour 20 à 25
années de fonctionnement au départ sont supposées tenir maintenant 50 à 60 ans, pour
diluer les frais fixes! On autorise même une augmentation de puissance, donc augmentation
des risques.
- Le risque terroriste existe évidemment: les attentats du 11 Septembre ont
totalement changé la donne, estime lAIEA (Agence internationale de lénergie
atomique), organisme de lONU chargé de surveiller les centrales dans le monde
entier. Un avion de ligne lancé comme une bombe contre une centrale nucléaire pourrait
provoquer sa fusion en quelques heures, dégageant une radioactivité comparable à celle
de Tchernobyl.
- Le nucléaire est cher! En 1954, lAtomic Energy Commission (USA) lançait
des promesses telles que "lénergie nucléaire deviendra trop bon marché pour
être comptabilisée" (too cheap to meter). De même les surgénérateurs, appelés
à produire plus de plutonium quils nen consomment, devaient devenir une
source inépuisable délectricité bon marché. On prévoyait dans les années 70
4450 réacteurs de 1000MW dans le monde, et 540 surgénérateurs (comme notre tristement
célèbre Superphénix), à la fin du XXIe. siècle. Folie! Aujourdhui, après les
accidents de Three Miles Island et Tchernobyl, et face à la réalité économique, la
situation est bien différente! Le nucléaire nest toujours pas "too cheap to
meter", mais plutôt impossible à comptabiliser tant les coûts cachés sont
importants. Le nombre de réacteurs stagne autour de 440 dans le monde, et il ny a
plus un seul surgénérateur au plutonium de type industriel en service. En Suisse comme
ailleurs, le courant nucléaire nest pas compétitif. Son prix est faussé. Il ne
tient pas compte des coûts de gestion des déchets à long terme, du démantèlement des
centrales arrivées en fin de vie, ni du coût exorbitant dun accident nucléaire.
Une étude allemande a montré que sans ces "oublis" le KWh nucléaire devrait
être facturé 10 fois plus cher au client. Le courant le moins cher en Suisse se trouve
dans les régions qui se passent du nucléaire. Exemple de la ville de Bâle, qui après
avoir refusé la construction dune centrale fournit de lélectricité
systématiquement meilleur marché que celle vendue par le lobby nucléaire. LOffice
fédéral de lénergie estime le prix de revient du courant éolien dans une
fourchette comprise entre 6 et 10 centimes suisses par KWh, à comparer aux 11,6 centimes
suisses par KWh fourni par la centrale de Leibstat depuis sa mise en service en 84. Si
lon tient compte des "oublis" cités précédemment, le nucléaire est au
moins deux fois plus cher que lélectricité éolienne!
- Les gisements duranium sépuisent! Quelques dizaines dannées
suffiront à épuiser les réserves duranium (entre 30 et 60 ans pour le pétrole,
80 à 120 ans pour le gaz, 200 à 300 ans pour le charbon). Plus on attend, plus la
conversion, le changement inévitable à moyen terme, sera difficile. Les pays qui auront
anticipé cette révolution tireront leur épingle du jeu. Cet argument pourrait suffire
à convaincre!
Le nucléaire nest pas une solution à leffet
de serre. Argument favori du lobby suisse et français, cest une hypocrisie. En
Suisse 50% de lénergie consommée lest pour le chauffage individuel, et
leau chaude. 33% de lénergie est consommée par les transports. On sait que
les gaz à effet de serre sont avant tout dus, comme en France, à lexplosion de la
circulation routière. Il faut agir sur cette dernière (véhicules moins gourmands,
transports en commun
), et développer des maisons très performantes en isolation,
en Suisse les maisons au standard "MINERGIE". Et une centrale nucléaire produit
bien des gaz à effet de serre, pendant sa construction, et son exploitation. Plus par
exemple que les installations de cogénération* au biogaz. Reprenons la déclaration
finale de la Conférence Internationale sur les changements climatiques de Bonn en Juillet
2001. Elle stipule que le recours au nucléaire ne pourra être considéré par les pays
signataires comme un moyen de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Un
rapport (rapport "changement climatique et énergie nucléaire", de Mycle
Schneider, directeur de Wise-Paris, Service mondial dinformation sur
lénergie) explique que les investissements dans les projets nucléaires absorbent
des financements qui font cruellement défaut aux programmes defficacité
énergétique et de diminution des émanations de C02. Lauteur du rapport souligne
que les pays ayant recours au nucléaire figurent parmi les plus gros émetteurs de C02 au
monde, parce que les centrales de grande taille quil sagisse ou non de
centrales nucléaires ont tendance à conduire à des surcapacités structurelles et
à stimuler la consommation délectricité au lieu de favoriser son utilisation
rationnelle. Une politique efficace de réduction des émissions de gaz à effet de serre
doit s'appuyer sur lefficacité énergétique et non sur le nucléaire. Accroître
lefficacité électrique est près de 7 fois plus rentable que le nucléaire pour
limiter les émissions de CO2 aux USA (étude par Bill Keepin et Gregory Kats, Rocky
Mountain Institute, déc. 1998).
- Linitiative populaire "SORTIR DU NUCLÉAIRE".
- Il est bon de rappeler quen Suisse on peut déclencher une consultation populaire
en rassemblant 100 000 signatures au moins. Le débat doit être alors engagé dans un
délai de 4 ans maximum. Pour valider de telles initiatives il faut une double majorité:
majorité citoyenne, et majorité des cantons.
