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Le dictionnaire de francoprovençal

1 La parution attendue d'un dictionnaire de la langue savoyarde.
2 Les résultats d'une démarche savoisienne.
3 Une intense activité sur le terrain.
4 Henriette Walter: "Dominique Stich donne tout pour cette langue savoyarde qui correspond à une eurorégion magnifique".
5 Point de vente du dictionnaire.
1 La parution attendue d'un dictionnaire de la langue savoyarde.
Notre congrès nous a permis d'aborder sans faux-semblant la question de l'enseignement du savoyard, encore embryonnaire chez nous, avec Alain Favre, impliqué au premier rang sur cette question. Ce débat faisait écho au colloque organisé par le ministère de la culture le 4 octobre 2003.
Un néant assourdissant du côté du gouvernement.
Dans l'appareil d'État, on ne connaît que la langue de bois. Le ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon (celui de l'Éducation n'avait même pas pris la peine de se déplacer…) fit l'aveu qu'aucune révision de l'article 2 de la Constitution, ni la ratification par la France de la Charte européenne des langues minorisées, n'étaient prévues. Le ministre chargé de la Décentralisation et des libertés locales (sic, son titre, ça doit être de l'humour…), Patrick Devedjian, précisait même qu’il n’y aurait pas de statut des langues de France et encore moins de énième projet de loi. Les participants habituels à ce genre de réunion ne pouvaient espérer de grands changements lors de ces assises. Ils espéraient cependant un minimum de propositions de la part de la "Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France" (DGLFLF); ce fut le minimum du minimum, c'est-à-dire rien. Cette "gifle politique" pour les défenseurs des langues régionales est d'autant plus forte, après celle infligée aux écoles Diwan, que les décideurs ont fait comme d’habitude ce qu'il faut pour endormir les gens naïfs: ils ont largement argumenté sur la nécessaire sauvegarde des langues régionales, en reprenant le joli refrain bien lénifiant: "patrimoine inestimable de l'humanité tout entière". Or comme le soulignait un responsable du Partit occitan, Gérard Tautil: "On ne peut d’un côté prétendre à l’universalité des droits et d’un autre côté faillir par sa pratique et refuser toute évolution institutionnelle." Mais comme toujours, l'État a renvoyé la balle vers "l'initiative des régions et autres collectivités locales" qui en général, malgré une forte sensibilisation, n'ont pas voulu réellement prendre en compte une telle démarche de défense et de promotion des langues régionales. C'est maintenant très simple: pour tout projet de financement, l'État renvoie à "l'initiative régionale", n'ignorant pas les différences politiques, les engagements "prioritaires" de chaque Conseil régional, les égoïsmes localistes hérités du centralisme. Comme on est partout à l'heure des restrictions budgétaires, l'État, dans sa version centrale ou déconcentrée, joue à tout va la division et, finalement, il n'y a plus le moindre euro pour ce dossier. La question linguistique demeure en France l'enjeu de prises de pouvoir politique qui bloquent toute avancée, au nom de l'intérêt général. Comme le souligne Tautil, "Ces assises auront eu le mérite de montrer que les blocages centralistes restent entiers. Bien naïfs sont ceux qui pourraient encore s’imaginer que la question des langues de France se règlera in fine par une pseudo concertation de ce type."
Jean-Jacques Aillagon, lorsque j’ai pu le rencontrer à Lorient en août 2002, m’a tout de suite donné l’impression de n'être, ni plus ni moins, que le simple ministre des monuments historiques, et que pas un sou ne serait accordé aux cultures vivantes. La situation actuelle n’a fait que confirmer mes impressions: ses budgets en baisse, son conflit avec les intermittents. Dès lors inutile d’épiloguer.
Comme partout ailleurs, sans parti autonomiste fort, aucune évolution n'est envisageable. Les militants culturels qui œuvrent pour une reconnaissance institutionnelle et démocratique des langues et cultures minorisées doivent désormais comprendre qu'une autre mobilisation, plus dérangeante, plus visible, en un mot plus politique, politiquement savoisienne pour ce qui nous concerne, doit impérativement se mettre en place pour éviter de subir de nouvelles humiliations.
2 Les résultats d'une démarche savoisienne.
Il manquait un instrument fiable pour permettre une nouvelle transmission de la langue savoyarde. Nous l'aurons dans quelques jours: le Dictionnaire francoprovençal/français et français/francoprovençal, de Dominique Stich, est sur le point de paraître. Alain Favre, qui a participé à l'élaboration de cet ouvrage ainsi que Xavier Gouvert, est venu le présenter à la tribune du Huitième Congrès de la Ligue savoisienne.
Il s'agit d'un ouvrage scientifique mais aussi de vaste vulgarisation, instrument idéal pour tous ceux qui veulent découvrir cette langue d’une façon simple et agréable grâce à sa graphie adaptée. Le francoprovençal de Savoie y aura toute sa place. Mais les ouvertures sont nombreuses vers les autres provinces de l’"Arpitanie", Val d’Aoste, Valais mais aussi Piémont, Dauphiné, Lyonnais, Bresse...
