Rencontre avec Jean-Pierre Rambicur, premier maire savoisien |
Il commente le résultat des élections
présidentielles dans sa commune:
« Chirac 146, Le Pen 143, Jospin
112: ce n'est pas le FN qui progresse mais un ras-le-bol de la gauche et un
manque de confiance dans la droite. Je l'ai compris comme un grand coup de pied
dans la fourmillière: les gens ont voulu faire bouger les choses. Ils ont voté
Le Pen, par manque de confiance. »
À Margencel, comment se manifeste
le mécontentement?
—Ici je pense que les évènements de Thonon en octobre
(on avait vu notamment un poste de police être assiégé) ont été un
catalyseur car cela n'avait jamais été vu en Savoie. Tous les jours dans le
journal, en dehors des cambriolages classiques, il y a des agressions sur les
personnes. Mais ce n'est plus un inconnu dans le journal, chacun connaît
quelqu'un qui a été agressé. Ainsi ma propre épouse, en sortant du travail
à 19 heures, s'est fait foncer dessus par deux types en scooter, elle a du se réfugier
dans un magasin. S'il y a toujours eu des vols, ce qui est nouveau c'est
l'agression sur les personnes, des arrachages de sac sur des personnes âgées
qui se terminent par des coups de pied dans le ventre comme cela vient de se
produire à Thonon, il y a de cela quelques jours.
Alain Favre, Professeur des écoles:
—Dans les écoles on ne sait plus quoi faire; il n'y a plus le respect de
l'autre, même physiquement. Des parents défendent leurs enfants lorsqu'ils
agressent furieusement des gamins beaucoup plus petits.
Pierre Ottin-Pecchio, vice-chancelier du Chablais:
—On a l'impression que l’insécurité, c'est un cercle qui se rapproche, les
voitures brûlées c'était à Strasbourg, puis à Chambéry il y a deux ans et
en octobre à Thonon.
Jean Jacquier, chancelier du
Chablais, Conseiller municipal à Sciez dans l'équipe de Bernard Néplaz (maire
et Conseiller général PCF):
—Dans un registre un peu différent mais qui commence à
inquiéter un peu la population, nous avons maintenant la question des Gitans
qui arrivent chaque année dès février. Ils s'arrêtent à Sciez parce que la
place est très confortable. Les propositions de Pierre Mudry me semblent
particulièrement bien adaptées dans ce domaine car c'est difficile pour notre
maire Bernard Néplaz, comme pour Jean Pierre Rambicur, qui s'en est le mieux
sorti, mieux même que Louis Besson à Chambéry qui les a fait évacuer manu
militari dans la plaine d'Aiton…
Pierre Ottin-Pecchio:
—Ces peuples migrateurs depuis des millénaires,
originaires du nord de l'Inde, les Roms, ont avec nous la particularité d'être
une nation sans État. Il faut donc gérer humainement cette relation. On doit
reconnaître la différence des autres.
Comment êtes-vous devenu maire?
—Nous avons monté une liste, le plus simplement du monde;
pour ce qui est de la Ligue savoisienne, j'ai adhéré lors d'une réunion qui
procédait à l'élection du Comité du Chablais. Je suis d’origine ardéchoise,
ma famille s’est installée en Savoie quand j’avais l'âge de 12 ans. Mon père
s'est beaucoup impliqué dans la vie locale, il a fait la défusion d’Anthy et
a été trésorier du SC Thonon lorsque Thonon jouait en seconde division de
football.
Alain Favre:
—Ceux qui ont défusionné Anthy de
Thonon étaient proches du MRS. Anthy avait fusionné avec Thonon mais ça ne
marchait pas et à 52 % Anthy a voté la défusion par référendum; la commune
de Marin, sous l'impulsion de Stéphane Mériguet, du MRS, a fait exactement la
même chose de son coté.
Jean-Pierre Rambicur:
—Je crois qu'on peut tirer comme
enseignement de ces référendums qu'il faut faire travailler ensemble des
communes de taille voisine dans des syndicats intercommunaux comme le Sivom du
Bas Chablais, mais c'est plus contestable de faire travailler des petites
communes avec les grandes.
Qu'attendent vos administrés d’un maire défenseur
de l'identité savoisienne?
—Je pense qu'il faut d'abord mettre en avant le thème de
la création d'une Région Savoie; la majorité des gens sont d'accord. Et
ensuite mettre en avant ce qui distingue la Savoie du reste de Rhône-Alpes et
de la France.
Pour ce qui nous concerne, je regrette
beaucoup que notre batterie-fanfare ne puisse pas jouer les Allobroges,
puisqu'il y a des notes qu'elle ne peut pas faire, il faudrait une harmonie pour
cela!
La bibliothèque municipale fonctionne
aussi très bien et nous aurons progressivement un fonds régional et j'ai aussi
pensé qu'elle pourrait faire des animations sur l'histoire et la culture de la
Savoie, des séances de dédicace. On est en train de mettre en place une
exposition de peinture avec des peintres locaux. On pourrait peut-être aussi
mettre en place un slogan en savoyard.
Pierre Ottin-Pecchio:
—C'est d'autant plus nécessaire qu'il y
a une sorte d'auto-dévaluation de la culture locale et notamment de ses
peintres.
On dit que vous faites beaucoup de
concertation: qu'en est-il exactement?
—La concertation, il la faut sur tout,
j'ai innové à ce niveau conformément à la charte savoisienne d'action
municipale, parce qu'en général une séance du Conseil municipal est trop
technique et relativement peu de gens comprennent. Nous avons donc fait en
octobre une réunion publique, sans qu'il y ait un problème précis de posé au
départ; les gens interrogent comme ils veulent!
Et je réponds si je suis capable; lors de
la première il y a eu une centaine de personnes.
Mais on s'appuie essentiellement sur une
douzaine d’associations (la batterie-fanfare, le club du troisième âge, le
club de football, le foyer rural, etc.). Tous les 2 à 3 mois on fait le point
avec les responsables sur ce qui est en cours. Ces responsables sont un peu les
porte-parole des autres.
Comment s'est passé votre intégration
avec les autres élus et les autorités préfectorales?
—Il n'y a eu aucun problème, un peu d'humour parfois
entre élus mais tout se passe dans la décontraction à partir du moment où
l'on doit être avant tout à la disposition de ses administrés. Cela demande
beaucoup de temps et dans une petite commune on doit vraiment s'occuper de tout.
Quel est donc ce problème de
logement locatif dont tout le monde parle ici?
—La précédente municipalité avait sans se concerter le
projet de faire 80 logements locatifs sans tenir compte de l'avis des gens, ni
des problèmes que cela pouvait poser (écoles, cantines, tout devenait trop
petit puisque forcément on passait à une autre échelle). 16 finalement ont été
réalisés. Sur l'attribution rien n'était clair. Sur l'ensemble du Chablais,
il y a un déficit de logement locatif et je pense que c'est à traiter en
intercommunalité. Ma conviction et qu'il faut les créer dans des petites
structures; nous avons constaté qu'il y a des vieilles bâtisses où l'on peut
faire 4 ou 5 appartements à l'intérieur; en étudiant à fond la
question nous pourrons peut-être réaliser ce projet.
Propos recueillis par Pascal Garnier,
le mercredi 24 avril 2002 à Margencel.
Dernière mise à jour : 01/06/02