- Cette initiative proposait donc:
- darrêter progressivement les centrales nucléaires suisses en
lespace de 11 ans (la dernière en 2014).
- de mettre fin au retraitement des combustibles irradiés.
- de renvoyer les frais de fonctionnement et de démantèlement des centrales à
leurs exploitants.
- de rétablir le droit de veto des cantons en matière de dépôt des déchets
radioactifs.
- Les défenseurs de cette initiative affirment que le potentiel énergétique de
substitution est 3 fois plus élevé que la production des centrales nucléaires. Par
exemple les industriels de la cogénération disent pouvoir à eux seuls remplacer le
nucléaire, en produisant 24000GWh/an. Les mesures principales seraient:
- augmentation de lefficacité énergétique (meilleure isolation des
bâtiments, pompes à chaleur, pompes de circulation économiques, ampoules économiques,
appareillage électroménager économique, chasse au mode de veille sur les appareils
électriques, exemple les magnétoscopes, TV, ordinateurs, etc.).
- augmentation des énergies renouvelables: chauffages au bois, biomasse et biogaz,
modernisation des centrales hydrauliques, chauffe-eau solaires, mini-centrales
hydrauliques, solaire photovoltaïque, géothermie. Cogénération par appareils
alimentés par biogaz, bois, biomasse, déchets.
- recours accru à la cogénération et aux substitutions: cogénération par
appareils au gaz, mazout, pétrole lourd; remplacement des chauffages électriques directs
par des chauffages et des pompes à chaleur au gaz.
-
réduction des exportations délectricité;
valorisation de lénergie éolienne.
- L'initiative "MORATOIRE PLUS".
- Cette initiative proposait:
- de prolonger de 10 ans linterdiction de construire de nouvelles centrales
en Suisse.
- de permettre au peuple de voter sur une éventuelle extension de la durée
dexploitation des centrales au-delà de 40 ans.
- dempêcher toute augmentation de puissance des centrales existantes.
- de permettre aux consommateurs de connaître lorigine de
lélectricité consommée. À Genève, par exemple, les habitants ont le choix de la
provenance de leur électricité! Ils reçoivent un questionnaire, sils ne
répondent pas, ils sont doffice "en hydraulique". Ils peuvent aussi en
payant un peu plus cher avoir un courant qui provient des "nouvelles énergies
renouvelables", autres que lhydraulique donc. 95% dentre eux consomment
du non nucléaire.
- *Cogénération (exemple au gaz): énormes moteurs tournant au gaz, qui produit
simultanément de lélectricité grâce à un méga-alternateur, et de la chaleur
utilisable pour chauffer lusine, des habitations...
- La Suisse nest pas la France! Mais il est frappant de constater combien le lobby
du nucléaire suisse est similaire au nôtre, puissant et virulent, alors même qu'il
ny a que 5 centrales en activité chez eux (contre 58 en France). Chez eux aussi il
y a collusion dintérêts, quand on voit des pro-nucléaires infiltrer des instances
censées être indépendantes. Et notamment des instances de sûreté nucléaire, comme la
DSN (Division principale de la sécurité des installations nucléaires). Que dire aussi
de ces parlementaires fédéraux qui sont membres actifs des lobbies nucléaires? Il y a
cependant de bonnes initiatives chez nos voisins: par exemple tous les logements
subventionnés (sociaux) sont aux standards "HQE" (haute qualité
environnementale). Il y a une incitation efficace pour les autres: Si le bâtiment est
construit en HQE, il y a un meilleur C.O.S. (coefficient doccupation des sols, en
clair plus de surface habitable, donc plus dargent pour le promoteur). Mais
cest selon les cantons. Les Savoisiens que nous sommes envient la démocratie suisse
et ses recours aux référendums. Mais on en voit les limites dans ce cas précis:
Christian Van Singer déplore la disproportion des moyens dinformation. Celui qui
gagne la votation est celui qui a les moyens financiers de communiquer, les moyens
financiers de convaincre...
- B.L.

- 3-11 L'affaire José Bové.
- par Pascal Garnier.
"Chirac en prison, José à ses moutons", "Non au
brevetage du vivant" entend-on dans les manifestations réclamant la libération du
leader de la Confédération paysanne qui, on le sait maintenant, devra attendre Noël
pour sortir de la maison d'arrêt de Villeneuve-les-Maguelonne. Comment en est-on arrivé
là? José Bové est aujourdhui en prison pour avoir participé, en juin 1999, dans
une serre expérimentale du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche
agronomique) à une action de destruction de plants de riz transgénique qui devaient
être cultivés en plein champ en Camargue. Cette action avait permis l'instauration de
facto d'un moratoire sur les OGM en Europe, et au moment où Bové se retrouve en prison
ce moratoire est en passe d'être levé.
- Vous avez dit OGM?
- Il s'agissait donc de riz aux OGM: ce sigle, apparu à la fin des années 80 dans le
langage réglementaire de la Commission européenne, désigne les "Organismes
Génétiquement Modifiés". La capacité de modifier et transférer du matériel
génétique d'une espèce à une autre permet de produire des organismes vivants avec une
combinaison de caractères nouveaux qui n'aurait pu naturellement exister.
- Il s'agit de plantes, d'animaux, de bactéries, de champignons et de virus dont le
profil génétique a été transformé en laboratoire afin d'en "améliorer" les
propriétés agricoles (rendement, résistance aux parasites, conservation) ou nutritives.
