Affaire de Tignes - 7 mai 2000

Tous les dix ans, le barrage de Tignes est vidé entièrement pour la révision des installations techniques. C'est l'occasion pour les familles de revoir ce qui reste de leur ancien village, dynamité en 1952, et de leur vallée autrefois verdoyante.

Le 7 mai avait lieu un rassemblement et une cérémonie religieuse. Les Savoisiens avaient décidé d'y être présents, et de déployer le drapeau à croix blanche. Des incidents graves les ont empêché de témoigner toute la journée de leur attachement au pays natal. Nous apportons des éléments de faits et d'appréciations qui permettront à chacun de se faire une idée de l'ambiance délétère dans laquelle se développe parfois le débat sur l'avenir de la Savoie.

Les faits

Le 7 mai 2000 à huit heures, le drapeau de Savoie était installé au fond de la vallée de Tignes, cette opération aura duré une demi-heure. SAVOIE LIBRE était inscrit sous le drapeau en lettres de plâtre de deux mètres de haut.

Guy Martin, notre chancelier, remontait le flanc de la montagne lorsqu'il croisa des véhicules qui descendaient. Le curé de Val d'Isère, Jacques Purpan, sortit d'une voiture pour se diriger vers Guy et lui demander de lui prêter un sac de plâtre, qu'il paierait plus tard. Sans se poser trop de questions, Guy, aimablement, déchargea un sac qu'il remit au curé, puis tout le monde reprit la route.

Mais les viles intentions du curé ne tardèrent pas à s'exprimer. Trop peu de Savoisiens étaient présents autour du drapeau, et ils ne purent s'opposer au curé, accompagné de quelques acolytes: en une minute il avait recouvert de plâtre l'inscription SAVOIE LIBRE!

Arrivé au sommet, Guy ne put que constater le désastre. Aussi attendit-il de pied ferme la remontée du curé afin d'obtenir quelques éclaircissements quant à cette sournoise attitude. Mais le curé ne comptait pas se justifier. Très énervé il conclut par ces mots: "De toute façon je ne vous paierai pas le plâtre". A quoi il se vit rétorquer par Guy, glacial: "Tout curé que vous êtes, vous n'êtes qu'un menteur et un voleur".

Cette volée de bois vert a profondément choqué le vilain curé qui, à plusieurs reprises a tenté de s'excuser. Guy lui a proposé un entretien afin de clarifier les choses. Jacques Purpan a accepté mais l'avenir nous dira si ce curé est de parole.

Puis ce fut au tour des gendarmes et du directeur de la station de Tignes de se distinguer. Ils arrachèrent le drapeau avant de l'enfourner dans le fourgon de gendarmerie. Là aussi Guy les intercepta et récupéra l'emblème de notre liberté fort malmenée ce jour-là

Union locale de Bourg Saint-Maurice

Lettre au curé

Le 22 mai, Gérard Veyrès, président de l'Amicale Saint Maurice de Tarentaise, écrivait au curé Purpan.

"Mon Père,

Le 7 mai dernier, sur le site de l'ancien village de Tignes, avait lieu une manifestation du souvenir organisée par plusieurs associations religieuses et caritatives. La Ligue savoisienne était également présente, de sa propre autorité, étant donné qu'elle revendique le droit légitime de territoire sur quelque parcelle de terre que ce soit dans l'espace de la Grande Savoie.

Vous n'êtes pas sans savoir, Mon Père, que la Savoie appartient aux Savoisiens. Le traité d'annexion de 1860 est caduc en raison du non-respect des clauses de ce dernier. Le clergé de l'époque a d'ailleurs effectué une forte pression sur la population dans le sens de l'annexion de la Savoie à la France. La peur de Napoléon III, faisant faire mouvement à ses troupes, et la supercherie du référendum firent le reste. La France, grande colonisatrice, ne respecte ni les droits de l'homme ni le droit des pays annexés.

A la cour internationale des droits de l'homme, il ne se passe pas un trimestre sans que la France arrogante ne soit condamnée.

