C. G. Jung indépendantiste ?

Post mortem, Jung aiderait-il à obtenir l'indépendance de la Savoie? Car, comme Pythagore, déjà, disait: "toute grande nation est une institution contre nature", Jung démontre par la psychologie les méfaits de toute grande société. Mais lisez plutôt cet extrait de "Dialectique du Moi et de l'Inconscient":

"Ainsi donc, pour le développement de la personnalité, une différenciation rigoureuse d'avec la psyché collective constitue une nécessité absolue, toute différenciation insuffisante entraînant une dissolution de l'individuel dans le collectif, parmi quoi il se mélange et se perd.

Or le danger existe, il faut bien le reconnaître, que l'analyse de l'inconscient ne provoque une fusion de la psyché collective et de la psyché individuelle, ce qui ne saurait manquer de susciter les conséquences fâcheuses auxquelles nous venons de faire allusion: ces conséquences sont préjudiciables soit au sentiment vital du sujet, soit à ses proches s'il exerce quelque influence et quelque autorité sur son entourage. Dans son état d'identification avec la psyché collective, le sujet, en effet, essaiera immanquablement d'imposer aux autres les exigences de son inconscient. Car L'IDENTIFICATION AVEC LA PSYCHÉ COLLECTIVE CONFÈRE UN SENTIMENT DE VALEUR GÉNÉRALE ET QUASI UNIVERSELLE qui conduit à ne pas voir la psyché personnelle différente des proches, à en faire abstraction et à passer outre. Le sentiment de détenir une valeur, une vérité universelles émane spontanément de la psyché collective; une attitude, une optique collective présupposent naturellement chez l'autre et les autres la même psyché collective. Cela entraîne de la part du sujet un refus catégorique, une véritable impossibilité d'apercevoir les différences individuelles et aussi des différences d'ordre général qui peuvent exister au sein même de la psyché collective, comme par exemple des différences de race. L'impossibilité ou le refus de voir l'individuel, dont on ne perçoit même plus l'existence, équivaut tout simplement à étouffer l'individu, ce qui détruit au sein d'un groupe social les éléments de différenciation. Car c'est l'individu qui est par excellence le facteur de différenciation. Les plus grandes vertus, les créations les plus sublimes, comme aussi les pires défauts et les pires atrocités, sont individuels.

Plus une communauté est nombreuse, plus la sommation des facteurs collectifs, qui est inhérente à la masse, se trouve accentuée au détriment de l'individu par le jeu des préjugés conservateurs; plus aussi l'individu se sent moralement et spirituellement anéanti, ce qui tarit ainsi la seule source possible de progrès moral et spirituel d'une société. Dès lors, naturellement, seuls prospéreront la société et ce qu'il y a de collectif dans l'individu. Tout ce qu'il y a d'individuel en lui est condamné à sombrer, c'est-à-dire à être refoulé. De ce fait tous les facteurs individuels deviendront inconscients, tomberont dans l'inconscient; ils y végéteront et s'y transformeront selon une loi implacable en une manière de négativité systématique, de malignité principielle, qui se manifestent en impulsions destructrices et en comportements anarchiques. Ces tendances deviendront agissantes sur le plan social, chez l'individu tout d'abord: certains sujets à tempérament prophétique deviendront l'instrument de crimes à sensation (meurtre de roi, etc.); mais elles se font sentir chez tous de façon indirecte, à l'arrière-plan, par une décadence morale inévitable de la société.

C'est un fait évident que LA MORALITÉ D'UNE SOCIÉTÉ, prise dans sa totalité, EST INVERSEMENT PROPORTIONNELLE À SA MASSE, car plus grand est le nombre des individus qui se rassemblent, plus les facteurs individuels sont effacés et, du même coup, aussi la moralité, qui repose entièrement sur le sentiment éthique de chacun et, par le fait même, sur la liberté de l'individu, indispensable à son exercice.