- Tous ces organismes ont pour trait commun d'avoir subi une opération de génie
génétique aboutissant à la greffe d'un ou de plusieurs gènes dans leur patrimoine
héréditaire. Tous ont acquis de ce fait un ou plusieurs nouveaux caractères
génétiques qu'ils exprimeront durant leur vie et qu'ils transmettront à leur
descendance.
Fait marquant: ces caractères "greffés"
peuvent provenir d'espèces très différentes de l'organisme "receveur". Le
génie génétique autorise en effet ce que les lois naturelles de l'hybridation
interdisent: l'échange de gènes par-delà la barrière de l'espèce. Exemples
d'organismes génétiquement modifiés déjà réalisés: des brebis fabriquant dans leur
lait un facteur sanguin humain grâce à un gène d'homme; une bactérie produisant de
l'insuline humaine (largement commercialisée); du maïs secrétant une toxine
bactérienne tueuse d'insectes grâce à un gène bactérien. Mais il faut le souligner,
jusqu'ici les OGM ont essentiellement permis aux gros agriculteurs américains d'augmenter
leur productivité d'environ 5%. L'an dernier, il y avait plus de 58 millions d'hectares
dans le monde produisant des PGM (plantes génétiquement modifiées), les États-Unis
(66%), le Canada (6%), l'Argentine (23%) et la Chine (4%) cultivaient 99% de ces surfaces.
Ces 58 millions d'hectares seront peut-être moins nombreux l'an prochain car la nature a
si bien fait les choses que les avantages des PGM n'apparaissent plus du tout évidents au
monde agricole En revanche, elles présentent des risques de mutation génétique, de
création de nouveaux virus, de développement de nouvelles allergies pour les
consommateurs de ces produits végétaux (voire de la viande des animaux en ayant
consommé), dangers que les firmes du transgénique se sont bien gardées d'étudier.
Comme le dit Corinne Lepage: "on ignore si le danger est gravissime ou pas, et c'est
précisément le problème."
- La stratégie des multinationales, la complicité des
gouvernements.
- Pour convaincre les gouvernements et les gouvernés d'accepter ces OGM, 7 firmes
transnationales ont donc mené une opération de propagande sur deux fronts. D'un côté
exagérer, si ce n'est inventer de toutes pièces les avantages des OGM (prétendre, par
exemple, que les cultures d'OGM vont résoudre le problème de la faim dans le monde) et
d'un autre côté minimiser, si ce n'est carrément nier, l'existence des risques.
- Pour faire passer en force les OGM, les 7 transnationales du transgénique (Monsanto,
Novartis, Aventis, BASF, Du Pont de Nemours, Agrevo, Zeneca) qui ont aussi la
particularité d'être les 7 plus gros producteurs de pesticides et les 7 plus gros
semenciers de la planète, avaient sorti l'artillerie lourde. Elles voulaient imposer les
OGM le plus rapidement possible et sans débat pour rendre caduques les semences
classiques. Celles-ci ont le tort d'appartenir au patrimoine mondial de l'humanité et par
conséquent de ne pas être brevetables, donc d'être librement accessibles (dans les pays
du Sud, les paysans sèment à 80% des semences récoltées dans leurs propres champs). En
effet, on modifie les gènes des plantes pour les rendre stériles afin dobliger les
paysans à acheter de nouvelles semences chaque année et ainsi de les rendre encore plus
dépendants des grandes firmes. Un hold-up sur le vivant en quelque sorte, qui n'offre
aucun avantage au consommateur, ni à la collectivité.
- L'arrestation spectaculaire puis lincarcération de José Bové doit interpeller
chaque citoyen. Si les OGM nont pas encore envahi nos assiettes, cest à des
hommes engagés comme lui que nous le devons et certainement pas au Gouvernement français
qui sapprête à accepter la levée du moratoire européen pour satisfaire aux
exigences des États-Unis (comme d'ailleurs d'autres gouvernements européens). Les
enquêtes montrent que la plupart des consommateurs ne veulent pas ingurgiter dOGM
comme quelques multinationales voudraient les y contraindre dans le but de contrôler le
pouvoir alimentaire.
Les poursuites qui valent aujourdhui à José Bové de
purger une demi-année de prison ont été conduites, pour lessentiel, sous
lautorité de ministres socialistes de la Justice, alors que des dirigeants du
P.C.F. faisaient partie du gouvernement. Pour un syndicaliste embastillé, une prison est
une prison, que lÉtat soit géré par un gouvernement de droite ou de gauche.
- L'appui des scientifiques sur les risques potentiels liés aux
OGM.
- Certains, ceux-là même qui ont intérêt à ce que le règne du marché sans frein
simpose dans tous les domaines de la vie, stigmatisent José Bové comme un
rétrograde, opposé aux avancées de la recherche. Tout d'abord soulignons que la
Confédération Paysanne ne s'est jamais opposée aux essais de laboratoires mais
seulement aux essais faits en plein champ, ceux-ci risquant, notamment par pollinisation,
de rendre irréversible la contamination des autres cultures.