Avec ce dictionnaire, le docteur Stich perfectionne sa graphie supra-dialectale et moderne. C'est un progrès décisif, que nous avons toujours soutenu ici, à L'Écho de Savoie, car il accomplit pour notre langue régionale l'unification qui fut réalisée ailleurs à différentes époques dans d'autres langues romanes: catalan dans les années 1930, occitan (grâce à l’IEO, Institut d'Études Occitanes) dans les années 1970, rhéto-romanche des Grisons dans les années 1980-1990...
Il est évident que tous les parlers ont leurs lettres de noblesse, qu’il est tout à fait légitime de défendre. Mais il faut que l’orthographe employée soit identique, même si la prononciation est légèrement différente. Le vrai problème se situe et se situera toujours au niveau de leur reconnaissance. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que là où le francoprovençal sera reconnu, sa diversité le sera aussi. Le tout est d’aboutir à sa reconnaissance par le Ministère de l'Éducation Nationale. C’est le cas par exemple pour l’occitan en général: les textes officiels parlent de l’auvergnat, du gascon, du languedocien, du limousin, du nissart, du provençal, du vivaro-alpin. La graphie du Docteur Stich permet tout à fait de respecter la diversité de la langue tout en soulignant une certaine unité, chose que fait par exemple un romancier valdôtain comme Florent Corradin (un de ses romans a reçu un prix littéraire en Italie).
Pour l’occitan, les textes conseillent d’adopter des attitudes ouvertes parce que de toute façon cela amènera les élèves à une pratique parlée et écrite de la langue sans sa diversité locale. Reinat Toscano, professeur de langue d’Oc, docteur en Études occitanes de l’Université de Nice, médaillé des traditions niçoises et écrivain, l'explique: "l’exploration de la littérature offrira à l’enseignant de nombreuses occasions d'introduire dans son enseignement des éléments d'information sur les autres systèmes d'orthographe, passés et actuels. Les œuvres et les documents seront en effet présentés et étudiés en respectant strictement la graphie d'origine." Il devra en aller de même pour le francoprovençal.
Ce qu'il faut absolument éviter, pour défendre efficacement le savoyard en particulier et le francoprovençal en général, c’est le sectarisme qui conduirait à une balkanisation stérile. Il apparaît de plus en plus clairement que ceux qui veulent garder des patois de village ne veulent pas pérenniser notre langue mais se résignent à la voir s'éteindre dans une version purement folklorique. Nos gouvernants hostiles aux langues régionales ont tout à gagner à un morcellement extrême du francoprovençal pour l’affaiblir plus encore. C’est bien ce qu’ont compris les auteurs de ce dictionnaire en proposant ce travail cohérent, unitaire, pédagogique et littéraire, totalement en phase avec un humanisme moderne.
3 Une intense activité sur le terrain.
Parallèlement à ce travail de fond, Alain Favre soulignait que les militants de la langue ont considérablement évolué et participent activement aux réunions avec les représentants des autres langues minorisées; ils ont organisé en octobre l’an dernier (à Sevrier près d'Annecy) le congrès de la FLAREP (Fédération pour les Langues Régionales dans l'Enseignement Public). Ils ont également modernisé leurs pièces de théâtre, dont le succès ne cesse de grandir, organisé un second festival de musique alpine, la fête du francoprovençal à Cruseilles (voir L'Écho de Savoie n° 67), et des colloques de qualité. Dans les écoles, l'enseignement du savoyard s'exprime chaque année par le biais du concours Constantin et Désormaux auquel participent environ 500 élèves. Le thème en sera cette année: "Les fêtes calendaires: le changement" (renseignements: Association des Enseignants de Savoyard /Francoprovençal -Doucy - 74 420 Habère-Poche tél: 04/50/39/56/72 e-mail : a.e.savoyard@wanadoo.fr).
Et puis au moment où je m'apprêtais à écrire un article intitulé "Du savoyard dans ma télé", j'apprends que la TV8 Mont-Blanc diffuse enfin une émission de 6 minutes chaque semaine en savoyard. Bref, un investissement et un dynamisme jamais vus jusqu'à présent. Est-ce le chant du cygne, l'été indien du francoprovençal, ou au contraire son renouveau, son printemps, va-t-il "rbioler"?
Nous pouvons conclure qu'il en va du francoprovençal comme de l'occitan, et en paraphrasant Reinat Toscano: "ici on peut vraiment parler de tolérance et d'ouverture d'esprit car défendre le francoprovençal, ce n'est pas s'enfermer dans un particularisme mais au contraire s'ouvrir aux autres: le francoprovençal est l'outil idéal pour s'ouvrir aux langues et cultures voisines, ne le laissons pas en pâture à je ne sais quels sombres et lamentables intérêts localistes." (1)
Pascal Garnier.
(1) Lo Bulletin del Sindicat Occitan de l'Educacion, n°112 de novembre 2003. Reinat Toscano. Letra dubètrta à-n-aquelu qu'aimon vertadierament la noastra belà lenga d'oc. p. 10-11
Sul web : www.occitanie.com/soe/
 