Le drapeau de Savoie, mieux que n'importe quel autre, mérite respect et honneur. La croix de Savoie est née au moment des croisades, alors que la foi était si vive. Fièrement, elle continue à symboliser une Savoie unique, forte, vaillante et courageuse.

De grâce, Mon Père, la Croix de Savoie n'a rien de satanique mais reflète l'âme d'un peuple qui souffre et qui espère un avenir radieux et prospère.

Le peuple de Savoie est dans la légalité, il ne peut supporter la répression aveugle et mensongère d'un pays avide de profits énormes.

A la face du monde nous proclamons la Savoie libre des entraves annexionnistes, et demandons à la communauté internationale de désavouer la France pour forfaiture politique et usurpation culturelle par assimilation.

Pendant 140 ans il a été fait abstraction de notre histoire dans les écoles de la république française, une façon déguisée de lavage de cerveaux. Mon Père, François Mitterrand en savait le motif, lui qui a écrit: "Un peuple qui oublie son histoire est un peuple qui perd son identité".

Mon Père, la Ligue savoisienne respecte les religions reconnues.

Considérer la Ligue savoisienne comme un mouvement extrémiste prêt aux pires exactions, c'est bien mal la connaître, mais c'est conforter la vague de désinformation médiatique dont nous avons fait l'objet. Malheureusement, nous sommes bien conscients que des manipulations subversives de l'Etat français ne sont pas impossibles. Les Bretons, les Corses et autres minorités ethniques en savent quelque chose.

Si ce courrier peut apporter quelque apaisement à votre conduite du dimanche 7 mai, j'en serai très heureux, et je suis prêt à vous rencontrer comme il vous plaira, et ceci dans le plus grand respect de l'homme religieux que vous êtes.

Je vous prie, Monsieur le Curé, d'accepter mes salutations savoisiennes respectueuses."

Gérard Veyrès, Amicale Saint Maurice de Tarentaise

Le message de José Reymond

L'écrivain bien connu de Tignes nous prie de publier, en guise d'épilogue provisoire, ses appréciations personnelles.

Il me vient en mémoire...

"Dans ce vallon aimé coulait une rivière.
A l'adret de la pente, la cascade chantait.
En fin d'après-midi le soleil se couchait
Tout en y dessinant un rayon de lumière."

C'était pendant l'été, la beauté naturelle de notre village y était éclatante; mais pas seulement l'été, le printemps et l'automne et même pendant l'hiver quand la neige tapissait nos maisons d'une couche épaisse, il faisait bon y vivre.

Au dehors, le soleil de l'hiver donnait une splendeur à la montagne blanche pendant que nous nous occupions à différents ménages et que déjà nombre de skieurs s'adonnaient à leur joie sportive.

Le 7 mai 2000 a eu lieu chez nous, à l'occasion de la vidange du barrage, une grande cérémonie à l'emplacement du vieux village. Une messe solennelle a été dite; onze enfants ont été baptisés, ce qui témoigne d'une grande espérance pour ces enfants à revenir vivre dans le pays de leurs ancêtres; ce que moi-même je crois. "La victoire sur l'adversité, sur notre engloutissement, est certaine, mais la date est inconnue, peut-être 30 ans, peut-être 60 ans, mais la victoire est certaine dans le temps qui vient."

Ce jour du 7 mai a été très émouvant: beaucoup de monde dans ce vallon couvert de boue et de gravats. La colère contre la France qui a réduit notre village à cette abomination m'est remontée à l'esprit.

J'avais eu l'intention, pour frapper un grand coup, de brûler le drapeau français, j'avais même trouvé un fidèle complice, hélas finalement le courage m'a manqué et je me suis défilé. A la réflexion, j'ai peut-être bien fait, car tous ces gens qui étaient là m'auraient désapprouvé. C'eût été peut-être un fiasco et un geste grotesque. Mais cela est le passé.

Un mot sur votre organisation savoisienne. Evidemment je suis de Tignes. Avant d'être quelqu'un on est de quelque part. Et je suis de Savoie. Si vous arrivez à obtenir pour la Savoie son autonomie ou son indépendance, je ne pleurerai pas sur la France.

Bien à vous.

José Reymond

Dernière mise à jour : 10/03/02