- Il faut savoir également quune quarantaine de chercheurs du CIRAD, de lINRA
(Institut national de la recherche agronomique) et de lIRD (Institut de recherche
pour le développement), tous agronomes ou généticiens, ont adressé une lettre ouverte
à Jacques Chirac pour demander la libération de Bové. Ils écrivent notamment:
"Plus personne nignore aujourdhui que la majeure partie des plants qui
devaient faire lobjet dun essai en plein champ aurait de toute façon été
arrachée par le CIRAD, puisque les riziculteurs camarguais, chez qui ils devaient être
initialement envoyés, les avaient refusés. Les responsables de ces actions
(darrachage) ont toujours souligné et depuis réaffirmé que ce nest pas la
recherche fondamentale qui est en cause; par contre, la dissémination dOGM dans des
milieux quils vont immanquablement contaminer ne peut être acceptée. La
condamnation de José Bové semble vouloir ignorer que ces actions ont rempli une fonction
dalerte pour nous, personnels de la recherche et de lenseignement supérieur:
notre réflexion sur la gravité du problème de lutilisation des OGM et, au-delà,
de toute découverte scientifique, en a largement bénéficié".
- Michel Dulcire, agronome au CIRAD, ajoute dans une déclaration au Monde:
"Laction de Bové a permis de discuter ouvertement de ce quon fait sur
les OGM, et cela nous conduit à la prise en compte de la société dans nos projets de
recherche".
- Comme le soutiennent encore Martin Hirsch, maître des requêtes au Conseil
dÉtat, directeur général de lAgence française de sécurité sanitaire des
aliments (Afssa), président dEmmaüs France, et Claude Huriet, ancien sénateur,
auteur de la loi dite "de sécurité sanitaire" du 1er juillet 1998
(dans un article publié dans Le Monde du 27 juin 2003, "OGM, justice et
démocratie"), il y a bel et bien un "mais" qui justifie que lon ne
puisse pas clore le débat à ce stade du raisonnement. Ce "mais"
soulignent-ils justement porte sur le problème des présences fortuites ou
des contaminations accidentelles. "Deux expressions qui traduisent le fait que
lon détecte des OGM là où on naurait pas dû en trouver, contrairement à
ce que lon entendait dans la communauté scientifique il y a quelques années, ou,
du moins, à ce quon croyait interpréter de leur expertise. La réalité est
cependant moins simple. Rappelons-nous le printemps 2001. Des interrogations sont
soulevées lorsque les services de contrôle constatent que quelques lots de semences
conventionnelles contiennent des séquences caractéristiques des OGM, à un taux trop bas
pour identifier lOGM en cause, mais suffisamment haut pour que leur présence soit
prouvée par les méthodes de détection disponibles. Si on ne pouvait trouver
lorigine de la contamination, on sest aperçu que celle-ci était plus
répandue quon ne le pensait. Les semenciers eux-mêmes avaient noté, en pratiquant
des autocontrôles, que cette présence de faibles quantités dOGM nétait pas
rare. Cette "révélation" a profondément modifié les termes du débat. Dès
lors, la question nétait plus de savoir dans quel périmètre les OGM allaient
pouvoir être circonscrits, mais bien comment et à quel prix lexistence
même de produits et de filières sans OGM resterait possible dans un monde de libre
circulation des produits."
- Le CIRAD, dont il est question à plusieurs reprises ci-dessus, est
rappelons-le l'organisme qui possédait les serres de riz dans lesquelles
José Bové et ses amis procédèrent à des arrachages.
Ainsi tous ces spécialistes sur le fond du problème donnent
raison au leader paysan jusqu'à le remercier d'avoir appliqué le principe de précaution
à sa manière! Mais ce qu'il faut aussi comprendre, c'est que la base même de
lagriculture est attaquée, menacée. Parce que le rôle des agriculteurs est bien
de permettre à la nature de se reproduire et de perpétuer la diversité des espèces, et
que l'imposition des OGM aboutira pratiquement à coup sûr à un appauvrissement des
biotopes, probablement définitif.
- Dissidences...
- José Bové a été jeté au cachot parce quil combat globalement le productivisme
qui tente de s'imposer à lhumanité tout entière pour le plus grand profit de
quelques groupes privés, peu soucieux de la diversité des êtres vivants et des
territoires. Ces groupes tentent d'accaparer le pouvoir alimentaire en obligeant les
paysans à leur racheter chaque année de nouvelles semences. Ils s'appuient sur le droit,
la loi et les magistrats, sommés de protéger la propriété intellectuelle (les brevets
d'invention de nouveaux organismes vivants) et la propriété privée (les plants d'OGM en
culture expérimentale) sans considération pour l'intérêt général de l'humanité.
- Pour changer ce monde-là, où des intérêts particuliers supplantent et mettent en
péril lintérêt général, il faut agir partout, à tous les niveaux. La Savoie
est un de ces niveaux.
- Pourquoi un journal comme l'Écho de Savoie se préoccupe-t-il du sort de José Bové,
un journal savoisien na-t-il pas mieux à faire?
- Le combat que mènent des hommes comme José Bové est aussi le nôtre.
Lautonomie, pour un peuple et un territoire comme pour une personne, cela signifie
les moyens de la liberté. Nous refusons lasservissement au jacobinisme
uniformisateur, ce n'est pas pour tomber sans transition dans la standardisation marchande
d'un libéralisme sans limites. Lautonomie de la Savoie, cela pourrait signifier
concrètement un Parlement qui déclare la Savoie "terre sans OGM", comme
la fait lAssemblée nationale du Pays de Galles en l'an 2000.