Pour réserver le dictionnaire francoprovençal de Dominique Stich à un tarif préférentiel (avant parution prévue pour le 18 décembre 2003), contacter par courriel Alain Favre <afavre1@hotmail.com> ou téléphoner au 0450 94 02 08.
4 Henriette Walter: "Dominique Stich donne tout pour cette langue savoyarde qui correspond à une eurorégion magnifique".
Depuis toujours, elle défend la diversité linguistique. Cette personnalité respectée, attachante et passionnée du monde universitaire a été la directrice de thèse de Dominique Stich. Elle a été professeur de linguistique à l'Université de Haute-Bretagne, dirige actuellement le laboratoire de phonologie à l'École Pratique des Hautes Études et présentait cet été chaque matin sur France-Inter une chronique sur l'histoire des mots. Elle a préfacé le dictionnaire qui va sortir.
 
Résumez-nous en quelques mots le travail de D. Stich.
— Dominique Stich propose son écriture supradialectale plus que jamais d'actualité, permettant d'écrire et de faire connaître à ceux qui ne la connaissent pas cette littérature francoprovençale qui est très riche. C'est à l'ordre du jour puisque cela va dans le sens de la reconnaissance des langues régionales.
 
En Savoie les gens insistaient souvent sur leur patois de pays mais ce que l'on a pu constater à de multiples reprises, c'est qu'entre différentes régions de Savoie et même au-delà avec le Val d'Aoste et certaines régions du Valais, l'intercompréhension était dans l'ensemble bonne. Pour moi le mérite essentiel de D. Stich est de permettre de transmettre cette langue maintenant…
— Le seul problème qu'a eu au départ D. Stich, c'était qu'il n'habitait pas en Savoie pour participer à ces querelles de clocher, mais aujourd'hui il arrive de mieux en mieux à se faire entendre. Il a démontré qu'il était sérieux, qu'il a apporté quelque chose, ses références, qu'il était d'une honnêteté exemplaire, qu'il donne tout en fait. Et puis des gens de qualité comme Alain Favre ou Xavier Gouvert l'ont rejoint dans son travail.
 
Mais à coté de chez nous le rhéto-romanche est reconnu aujourd'hui par la constitution suisse, l'unification a été faite par un zurichois: le professeur H. Schmitt, en venant de l'extérieur, a mis tout le monde d'accord…
— Mais je crois justement que D. Stich sera l'étranger qui vient donner et qui n'a pas d'intérêts ni pour les uns, ni pour les autres, et qui met toutes les chances de son côté pour que sa méthode s'impose, en plus dans un contexte favorable, avec une ratification de la Charte qui ne va certes pas se faire avec ce gouvernement, mais qui se fera plus tard. Et puis à l'heure de l'Europe des Régions, c'est magnifique, cette chance d'avoir une langue transfrontalière. Oui au centre de l'Europe, avec la Savoie, l'Italie et la Suisse, ça fait une eurorégion formidable et magnifique, que les gens ne connaissent pas encore malheureusement! C'est vrai que c'est une langue qui n'a pas eu de chance avec son nom, mais ça sera du valdôtain au Val d'Aoste et du savoyard ou savoisien en Savoie. La dynamique existe essentiellement en Savoie qui a une espèce d'auréole, mais n'oublions tout de même pas les autres!
(Propos recueillis par Pascal Garnier au salon du livre du Festival Interceltique de Lorient le vendredi 10 août 2001.)
Pour découvrir l'œuvre immense de Henriette Walter: "L'aventure des langues en occident: leur origine, leur histoire, leur géographie" Robert Laffont. 1994. 498p. (149F)
5 Point de vente :
Actuellement, le dictionnaire est en vente au prix promotionnel de 48 euros auprès de la
Ligue savoisienne 2, avenue de la Mavéria 74940 ANNECY-LE-VIEUX    tél : 00 33 (0)4 50  09 87 13