C'est pourquoi tout individu, en tant que membre d'une société, est inconsciemment plus mauvais, dans un certain sens, qu'il ne l'est lorsqu'il agit en tant qu'unité pleinement responsable. Car, fondu dans la société, il est en une certaine mesure libéré de sa responsabilité individuelle. Ceci explique qu'un groupe important qui ne serait composé que d'hommes excellents équivaudrait en tous points, pour ce qui est de la moralité et de l'intelligence, à une espèce de gros monstre, balourd, obtus, impulsif et sans discernement. Plus une organisation est monumentale et plus son immoralité et sa bêtise aveugle sont inévitables (Senatus bestia, senatores boni viri: les sénateurs sont des hommes bons et le Sénat est une bête cruelle). La société, en favorisant dans tous ses membres individuels automatiquement les qualités collectives, laisse le champ libre, par le fait même, à toutes les médiocrités, cultivant à bon marché tout ce qui est en passe de végéter de façon irresponsable: dès lors l'oppression des valeurs et des facteurs individuels est inéluctable. Ce processus commence dès l'école, continue au cours de la vie universitaire et imprime son sceau à tout ce qui, de près ou de loin, concerne l'État. Plus un corps social est petit, plus est garantie l'individualité de ses membres; plus sont grandes leur liberté relative et les possibilités d'une responsabilité consciemment assumée. Hors de la liberté, point de moralité. Notre admiration pour les organisations colossales s'amenuise dès que nous entrevoyons l'envers de la médaille, qui est fait d'une accumulation et d'une mise en relief monstrueuses de tout ce qu'il y a de primitif dans l'humain, et d'une destruction inéluctable de l'individu en faveur de l'hydre qu'est, une fois pour toutes et décidément, n'importe quelle grande organisation. Le cœur d'un homme d'aujourd'hui, façonné sur l'idéal collectif régnant, s'est transformé en une "caverne de brigands", ce que l'analyse de son inconscient révèle de façon frappante, même si cet homme n'est pas troublé le moins du monde. Et dans la mesure où il est normalement "adapté" à son entourage, les plus grandes folies, oui, les plus grandes infamies commises par son groupe ne l'incommoderont pas et ne troubleront pas, en apparence, la quiétude de son âme, pourvu que la majorité de ses concitoyens et de ses semblables croie à la haute moralité de l'organisation régnante...

Mais comme l'individuation[1] est une nécessité psychologique tout à fait inéluctable, le poids écrasant et tout-puissant du collectif, clairement discerné, nous fait mesurer l'attention toute particulière qu'il faut vouer à cette plante délicate nommée "individualité", afin qu'elle ne soit totalement écrasé par lui."

 

Savoisiens, quand je suis arrivé dans votre pays, il y a une petite quarantaine d'années, j'ai senti qu'il y avait chez vous quelque chose de différent de tout ce que j'avais pu connaître alors. Jung me donne la réponse: il y avait chez vous plus d'âme. Cela doit nécessairement découler de toutes vos petites écoles mixtes de montagne, que la France à fermées, où l'instruction allait de pair avec l'éducation. Et donc, comme le dit Jung, l'individuation s'exprimant pleinement donnait des humains solidaires et responsables. Il ne reste plus grand chose de mes impressions premières. Sauf, encore, un souvenir chez des hommes plus jeunes que moi; ce souvenir sera-t-il suffisant pour être le terreau d'un renouveau? Amis savoisiens à vous de répondre. Car par-delà la création d'un nouvel État savoisien, au vu des nouvelles mondiales diffusées par toutes les radios et T.V. du monde, c'est bien à la sauvegarde de l'espèce humaine qu'il faut songer. Et la création d'une petite unité, donnant plus d'âme à son économie, à ses artisans, paysans, industriels, intellectuels, remplirait, par une gestion simple de son territoire, ce but généreux et profondément humain. Jung met à notre disposition la technique psychologique sans laquelle rien ne peut être construit, nous savons ce que donne la technique de massification (Hitler, Staline, Mao, actuellement la Corée du Nord et Castro ainsi que toutes les religions en déshérence) réessayons l'individu, comme depuis la nuit des temps.

 

[1] "L'individuation est un processus de différentiation qui a pour but de développer la personnalité individuelle". "L'individu n'est pas seulement unité, son existence même présuppose des rapports collectifs; aussi le processus d'individuation ne mène-t-il pas à l'isolement, mais à une cohésion collective plus intensive et plus universelle".

 

MARCION.


Dernière mise à jour : 08/03/02