- Notons enfin qu'en Savoie plus d'un agriculteur sur 3 lors des dernières élections
professionnelles a voté pour la Confédération Paysanne, le syndicat dont José Bové
est le leader, soit exactement 35% en Savoie du sud et 39% en Savoie du nord. C'est donc
un syndicat très représentatif. L'incarcération de son leader nous donne à réfléchir
sur l'avenir de tous ceux, nombreux aujourd'hui, qui se trouvent en situation de
dissidence face au pouvoir. Demain nous serons peut-être tous des José Bové.
- P.G.
- La Confédération Paysanne a organisé, le samedi 19 juillet
2003, une opération anti-OGM sur la commune de Brax, à coté de Toulouse.
- En compagnie d'environ 150 militants syndicaux dont la compagne de José Bové, de
membres d'ATTAC, de Verts et de simples citoyens, l'eurodéputé Vert Gérard Onesta a
participé à un arrachage symbolique de 300 M2 de maïs transgénique semés en pleine
nature, et dont même les élus locaux n'avaient pas pu connaître l'emplacement sur leur
propre commune.
- Gérard Onesta était présent à double titre. D'abord pour réaffirmer son soutien à
José Bové dont il partage depuis longtemps, de Papeete à Millau, l'engagement citoyen.
Ensuite pour marquer qu'il ne supportait plus de voir le principe "de
précaution", le principe de "durabilité dans le développement", le
principe "de transparence et d'information du consommateur", toujours proclamés
dans les textes européens, et jamais mis en pratique sur le terrain...

-
- 4-1 Le
francoprovençal en Savoie: vers une langue commune dans le cadre de l'Europe des peuples.
- par Pascal Garnier.
Le seizième colloque national de la FLAREP a eu lieu à
Sevrier les 26 et 27 octobre 2002. Après lUniversité dété de la
fédération politique Régions & Peuples Solidaires, cétait donc au niveau
culturel que les responsables des langues régionales ont tenu à faire leur congrès chez
nous. Des présences qui ne sont pas innocentes, les uns et les autres cherchent à savoir
ce qui se passe dans cette Région dun million dhabitants tentant de
s'émanciper, désir d'émancipation se traduisant aussi par la recherche de nos racines
longtemps occultées par une réussite économique qui manifestement n'aboutit pas à un
épanouissement total de ses habitants.
- L'étonnante résistance de la langue savoyarde.
- La Fédération pour les Langues Régionales dans lEnseignement Public (FLAREP)
regroupe les principales associations ou fédérations de parents d'élèves et/ou
d'enseignants qui uvrent au développement des langues régionales dans le Service
Public d'Éducation. Elle est un instrument de liaison entre les écoles publiques,
l'administration et les parents d'élèves. La FLAREP, sur les bases de sa plate-forme de
1988, a créé à travers l'hexagone un réseau d'échanges d'informations et a coordonné
une dynamique de valorisation de ces langues qui représentent aujourd'hui autant de ponts
de communication en Europe et particulièrement chez nous du francoprovençal avec la
Suisse, le Val dAoste et le Piémont. Elle organise chaque année un colloque dans
une région identitaire. Chez nous, la FLAREP est représenté par lAES (Association
des Enseignants de Savoyard, Odile Lalliard, 45 quai de Ripaille. 74200 THONON) créée
voici 3 ans et plus généralement la fédération de la langue savoyarde qui se nomme Lou
Rbiolon ("le germe" en savoyard ou "diwan" en Breton).
Lorganisation de ce colloque relevait du défi puisque lenseignement du
savoyard est encore embryonnaire. Quelques centaines d'élèves suivent chaque année une
sensibilisation à la langue savoyarde, surtout dans le cadre du concours Constantin et
Désormaux. En Savoie, le francoprovençal n'a aucune expression publique dans les
journaux, à la télévision locale ou à la radio. Pourtant les représentations en
langue savoyarde attirent quelques dizaines de milliers de personnes par an, la fête du
francoprovençal qui a lieu chaque année dans un des quatre pays parlant francoprovençal
rassemble des milliers de participants et les musiciens traditionnels sont plutôt
meilleurs que dans les régions voisines et connaissent plus de succès. La manifestation
sest déroulé sur trois jours: le premier en Savoie, le second en Suisse et le
troisième au Val dAoste; le thème central en était "Les langues régionales
et territoriales, enjeux et stratégies". Et ces voyages ont permis aux nombreux
invités venus de lextérieur de se rendre compte quau-delà de la Savoie
existait une communauté culturelle et linguistique autour du francoprovençal.
- D'aucuns diront que le francoprovençal est éteint en Savoie. Un récent sondage
auprès de 400 personnes, réalisé auprès d'un échantillon représentatif de la
population savoyarde au cours de l'année universitaire 1999-2000 par trois étudiantes
(Rachel Bel, Angélique Fernandez et Sandra Pestanat) du département "Techniques de
commercialisation" de l'IUT d'Annecy, montre qu'il n'en est rien. Son maintien est
tout à fait étonnant étant donné que les pouvoirs publics n'ont fait absolument aucun
effort pour le sauvegarder et que tout le travail qui a été mené repose sur les
épaules de quelques bénévoles. Tout d'abord 95% pensent que le savoyard fait partie des
racines et du patrimoine de la Savoie, qu'ils veulent conserver à 71,5%; seuls 25,8 sont
indifférents quant à son éventuelle disparition et 2,8% verraient ce fait s'accomplir
d'un bon oeil. 53,5% voudraient que le savoyard soit enseigné aux nouvelles
générations. Les gens aiment donc leur langue populaire.
