Mieux connaître notre patrie : les tours des Montmayeur (province de Savoie Ducale)

Objets inanimés avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer?

Lamartine.

Assis au pied d'un chêne séculaire nous savourons l'instant matinal.

L'alchimie du temps a fondu le végétal au minéral, rendant presque humaines ces pierres qui menacent à tout instant de s'écrouler. Tout à la fois empreinte de fragilité et d'une puissance forçant le respect, la tour nous sourit au travers de ses petites ouvertures et nous sourions à la tour...

Mais il faut nous soustraire à son charme rustique pour rejoindre sa soeur du Nord, en découvrant successivement ce qui a été restauré de la chapelle et du four à pain.

Nous sommes sur cette colline du Montraillant, dans ce site qui constitue paraît-il l'une des reliques les plus fameuses de l'époque féodale en Savoie. En effet, sur la commune de Saint-Pierre de Soucy, non loin du lieu-dit "lo Rousa", se dressent deux imposantes tours limitant les ruines de ce qui fut le domaine de l'une des plus grandes familles de la Savoie du Moyen-Âge, un nom qui ici rappelle encore des souvenirs terrifiants: Montmayeur!

Les Montmayeur, famille issue de Richard Cur, seigneur de Briançon en l'an 900. Celui-ci était déjà à la tête d'une puissance colossale puisqu'il possédait des terres dans tout le futur Comté de Savoie. Tout comme les comtes de Savoie, il était le vassal direct du Saint Empire Romain Germanique, c'est dire si sa famille était importante et puissante dans la Savoie du Haut Moyen-Âge. Cependant les Cur, Sires de Briançon, ne prirent le titre de Baron de Montmayeur qu'au XIIIe siècle.

Ce site actuel du château est évoqué pour la première fois en 1173. On parle alors d'une tour de guet et d'un rendez-vous entre Jean-sans-Terre, fils du roi d'Angleterre Henry Plantagenet, et Alix, fille du Comte Humbert III de Savoie, en vue de préparer un mariage qui n'eut finalement pas lieu.

Durant l'été 1998, une équipe d'archéologues a découvert les vestiges de l'église Saint-Julien de Montmayeur, datant de 1191.

En 1274, le Seigneur Aymé de Montmayeur possédait une maison-forte sur la crête de la montagne; les deux tours qui subsistent aujourd'hui ne sont citées qu'en 1381. Le premier Montmayeur qui fut Seigneur de Saint Pierre-de-Soucy fut François qui vivait en 1346.

Dès lors il semble que l'histoire de la maison-forte de Montmayeur soit liée à celle de la famille des Sires de Briançon, et donc de Richard Cur, qui prirent le titre de Comtes de Montmayeur. Ceux-ci s'illustrèrent au service de la Maison de Savoie en remplissant les charges de Maréchaux de Savoie et aussi de Conseillers. Ils furent également d'illustres Croisés et chefs de guerre, souvent chevaliers de l'Ordre de l'Annonciade, en raison des services rendus à la Maison de Savoie.

Mais le plus célèbre d'entre eux fut Jacques de Montmayeur dont les faits "héroïques" débutent en 1423 où il participe aux croisades avec son père Gaspard II de Montmayeur. Il voyagea beaucoup, et c'est naturellement vers lui que se tourna Amédée pour une mission spéciale de la plus haute importance. Jacques partit ainsi pour Chypre, d'où il ramena Anne de Lusignan, fille du roi de Chypre, qui devint l'épouse de Louis, fils puîné du Prince Amédée VIII.

Malheureusement pour la Savoie, l'aspirant au trône, le Prince Amédée, devait mourir, laissant la Savoie à ce Louis, prince faible et hésitant, et à la Duchesse Anne pleine d'ambition pour ses Chypriotes ramenés avec elle de son île lointaine. Jacques de Montmayeur, qui avait été fait comte en 1449, prit ombrage de cette situation. Plein de morgue et d'orgueil, comme toute sa lignée qui portait fièrement la devise "inguibus & rostro" (becs et ongles), il se rebella.

Nous ne raconterons pas la tragique anecdote concernant le Procureur Guy de Fésigny dans ses rapports avec Montmayeur. Elle est célèbre et illustre le caractère arrogant et cruel de ce Comte.

Jacques de Montmayeur finit ses jours dans la maison-forte de Villard-Sallet au bas de la colline de Montraillant.

Nous représentant la perspective de cette longue colline, rêvons à son passé, quand pendant des millénaires sa crête fut une grande route de circulation qu'empruntaient, par sécurité, les hommes d'armes, les colporteurs, les voyageurs, les pèlerins se rendant à Compostelle.

Voyage dans le temps, rêve mystérieux devenu plus vivant dans ce paysage! Voyage dans la belle nature sauvage éternelle qui nous a demandé un effort agréable et que nous aimerions renouveler.

Inconditionnels de l'histoire de notre Savoie, amoureux de la nature et des vieilles pierres, de nombreux et pittoresques sentiers s'ouvrent à vos pas pour atteindre ce qui est désormais un havre de silence et de paix. Voici trois d'entre eux, mais vous pourrez en découvrir bien d'autres!

- Pour les plus vaillants, une marche d'environ 2H30 est nécessaire en partant de Villaroux après la Chapelle Blanche.

- Moins fatigante mais tout aussi gratifiante, vous pouvez vous offrir cette balade en forêt, de 1H à partir du hameau de Montalbout (Croix de la Rochette) où vous pourrez laisser votre véhicule.

- Enfin, pour ceux qui manquent de courage ou de possibilités physiques, votre voiture peut vous emmener de Villard-Sallet jusqu'au parking qui se trouve au pied des tours.

Pour en savoir plus, une visite guidée est organisée chaque mercredi. Départ devant la mairie de Villard- Sallet à 14H30. Vous pourrez seulement alors monter au faîte de la tour restaurée, et jouir d'un panorama exceptionnel à 360° qui justifie le nom de "nid d'aigle" donné au château de Montmayeur

Josiane GENTIL et Guillaume BETEMPS.


Dernière mise à jour : 08/03/02