- En ce qui concerne la pratique, les résultats sont assez surprenants et beaucoup plus
réconfortants en Savoie du Nord qu'en Savoie du Sud. 39,3% en Savoie du Nord et 48% en
Savoie du Sud avouent n'avoir aucune connaissance de la langue savoyarde. Respectivement
35,3% et 37,8% pensent avoir quelques connaissances, 15,1 et 12,8% un niveau moyen, 5,6 et
0,7% une bonne pratique et 4,8 et 0,7% une parfaite maîtrise. On peut penser que le
travail effectué par la fédération de la langue savoyarde Lou R'biolon, beaucoup plus
dynamique en Savoie du Nord qu'en Savoie du Sud, n'est pas pour rien dans les résultats
obtenus. L'univers du savoyard ne leur est pas si étranger puisque 78,3% des personnes
interrogées entendent de temps à autre parler savoyard et que 15,5% le parlent
occasionnellement, 3,5% assez souvent, 1,8% très souvent. Une émission sur
France-Culture récemment présentait des gens qui parlaient quotidiennement savoyard à
Saint-Martin de Belleville dans la vallée du même nom en Tarentaise.
- Dernier élément intéressant de ce sondage dont l'échantillon n'était constitué que
de 69,5% de personnes d'origine savoyarde: 65,1% de leurs ancêtres parlaient savoyard ce
qui signifie clairement que jusqu'à une date récente la quasi-totalité de la population
de "souche" pratiquait cette langue. Il est donc logique que 58,8% des gens
pensent que la langue savoyarde devrait être considérée comme une langue telle que le
basque ou le breton, que l'on pourrait présenter comme option au baccalauréat.
Tous ces éléments nous amènent à penser que dans un État
respectueux de la culture de ses citoyens, la langue savoyarde devrait être reconnue et
bénéficier d'un soutien officiel.
- 4-2
Parlons
francoprovençal avec Dominique Stich.
- En réaction à ces constats (et à une autre étude réalisée au Val d'Aoste, dont
nous publierons les résultats dans notre prochaine édition), certains en Savoie veulent
tenter quelque chose. Un espoir est apparu avec la publication de l'ouvrage de Dominique
Stich (Dominique Stich. "Parlons francoprovençal: une langue méconnue".
Editions l'Harmattan. 1998)
- Mais il a fallu d'abord gagner la bataille contre les dialectologues, qui dans l'étude
du francoprovençal mettent l'accent uniquement sur les différences d'un village ou d'une
vallée à l'autre, empêchant ainsi l'émergence d'une langue commune. Et en Suisse, en
Savoie ou au Val d'Aoste, la scène universitaire est dominée par les dialectologues.
- L'ouvrage englobant d'un linguiste comme Stich a eu le mérite de montrer que partout le
fond de la langue était le même et qu'il existait par conséquent véritablement une
langue francoprovençale. Pour la première fois, le public a pu se rendre compte qu'une
communauté francoprovençale existait. Sa graphie ORA (Orthographe de Référence A),
ainsi que la prononciation proposée PRA (prononciation de Référence A), se rapprochent
des méthodes de l'IEO (Institut d'Études Occitanes), de la graphie du professeur
Heinrich Schmid pour le rhéto-romanche, et d'autres codifications récentes de plusieurs
langues romanes. Après divers débats et colloques (notamment à Thonon au printemps
2002), et une présence sur le terrain très active, la graphie de Dominique Stich a fini
par s'imposer en Savoie comme une évidence et la seule possibilité de transmission de la
langue savoyarde dans les écoles ou aux populations urbaines qui ne la parlent plus. Des
ajustements ont été déduits la pratique de terrain pour donner naissance à l'ORB
(Orthographe de Référence B). Dans le même temps, Dominique Stich soutenait brillamment
sa thèse en Sorbonne avec les meilleurs linguistes et spécialistes des langues
minoritaires. Sa directrice de thèse était la célèbre linguiste Henriette Walter, et
figurait dans le jury JB Martin, un spécialiste lyonnais du francoprovençal.
- Il restait encore un travail fondamental à faire: élaborer un dictionnaire accessible
au grand public. Depuis maintenant un an et demi, un professeur des écoles, déjà
co-auteur d'une "Histoire de la Savoie" mais également secrétaire du MRS
(Mouvement Région Savoie), Alain Favre, s'est attelé à la tâche avec un jeune
professeur certifié de lettres classiques, Xavier Gouvert, en coopération avec le
docteur Stich.
- Après deux ans d'efforts acharnés, à l'automne 2003 cet ouvrage sortira: il
comportera un dictionnaire, une grammaire, une liste de néologismes et une anthologie
littéraire.
- Simultanément, un auteur valdôtain nommé Florent Corradin, qui a publié plusieurs
romans rédigés en francoprovençal, a décidé pour son prochain livre d'adopter la
graphie Stich. Comme Dominique Stich, Florent Corradin écrit "pour les milliers de
personnes qui ne l'ont jamais entendu ou ne le parlent pas mais veulent l'entendre."
Il ne comprend pas que le grand poète valdôtain contemporain Marco Gall soit obligé
d'écrire ses textes en trois langues: le patois de son village, l'italien et le
français. Il suffirait à Marco Gall d'adopter la graphie Stich pour éviter deux
traductions et se faire immédiatement comprendre de tous ses lecteurs...
Dans l'Écho de Savoie, nous avons
lancé ce débat, dès juin 2000, sur le travail de Dominique Stich: nous n'avons pas
hésité à prendre parti pour sa méthode, seule voie possible pour tenter un sauvetage
de la langue populaire savoyarde. Florent Corradin déclarait lors de notre dernière
réunion de travail à Carema au Piémont, les 1 et 2 mars 2003: "Cette étape
essentielle doit nous permettre de passer du dilettantisme au professionnalisme pour faire
naître une Académie du Francoprovençal."
- (Suite au prochain numéro)
5-1 Notes de lecture.
Hubert Reeves: "Mal
de terre".
Lastrophysicien
sintéresse dans ce livre à notre planète et son avenir. Il dresse une liste à
peu près exhaustive des agressions de lhomme envers son environnement, envers les
autres espèces et lui-même. Effet de serre et réchauffement climatique, ozone,
politiques énergétiques et nucléaires, pollutions de toute sorte, destruction des
forêts et des écosystèmes, disparition despèces, mais aussi disparité des
richesses, guerres, malnutrition, la liste est longue. À léchelle temporelle de
lhistoire du cosmos, lhomme, en moins de cent ans, fait preuve dune
efficacité nuisible effarante. Il court à sa perte.
- Hubert Reeves est un scientifique: pas dinterprétations douteuses, pas
denflures oratoires passionnées, mais les faits, rien que les faits! Les tout
derniers chiffres, rapports, études. La démonstration est implacable. Mais cest un
scientifique doté de qualités rares: humble, il sait reconnaître ses limites, ses
incertitudes. Humaniste pondéré, il sait attirer aussi lattention sur des
réalisations positives (il y en a!). Il croit en lhomme, malgré tout. Cest
surtout un grand admirateur de la création, avec un grand C.
- Sachons écouter et méditer le message simple de cet homme de savoir. Les récents
"incidents" climatiques devraient nous y inciter.
- Bertrand Lefebvre.
- "Mal de terre", de Hubert Reeves avec Frédéric Lenoir, collection
"Science ouverte", éditions du Seuil, 2003.
5-2 Tribune libre.
- Rois des vils, rois des chiants.
par Éric Vèrnêr.
- Le combat des régionalistes ou des indépendantistes, ou désannexionnistes, d'ici ou
d'ailleurs, est avant tout un combat de cur. Mais chacun sait que le cur à
ses raisons, que la raison n'ignore pas forcément, et c'est une de ces raisons que je
vais exposer ici, en plus de celles que j'ai eu déjà l'occasion de détailler
précédemment (Écho n°63).
- Je considère que le centre du problème régionaliste est un problème de gestion du
territoire. Les territoires doivent être gérés en local, par les gens qui y ont grandi,
et non pas comme ont essayé de nous le faire croire les états centralisés depuis que
l'Empire existe (je parle ici de l'Empire archétypal, celui qui n'a pas de visage, et
qu'on retrouve chez les Aztèques, les Romains, les Francs, les Tibétains, etc.), depuis
le centre d'une civilisation qui se prétend supérieure à celles qu'elle administre,
donc en ce qui nous concerne, Paris, Lyon, ou si l'on n'y prend pas garde, pourquoi pas
aussi Marseille...
- Tous les autres problèmes de gestion collective découlent de ce problème premier.
L'éducation, la sécurité, les impôts, l'agriculture, etc., appartiennent au local dès
lors que l'on veut assurer correctement la mission de gestion du territoire, à savoir,
l'aménagement des voies de communications, le contrôle de l'urbanisme, etc.
- J'entend bien ici démontrer qu'en ce qui concerne la Savoie, pays alpin, il ne saurait
en être autrement, de par la nature même de notre territoire, qui est un territoire de
montagnes, qui ne saurait être intimement compris, et donc aménagé correctement, par
quelqu'un qui n'y aurait pas grandi.
- Il est malgré tout désolant d'avoir à dépenser autant d'énergie pour essayer
d'obtenir la reconnaissance du droit naturel de tout autochtone à gérer lui-même son
espace de vie, sans l'entrave d'une force colonisatrice qui ne sert que ses propres
intérêts et en aucun cas les intérêts des populations locales (évidemment, sinon elle
leur accorderait l'autonomie!). Bref, la démonstration de la mauvaise foi du discours de
l'Empire n'est plus à faire, alors mettons-nous au travail!
- Lorsqu'on observe la manière dont les différents rois de France, jusqu'au plus
récent, l'actuel président de droit divin, ont géré leurs territoires conquis, on peut
comprendre qu'étant des rois des PLAINES, ils ne voient le territoire que comme un
domaine à CONQUÉRIR. Un roi des plaines, se pavanant dans son domaine, avec sa suite,
depuis son carrosse, visitant ses serfs pour montrer que malgré le joug il sait rester
peuple, fait pour ainsi dire, le tour de son grand jardin. La planéité de son territoire
l'empêche de voir très loin à chaque étape, et c'est la continuité de son cheminement
qui peut lui donner une idée de continuité de son royaume. Le roi des plaines avance
tant qu'il ne rencontre pas d'obstacle. L'espace n'est vu que comme un terrain où l'on
peut faire des conquêtes. Les villes des royaumes des plaines s'étendent à l'infini,
sans contrôle, de manière concentrique, et ce sans devoir vouloir s'arrêter un jour
quelconque. Dès lors qu'un roi des plaines se heurte à une barrière visuelle, telle
qu'une chaîne de montagne, il est paniqué, le territoire ne correspondant plus à ce à
quoi il est habitué. Il est éminemment pénible pour un roi des plaines d'avoir à
contourner une montagne pour se rendre d'un point A à un point B, lui qui est habitué à
filer toujours tout droit, rien ne l'arrêtant, puisqu'il est le roi (et pour les cas les
plus pathologiques, il se prend certainement aussi pour un dieu...). La montagne est alors
perçue comme un obstacle, et pour s'en convaincre, il n'y a qu'à examiner les décisions
qui furent prises par les rois des plaines de tous temps lorsqu'il réussissaient à
conquérir un territoire montagneux (exemple la route qui monte à Chamonix, et dont le
perçage fut décidé par Napoléon III lorsqu'il fit son petit tour là-bas). La montagne
n'est considérée que comme un obstacle par les roitelets des plaines. Et donc, qui dit
obstacle, dit moyen de s'en débarrasser, de la dominer, de la soumettre. Il n'ont pas les
yeux qu'il faut pour la voir autrement, car évidemment pour ça il faut avoir grandi
près d'elle, le nez en l'air...
- Qu'est-ce que la montagne pour un montagnard?
- La façon de voir des Alpins est tout autre. Premièrement l'idée d'aller escalader les
sommets est typiquement une idée de gens des plaines. Les paysans de Savoie s'en voient
ou s'en voyaient suffisamment tous les jours avec leur montagne pour ne pas chercher à
s'en rajouter sur le dos en allant l'escalader les jours de repos !
- Deuxièmement, l'espace des vallées de montagnes n'est pas non plus perçu comme le
fond du monde, son trou du cul comme pourrait le dire un visiteur d'Île de France, mais
comme formant des entités distinctes, des pays dans le pays, avec leurs parlers
spécifiques, leur architecture spécifique: il est amusant de voir comment se
répartissent les zones où l'on utilise l'ardoise pour les toits, les tavaillons, ou
même la tôle, etc.
- Enfin, et là je vais entrer dans une démonstration un peu plus mystico-spirituelle, la
montagne a, pour celui qui a grandi sur ses flancs ou dans sa ligne de mire, une dimension
de plus que la simple dimension de blocs de rochers disposés là plus ou moins par hasard
et qu'il faudra penser à ratiboiser le plus tôt possible.
- Le simple fait d'avoir le nez levé, pointé sur ces sommets majestueux, change beaucoup
de choses, à mon avis, au niveau du développement des enfants qui grandissent dans les
zones de montagnes.
- N'est-il pas de notoriété publique que les gens qui vivent le nez en l'air sont plus
paisibles, moins enclins au bellicisme matérialiste? Les astronomes, les rêveurs... les
montagnards!
- Les mystiques chrétiens, que l'on peut voir au Louvre sur les tableaux de maîtres, ont
le nez en l'air lorsqu'ils voient les anges (d'ailleurs l'angle que fait leur tête avec
l'horizontale me semble tout à fait constant, mais ça, c'est un autre débat!). Les gens
des Alpes, ayant la montagne pour exemple devant les yeux, le caractère rendu doux par
ces sommets qui leurs mettent le nez en l'air, sont enclins à prendre ces grandes
surs pour exemple. Les montagnes, finalement, sont comme nous, les pieds dans la
Terre, et le nez vers le ciel. Grandir près de ces géantes ne conduit pas à ramper
comme des vers, à la recherche de conquêtes matérialistes, mais plutôt à chercher à
s'élever, à vivre dans la dignité, et à aller de l'avant toujours plus haut. Si
l'Alpin se met à conquérir, ça le sera dans l'optique de relever un défi, d'aller plus
haut, pas plus profond, dans les abîmes de la conquête du pouvoir sur autrui. Des
conquêtes du type de celle du ciel, ou celle de la Lune (même si elles ne sont pas
forcément le fait d'alpins), n'ont pas d'incidence sur autrui, ou en tout cas pas de
manière directe et pas de manière avilissante, comme en a la conquête du territoire
d'un peuple voisin. D'ailleurs, et ça sera la dernière chose que j'aurai à dire dans ce
registre un peu plus mystique, le verbe désirer, viens de dé-sidérer, ce qui signifie
ôter son nez du ciel. Sidérer, comme sidéral, qui concerne le ciel. Et désirer, c'est
bien la caractéristique première de celui qui cherche à dominer par la conquête.
- On voit donc, en résumé, qu'à la différence des gens des plaines, les Alpins ne
voient pas leur territoire comme un espace de conquête, ce qui fait une énorme
différence en termes d'aménagement du territoire. Les montagnes ne sont pas vues comme
des obstacles, mais comme des entités que l'on respecte, même si ce fait n'est que
rarement verbalisé, comme je suis en train de le faire.
- Là où le Parisien ou le Lyonnais cherchera à rentabiliser au maximum, à remplir les
fonds de vallées, les plaines, à exploiter les sommets, à goudronner le plus haut
possible pour asseoir sa domination sur ce milieu qu'il vient de conquérir, l'alpin aura
une démarche plus saine et plus respectueuse, une approche plus paisible, un regard plus
complexe sur ce milieu qui est en partie responsable de son développement en tant
qu'être humain. Il ne verra pas la montagne comme un terrain de conquête, mais plutôt
comme une proche parente à laquelle il est accoutumé et qui l'inspire.
- Les cochons ne peuvent pas regarder en l'air, les pauvres bêtes, et nos rois des
plaines ont au minimum ça en commun avec eux.